COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 6 juillet 2011
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine le rapport d'information de M. Yves Bur en conclusion des travaux de la mission d'information sur les agences sanitaires
Tout d'abord, je souhaiterai rappeler les conditions dans lesquelles a été décidée la création de cette mission. En effet, c'est à la suite des travaux de réflexion du Comité d'évaluation et de contrôle sur les autorités administratives indépendantes, que le président Bernard Accoyer a suggéré au président de notre commission de se pencher sur la situation des agences sanitaires. Entre-temps est survenu le drame du Mediator, ce qui a rendu nos travaux d'autant plus d'actualité.
Malgré toutes les critiques entendues depuis plusieurs mois, je tiens à souligner que notre système d'agences de santé présente une valeur ajoutée indéniable. Leur statut juridique leur permet une souplesse de gestion administrative et financière. Elles ont surtout permis au pouvoir politique de donner rapidement une réponse face à une crise.
Il n'empêche, ce système est devenu au fil des années de plus en plus complexe, manquant de lisibilité et de coordination. Plus inquiétant, il est apparu propice à des conflits d'intérêt et manquant de transparence.
Le système des agences de santé ne doit pas être remis en cause, il a fait ses preuves et il est nécessaire. Il doit néanmoins évoluer vers une plus grande rationalisation de son architecture et vers une amélioration de son fonctionnement. C'est sur ces deux axes que la mission a choisi d'orienter ses propositions.
Le dispositif des agences a résulté de créations successives, souvent par l'absorption de structures déjà préexistantes et sans pour autant réorganiser les administrations centrales dont elles dépendaient. Je serais même tenté d'ajouter : une crise, une agence. C'est pourquoi, restructurer le dispositif des agences est me semble-t-il nécessaire, à la fois pour des raisons budgétaires et pour redonner une cohérence au système.
Tout d'abord, je citerai un exemple à suivre. L'Agence nationale de recherche sur le sida devrait intégrer l'Institut national de la santé et de la recherche médicale l'année prochaine tout en préservant son autonomie. Cette initiative courageuse pourrait être applicable à l'Institut national du cancer. Ainsi son volet recherche serait transféré à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, son volet prévention à l'Institut national de prévention et d'éducation et son volet évaluation à la Haute Autorité de santé.
Ensuite, je propose que plusieurs missions soient regroupées lorsqu'il y a chevauchement de compétences.
Un premier regroupement de missions pourrait être envisagé entre l'Établissement français du sang et l'Institut national de transfusion sanguine. Les frontières entre ces deux agences sont poreuses particulièrement pour leurs missions de formation et de recherche ; leurs instances de gouvernance sont déjà imbriquées. C'est pourquoi il me paraît justifié de ne pas renouveler le groupement d'intérêt public de l'Institut national de transfusion sanguine qui s'achèvera fin 2011.
Un deuxième regroupement de missions entre le Haut conseil de la santé publique et la Haute Autorité de santé serait possible. L'expertise de gestion des risques sanitaires est actuellement assurée à la fois par le Haut conseil de la santé publique et la Haute Autorité de santé. Le Haut conseil de la santé publique a du mal à trouver sa place dans le dispositif déjà important d'aide à la décision. C'est pourquoi je suggère de confier ses missions à la Haute Autorité de santé qui de surcroît bénéficie du statut d'autorité publique indépendante.
Un troisième rapprochement pourrait être réalisé entre les missions de veille sanitaire de l'Institut de veille sanitaire et les missions de prévention de l'Institut national de prévention et d'éducation au sein d'une agence à vocation populationnelle. Ces deux instituts occupent une place à part dans le dispositif, dans la mesure où ils exercent des missions transversales et non ciblées sur un champ précis. Par ailleurs, ces deux missions sont les deux maillons complémentaires d'une même chaîne. L'Institut de veille sanitaire fait des observations épidémiologiques tandis que l'Institut national de prévention et d'éducation étudie le comportement de la population et mène des campagnes de prévention. J'ajouterai que les États-Unis ont depuis 1946 choisi d'intégrer ces deux missions au sein d'une seule agence : le CDC (Centers for disease control and prevention).
