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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 28 juin 2011 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • ADEME
  • AMI
  • CGI
  • PIA
  • démonstrateur
  • stockage
  • véhicule
  • électrique

La séance

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PermalienPhoto de Olivier Carré

Nous accueillons aujourd'hui M. Philippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME –, l'un des opérateurs du programme d'Investissements d'avenir – PIA –.

La MEC s'est saisie de ce programme, lié à d'autres modalités du soutien à la recherche et à l'enseignement supérieur, après la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU, et le plan Campus, qui comportent de nombreuses innovations en termes d'ingénierie financière.

Ne pourrait-on pas d'ailleurs faire un parallèle avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – que vous avez dirigée, monsieur Van de Maele, dans la mesure où l'on retrouve, dans les opérations du programme d'Investissements d'avenir, une logique de pluriannualité, de mobilisation d'acteurs, de simplicité des solutions apportées à des problèmes complexes – même si les mises en oeuvre peuvent être compliquées –, d'équipes compétentes très resserrées et aussi de bouleversement à la fois des habitudes de l'administration et des rapports entre cette dernière, le privé et l'initiative semi-publique ?

Selon l'usage de la MEC, nous serons accompagnés par la Cour des comptes, en la personne de M. Jacques Tournier, conseiller-maître.

PermalienPhoto de Alain Claeys

L'ADEME est l'un des opérateurs du programme d'investissements d'avenir au titre de 2,85 milliards d'euros. Sur ces crédits, quel montant relève de la dotation en capital ? Pourriez-vous également expliquer pourquoi, en mars 2011, la part des crédits consommables décaissés ne représentait que 0,14 million d'euros ?

Par ailleurs, la coordination entre les projets engagés par l'ADEME au titre du Grenelle de l'environnement – dont elle est un des acteurs majeurs – et les projets PIA présente-t-elle des difficultés ?

Quant à la gouvernance, est-il facile de travailler avec le Commissariat général à l'investissement ?

Enfin, le PIA se substitue-t-il à des crédits budgétaires ? Selon les chiffres qui nous ont été communiqués, les dotations du budget concernant les fonds démonstrateurs seraient en effet passées entre 2008 et 2010 de 325 à 130 millions d'euros.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Les missions de l'ADEME couvrent quasiment tous les champs de l'environnement – à l'exception de l'eau et de la biodiversité –, qu'il s'agisse de l'énergie, des matières premières, de l'air, du bruit, de l'efficacité énergétique, des déchets ou encore des sols pollués. Traditionnellement, nous avons des programmes de recherche, en tout cas depuis 2006, année où a été mise en place une vraie stratégie de recherche avec différentes thématiques, qui représentent en engagements chaque année environ 50 millions d'euros, les recherches ayant lieu aussi bien avec des acteurs publics qu'avec des industriels, souvent en consortium dans le cadre de projets conjoints.

Le Grenelle, au-delà de ses impacts sur nos missions, a été l'occasion de créer un fonds démonstrateur de recherche qui a confié à l'ADEME un montant de 325 millions d'euros non plus pour faire de la recherche amont, mais pour aller vers des démonstrateurs industriels. À ce jour, 167,4 millions d'euros ont été consommés sur cette enveloppe. Du fait du PIA, il a été décidé d'arrêter ce fonds démonstrateur. Les différents partenaires, à savoir les ministères, ne l'abonderont plus, suite à une convention de clôture.

PermalienPhoto de Alain Claeys

L'objectif du fonds démonstrateur sera donc atteint par le PIA ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Il sera même dépassé puisque le programme d'Investissements d'avenir prévoit un budget de 2,85 milliards d'euros confié par l'État à l'ADEME via quatre programmes.

PermalienPhoto de Alain Claeys

D'autres crédits budgétaires que ceux du fonds démonstrateur ont-ils été arrêtés au profit de l'ADEME ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Il n'y a que lui qui ait été arrêté en notre faveur car il se positionnait sur une partie de nos missions issues du PIA. Nous avons reçu de nos différents partenaires les sommes arrêtées à hauteur de 167,4 millions d'euros, et nous gérons les projets qui en dépendaient.

