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Intervention de Yves Bur

Réunion du 6 juillet 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur :

Tout d'abord, je souhaiterai rappeler les conditions dans lesquelles a été décidée la création de cette mission. En effet, c'est à la suite des travaux de réflexion du Comité d'évaluation et de contrôle sur les autorités administratives indépendantes, que le président Bernard Accoyer a suggéré au président de notre commission de se pencher sur la situation des agences sanitaires. Entre-temps est survenu le drame du Mediator, ce qui a rendu nos travaux d'autant plus d'actualité.

Malgré toutes les critiques entendues depuis plusieurs mois, je tiens à souligner que notre système d'agences de santé présente une valeur ajoutée indéniable. Leur statut juridique leur permet une souplesse de gestion administrative et financière. Elles ont surtout permis au pouvoir politique de donner rapidement une réponse face à une crise.

Il n'empêche, ce système est devenu au fil des années de plus en plus complexe, manquant de lisibilité et de coordination. Plus inquiétant, il est apparu propice à des conflits d'intérêt et manquant de transparence.

Le système des agences de santé ne doit pas être remis en cause, il a fait ses preuves et il est nécessaire. Il doit néanmoins évoluer vers une plus grande rationalisation de son architecture et vers une amélioration de son fonctionnement. C'est sur ces deux axes que la mission a choisi d'orienter ses propositions.

Le dispositif des agences a résulté de créations successives, souvent par l'absorption de structures déjà préexistantes et sans pour autant réorganiser les administrations centrales dont elles dépendaient. Je serais même tenté d'ajouter : une crise, une agence. C'est pourquoi, restructurer le dispositif des agences est me semble-t-il nécessaire, à la fois pour des raisons budgétaires et pour redonner une cohérence au système.

Tout d'abord, je citerai un exemple à suivre. L'Agence nationale de recherche sur le sida devrait intégrer l'Institut national de la santé et de la recherche médicale l'année prochaine tout en préservant son autonomie. Cette initiative courageuse pourrait être applicable à l'Institut national du cancer. Ainsi son volet recherche serait transféré à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, son volet prévention à l'Institut national de prévention et d'éducation et son volet évaluation à la Haute Autorité de santé.

Ensuite, je propose que plusieurs missions soient regroupées lorsqu'il y a chevauchement de compétences.

Un premier regroupement de missions pourrait être envisagé entre l'Établissement français du sang et l'Institut national de transfusion sanguine. Les frontières entre ces deux agences sont poreuses particulièrement pour leurs missions de formation et de recherche ; leurs instances de gouvernance sont déjà imbriquées. C'est pourquoi il me paraît justifié de ne pas renouveler le groupement d'intérêt public de l'Institut national de transfusion sanguine qui s'achèvera fin 2011.

Un deuxième regroupement de missions entre le Haut conseil de la santé publique et la Haute Autorité de santé serait possible. L'expertise de gestion des risques sanitaires est actuellement assurée à la fois par le Haut conseil de la santé publique et la Haute Autorité de santé. Le Haut conseil de la santé publique a du mal à trouver sa place dans le dispositif déjà important d'aide à la décision. C'est pourquoi je suggère de confier ses missions à la Haute Autorité de santé qui de surcroît bénéficie du statut d'autorité publique indépendante.

Un troisième rapprochement pourrait être réalisé entre les missions de veille sanitaire de l'Institut de veille sanitaire et les missions de prévention de l'Institut national de prévention et d'éducation au sein d'une agence à vocation populationnelle. Ces deux instituts occupent une place à part dans le dispositif, dans la mesure où ils exercent des missions transversales et non ciblées sur un champ précis. Par ailleurs, ces deux missions sont les deux maillons complémentaires d'une même chaîne. L'Institut de veille sanitaire fait des observations épidémiologiques tandis que l'Institut national de prévention et d'éducation étudie le comportement de la population et mène des campagnes de prévention. J'ajouterai que les États-Unis ont depuis 1946 choisi d'intégrer ces deux missions au sein d'une seule agence : le CDC (Centers for disease control and prevention).

La rationalisation passe aussi par une mutualisation des moyens et un regroupement géographique des locaux et des sites. J'ai été surpris de constater que six agences occupaient des bâtiments différents au sein du périmètre restreint de la Plaine-Saint-Denis. Je suggère donc que ces agences se regroupent au sein d'un même immeuble afin de négocier au mieux le prix du bail et d'améliorer la coordination entre elles.

Ma seconde approche consiste en des propositions afin d'améliorer le fonctionnement des agences.