La rationalisation passe aussi par une mutualisation des moyens et un regroupement géographique des locaux et des sites. J'ai été surpris de constater que six agences occupaient des bâtiments différents au sein du périmètre restreint de la Plaine-Saint-Denis. Je suggère donc que ces agences se regroupent au sein d'un même immeuble afin de négocier au mieux le prix du bail et d'améliorer la coordination entre elles.
Ma seconde approche consiste en des propositions afin d'améliorer le fonctionnement des agences.
Premièrement, je propose de généraliser un système de gouvernance constitué selon le modèle suivant :
– un conseil d'administration chargé de la gestion administrative et financière ;
– un conseil scientifique délivrant une expertise de qualité ;
– un conseil d'orientation ouvert à la société civile qui fixe les enjeux et le programme de travail ;
– une commission de déontologie ;
– un médiateur qui sert d'interface entre les agences et les usagers du système de santé, les professionnels de santé et les industriels.
Par ailleurs, les agences devront développer des mécanismes de contrôles internes afin d'éviter l'accoutumance aux risques.
Deuxièmement, afin de conforter l'indépendance de ces agences il me semble nécessaire de clarifier la gestion des conflits d'intérêt. Je tiens à insister sur la différence entre le lien d'intérêt inévitable qui traduit une compétence reconnue et le conflit d'intérêt qui lui doit être proscrit.
Je propose ainsi une évolution des procédures afin :
– d'harmoniser les règles déontologiques pour toutes les agences ;
– d'élargir le champ d'application de cette déclaration d'intérêt aux cocontractants et aux industriels des secteurs concernés ;
– de compléter son contenu en indiquant notamment le montant des avantages financiers consentis aux experts, aux collaborateurs par les industriels ou cocontractants à partir d'un seuil annuel à définir ;
– de mettre en ligne les déclarations sur le site internet des agences ;
– enfin, de prévoir une vérification effective de ces déclarations. Les commissions de déontologie seraient chargées de la gestion permanente de ces déclarations et un contrôle externe pourrait être assuré par l'Autorité de déontologie qui figure dans le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d'intérêt dans la vie publique et qui devrait être prochainement examiné.
Troisièmement, je plaide pour une plus grande transparence de ces agences.
Avant toute chose, leurs méthodes de travail doivent évoluer.
Mais surtout, une plus grande transparence passe aussi par une ouverture à la société civile. Je propose de s'inspirer des modèles allemands et américains lors de l'élaboration des avis ou décisions des agences. Une fois l'avis ou la décision élaboré par le conseil scientifique, il serait mis en ligne sur le site de l'agence et toute personne intéressée pourrait présenter des observations ou apporter des contributions dans un délai compris entre quinze jours et un mois.
Par ailleurs, je recommande l'organisation de débats ouverts au public et filmés avec retransmission sur internet sur certains sujets présentant un intérêt majeur pour la population ou sur des questions sensibles. Ils associeraient les experts, les industriels des secteurs concernés et des représentants d'associations de consommateurs, de malades en fonction des pathologies et d'usagers du système de santé.
Les observations de tout participant à ces consultations ou débats et la suite donnée à leurs propositions figureraient dans l'avis ou la décision rendu par l'agence.
Je souhaiterais ajouter qu'il est important que les associations de patients ou d'usagers du système de santé disposent de moyens plus importants en termes de financement ou de formation.
Cette plus grande transparence implique aussi une meilleure circulation de l'information. Alors que toutes ces agences disposent de sites internet dédiés, il est surprenant que les professionnels de santé auditionnés fassent le constat qu'ils se réfèrent à Doctissimo ! Je propose donc de mettre en place un portail qui pourrait s'intituler « Santé et sécurité sanitaire » et qui pourrait être géré par la Haute Autorité de santé. Ce portail comprendrait un volet interactif à destination des professionnels de santé qui leur adresserait une information générale mais surtout des messages de sécurité sanitaire prioritaires et un volet à destination du grand public qui centraliserait les informations des différentes institutions et du ministère de la santé.
Quatrièmement, je recommande de rénover l'expertise. Ce point est essentiel car la crédibilité des agences passe par la qualité de leur expertise.
Je suis favorable à un renforcement de l'expertise interne, ce qui suppose de renforcer l'attractivité des carrières.
Enfin, il est primordial de conforter l'implication ministérielle et parlementaire.