Pour revenir aux programmes ou actions de l'ADEME issus des actions du PIA, les thèmes retenus sont de quatre ordres :

– le programme « Démonstrateurs énergies renouvelables » – biomasse issue de l'agriculture et des forêts – « et chimie verte » – matériaux à base de produits carbonés végétaux –, sans oublier le captage et le stockage de carbone qui concernent les problèmes d'émission de gaz à effet de serre ;

– le programme « Véhicule du futur », d'un montant de 750 000 000 euros pour la recherche en matière de construction automobile, de 150 000 000 d'euros pour la construction ferroviaire et de 100 000 000 d'euros pour la construction navale ;...

PermalienPhoto de Alain Claeys

Pourquoi les engagements de crédits sont-ils si faibles concernant ce programme ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Les engagements juridiques sont aujourd'hui de près de 40 millions d'euros. Je reviendrai sur le processus lourd suivi en la matière, mais qui a ses justifications.

– le troisième programme est celui des « Réseaux électriques intelligents », qui est une action de notre propre programme « Développement de l'économie numérique » ;

– enfin, le quatrième programme « Économie circulaire » a trait à la gestion des déchets, au retraitement, au recyclage des matériaux et aux technologies de dépollution.

À la suite de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, confiant à l'ADEME ces 2,85 milliards d'euros, nous avons travaillé à la préparation des conventions avec l'État permettant d'assurer la gestion de ces fonds. Le principe retenu à cette occasion a été celui qui avait prévalu pour le fonds démonstrateur, c'est-à-dire que l'on travaille avec les industriels sur des axes de développement à vingt ou trente ans dans le domaine concerné – par exemple les véhicules du futur – afin de disposer d'une « feuille de route » qui identifie notamment les verrous technologiques. Une fois ce travail préalable de mise en place de feuilles de route effectué, des appels à manifestation d'intérêt – AMI – sont lancés. C'est ainsi que près de 25 AMI – en matière de stockage de l'énergie, d'énergie solaire thermodynamique, d'énergie solaire photovoltaïque, de géothermie ou encore de grand éolien – ont été proposés après un découpage assez précis des différentes thématiques, sachant que l'on ne s'adressait pas aux mêmes industriels.

Nous avons également établi les bases d'un bon fonctionnement avec notre nouveau partenaire, le Commissariat général à l'investissement, afin de permettre à nos équipes respectives de se connaître et, surtout, de finaliser la répartition financière que nous obtiendrions entre les différentes thématiques. Pour être synthétique, je dirai que le financement des projets relevant de chacun des quatre programmes ou conventions dont j'ai fait état se ferait pour un tiers par le biais de subventions directes. Pour le reste, il s'agirait principalement d'avances remboursables, une part estimée entre 300 et 600 millions d'euros étant réservée à des prises de participation, démarche qui ne relève pas de la culture traditionnelle de l'ADEME – c'est d'ailleurs pourquoi nous envisageons un partenariat avec CDC Entreprises afin de bénéficier de leur expérience dans ce domaine.

Le premier AMI lancé dans le cadre des investissements d'avenir a été proposé au mois de novembre 2010 sur l'écomobilité – ou mobilité du futur dans les zones urbaines. Les réponses nous étant parvenues, elles ont été instruites au mois de mars, et les premiers engagements devraient avoir lieu à l'été ou à l'automne. Juridiquement, les premiers que j'ai pu signer relèvent en fait de trois appels à manifestation d'intérêt lancés par l'intermédiaire du fonds démonstrateur qui ont été repris par nous dans le cadre du PIA. Ils concernent respectivement 7 projets relatifs aux véhicules du futur, 5 projets ayant trait aux énergies en mer et 5 projets concernant les réseaux électriques intelligents. Si nous avons pris un peu de temps pour engager ces différents projets, c'est parce qu'il nous a fallu passer d'une logique de subvention dans le cadre du fonds démonstrateur à une logique intégrant, certes, une part de subvention, mais également une part d'avance remboursable voire, pour certains projets, une part de prise de participation. Aussi avons-nous dû également rediscuter avec les porteurs de projet.

