–– Audition de M. Jean-Marie Poimboeuf, président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN).
La séance est ouverte à dix heures.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Marie Poimboeuf, président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN). Le groupement, qui a organisé le salon Euronaval à l'automne dernier, représente toute l'industrie navale française : constructeurs de navires, fournisseurs d'équipements, architectes navals, PME-PMI et sociétés spécialisées dans la sûreté et la sécurité maritimes.
Notre industrie navale, grâce à la maîtrise de savoir-faire et de technologies complexes, contribue pleinement à la diffusion de l'innovation et à la compétitivité de notre pays. Si elle a été assez durement frappée par la crise économique, elle peut néanmoins envisager l'avenir avec un optimisme raisonnable.
Le marché de l'armement naval représente en effet près de 30 milliards de dollars au niveau mondial et ses perspectives de croissance ne manquent pas, comme en témoigne le marché de 530 millions de dollars décroché la semaine dernière par une filiale d'EADS à l'occasion du salon IDEX à Abu Dhabi (EAU). Ces perspectives concernent l'équipement des nouvelles puissances mondiales ou la projection de nos troupes vers des théâtres d'opérations de plus en plus lointains ; elles facilitent également l'émergence d'un marché de la sécurité et de la sûreté maritimes face à la piraterie ou le développement des « technologies vertes », appelées à occuper une place centrale dans l'industrie navale au cours des années à venir.
Depuis deux ans, le GICAN regroupe l'ensemble de l'industrie navale, tant de défense que civile. Ce secteur très actif présente trois niches d'excellence au niveau mondial : l'industrie navale de défense avec des produits destinés à la marine nationale et à l'export, les navires de passagers et la plaisance.
Avec un chiffre d'affaires annuel de 5 milliards d'euros et 50 000 emplois, ce secteur s'intègre dans le monde de la mer, qui représente dans son ensemble 300 000 emplois et 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires. C'est une filière importante et je me réjouis qu'elle ait été reconnue comme l'une des filières stratégiques par le comité national de l'industrie. Il s'agit également d'une industrie à très forte valeur ajoutée, ce qui renvoie à l'enjeu du maintien et du développement des compétences.
Irriguée par les grands contrats des frégates multi-missions (FREMM) et des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, l'activité navale de défense est actuellement satisfaisante. Autour des grands industriels que sont DCNS, STX, Thales et EADS, elle rassemble de nombreuses PME et PMI, dont 30 % sont totalement indépendantes des grands groupes. C'est là un réseau qu'il nous faut conserver.
L'industrie navale a connu au cours des dernières années de très importants succès à l'exportation, sa part dans les exportations de matériels de défense, qui était de 15 % à 20 % au début des années 2000 est passée à plus de 30 % il y a cinq ans pour atteindre plus de 50 % en 2009 grâce aux contrats conclus avec le Brésil et l'Inde. Les perspectives d'avenir sont bonnes, avec les bâtiments de projection et de commandement (BPC) qui doivent être construits pour la Russie.
L'activité est néanmoins fragile du fait des contraintes budgétaires. Nous veillons à ce que les commandes passées soient maintenues afin de conserver la visibilité nécessaire à une industrie qui s'inscrit dans le long terme. Des programmes de sous-marins ou de frégates se construisent dans la durée, avec des temps de développement longs et la nécessité de réunir un grand nombre de compétences. Il importe de conserver ces savoir-faire qui doivent pouvoir bénéficier à la fois à la marine nationale et à nos exportations.
Le soutien politique est également très important pour assurer le succès des exportations. À la différence de l'aéronautique ou de l'industrie terrestre, l'industrie navale de défense repose moins sur des séries que sur des prototypes. Le soutien de la marine nationale à la promotion de l'industrie navale française à l'étranger est à cet égard très important. Nous attendons par exemple beaucoup de la campagne qu'effectuera cette année le Mistral à laquelle participe le GICAN : elle permettra de promouvoir notre industrie à travers le monde.
L'industrie navale française est bien évidemment ouverte à la coopération et y participe chaque fois qu'elle le peut. Cependant, malgré des actions engagées au niveau des équipementiers et des systémiers, la coopération n'est pas encore réellement en marche entre les grands maîtres d'oeuvre à l'échelle européenne et nous en sommes plutôt à une phase de préparation. Cette coopération sera pourtant indispensable, car l'Europe n'a pas les moyens de voir se perpétuer une telle multiplicité de maîtres d'oeuvre et de grands projets.
