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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 12 juillet 2011 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • avocat
  • barreaux
  • lois-cadres
  • multipostulation
  • postulation

La séance

Source

La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Guy Geoffroy, vice-président.

La Commission examine, en 3ème lecture, le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat en 2ème lecture, relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 3641) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur).

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je salue la présence du rapporteur général de la Commission des finances, dont nous connaissons tous l'implication dans cet important projet de loi constitutionnelle, que nous examinons en troisième lecture.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je rappelle, tout d'abord, que l'article relatif aux conditions d'examen par le Parlement des programmes de stabilité, envoyés à Bruxelles, a été adoptée conforme, dès la deuxième lecture, par notre Assemblée : le Sénat a, en effet, accepté en première lecture les modifications que nous avions apportées au dispositif.

J'en viens au coeur du dispositif, à savoir les lois-cadres d'équilibre des finances publiques, que nous avons considérablement enrichi. Alors que le Gouvernement proposait initialement de renvoyer très largement à la loi organique, nous avons tout d'abord précisé que les lois-cadres devraient contenir un plafond de dépenses et un minimum de recettes. Nous avons également adopté un dispositif permettant de compenser les éventuels dérapages en cours d'exécution, risque sur lequel notre attention a été appelée, à de nombreuses reprises, au cours des auditions. Comme l'avait proposé la commission des Finances, un contrôle systématique de la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale aux lois-cadres par le Conseil constitutionnel a aussi été instauré. C'est un gage de crédibilité, car il faut que les lois-cadres puissent réellement s'imposer. De toutes ces modifications, il résulte un dispositif largement comparable à celui d'autres pays développés, voire meilleur.

Un troisième chantier concernait le contenu des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale – les dispositions relevant de la matière fiscale et du financement de la sécurité sociale devaient leur être réservées. Sur ce point, je vous ai dit, à l'occasion de la deuxième lecture, à quel point je n'étais pas convaincu par le texte adopté au Sénat. C'était, en réalité, du « droit mou » : les dispositions concernées auraient pu être adoptées dans n'importe quel texte sans qu'on sache quand elles s'appliqueraient, ni même si elles s'appliqueraient finalement. Leur entrée en vigueur était, en effet, conditionnée par leur approbation en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale. Loin d'apporter plus de clarté en matière financière, ce dispositif risquait donc de conduire à une certaine irresponsabilité : la tentation aurait pu être grande d'adopter tous les amendements intéressants en renvoyant à plus tard la mobilisation du financement nécessaire. Notre Assemblée a rejeté, une nouvelle fois, un mécanisme de ce type.

En deuxième lecture, le Sénat avait d'abord prévu, en commission, de le rétablir, puis il a purement et simplement supprimé le monopole en séance publique, comme notre Commission des lois et celle des affaires sociales l'avaient proposé en première lecture. On aurait certes pu imaginer un autre point d'équilibre, mais la rédaction issue du Sénat préserve les enrichissements apportés par notre Assemblée et constitue un bon texte.

Je ne présenterai donc pas d'amendement, et vous invite à voter le texte conforme dès aujourd'hui, puis demain dans l'hémicycle. Nous réaliserons, en effet, un grand pas en avant si ce projet de loi constitutionnelle est adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées avant la fin de la session extraordinaire ; c'est ensuite au Président de la République qu'il reviendra de convoquer le Parlement en Congrès.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce texte comporte effectivement des améliorations substantielles par rapport au point de départ.

En premier lieu, nous avons cherché diverses solutions pour éviter les difficultés susceptibles de résulter du « monopole » évoqué par le rapporteur.

D'un point de vue financier, cette question concerne, avant tout, le Gouvernement : s'il est capable de tenir la ligne qu'il s'est fixée depuis juin 2010 et qui consiste, s'agissant des projets de loi, à réserver les dispositions concernant les recettes aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, nous éviterons l'essentiel des risques constatés par le passé. En effet, c'est toujours à l'occasion de textes proposés par le Gouvernement, en dehors des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, que des recettes ont été supprimées ou minées par voie d'abattement et d'exonération sans gage financier. S'il existe un problème, il n'est pas lié, pour l'essentiel, à l'initiative parlementaire, qu'elle soit exercée par voie d'amendement ou de proposition de loi.

La concession du Gouvernement consistant à abandonner le monopole me semble une bonne solution, car nous préserverons ainsi le droit d'initiative parlementaire – c'était le premier objectif de la Commission des finances. Comme à l'accoutumée, nous veillerons à faire un bon usage de ce droit.