C'est au pouvoir politique de prendre les décisions et non aux experts. Il est primordial de réaffirmer que le pilotage de la santé publique relève donc de l'autorité ministérielle et non des agences.
Il est important que la tutelle ministérielle évolue vers un pilotage stratégique, à la fois par un suivi des contrats d'objectifs et de performance et par une amélioration des instances de coordination avec les agences. Il me semble que le Comité d'animation du système d'agences dit CASA doit acquérir plus de visibilité et que son rôle de pilotage stratégique doit être affirmé.
Je conclurai en évoquant le rôle que nous, parlementaires, pourrions et devrions jouer dans l'amélioration de ce dispositif. En vertu de notre mission de contrôle, il nous appartient de définir quelles agences seront auditionnées.
En conclusion, je ne propose pas, mes chers collègues, une révolution mais une évolution de ce système d'agences afin de renforcer sa crédibilité.
Vous avez mentionné, monsieur le rapporteur, la mutualisation des moyens. À ce sujet, il me paraît important que l'opacité ne prenne pas le dessus sur la réactivité. Vous avez également évoqué la coordination avec les pouvoirs publics et l'État, qui pâtit de multiples tutelles et programmes budgétaires. Ceci suscite de ma part quelques remarques. Il me paraît aussi nécessaire de mentionner la coordination avec les collectivités territoriales, qui ont un maillage sur tout le territoire et l'utilité de passerelles entre ces collectivités et le système d'agences.
S'agissant de la coordination avec les experts, il convient de souligner la difficulté qui est liée au monde scientifique souvent très divisé.
Quant à la coordination avec les media, vous avez proposé la création d'un portail de santé. Il est vrai que nous sommes dans une société de communication où le « faire savoir » est aujourd'hui aussi important que le « savoir-faire ».
En ce qui concerne la coordination avec les politiques, vous avez indiqué que les parlementaires ne devaient pas être présents dans les conseils d'administration, notamment parce qu'ils votent les budgets. Toutefois, sur le sujet de la sécurité sanitaire, ils interviennent souvent trop en aval ; je suis donc favorable à la présence de parlementaires au sein de ces conseils d'administration afin qu'ils puissent agir davantage en amont.
Ce rapport a le mérite de dresser un bilan. Il est manifeste qu'il était prévu avant que n'éclate l'affaire du Mediator, époque à laquelle était privilégiée une autre optique, relevant plus de la révision générale des politiques publiques.
S'agissant du regroupement de l'Institut national de la transfusion sanguine et de l'Établissement français du sang, je suis plus que réticente car leurs missions ne sont pas exactement semblables : d'un côté on s'occupe des poches de sang et de l'autre des donneurs eux-mêmes.
Par ailleurs, je m'élève, au nom de mon groupe, contre la fusion de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et de l'Institut national de veille sanitaire qui n'ont absolument pas les mêmes missions. Au vu des difficultés du premier à émettre des messages corrects de prévention, notamment sur la toxicomanie, qui soient entendus par les populations ciblées, je crains que la fusion n'accroisse encore ces difficultés.
Ensuite, votre suggestion de privatiser l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux me paraît contradictoire avec votre proposition de confier à la Haute Autorité de santé les missions de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, missions qui resteraient donc quant à elles dans le champ public.
Votre rapport a le mérite d'aborder la démocratie sanitaire. Toutefois, je suis réservée sur l'emploi du terme imprécis de « société civile ». Par ailleurs, si l'on souhaite associer davantage les associations, il faut prendre garde de veiller à diversifier les représentants des associations.
Je vous félicite d'avoir axé votre rapport sur le partenariat entre les agences ainsi que sur la nécessité de faire circuler l'information et de réaliser des audits internes.
Sur les conflits d'intérêts, vous avez cité les propositions de M. Jean-Pierre Door dans son rapport sur le Mediator ou encore celles des Assises du médicament. J'aurais aimé que vous citiez également les amendements défendus par le groupe Socialiste Radical et Citoyen depuis deux ans et demi.
À propos toujours des conflits d'intérêts, je voudrais qu'on soit vigilant sur le « pantouflage » de certains hauts fonctionnaires, d'anciens secrétaires d'État ou de ministres dans des firmes, qu'elles soient pharmaceutiques ou non. C'est un sujet qui touche tous les groupes politiques.