Enfin, ne l'oublions pas, l'avenir dépend du soutien dont bénéficieront nos futurs produits en termes de recherche et développement.
Où en sont les projets de rapprochement entre les grands industriels français de la construction navale et leurs homologues européens ? Il est souhaitable que les industries européennes atteignent une taille critique leur permettant d'aborder les marchés internationaux à l'heure de la mondialisation.
Malheureusement, les rapprochements entre maîtres d'oeuvre n'ont pas du tout avancé. Des consolidations ont été opérées au niveau national ; je pense notamment à DCNS, société de droit privé regroupant l'ensemble de l'industrie navale, qui a racheté la partie navale de Thales en échange d'une participation à son capital. En Espagne, Navantia représente le pôle industriel dans ce domaine. En Italie, on trouve le systémier Finmeccanica et le plateformiste Fincantieri. En Allemagne, ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) s'est rapproché d'Abu Dhabi Mar, qui est entré dans son capital après avoir racheté le grec Hellenic Shipyards. Au Royaume-Uni, le rachat de Vosper Thornycroft par BAE Systems représente également une consolidation. En revanche, on ne voit pas dans les autres pays européens d'appétit pour un rapprochement entre ces grands maîtres d'oeuvre ; on observe même plutôt des divergences. Ainsi, l'Espagne a-t-elle décidé de construire seule son futur sous-marin S80, concurrent direct du Scorpène, conduisant DCNS à interrompre la coopération qui avait été engagée pour la construction de ce dernier. La situation est donc très décevante : loin d'avancer, on recule.
Le rapprochement entre TKMS et Abu Dhabi Mar n'est pas loin de rejoindre les intérêts français, car l'actionnaire français qui s'est allié à Abu Dhabi Mar pour procéder à ce rapprochement est l'un des principaux chantiers de construction navale militaire après DCNS ; il s'agit des constructions mécaniques de Normandie (CMN). Un rapprochement entre DCNS et CMN ne permettrait-il pas de disposer d'un pôle naval français totalement intégré facilitant une négociation beaucoup plus offensive ?
N'étant plus président de DCNS, il m'est difficile de vous donner la position du groupe sur ce point. Il faudrait plutôt interroger mon successeur.
La coopération industrielle avec CMN a existé, mais j'ignore si elle se poursuit aujourd'hui pour le développement des Barracuda. L'essentiel du problème est lié à la position de l'actionnaire ThyssenKrupp. TKMS a partagé son activité en trois tranches : elle a vendu l'activité des bâtiments civils, cédé à Abu Dhabi Mar les bâtiments de surface marine, ThyssenKrupp se concentrant sur les sous-marins. Dans ce dernier secteur, ThyssenKrupp se considère comme le champion européen et ne semble guère souhaiter de coopération avec DCNS. La seule proposition de coopération formulée voilà quelques années consistait à ce que DCNS se concentre sur la fabrication de sous-marins nucléaires et abandonne la construction de sous-marins classiques à ThyssenKrupp qui lui sous-traiterait la fabrication de coques. Cette proposition était tout à fait inacceptable et il ne semble pas que la situation ait beaucoup changé.
Pour avancer sur la voie de la coopération, il faudrait donc un changement de position de ThyssenKrupp.
Bien qu'elle ait le même poids économique que le secteur automobile, l'industrie navale est beaucoup plus discrète. Que compte faire le GICAN, en liaison avec le cluster maritime français, pour avoir une meilleure lisibilité ?
Par ailleurs, quelles sont la situation et les perspectives de l'exportation des Scorpène notamment en direction du Brésil ?
Il est vrai que nous ne parvenons pas toujours à faire connaître les succès de l'industrie navale. Je regrette l'insuffisante communication sur le succès du sous-marin lanceur d'engins le Terrible, l'objet le plus complexe au monde selon une étude américaine. Il a en effet été livré en 2010 avec le missile M51, dans les délais prévus par le contrat signé en 2000.
Pour plus de lisibilité et plus de force devant les instances politiques françaises et européennes, le GICAN a regroupé l'ensemble de l'industrie navale de défense et civile. Le regroupement de l'ancien GICAN et de la chambre syndicale des chantiers navals nous a d'ailleurs permis d'être reconnus comme l'une des 12 filières stratégiques.
Le salon Euronaval, organisé tous les deux ans par notre filiale SOGENA, est désormais le plus important salon mondial dans le domaine de l'industrie navale de défense, ouvert à l'international et à la sécurité maritime. Nous avons l'intention d'élargir encore ce champ.