C'est ainsi que 40 millions d'euros sont engagés en faveur des véhicules du futur et qu'une trentaine de millions le sont pour les réseaux électriques intelligents, sachant que le montant consacré à l'énergie marine sera connu à l'automne, la complexité du sujet nous ayant conduit à des modifications substantielles des projets. Je vous laisserai une liste des AMI Investissements d'avenir et leur programmation en 2011, qui montre une montée en puissance, ce qui explique d'ailleurs le faible niveau d'engagement actuel, sachant que tout engagement juridique ne peut porter que sur un dossier parfaitement au point.

Concernant par exemple l'AMI « Photovoltaïque », lancé en janvier 2011, ce sont 25 propositions que nous avons reçues qui oscillent entre des propositions de recherche en amont, des démonstrateurs et une prise de participation dans une entreprise souhaitant se lancer dans la production de cellules. Après une présélection, nous sommes maintenant dans une phase d'analyse, l'objectif étant de pouvoir confirmer à l'automne tel ou tel projet et signer des conventions d'engagement juridique.

Les conventions identifiaient des tranches annuelles d'engagement et les AMI devaient donc être lancés d'une manière plus étalée dans le temps. Le souhait, logique, de pouvoir répondre aux industriels plus rapidement conduit à lancer toutes les AMI en même temps, ce qui implique d'ailleurs une charge de travail importante.

Pour l'ADEME, le programme d'Investissements d'avenir est un outil extraordinaire s'agissant des enjeux du Grenelle. Il nous donne en effet une capacité que l'on n'imaginait pas pour envisager des projets ou pour intervenir en matière par exemple de structuration de filière industrielle.

PermalienPhoto de Alain Claeys

J'imagine bien que le PIA est un plus en termes financier...

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Et de mode d'intervention.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

La gouvernance des Investissements d'avenir me conduit à revenir sur le sujet de l'ANRU, car le mode de fonctionnement est en la matière un peu différent. En effet, avec l'ANRU, le financement était confié à un opérateur qui intégrait en son sein le partenariat des acteurs et la comitologie, fondement des décisions, et auquel on faisait confiance.

S'agissant aujourd'hui des appels à manifestation d'intérêt, on procède d'abord à une présélection de projets avant de les soumettre à un comité de pilotage qui réunit l'ensemble des ministères concernés et l'ADEME. Le CGI y assiste, mais n'en est pas membre. C'est dans ce cadre que les projets qui seront proposés à la décision du CGI ou plutôt du Premier ministre sont définis – j'ai cru comprendre que M. Ricol, commissaire général à l'investissement, n'avait délégation de signature que jusqu'à hauteur de 5 millions d'euros.

Le CGI est constitué d'une petite équipe avec un ou deux spécialistes par thème, ce qui signifie que nous avons le plus souvent comme correspondant une personne – qui a un rôle essentiel de validation des projets – qui a sa vision des choses et donc à qui il nous faut faire partager notre propre vision et celle des ministères avec lesquels nous avons défini les projets. La démarche de validation partenariale laisse donc la place à une validation du CGI sur avis. Aujourd'hui cependant, si le mode de fonctionnement reste lourd, des progrès sont enregistrés – mais les choses pourraient être plus simples.