En ce qui concerne les sites d'information certifiés, je ne peux qu'approuver votre idée d'un portail. Ce n'est nullement impossible à mettre en place. On peut s'inspirer d'exemple de pays comme le Danemark où la population sait que l'information institutionnelle mise en ligne est fiable parce qu'elle a été certifiée.
Je suis également satisfaite que le contrôle parlementaire soit mis en avant. À ce propos, je reconnais que nous n'avons malheureusement pas pu assister à toutes les réunions de la mission d'information, en raison de nos multiples engagements ; je m'en suis excusée auprès de vous.
Je conclurai avec la formation continue des experts ; je souhaiterais plus de précisions sur le contenu de cette proposition. Il me paraît nécessaire, en tout cas, qu'il y ait un renouvellement des experts aux différents postes, afin d'éviter tout phénomène de sclérose.
Quoi qu'il en soit, ce rapport, qui va inspirer le projet de loi sur le médicament, était nécessaire.
Je partage, monsieur le rapporteur, vos soucis de recherche d'efficacité et d'amélioration de l'information du public.
J'ai quelques inquiétudes sur les conflits d'intérêts. Je ne voudrais pas que l'on aboutisse à un système où le fait de rendre publics ces conflits d'intérêts, donc de les officialiser, conduirait d'une certaine manière à les admettre.
Par ailleurs, j'adhère à votre idée de limiter à trois ans renouvelables une fois les mandats des dirigeants des agences.
Ce rapport est intelligent. Toutefois, quelques questions m'interpellent. On cherche une solution pour résoudre des problèmes de complexité alors que l'on se situe dans la complexité à l'état pur. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la tentation de créer une agence en réponse à un problème. Ne faudrait-il pas définir les cas dans lesquels une agence est susceptible d'être créée, de redéfinir les missions des agences et, à partir de là, réorganiser le système ? C'est une vraie interrogation. Tout le reste en découle. C'est ici qu'on aborde la tutelle et la nécessité du contrôle parlementaire.
Par ailleurs, je m'interroge sur le budget ainsi que sur les effectifs de ces agences et le nombre de vrais experts en leur sein. C'est un des éléments du problème.
Vous proposez une évolution du système des agences plus qu'une révolution. Des pistes sont esquissées en matière de gouvernance et vous semblez vous orienter vers une sanctuarisation de la Haute Autorité de santé, mais est-ce la bonne solution ? Par ailleurs, va-t-on améliorer l'efficience du dispositif ? Enfin, je pense que si on simplifie le système en définissant bien les missions, le Parlement a un rôle important à jouer.
La mission d'information a travaillé sur un sujet important qui a fait récemment débat, à la suite des différentes crises sanitaires survenues au cours des dernières années.
Je souhaite appeler l'attention sur deux points. En premier lieu, le rapport évoque, « une remise en cause de la parole des experts ». Ne pensez-vous pas qu'on assiste, plus largement, à une remise en cause de la parole des élites immédiatement suspectées de conflits d'intérêt ? Pour rétablir la confiance, vous proposez, Monsieur le rapporteur, trois pistes : accroître la transparence - je pense que chacun peut y souscrire, améliorer la gouvernance et renforcer l'indépendance des agences. Je considère néanmoins que cette dernière suggestion peut susciter le débat. Certes, l'indépendance peut permettre de redonner confiance en la parole des experts, mais elle peut aussi être source de dérives en l'absence de contrôles appropriés qui conduisent à se tourner, de nouveau, vers le politique. J'estime en outre qu'une indépendance renforcée nécessite que soit mis en oeuvre un contrôle des agences non seulement interne mais aussi externe, de façon régulière, par exemple tous les deux ou trois ans, par des instances indépendantes comme le Conseil d'État.
En second lieu, le rapport propose une rationalisation du dispositif des agences sanitaires, au nombre aujourd'hui de dix-huit. Des regroupements sont suggérés, comme celui de la Haute Autorité de santé et du Haut Conseil de la santé publique, ou celui de l'Institut de veille sanitaire et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il me semble que l'on pourrait aller plus loin dans ce mouvement de restructuration, afin de gagner en efficacité, de permettre des économies d'échelle et d'éviter des doublons en matière de communication ou de gestion. Monsieur le Rapporteur, partagez-vous cette analyse ?