Nous allons participer très prochainement à la semaine de l'industrie lancée par le ministre de l'industrie : nous voulons que l'industrie navale soit présente auprès des jeunes pour faire connaître ses métiers.
Le GICAN, qui regroupait 60 partenaires voilà sept ans, en compte aujourd'hui plus de 150. Nous sommes présents à Bruxelles, à l'Aerospace Defence Industries Association of Europe (ASD), à la Community of European Shipyards Associations (CESA) et à l'European Marine Equipment Council (EMEC). Nous avons oeuvré pour la création du conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN) qui sera mis en place le 16 avril. Le « Fonds Mer » a également été créé à l'initiative du cluster et du GICAN. Ses investissements doivent soutenir les PME du secteur avec une dotation initiale de 15 millions d'euros passée à 30 millions d'euros.
Voilà quelques-unes des actions que nous engageons pour mieux faire connaître cette industrie. J'ajoute que, comme elle est très localisée sur le territoire national, on peut pratiquement dire que chaque euro investi reste en France et profite à notre économie.
Quelles sont, selon vous, les perspectives de développement de la diversification engagée par certains groupes navals de défense ? Je pense en particulier au projet Flex Blue de centrales nucléaires sous-marines, auquel participe DCNS, et à la société commune créée par Veolia et DCNS pour assurer un soutien aux bases de défense ? S'agit-il de véritables relais de croissance ou d'activités d'appoint ?
DCNS et tous ses partenaires ont l'ambition de faire de ces activités des relais de croissance, l'avenir de notre industrie dépendant de leur succès. En effet, compte tenu des contraintes budgétaires, les activités traditionnelles de construction navale ne suffiront pas à nourrir l'ensemble de l'industrie navale française.
La stratégie de DCNS et de l'ensemble du secteur se développe selon deux axes. Le premier est celui des énergies marines renouvelables, pour lesquels des initiatives ont été engagées avec différents partenaires dans quatre domaines : les éoliennes flottantes en mer, l'énergie des marées, l'énergie des courants et l'énergie thermique des mers. Des démonstrateurs sont en cours d'élaboration en vue de la validation et de l'industrialisation de ces technologies. Un projet de ferme d'éoliennes en mer produisant 3 mégawatts a déjà été jugé satisfaisant par l'industrie.
Le deuxième axe est celui du nucléaire civil, avec le projet Flex Blue, engagé sous l'égide de DCNS, avec la collaboration du commissariat à l'énergie atomique (CEA), d'AREVA et d'EDF. Ce concept innovant est le fruit d'une réflexion menée depuis deux ans sur les petits réacteurs et se fonde sur une étude de marché qui a fait apparaître, au niveau mondial, un besoin d'une centaine de réacteurs de ce type. Ils seraient plus sûrs et plus mobiles que de petits réacteurs qui seraient développés à terre et ils seraient régis par des principes d'extraterritorialité permettant de mieux en maîtriser la prolifération. DCNS s'est donné deux ans pour approfondir le concept avant de décider de la réalisation d'un premier prototype.
Pour ce qui est des services destinés au monde de la défense, la société commune créée dans ce domaine par DCNS et Veolia, « Défense et Environnement Services » a déjà obtenu des marchés de soutien de plusieurs services de la défense dont celui de la base de défense de Creil qui concerne 3 000 personnes.
Ces perspectives sont très importantes pour assurer l'avenir de notre industrie face à la réduction très probable de l'activité navale traditionnelle après les deux grands contrats relatifs aux frégates multi-missions et aux sous-marins Barracuda.
Ma question porte sur le modèle économique des exportations. Les chefs de file nationaux dans ce domaine, tels que DCNS, s'engagent-ils seuls dans cette démarche, ou ensemble avec des PME ? Quelle est la place réservée aux PME dans ces marchés ? Sont-elles totalement absorbées dans l'offre globale ?
Par ailleurs, les PME sont-elles les premières victimes des transferts de technologie acceptés au titre des accords négociés avec les pays acquéreurs, je pense en particulier aux navires de type Mistral ?
Ont-elles un avenir propre en tant que telles, ou sont-elles condamnées à intégrer les grands opérateurs ?