Un vrai problème en revanche – sur lequel la Cour des comptes a d'ailleurs été sollicitée par l'intermédiaire de la direction générale des Finances publiques – DGFIP – a porté sur le statut juridique des fonds. À l'occasion de la préparation des conventions, j'avais milité pour que ce soit de l'argent confié à l'Agence sous responsabilité du conseil d'administration. Ce n'est pas le cas. Les conventions signées s'apparentent, semble-t-il, à des conventions de mandat, et je suis ordonnateur de crédits d'État sur décision du Premier ministre. Je regrette de ne pas être un opérateur plein, c'est-à-dire quelqu'un qui gère et qui rend compte.

Je me suis vraiment posé la question de savoir à quel titre je signais : je n'interviens pas au titre de président du conseil d'administration puisque ce dernier n'a pas son mot à dire bien qu'il fixe les objectifs, et je ne prends pas formellement la décision.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Concernant le financement des projets, la difficulté n'est-elle pas plutôt d'ordre scientifique, avec le choix d'une piste un jour et son abandon un autre ? On l'a vu pour les biocarburants, alors qu'un accompagnement fiscal avait pourtant été prévu, et on le voit aujourd'hui avec les véhicules du futur dont l'autonomie ne serait finalement que d'une heure en tout électrique. Ne faudrait-il pas envisager une structure où des scientifiques pourraient explorer les pistes envisagées ?

Pour prendre l'exemple des réseaux de chaleur, des municipalités ont été incitées à faire fonctionner les chaudières à base de paille. Aujourd'hui, du fait des aléas climatiques qui ont rendu la paille rare et chère, il est plutôt conseillé d'utiliser du miscanthus, voire les sous-produits issus de l'exploitation forestière. De tels changements incessants empêchent tout retour sur investissement.

Inversement, veillons à ce que ceux qui détiennent un monopole et qui ont tout intérêt à ce que la rentabilité de leur système perdure, ne parviennent pas à empêcher que d'autres systèmes se développent.

D'autre part, des représentants du ministère de la recherche nous ont parlé, à propos de projets « Idex », « Labex » ou « Équipex », de la constitution de jurys internationaux. Or, si je comprends bien, le dialogue n'a lieu pour ce qui vous concerne qu'entre votre Agence, qui fonctionne selon ses processus habituels, et un représentant du CGI, qui pourrait avoir des partis pris. Quels sont les moyens que l'on s'est donné pour éviter justement de s'engager dans des impasses ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

J'ai omis de mentionner l'existence, conformément aux statuts de l'Agence, des commissions nationales des aides – CNA – de l'ADEME qui comprennent des experts non pas internationaux – les projets industriels posent en effet des problèmes de confidentialité de l'information –, mais externes. Les réunions permettent une analyse sérieuse et approfondie des projets. Pour autant, il ne s'agit pas formellement de jurys en ce sens qu'ils ne prennent pas de décision. En tout état de cause, cela concerne la partie des fonds du CGI gérés par l'ADEME.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Si je parlais de jury, c'est parce que l'Agence nationale de la recherche – ANR –, en constituait.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Il ne faut pas se faire d'illusion pour autant : même avec un jury, il y a toujours un parti pris.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Concernant la sélection des projets, les vôtres ne dépendraient donc pas d'un jury, mais d'un dialogue entre un représentant du CGI que préside M. René Ricol, et vos spécialistes ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Je reprends notre procédure : après réception des dossiers, une pré-analyse est effectuée en interne avec nos experts et des experts externes. Les projets retenus sont alors présentés à une commission nationale des aides de l'ADEME comprenant des experts extérieurs – représentant aussi bien le secteur de la recherche que la société civile –, avant d'être soumis au comité de pilotage. Il y a une vision externe, mais pas de jury qui décide. Je fais confiance aux fonctionnaires de ce pays pour faire des choix dans l'intérêt général.

Pour revenir sur la question des différentes technologies possibles applicables dans un secteur, la crainte que nous avions était de ne pas recevoir assez de projets lors des appels à manifestation d'intérêt. Or, la dynamique du PIA a fait que les projets sont nombreux et que l'on peut opérer une vraie sélection, aidé en cela par des experts. Reste la question du déploiement, notamment auprès des collectivités locales, des différentes technologies retenues. Nous accompagnons les industriels dont la technologie nous semble bonne, mais il n'en reste pas moins en effet que cette dernière revêt toujours une part de recherche et d'innovation faute d'être parvenue à un stade industriel.

