Je reprends notre procédure : après réception des dossiers, une pré-analyse est effectuée en interne avec nos experts et des experts externes. Les projets retenus sont alors présentés à une commission nationale des aides de l'ADEME comprenant des experts extérieurs – représentant aussi bien le secteur de la recherche que la société civile –, avant d'être soumis au comité de pilotage. Il y a une vision externe, mais pas de jury qui décide. Je fais confiance aux fonctionnaires de ce pays pour faire des choix dans l'intérêt général.
Pour revenir sur la question des différentes technologies possibles applicables dans un secteur, la crainte que nous avions était de ne pas recevoir assez de projets lors des appels à manifestation d'intérêt. Or, la dynamique du PIA a fait que les projets sont nombreux et que l'on peut opérer une vraie sélection, aidé en cela par des experts. Reste la question du déploiement, notamment auprès des collectivités locales, des différentes technologies retenues. Nous accompagnons les industriels dont la technologie nous semble bonne, mais il n'en reste pas moins en effet que cette dernière revêt toujours une part de recherche et d'innovation faute d'être parvenue à un stade industriel.
S'agissant de l'exemple des réseaux de chaleur et des conflits d'intérêt chez des opérateurs, notre travail, dans le cadre du Grenelle, est de donner tous les outils possibles, notamment aux collectivités locales, pour permettre de faire les meilleurs choix. Ainsi, dans le domaine du tri des déchets, notre avis est très réservé quant au tri mécano-biologique qui intéresse nombre d'entre elles. Pour autant, la décision finale, que je ne maîtrise pas, relève de la responsabilité de chacun. De même pour la filière bois : un vrai problème d'approvisionnement aura lieu si l'on n'arrive pas à la structurer en amont, avec le problème du paradoxe de l'oeuf et de la poule : faut-il organiser la filière avant les débouchés ? À cet égard je ne peux que regretter que le fonds de mobilisation de la forêt prévu dans le Grenelle n'ait pu être mis en place par le ministère de l'Agriculture. Alors que des capacités gigantesques existent, il ne faudrait pas que, comme en Belgique, on doive importer du bois du Canada – encore qu'avec un transport en bateau, le bilan carbone n'est pas nécessairement mauvais... En accord avec le ministère de l'Agriculture, j'ai moi-même demandé une expérimentation sur les monts du Forez en Auvergne, mais sa généralisation n'est ni dans les missions ni dans les capacités de l'ADEME.
La grande différence avec l'ANR est que, plutôt que de faire des appels d'offres « blancs », par exemple sur les laboratoires d'excellence ou les instituts d'énergie carbonée, sans définir les thématiques qui en relèveront, nous avons fait le choix avec le CGI d'avoir d'abord, avec des industriels, des experts environnementaux ou encore des sociologues, une vision des thématiques les plus opportunes pour l'industrie française. C'est sur cette base que reposent nos AMI concernant le programme « Véhicule du futur » : « Véhicules décarbonés », « Mobilité », « Expérimentations liées aux infrastructures de recharge des véhicules électriques », « Chaînes de traction électrique », « Allègement, aérodynamique, architecture des véhicules », « Poids lourds et bus », etc.
Concernant d'ailleurs le véhicule électrique, l'ADEME n'a jamais milité pour le tout électrique, sachant qu'il existe plusieurs visions d'utilisation des véhicules électriques, qui nécessitent chacune plus ou moins de changements sociétaux : l'achat d'un hybride, dont l'autonomie est suffisante pour faire comme aujourd'hui 400 ou 500 kilomètres ; l'achat d'un tout électrique urbain comme deuxième véhicule, qui permet de faire moins de 100 kilomètres ; la location d'un véhicule longue distance après avoir acheté un véhicule électrique ; la location, enfin, d'un véhicule électrique, en autopartage par exemple, à côté d'un véhicule longue distance que l'on possède. Ces différentes possibilités ne s'appuient pas sur les mêmes évolutions sociétales.
Je crois pour ma part au véhicule électrique urbain et à l'hybride pour le court terme, sachant que ce dernier coûte cher et est donc plutôt réservé aux gros véhicules, et que le premier nécessite de changer de vision pour ses déplacements, sauf s'il s'agit d'une deuxième voiture. Les grands constructeurs visent même le marché des tricycles et quadricycles à moteur – TQM – qu'il s'agisse de Renault avec la Twizy, biplace urbain électrique couvert, ou de Peugeot avec le concept car BB1.
Tout dépendra ensuite de la stratégie des industriels, mais comme le montrent ces exemples, il n'est jamais simple de dire que telle technique est bonne et pas telle autre.