Je tiens à saluer l'intérêt de ce rapport qui nous permet ainsi de mieux appréhender un domaine sur lequel les parlementaires disposent de peu d'informations pour exercer leur contrôle. Je rappelle qu'on compte dix-huit agences, auxquelles s'ajoutent divers observatoires, pour un effectif total de 24 272 personnes et un budget de 2,55 milliards d'euros.
D'où l'intérêt de notre débat. Comme le démontre justement le rapport, nous avons besoin d'outils pour connaître l'état de santé de la population et répondre aux crises sanitaires. En effet, l'État a failli dans sa mission de surveillance et de contrôle en matière de santé publique à plusieurs reprises. Le dispositif dont nous disposons n'est donc pas totalement efficace.
Le rapport me semble équilibré : il souligne que les agences sanitaires constituent « une valeur ajoutée indéniable », tout en observant néanmoins qu'il s'agit d'une « architecture qui montre ses limites », d'un « dispositif peu lisible », où existent des « conflits d'intérêt ». En évoquant les chevauchements de compétences et l'insuffisante coordination des agences, le rapport pose, à mon sens, les trois véritables questions qu'il faut traiter aujourd'hui : les regroupements de ces agences en s'interrogeant sur le périmètre concerné et la méthode à adopter, une meilleure circulation de l'information, le dispositif actuel étant quelque peu opaque et le contrôle du Parlement sur ces structures. Sur ce dernier point, le rapport propose que les rapports d'activité des agences soient systématiquement déposés auprès des assemblées ; Il pourrait être envisagé que les commissions permanentes compétentes soient saisies, une fois par an, des rapports de ces organismes pour que les parlementaires puissent être informés, poser des questions et ainsi exercer un contrôle régulier, comme cela est pratiqué dans d'autres domaines.
Ce rapport me paraît tout à fait opportun, dans le prolongement des travaux du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes. Je renouvelle néanmoins le regret que le rapporteur de la mission d'information ait également exercé la fonction de président ; il me semble en effet que les rapports d'information ont davantage d'autorité lorsqu'ils sont élaborés conjointement par deux parlementaires de groupes politiques différents.
Dans ses préconisations, j'observe que le rapport fait preuve d'une certaine propension au « mécano institutionnel », qui est certes parfois nécessaire, mais ne doit pas, à mon sens, tomber dans le travers de la révision générale des politiques publiques : l'objectif ne doit pas être, en soi, de réaliser des économies d'échelle et d'obéir à une « obsession budgétaire », mais d'améliorer la santé de nos concitoyens.
Deux regroupements d'agences me paraissent, de ce point de vue, contestables. Le premier, inopportun, concerne l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui exercent deux métiers différents. Le second, condamnable, concerne l'Institut national de la transfusion sanguine et l'Établissement français du sang. Je rappelle que ces deux entités sont issues du démembrement de la Fondation nationale de transfusion sanguine dont les dérives avaient incité à distinguer l'Agence française du sang – devenue Établissement français du sang –, du Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies et de l'Institut national de la transfusion sanguine. La proposition de regroupement émise par le rapport alimente la confusion des genres et risquerait, à mon sens, de nous ramener à des dysfonctionnements similaires à ceux que l'on a déjà connus.
À l'inverse, il me semble que gravite, autour des établissements de santé, une nébuleuse d'organismes, comme l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, dont les missions et les résultats sont parfois difficilement lisibles. Des regroupements seraient sans doute opportuns dans ce domaine.
Enfin, il est intéressant, comme le fait la deuxième partie du rapport, d'étudier les moyens des agences sanitaires et leurs modalités de financement – le rapport d'information sur le Mediator a d'ailleurs étudié, lui aussi, cette question concernant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il me semble que l'on a trop souvent confondu des notions différentes, à savoir l'indépendance, l'autonomie voire « l'isolement » des agences et le mode de financement direct, de même que l'on a confondu l'indépendance des agences et celle de leurs experts, absolument essentielle.
Je considère enfin qu'il faut redonner sa place au politique dans le processus décisionnel et, à cet effet, je suggère que la proposition n° 13 Réaffirmer le pilotage de la santé publique par l'autorité ministérielle du rapport devienne la proposition n° 1.