S'agissant de l'exemple des réseaux de chaleur et des conflits d'intérêt chez des opérateurs, notre travail, dans le cadre du Grenelle, est de donner tous les outils possibles, notamment aux collectivités locales, pour permettre de faire les meilleurs choix. Ainsi, dans le domaine du tri des déchets, notre avis est très réservé quant au tri mécano-biologique qui intéresse nombre d'entre elles. Pour autant, la décision finale, que je ne maîtrise pas, relève de la responsabilité de chacun. De même pour la filière bois : un vrai problème d'approvisionnement aura lieu si l'on n'arrive pas à la structurer en amont, avec le problème du paradoxe de l'oeuf et de la poule : faut-il organiser la filière avant les débouchés ? À cet égard je ne peux que regretter que le fonds de mobilisation de la forêt prévu dans le Grenelle n'ait pu être mis en place par le ministère de l'Agriculture. Alors que des capacités gigantesques existent, il ne faudrait pas que, comme en Belgique, on doive importer du bois du Canada – encore qu'avec un transport en bateau, le bilan carbone n'est pas nécessairement mauvais... En accord avec le ministère de l'Agriculture, j'ai moi-même demandé une expérimentation sur les monts du Forez en Auvergne, mais sa généralisation n'est ni dans les missions ni dans les capacités de l'ADEME.

La grande différence avec l'ANR est que, plutôt que de faire des appels d'offres « blancs », par exemple sur les laboratoires d'excellence ou les instituts d'énergie carbonée, sans définir les thématiques qui en relèveront, nous avons fait le choix avec le CGI d'avoir d'abord, avec des industriels, des experts environnementaux ou encore des sociologues, une vision des thématiques les plus opportunes pour l'industrie française. C'est sur cette base que reposent nos AMI concernant le programme « Véhicule du futur » : « Véhicules décarbonés », « Mobilité », « Expérimentations liées aux infrastructures de recharge des véhicules électriques », « Chaînes de traction électrique », « Allègement, aérodynamique, architecture des véhicules », « Poids lourds et bus », etc.

Concernant d'ailleurs le véhicule électrique, l'ADEME n'a jamais milité pour le tout électrique, sachant qu'il existe plusieurs visions d'utilisation des véhicules électriques, qui nécessitent chacune plus ou moins de changements sociétaux : l'achat d'un hybride, dont l'autonomie est suffisante pour faire comme aujourd'hui 400 ou 500 kilomètres ; l'achat d'un tout électrique urbain comme deuxième véhicule, qui permet de faire moins de 100 kilomètres ; la location d'un véhicule longue distance après avoir acheté un véhicule électrique ; la location, enfin, d'un véhicule électrique, en autopartage par exemple, à côté d'un véhicule longue distance que l'on possède. Ces différentes possibilités ne s'appuient pas sur les mêmes évolutions sociétales.

Je crois pour ma part au véhicule électrique urbain et à l'hybride pour le court terme, sachant que ce dernier coûte cher et est donc plutôt réservé aux gros véhicules, et que le premier nécessite de changer de vision pour ses déplacements, sauf s'il s'agit d'une deuxième voiture. Les grands constructeurs visent même le marché des tricycles et quadricycles à moteur – TQM – qu'il s'agisse de Renault avec la Twizy, biplace urbain électrique couvert, ou de Peugeot avec le concept car BB1.

Tout dépendra ensuite de la stratégie des industriels, mais comme le montrent ces exemples, il n'est jamais simple de dire que telle technique est bonne et pas telle autre.