Les négociations commerciales relatives aux grands contrats sont menées par DCNS avec le soutien de l'État et en coopération avec ses grands partenaires. La vente de sous-marins ne se négocie pas avec les PME. En revanche, le GICAN organise une journée de présentation aux PME des opportunités offertes par chaque grand contrat prévoyant un transfert de technologie, comme c'est le cas pour ceux qui ont été conclus avec l'Inde ou le Brésil. Nous organisons également des rencontres permettant de nouer des contacts avec les PME locales participant au projet : nous l'avons fait avec un grand succès à Mumbaï, en Inde, et nous le ferons au Brésil. Le transfert de technologie ne doit pas être réalisé par DCNS au détriment des PME, il doit se faire avec elles, afin qu'elles puissent se faire connaître du monde industriel local et développer elles-mêmes leurs activités.
Nous organisons également à leur intention une présentation par les grands maîtres d'oeuvre du secteur naval civil et militaire des grands projets nationaux et des projets à l'export afin de leur permettre de connaître le calendrier des commandes et les innovations recherchées, et d'y participer. Un comité est d'ailleurs spécifiquement consacré aux PME au sein du GICAN. Le président de ce comité et moi-même serons d'ailleurs entendus cet après-midi par les rapporteurs de la mission d'information sur les PME et la défense.
La question que je souhaitais poser rejoint celles du président Guy Teissier et de Bernard Cazeneuve sur la coopération européenne en matière de défense.
Avant-hier, lors de la cérémonie de lancement de la mission que va effectuer le Mistral, le chef d'état-major de la marine déclarait qu'un rapprochement des pays européens était nécessaire. De fait, les contraintes financières devraient plaider en ce sens. Le recul que vous évoquiez tout à l'heure en la matière est donc tout à fait regrettable.
Une coopération industrielle entre pays n'est possible que s'il existe un appétit en ce sens. Il est difficile d'engager une coopération lorsqu'il n'y a pas de nouveaux programmes à lancer ; or, à l'heure actuelle les grands programmes sont déjà lancés en Europe. Cela étant, il est toujours possible de s'appuyer sur les programmes d'exportation.
Pour autant, la compétition internationale, qui s'exacerbe avec l'apparition de nouveaux industriels dans le domaine des sous-marins classiques, comme la Corée du Sud ou la Russie et bientôt la Chine, devrait nous pousser à nous rapprocher des Espagnols et des Allemands.
L'initiative politique prise à la fin de l'année dernière par la France et le Royaume-Uni permet, à défaut de programmes d'ensemble, une coopération ponctuelle sur des sous-ensembles ou sur certaines technologies.
Il est prévu que la corvette Gowind, qui devrait être achevée prochainement, soit mise à la disposition de la marine nationale. Quel est le sens de ce nouveau modèle de marketing des industries navales ? S'agit-il de permettre au client d'essayer le matériel avant de l'acheter, ou de le tester en France avant de le proposer à une clientèle étrangère ? Par ailleurs, le principe qui consistait à intégrer les coûts de possession est-il toujours en vigueur ?
Le label « marine nationale » est très important pour le soutien de nos exportations et l'industrie navale en est très satisfaite. Ainsi, la campagne du Mistral permet de faire la promotion du matériel français pendant les escales. Après les frégates multi-missions, le besoin se fait sentir, tant pour la marine nationale que pour l'exportation, de bâtiments de surveillance côtière de moyen tonnage de l'ordre de 2 000 à 3 000 tonnes. Le fait que DCNS ait décidé d'autofinancer un tel navire me semble relever d'une stratégie industrielle pertinente.
L'intégration des coûts de possession est toujours d'actualité. Pour les FREMM et les Barracuda, les contrats prévoyaient un engagement de soutien, au moins pour les premières années. Ce mécanisme, intéressant pour l'utilisateur, permet aussi à l'industriel de réfléchir à long terme en intégrant dans son mode de développement les contraintes d'un soutien opérationnel aussi efficace que possible. Nous proposons également cette démarche à l'export et, même si le système ne fait encore que se mettre en place à cette échelle, de nombreuses marines du monde s'intéressent à la manière dont la marine française passe des contrats avec DCNS.