Permettez-moi tout d'abord de remercier Yves Bur pour la qualité de son rapport. Il ne faut certes pas être alarmiste, mais il est clair que nous devons améliorer certains aspects de notre politique en matière de sécurité sanitaire. Je pense notamment au renforcement de la transparence et à l'information du grand public et des professionnels de santé. Enfin, je souscris aux propos de notre collègue Bernard Perrut concernant l'insuffisante information des parlementaires en matière de sécurité sanitaire.
Bravo à Yves Bur pour ce rapport d'un grand intérêt sur un sujet que nous savons très sensible. Un point me semble cependant faire défaut dans votre analyse. En effet, vous écrivez qu'il est « primordial de bénéficier de dispositifs d'expertise nationaux parfaitement structurés et solides afin non seulement de participer au système européen mais aussi de peser sur celui-ci ». Mais les crises sanitaires étant par définition transnationales, ne faudrait-il pas aller plus loin et préconiser le développement d'outils européens, voir même une régulation européenne ?
Ce rapport est d'une grande utilité. Je salue par ailleurs le travail d'audition qui a été mené par le rapporteur, qui a été à tous points de vue enrichissant. Nous ne pouvons que souscrire à ses propositions de bon sens. Certes, comme l'a évoqué mon collègue Jean Mallot, nous ne devons pas tomber dans une pure logique de réduction des dépenses, mais il est vrai qu'un budget total d'environ 2,55 milliards d'euros et l'emploi de 24 272 personnes nous invitent à engager une réflexion sur la rationalisation des moyens, voir le regroupement de certaines agences.
J'aimerais insister sur un point qui me semble essentiel : le politique de doit pas être tributaire de l'expert. Nous avons pu voir lors de la crise de la grippe A (H1N1) que les décisions de la ministre avaient été fortement influencées par les préconisations des experts, parfois à tort. Les experts sont utiles, mais il faut éviter que la réforme des agences que vous proposez ne renforce leur tendance à amoindrir le rôle des politiques, qui sont pourtant les seuls responsables devant nos concitoyens.
Je rappelle les constats et les objectifs que nous partageons tous : sécurité sanitaire et transparence, nécessité de résoudre la complexité du système et d'en améliorer l'architecture, réponse politique face à la crise. Ce travail est sérieux, on y perçoit toute l'implication de son rapporteur.
Mais il me semble que nous poursuivons des objectifs contradictoires. On veut simplifier notre système de sécurité sanitaire d'un côté, sans aucune forme de concertation avec les 24 000 personnes concernées, et de l'autre, on ajoute sans cesse des strates en créant de nouvelles compétences.
Par ailleurs, avant de proposer un regroupement des agences sanitaires, il nous faut bien en mesurer les conséquences en termes de santé publique.
Vous nous dites qu'il faut absolument responsabiliser les différents acteurs, j'en suis d'accord. Mais je souhaite également rendre hommage aux scientifiques et à tout le personnel des agences de santé qui font leur travail consciencieusement.
Enfin, les parlementaires ont une responsabilité réelle en matière de sécurité sanitaire. C'est pourquoi je propose de mettre en place un groupe de travail sur ce thème, qui pourrait aboutir à la rédaction d'une proposition de loi.
Tout d'abord je voudrais saluer le travail d'Yves Bur, dont je ne partage pas toujours les vues, mais dont je reconnais l'exigence intellectuelle, la ténacité et la force des convictions. C'est pourquoi je regrette de ne pas avoir participé plus activement aux travaux de cette mission.
La rationalisation de notre système de sécurité sanitaire est une nécessité. Cependant, deux de vos propositions m'interpellent. Tout d'abord, il me semble peu judicieux de regrouper les missions transversales et complémentaires de l'Institut de veille sanitaire et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui n'ont absolument pas les mêmes compétences. Par ailleurs, votre proposition de confier les missions de recherche de l'Institut national du cancer à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale est un contresens. Il me semble au contraire que l'un des acquis de l'Institut national du cancer est précisément d'avoir associé la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Je suis donc opposée à cette proposition.
Sur le sujet de l'indépendance des agences, je partage les propos de nos collègues Paul Jeanneteau et Jean Mallot. Je souhaite ajouter une simple remarque. La commande politique doit être claire et, pour cela, une réforme du ministère de la santé, qui fonctionne en « tuyaux d'orgues », s'impose.