PermalienPhoto de Olivier Carré

En matière de stockage de l'énergie, il existe deux grandes technologies dont on peut anticiper les progrès : l'une concerne les batteries, l'autre les piles à combustible. Comment pouvez-vous faire en sorte que des filières émergent dans ces domaines ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Si l'on voit assez bien comment l'on pourrait aider à structurer une filière des hydroliennes ou des éoliennes offshore, qui représentent un marché mondial naissant et où nous pourrions accompagner des industriels concernant tant la recherche que la structuration capitalistique de leur industrie, le marché des batteries est un cas particulier puisque l'on ne dispose pas de technologie franco-française au point – mis à part peut-être chez Bolloré. L'orientation suivie en la matière est plutôt d'acheter des brevets, en l'occurrence de Nissan, pour produire en France. Il est possible que nous accompagnions une telle démarche, mais nous ne serions alors plus dans une logique d'innovation, mais d'industrialisation, ce qui nous semble à la limite de la notion d'investissements d'avenir telle que nous l'avons comprise.

Le stockage de l'énergie est une technologie où les pistes possibles sont nombreuses : le stockage électrique avec les batteries, le stockage de l'hydrogène pour une utilisation avec la pile à combustible, le stockage inertiel, le stockage par remontée de l'eau, etc. Si l'on veut augmenter la part du renouvelable dans le mix électrique, il faut d'ailleurs travailler davantage sur le stockage de l'électricité : au Japon, un bâtiment n'est pas dit intelligent s'il ne comporte pas un système de stockage de l'énergie. En France, on parle de mieux consommer, d'isoler, mais pas de participer au stockage de l'énergie. Or le renouvelable doit se développer en même temps que le stockage. C'est là un énorme enjeu, et l'un de nos AMI porte d'ailleurs sur ce thème.

Pour revenir aux batteries, nous ne travaillons pas sur un développement industriel de stockage d'énergie dans des batteries. Mais nous pourrions très bien être sollicités pour la création d'une unité de production de batteries, sachant cependant que parmi les critères de jugement que le CGI nous demande, figure, au-delà de l'effet levier en termes de résultat, le caractère incitatif ou non de l'aide.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Comment l'ADEME va-t-elle évaluer les projets financés ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Chaque projet a des objectifs de résultat sur le plan industriel comme sur celui de la recherche. Les conventions prévoient à cet égard des suivis très réguliers des mises en oeuvre. L'évaluation de la pertinence du sujet s'appréciera selon que l'industriel est entré ou non dans un modèle économique, c'est-à-dire si l'aide lui a permis non seulement de lancer une unité de production, par exemple de stockage d'électricité par effet gyroscopique, mais également d'avoir trouvé le marché commercial pour vendre sa technologie à un prix abordable.

PermalienPhoto de Alain Claeys

C'est l'ADEME elle-même qui procède à l'évaluation de la recherche ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Nous procédons à l'évaluation en faisant intervenir, comme cela a été prévu avec le CGI, des experts externes.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Non, car nous avons relativement peu affaire aux organismes de recherche. Contrairement à l'ANR, notre recherche se situe plus au niveau préindustriel voire industriel.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

N'êtes-vous d'ailleurs pas plus dans l'innovation que dans la recherche ?

PermalienPhoto de Alain Claeys

La frontière en la matière est celle des démonstrateurs.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Selon les projets, nous allons de la recherche amont jusqu'à la phase aval en passant par le démonstrateur. Si l'on veut, comme le demande le CGI, des retours financiers garantis dans une certaine période, ce n'est pas dans la recherche amont qu'on les trouvera. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais demandé qu'un tiers des subventions soit dédié à l'amont, le reste l'étant sous la forme soit d'avances remboursables soit de prises de participation – où les retours sont malgré tout risqués.

Nous avons donc une part recherche en amont – avec des subventions –, une part industrialisation en aval – avec des prises de participation – et, entre les deux, une part démonstrateur – avec des subventions ou des avances remboursables selon la taille de l'entreprise.