Nous sommes nombreux à partager avec vous le sentiment que la coopération européenne recule. La construction d'une Europe de la défense suppose une volonté politique et une nécessité industrielle. Or, la volonté politique est peu visible comme j'ai pu le mesurer lors de la dernière réunion de l'assemblée parlementaire de l'OTAN. Les rapprochements nationaux semblent avoir produit l'effet inverse à celui qui était souhaité à savoir la création d'une industrie européenne de défense compétitive. Il y a sans doute là une faute stratégique. On ne voit guère se dessiner les programmes communs susceptibles de créer une nécessité industrielle. Les grands programmes structurants sont décidés indépendamment par chaque pays. En France ces programmes sont déjà arrêtés pour les trente prochaines années, à l'exception peut-être de l'hypothétique deuxième porte-avions, sur lequel nous n'avons guère d'illusions au vu de la situation budgétaire. Au-delà de ces trente ans, qu'adviendra-t-il ? Sur quels programmes l'État doit-il assurer un accompagnement en termes de recherche et développement ?
Il n'y avait pas de place pour une concurrence franco-française : la consolidation était donc nécessaire à l'échelle nationale et elle ne fait pas obstacle à une coopération européenne. En revanche, à la différence du Royaume-Uni et de la France, certains pays utilisent les programmes de défense moins pour leur défense proprement dite que pour acquérir des compétences qu'ils ne possèdent pas. Mieux vaut donc une absence de coopération qu'une coopération permettant à un autre pays de développer de nouvelles compétences industrielles, comme cela aurait été le cas pour l'Espagne dans le cadre de la coopération pour la construction des Scorpène. Le rapprochement se fera un jour sous la contrainte économique, mais les Espagnols n'ont pas encore compris que le maintien d'une compétence dans le domaine des sous-marins est un gouffre financier et que quatre sous-marins S80 ne leur permettront pas de l'assurer dans la durée. La France n'y parvient du reste que grâce aux exigences de la dissuasion.
Pour l'avenir, n'oublions pas les riches possibilités d'exploitation qu'offre le milieu marin. L'Europe, et tout particulièrement la France, compte tenu de la longueur de ses côtes, aura besoin de moyens de surveillance qu'il s'agisse de bâtiments ou d'équipements. Dans ces deux domaines, il importe d'investir pour préserver les compétences et développer une industrie capable de produire à la fois des bateaux rustiques et des équipements sophistiqués.
Face à la percée du monde asiatique et aux événements qui se produisent au Moyen-Orient, une marge de progression est-elle encore possible en matière d'exportation ? Quelles sont les perspectives pour la marine ?
Dans le secteur naval, l'activité d'exportation a été très importante au cours des trois dernières années et les perspectives restent significatives. Le monde asiatique est très agressif sur des produits dont la valeur ajoutée est relativement faible. En effet, si la production de l'industrie maritime européenne ne représente que 10 à 15 % du tonnage de l'industrie asiatique, elle génère une valeur ajoutée équivalente. Notre avenir réside donc toujours dans des produits à forte valeur ajoutée et cela est particulièrement vrai dans le domaine de l'armement qui relève de la haute technologie. La Corée du Sud, qui produit déjà des coques de sous-marins, ne dispose pas encore des systèmes d'armes permettant de les équiper. Nous devons donc maintenir notre avance technologique et il importe de continuer à soutenir et de mieux organiser la recherche, le développement et l'innovation. Dans le domaine naval, les besoins à l'export restent très élevés, que ce soit en Amérique du Sud, au Moyen-Orient ou en Asie.
Différents rapports réalisés par nos collègues ont montré que le parc de navires de la marine nationale permettant d'assurer le contrôle de notre territoire maritime dans le Pacifique était à bout de souffle, la rupture de contrat opérationnel ayant même été évoquée. Des études sont-elles en cours pour le remplacement de ce parc ? Des partenariats sont-ils possibles, notamment avec STX ?
Hermès, bâtiment de 2 000 tonnes développé en autofinancement pour être mis à la disposition de la marine nationale sous le nom de l'Adroit, est un pas en ce sens. Le budget de la marine est aujourd'hui axé sur les FREMM et sur le Barracuda, mais les prochains besoins porteront en effet sur des navires rustiques capables de naviguer en haute mer pour assurer la surveillance maritime. STX, qui construit plutôt de grands navires du type Mistral, ne se situe pas vraiment sur ce créneau qui est plutôt celui de DCNS. La coopération avec STX est du reste excellente, comme nous l'observons au sein du GICAN. Le renouvellement des navires nécessaires pour la présence dans le Pacifique est industriellement en bonne voie, mais les financements doivent suivre.
Pour revenir sur la coopération franco-britannique en matière de sous-marins, je précise qu'elle n'a de sens que pour des sous-ensembles d'équipements et de technologies, car les grands projets relèvent du domaine régalien.
La séance est levée à onze heures quinze.