Il suffit de voir les trois cents circulaires transmises aux directeurs des agences régionales de santé ces derniers mois, alors même que le succès des réformes dépend de la mobilisation des acteurs sur le terrain et non d'orientations centralisatrices.
Je souhaite m'associer au concert de louanges sur le rapport de notre collègue, qui viendra utilement compléter le récent rapport sur le Mediator et la pharmacovigilance de notre commission et préparer la réforme annoncée de la politique du médicament à l'automne. Je souhaitais depuis longtemps la création d'une mission d'information sur ce sujet. Plus exactement depuis la publication en août 2006 du rapport du professeur Jean-François Girard sur l'évaluation et l'expertise de la veille sanitaire en France. La sécurité, la qualité et la prévention doivent être les trois piliers de la gestion de nos agences sanitaires.
On évoque par ailleurs la mutualisation des moyens et le regroupement de certaines missions dévolues aux agences. Les Britanniques nous ont montré la voie. Nous devons suivre ce travail positif pour améliorer l'action de nos agences sanitaires. Sur ce point, vous proposez de confier les missions d'expertise de la gestion des risques sanitaires aux autorités politiques exercées par le Haut conseil de la santé publique à la Haute Autorité de santé. Je ne peux qu'y souscrire. Je suis également d'accord avec le regroupement des missions transversales et complémentaires de l'Institut de veille sanitaire et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, que nous avons également proposé dans notre rapport sur le Mediator. Enfin, il me semble judicieux de regrouper les missions de régulation des produits sanguins dévolues à l'Institut national de la transfusion sanguine au sein de l'Établissement français du sang.
Enfin, nous devons impérativement remettre le politique au coeur de la décision en matière de sécurité sanitaire. C'est d'ailleurs le sens de la création annoncée par le ministre de la santé d'un comité opérationnel des produits de santé.
Nous avons au final besoin de transparence, de circulation de l'information et de coordination entre les agences.
Une seule question, mon cher collègue : je ne vois pas dans votre rapport de proposition relative à la coordination européenne en matière de sécurité sanitaire. Or, il est impératif que nos agences aient un lien plus fort avec l'Agence européenne du médicament. J'aimerais avoir votre position sur ce sujet.
Je tiens moi aussi à adresser mes félicitations au rapporteur pour le travail accompli. Je pense, comme lui, que toute démarche facilitant l'accès du public aux informations sanitaires doit être encouragée ; j'approuve donc la proposition de création d'un portail « Santé et sécurité sanitaire ».
En revanche, j'aurais souhaité que le rapport comporte une évaluation du coût financier des agences pour évaluer le bénéfice attendu des propositions du rapporteur, au-delà de leur bénéfice pour les patients.
Enfin, je n'ai pas compris pourquoi il était proposé de réformer l'Institut national du cancer en confiant notamment sa mission de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ; je m'interroge sur cette suggestion, la pathologie du cancer étant très spécifique.
Je m'associe aux félicitations adressées au rapporteur. Je soulignerai quelques points d'amélioration détaillés dans une contribution annexée au rapport. S'agissant de la Haute Autorité de santé, il me semble ainsi possible d'améliorer la programmation de son travail ainsi que ses relations avec l'État et l'assurance maladie. J'estime aussi qu'il serait opportun de rapprocher la haute autorité de l'Agence nationale de l'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Je ne partage pas l'analyse de Mme Catherine Génisson concernant l'Institut national du cancer. Je pense qu'il doit devenir une instance de pilotage, ses missions opérationnelles devant être confiées à la fois à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale pour la recherche, à la Haute Autorité de santé pour l'élaboration des référentielsqualité, à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé pour l'activité de communication et à l'Institut de veille sanitaire pour l'observation de la pathologie et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour les bonnes pratiques dans l'usage du médicament.
Je partage enfin l'analyse du rapporteur sur la nécessité d'un véritable contrôle parlementaire sur ces organismes. Je ne pense pas que cela suppose la participation de parlementaires dans leurs instances dirigeantes car en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, ils n'y ont pas leur place, à mon sens, mais le Parlement pourrait exercer un contrôle accru en auditionnant les responsables de ces agences afin qu'ils rendent des comptes sur les avis qu'elles ont émis. Il s'agit en effet de traiter d'enjeux importants à la fois en terme de santé publique et de société.