PermalienJacques Tournier

Pour revenir à la gouvernance, quelle est, dans le domaine qui vous concerne, la valeur ajoutée du CGI ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Le CGI est arrivé avec le PIA. Je n'ai pas eu le choix, mais le PIA demeure une formidable opportunité.

PermalienJacques Tournier

C'est un banquier qui pose des conditions ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Non, c'est une administration nouvelle qui s'est défini sa vision qu'il a fallu comprendre. Dans certains cas, il nous a beaucoup apporté, s'agissant des prises de participation par exemple, qui ne sont pas, je le répète, dans la tradition de l'ADEME : nous aurions eu plutôt tendance à ne faire que des subventions ou des avances remboursables. En nous incitant à rechercher des retours financiers, le CGI nous a aidés à avancer plus que si nous étions restés opérateur direct.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Devant une complexité aussi forte, le même dynamisme et la même objectivité n'auraient-ils pas été obtenus avec des jurys ?

PermalienPhoto de Olivier Carré

Ce qu'il faut se demander également, c'est si cela va faire perdre ou gagner du temps au moment où les contrôles devront être opérés, sachant que la situation n'a rien à voir entre la vision d'un chercheur et le devenir, cinq ans plus tard, de son brevet. L'ambition de René Ricol était d'ailleurs de donner une impulsion, non de travailler à fonds perdus.

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Pour être honnête, si c'est nous qui avions dû verser l'argent, nous n'aurions pas été aussi loin dans cette logique de retour financier. Quant aux procédures, si elles restent lourdes, cela n'empêche pas d'anticiper.

En tout cas, que le Parlement ne change rien tout de suite ! Il faut un peu de stabilité pour que tout fonctionne.

Pour l'ADEME et les technologies de développement durable, le résultat en tout cas est là : les industriels sont beaucoup plus nombreux aujourd'hui à nous proposer des idées.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Le fait d'avoir réveillé les énergies dans ce pays est une vraie valeur ajoutée.

PermalienJacques Tournier

Mettre beaucoup de l'argent sur la table ne peut que réveiller les ardeurs !

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

L'ANRU a pu aussi le constater, c'est parce qu'il y a des ressources que l'on arrive à mobiliser les gens, mais aussi que l'on peut être très exigeant avec eux.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Est-ce que cela a changé beaucoup de choses dans vos agences régionales ?

PermalienPhilippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

L'Agence a deux composantes constituées d'experts : les services centraux et les directions régionales. Dans ces dernières, les experts servent de relais avec les opérateurs et suivent toutes les initiatives qui peuvent surgir au niveau local.

Le PIA a alourdi la charge de travail des équipes centrales, mais l'on a obtenu des postes supplémentaires – ils sont cependant étalés sur tant d'années que cela ne règle pas tout – pour accompagner et compléter les équipes d'experts nationaux. Je travaille beaucoup avec mes équipes régionales pour que l'information passe bien, qu'il s'agisse d'assurer le relais auprès d'industriels locaux qui pourraient être intéressés par des appels à projets ou d'accompagner ensuite les projets.

À cet égard, quatre thématiques sont territorialisées parmi lesquelles je citerai, d'une part, le déploiement de l'infrastructure de charge – qui s'adresse aux collectivités locales qui souhaitent, dans le cadre du plan « Véhicules décarbonés » porté par l'État, implanter sur leur territoire des bornes de recharge pour véhicules électriques – et, d'autre part, les bâtiments et îlots décarbonés à basse consommation – il est plus économique que les énergies renouvelables délocalisées soient consommées par le voisin plutôt que d'être renvoyées sur le réseau. En tout cas, dès qu'un AMI concerne un pôle de compétitivité, il revient à nos directeurs régionaux de faire le relais auprès des acteurs locaux.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Il me reste à vous remercier, monsieur le président, pour la franchise et la clarté de vos propos. Avoir l'opinion d'un opérateur un peu plus en aval de la filière que l'ANR nous fait avancer sur le chemin de l'innovation.