Premièrement, je propose de généraliser un système de gouvernance constitué selon le modèle suivant :

– un conseil d'administration chargé de la gestion administrative et financière ;

– un conseil scientifique délivrant une expertise de qualité ;

– un conseil d'orientation ouvert à la société civile qui fixe les enjeux et le programme de travail ;

– une commission de déontologie ;

– un médiateur qui sert d'interface entre les agences et les usagers du système de santé, les professionnels de santé et les industriels.

Par ailleurs, les agences devront développer des mécanismes de contrôles internes afin d'éviter l'accoutumance aux risques.

Deuxièmement, afin de conforter l'indépendance de ces agences il me semble nécessaire de clarifier la gestion des conflits d'intérêt. Je tiens à insister sur la différence entre le lien d'intérêt inévitable qui traduit une compétence reconnue et le conflit d'intérêt qui lui doit être proscrit.

Je propose ainsi une évolution des procédures afin :

– d'harmoniser les règles déontologiques pour toutes les agences ;

– d'élargir le champ d'application de cette déclaration d'intérêt aux cocontractants et aux industriels des secteurs concernés ;

– de compléter son contenu en indiquant notamment le montant des avantages financiers consentis aux experts, aux collaborateurs par les industriels ou cocontractants à partir d'un seuil annuel à définir ;

– de mettre en ligne les déclarations sur le site internet des agences ;

– enfin, de prévoir une vérification effective de ces déclarations. Les commissions de déontologie seraient chargées de la gestion permanente de ces déclarations et un contrôle externe pourrait être assuré par l'Autorité de déontologie qui figure dans le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d'intérêt dans la vie publique et qui devrait être prochainement examiné.

Troisièmement, je plaide pour une plus grande transparence de ces agences.

Avant toute chose, leurs méthodes de travail doivent évoluer.

Mais surtout, une plus grande transparence passe aussi par une ouverture à la société civile. Je propose de s'inspirer des modèles allemands et américains lors de l'élaboration des avis ou décisions des agences. Une fois l'avis ou la décision élaboré par le conseil scientifique, il serait mis en ligne sur le site de l'agence et toute personne intéressée pourrait présenter des observations ou apporter des contributions dans un délai compris entre quinze jours et un mois.

Par ailleurs, je recommande l'organisation de débats ouverts au public et filmés avec retransmission sur internet sur certains sujets présentant un intérêt majeur pour la population ou sur des questions sensibles. Ils associeraient les experts, les industriels des secteurs concernés et des représentants d'associations de consommateurs, de malades en fonction des pathologies et d'usagers du système de santé.

Les observations de tout participant à ces consultations ou débats et la suite donnée à leurs propositions figureraient dans l'avis ou la décision rendu par l'agence.

Je souhaiterais ajouter qu'il est important que les associations de patients ou d'usagers du système de santé disposent de moyens plus importants en termes de financement ou de formation.

Cette plus grande transparence implique aussi une meilleure circulation de l'information. Alors que toutes ces agences disposent de sites internet dédiés, il est surprenant que les professionnels de santé auditionnés fassent le constat qu'ils se réfèrent à Doctissimo ! Je propose donc de mettre en place un portail qui pourrait s'intituler « Santé et sécurité sanitaire » et qui pourrait être géré par la Haute Autorité de santé. Ce portail comprendrait un volet interactif à destination des professionnels de santé qui leur adresserait une information générale mais surtout des messages de sécurité sanitaire prioritaires et un volet à destination du grand public qui centraliserait les informations des différentes institutions et du ministère de la santé.

Quatrièmement, je recommande de rénover l'expertise. Ce point est essentiel car la crédibilité des agences passe par la qualité de leur expertise.

Je suis favorable à un renforcement de l'expertise interne, ce qui suppose de renforcer l'attractivité des carrières.

Enfin, il est primordial de conforter l'implication ministérielle et parlementaire.

C'est au pouvoir politique de prendre les décisions et non aux experts. Il est primordial de réaffirmer que le pilotage de la santé publique relève donc de l'autorité ministérielle et non des agences.

Il est important que la tutelle ministérielle évolue vers un pilotage stratégique, à la fois par un suivi des contrats d'objectifs et de performance et par une amélioration des instances de coordination avec les agences. Il me semble que le Comité d'animation du système d'agences dit CASA doit acquérir plus de visibilité et que son rôle de pilotage stratégique doit être affirmé.

Je conclurai en évoquant le rôle que nous, parlementaires, pourrions et devrions jouer dans l'amélioration de ce dispositif. En vertu de notre mission de contrôle, il nous appartient de définir quelles agences seront auditionnées.

En conclusion, je ne propose pas, mes chers collègues, une révolution mais une évolution de ce système d'agences afin de renforcer sa crédibilité.

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