La meilleure reconnaissance du travail accompli par la commission et son rapporteur consisterait sans doute à obtenir du Gouvernement qu'avant la fin de cette année, des mesures soient prises dans trois domaines : le regroupement des agences, la transparence et le contrôle du Parlement. Une mission d'information parlementaire ne présente en effet d'intérêt que si ses conclusions sont suivies d'effet ; je m'en ouvrirai au ministre que nous entendrons peu après.
Tout d'abord sur la place du politique, il est primordial de réaffirmer son rôle. Concernant le contrôle des agences par le Parlement, je pense qu'il nous appartient de nous en emparer et de l'exercer dans toute sa plénitude. On pourrait, par exemple, envisager que soient menés des débats en séance publique sur les agences sanitaires, lors des semaines où l'ordre du jour est consacré au contrôle, à la suite de missions d'audit que nous aurions menées.
Comme l'ont relevé MM. Jean-Pierre Door et Dominique Dord, la coopération européenne est un élément très important. Il convient de nous interroger sur la manière dont celle-ci pourrait évoluer. La compétence en matière de santé relève aujourd'hui de l'échelon national, mais des instances européennes interviennent également, comme l'Agence européenne du médicament. Nous devons nous assurer de l'indépendance de ces agences. À cette occasion, je souhaiterai vous relater une anecdote. Lors de mon déplacement à Londres, j'ai rencontré une partie des dirigeants de cette agence qui m'ont affirmé que la gestion des conflits d'intérêts dans leur agence offrait toutes les garanties. Cependant le soir même, j'ai pu constater dans la presse que le Parlement européen venait de refuser de voter le budget de l'agence, au motif que celle-ci n'était pas suffisamment transparente… Par ailleurs, si la coopération est indispensable au niveau européen, on a pu constater, lors de la crise liée à la bactérie Escherichia coli, que la réponse des instances européennes avait tardé et que les organismes nationaux avaient été en première ligne.
La question de la crédibilité des intervenants dans le domaine sanitaire a été évoquée. Je m'interroge si la France ne devrait pas se doter d'un « Défenseur de la santé », comme il existe un Défenseur des droits, fonction qui pourrait être exercée, par exemple, par le président de la Haute Autorité de santé.
S'agissant de cette dernière instance, il me semble que son évaluation pourrait être notre prochaine tâche. Créée en 2004, c'est la seule structure aux compétences réellement transversales dans le domaine sanitaire. Répond-elle vraiment à nos attentes initiales ?
Sur la question de la rationalisation du dispositif des agences sanitaires, j'ai pu constater que des réticences apparaissaient dès qu'il s'agissait de définir précisément les structures qui pourraient être l'objet de cette restructuration. En tout état de cause, j'estime qu'il convient de procéder, en la matière, comme il a été fait lors de la constitution de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en privilégiant la concertation et en associant le personnel des organismes. Je suis en effet intimement persuadé qu'on ne peut procéder à des regroupements d'agences contre l'avis du personnel. Quant au regroupement suggéré de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et de l'Institut national de veille sanitaire, je tiens à souligner que ces deux structures ont des compétences différentes et que leurs domaines d'intervention sont tout à fait complémentaires.
Concernant l'Institut national du cancer, ma proposition part d'une simple interrogation : Pourquoi certaines structures, créées en réponse à des crises sanitaires ou au fil de « chantiers présidentiels » ne pourraient-elles pas, au bout d'un moment, réintégrer le « droit commun » ? Je propose ainsi que la mission de recherche de l'institut qui représente la moitié de son activité soit adossée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
S'agissant de l'indépendance des structures, elle ne me semble pas passer, forcément, par des modes de financement spécifiques. Mais il convient, en revanche, qu'existe un pilotage stratégique politique.
Les liens d'intérêt ont été évoqués. Si ceux-ci peuvent exister, ils doivent alors être systématiquement publiés, tandis que les conflits d'intérêt doivent, pour leur part, être totalement proscrits. En outre, la publication des liens d'intérêt répond à la demande de transparence émanant de nos concitoyens.
Enfin, je tiens à remercier mes collègues pour leurs appréciations sur mon rapport. J'espère que celui-ci sera utile à notre système de santé.
La commission consultée, autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
La séance est levée à onze heures trente.