J'en viens aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques. Comme Jean-Luc Warsmann l'a rappelé, nous avons apporté des améliorations notables : alors que le texte du Gouvernement renvoyait, pour l'essentiel, à une loi organique, un plafond a été introduit en matière de dépenses, à l'initiative du rapporteur, et le Sénat a précisé qu'un « minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes » devrait être fixé – rédaction qui me paraît meilleure que celle à laquelle nous avions abouti en première lecture. Ces précisions permettront d'améliorer l'articulation des lois-cadres avec les lois de finances et les lois de financements annuelles. J'ajoute que l'adverbe « globalement » permettra un peu de souplesse : il sera possible de fusionner une diminution de dépenses et une augmentation de recettes.

L'introduction d'un plafond en matière de dépenses nous a, par ailleurs, obligés à nous interroger sur la question de l'exécution. Là aussi, nous avons substantiellement enrichi le texte du Gouvernement. Les modalités de la correction des écarts sont certes renvoyées à la loi organique, mais la question sera explicitement posée par la Constitution.

S'agissant du « semestre européen », nous avons obtenu qu'il puisse y voir un vote avant la transmission du programme de stabilité à Bruxelles.

Pour toutes ces raisons, c'est un bon texte qui nous est proposé. Il restera ensuite à l'introduire effectivement dans notre Constitution.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous en venons à l'examen des articles.

Article 1er (art. 34 de la Constitution) : Création des lois-cadres d'équilibre des finances publiques – Monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 bis (art. 41 de la Constitution) : Contrôle du respect du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires au cours de la procédure parlementaire

La Commission maintient la suppression de l'article 2 bis.

Article 9 bis (art. 61-2 [nouveau] de la Constitution) : Contrôle par le Conseil constitutionnel du respect du domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale

La Commission maintient la suppression de l'article 9 bis.

Article 11 (art. 72-2 de la Constitution) : Monopole des lois de finances en matière de fiscalité locale et de compensation des compétences nouvelles attribuées aux collectivités territoriales

La Commission maintient la suppression de l'article 11.

Article 13 : Entrée en vigueur

La Commission adopte l'article 13 sans modification.

Puis la Commission adopte l'ensemble du projet de loi constitutionnelle sans modification.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

Puis la Commission examine, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements au projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 3635) (M. Marcel Bonnot, rapporteur).

Article 1er (Chapitre Ierbis du titre II du livre Ier [nouveau], art. L. 121-5 à L. 121-8 [nouveaux], L. 212-3-1 [nouveau], L. 212-4, L. 221-10, L. 222-1-1 [nouveau], L. 223-1, L. 532-15-2 [nouveau], L. 552-8, L. 562-8, titre III du livre II, section 2 du chapitre II du titre III du livre V, section 3 du chapitre II du titre V du livre V, section 3 du chapitre II du titre VI du livre V du code de l'organisation judiciaire ; art. 521, 522-1, 522-2, 523 et 523-1 du code de procédure pénale ; art. 41-18 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958) : Suppression des juridictions de proximité et nouvelles missions confiées aux juges de proximité, désormais rattachés aux tribunaux de grande instance :

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission repousse l'amendement n° 2 de M. Michel Hunault.

Article 25 A (art. 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971) : Limitation de la multipostulation à la région parisienne :

La Commission examine les amendements identiques de suppression n° 1 de M. Guy Geoffroy et n° 3 de M. Yvan Lachaud.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Avec nos collègues Chantal Bourragué et Étienne Mourrut, j'ai déposé cet amendement de suppression car j'étais l'auteur de l'amendement qui a introduit à l'article 1er de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées les dispositions relatives à la multipostulation entre les barreaux de Libourne et de Bordeaux ainsi qu'entre ceux d'Alès et de Nîmes, que cet article se propose de supprimer.

Tout d'abord, ces dispositions ont commencé à entrer en vigueur. Aussi leur suppression, trois mois après la promulgation de la loi, créerait beaucoup plus de difficultés qu'elle n'en résoudrait. Je comprends la position du Gouvernement, qui ne souhaite pas la multiplication de ces situations de multipostulation, mais les barreaux de Nîmes et Alès, ainsi que les barreaux de Bordeaux et de Libourne, ont commencé à travailler ensemble, des procès ont été engagés sur le fondement de cette multipostulation. Sans avoir d'intérêt particulier dans le maintien de ces deux situations, il me semble nécessaire de prendre le temps d'une réflexion globale sur la multipostulation et de ne pas immédiatement remettre en cause le travail déjà accompli sur le terrain.

PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Je ne comprends pas bien pourquoi le Gouvernement souhaite revenir sur ces dispositions alors qu'elles apparaissaient justifiées il y a deux mois. Il serait de bon ton d'entendre l'avis des professionnels concernés, et notamment du conseil national des barreaux représentant la profession, et ne pas remettre en cause ces dispositions. Il sera difficile d'expliquer aux justiciables pourquoi ils doivent désormais avoir recours à un second conseil, alors qu'un postulant apparaît pour eux comme un être sans identité. Dans quelque temps, la question même de la postulation ne manquera pas d'être posée : l'existence de ces deux situations de multipostulations permettra d'accélérer la tenue de ce débat.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

Depuis longtemps, la profession d'avocat se pose la question de la pertinence de la postulation. Celle-ci servait essentiellement à permettre aux avocats non inscrits au barreau relevant du tribunal où le procès était amené à se dérouler de suivre la procédure par l'intermédiaire d'un confrère sur place, qui était alors en charge du dossier et de l'ensemble de la procédure et garant de la loyauté du procès, avec lesquels ils pouvaient procéder à l'échange des pièces mais aussi des conclusions.

Aujourd'hui, la dématérialisation des échanges limite l'intérêt de la postulation ; celle-ci permet essentiellement aux membres des petits barreaux de province de garder une activité et un contact avec une clientèle qui sinon serait tentée d'aller s'adresser aux avocats inscrits aux barreaux des villes plus importantes, où se concentre l'activité juridictionnelle.

Cependant, je doute que ce système puisse perdurer encore longtemps : du fait de la progression de la dématérialisation des procédures, la pratique de la postulation a « du plomb dans l'aile ».

Pour revenir sur ce principe qui figure dans le code de procédure civile, deux solutions existent. Son abolition par une grande loi, qui heurterait de front ces petits barreaux, paraît difficile. Au contraire, la multiplication des petites expériences sur le terrain, comme entre Libourne et Bordeaux, permettrait de lever les inquiétudes des petits barreaux. Nous avons inscrit le principe de l'expérimentation législative dans la Constitution : ce cas permettrait utilement de la mettre en oeuvre.

PermalienPhoto de Philippe Houillon

Je suis défavorable à cet amendement de suppression car il me semble utile d'avoir un vrai débat sur la postulation, c'est-à-dire avant tout sur la représentation obligatoire des parties. Le législateur a estimé que devant un certain nombre de juridictions, notamment les tribunaux de grande instance, les parties devaient être représentées par un postulant, qui est un avocat depuis la suppression des avoués de première instance il y a plusieurs décennies. Il est nécessaire de poser le débat sur le maintien de la représentation, qui pourrait apparaître comme surannée notamment du fait du développement de la dématérialisation des procédures. Poser le débat en se concentrant sur le développement de la multipostulation – qui n'existe en fait qu'entre les barreaux de Paris et de la petite couronne du fait de la création récente des barreaux de Nanterre et Bobigny – me semble une mauvaise approche. Il convient de poser le débat sur la postulation et de la maintenir tant qu'il n'a pas eu lieu.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je pourrais adhérer totalement à l'argumentation de M. Philippe Houillon sur la pertinence de la postulation si celle-ci avait été présentée au cours du débat ayant abouti à la création de ces deux cas de multipostulation. Mais la loi est maintenant entrée en vigueur : les barreaux concernés ont engagé des frais, notamment en matière informatique, les justiciables concernés vont se retrouver dans une situation inextricable si le législateur fait aujourd'hui machine arrière. Cette argumentation sur le bien fondé même de la postulation arrive ainsi trop tôt ou trop tard.

PermalienPhoto de Marcel Bonnot

Je souscris à l'argumentation de M. Philippe Houillon. Il n'y a pas de faute à revenir sur une disposition qui n'est qu'un faux nez du véritable débat sur la postulation qui doit avoir lieu. Cette création de deux multipostulations est le fruit d'une transaction douteuse liée aux travaux de refonte de la carte judiciaire. Cela crée une inégalité au détriment des petits barreaux et fait le bonheur des barreaux de Nîmes et Bordeaux, mais non des barreaux d'Alès et de Libourne, qui s'en sont ouverts à moi. Cette postulation était une prérogative des avoués de première instance, supprimés par la réforme de 1971, qui a été transmise aux avocats devant le tribunal de grande instance. On ne résout pas le problème avec la création de ces multipostulations, on a au contraire créé un désarroi au sein de ces petits barreaux ; il n'y a pas de raison de ne pas revenir sur ces dispositions, en attendant un vrai débat sur le devenir de la postulation.

En ce qui concerne les difficultés pratiques que cette abrogation pourrait créer, les avocats concernés savent bien qu'il est possible de devoir confier un dossier à un confrère, notamment en cas de conflit d'intérêt, à la suite de procédures d'appel en cascade, par exemple. Cela se fait de façon simple, sans bouleverser les procédures judiciaires. Cet argument m'apparaît donc superfétatoire.

La Commission accepte les amendements identiques de suppression n° 1 de M. Guy Geoffroy et n° 3 de M. Yvan Lachaud, visant à maintenir la multipostulation existante respectivement entre les barreaux de Bordeaux et Libourne et de Nîmes et Alès.

La séance est levée à 17 heures.