La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux personnels enseignants de médecine générale. (n° 502, n° 630).
La parole est à Mme Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici réunis pour examiner une proposition de loi qui, déposée à l'initiative du sénateur Francis Giraud, a recueilli le vote unanime du Sénat lors de son adoption le 12 décembre dernier.
De quoi s'agit-il ? Ainsi que le rapporteur Jean-Pierre Door l'a fort bien mis en évidence, cette proposition de loi répond à une nécessité et à une urgence.
La nécessité est de créer une véritable filière universitaire de médecine générale pour offrir à nos étudiants, qui seront nos futurs médecins, une formation de très haut niveau leur permettant d'assurer dans les meilleures conditions les lourdes responsabilités qui seront les leurs dans l'exercice de leur métier.
L'urgence est d'offrir un cadre juridique clair aux emplois que j'ai décidé de créer.
Nécessaire, urgente, cette proposition de loi est aussi un aboutissement : elle vient concrétiser un cycle de réformes entamé il y a longtemps déjà. Je crois qu'il n'est pas inutile d'en rappeler les étapes, tant elles disent bien l'enjeu que représente le texte qui vous est soumis aujourd'hui.
En 1958 la France, à l'initiative du professeur Robert Debré, a créé les centres hospitaliers et universitaires – les CHU – et un corps de personnels qui leur était attaché : les personnels enseignants et hospitaliers. En associant étroitement enseignement, recherche et soins, universités et hôpitaux, cette réforme a permis à notre pays de former des praticiens de grande qualité et de faire progresser la recherche médicale. Toutefois, la médecine générale est restée à l'écart de cette organisation.
Durant de très nombreuses années les futurs médecins généralistes ont eu un accès limité à la recherche, n'effectuant que des stages de courte durée dans des services souvent peu formateurs. Certes, une première réforme est intervenue en 1982 avec la loi relative aux études médicales et pharmaceutiques. Destinée à améliorer la formation des médecins généralistes, elle a mis en place une formation pratique hospitalière, une formation théorique de troisième cycle et une spécialisation en médecine générale avec le résidanat. Ces aménagements se sont toutefois rapidement révélés insuffisants.
La première étape de cette prise de conscience est intervenue en 1996 avec le rapport des professeurs et députés Jean-François Mattei et Jean-Claude Étienne. Leurs recommandations, notamment en faveur de la création d'une filière de médecine générale au concours d'internat, sont, au terme d'un long processus, à l'origine du texte qui nous rassemble aujourd'hui.
Elles ont tout d'abord donné lieu en 2000 à un arrêté réorganisant le deuxième cycle des études médicales puis, en 2002, à l'adoption, dans la loi de modernisation sociale, d'une disposition réformant le troisième cycle des études médicales. Désormais, tous les étudiants qui souhaitent poursuivre un troisième cycle d'études médicales sont tenus de se présenter aux épreuves de l'examen national classant et de choisir une discipline en fonction de leur rang de classement. La médecine générale est ainsi devenue une discipline universitaire sanctionnée, au même titre que les autres spécialités, par un diplôme d'études spécialisées – DES.
La réforme des études de médecine générale restait cependant au milieu du gué car il convenait encore de donner corps à des dispositions très largement restées à l'état de coquille vide faute d'avoir été accompagnées des moyens nécessaires pour produire leur plein effet.
Plusieurs colloques et rapports, issus d'horizons très divers – de la Conférence des présidents d'universités aux inspections en passant par les experts – se sont ainsi accordés sur la nécessité de renforcer la filière de médecine générale pour encourager les vocations et dynamiser la recherche scientifique et le transfert de ses résultats. En résumé, il s'agit de faire du troisième cycle des études de médecine générale une véritable formation « à et par la recherche », à l'instar de tous les troisièmes cycles universitaires.
L'enjeu, vous le savez, est de taille. Face à une demande de soins croissante, dont nous ne pouvons que nous réjouir tant elle traduit un allongement de l'espérance de vie et le progrès des thérapies, il devient nécessaire et urgent de renforcer l'attractivité des formations de médecine générale.
Près de 2 600 étudiants se destinent chaque année à devenir médecins généralistes. Pour toute cette jeunesse, animée d'une vocation sincère, ce choix ne peut et ne doit pas, comme cela a été trop longtemps le cas, être vécu comme un choix par défaut mais comme un choix ambitieux et valorisé car fondé sur des compétences spécifiques.
Mais les faits sont là. Si la médecine générale attire plus de la moitié de chaque promotion, il reste que chaque année de nombreux postes ne sont pas pourvus : 13 % l'an dernier, 40 % l'année précédente. Ces chiffres, cités par M. Jean-Pierre Door dans son rapport, doivent retenir toute notre attention même s'ils méritent d'être relativisés. Ils s'expliquent en partie par les modalités d'organisation de l'examen national classant et par la création récente de la filière. Toutefois, lorsqu'on estime que le nombre des médecins installés représente seulement 20 % à 40 % des postes ouverts au concours, un constat s'impose : face aux besoins de soins qui sont les nôtres, une telle situation ne peut plus durer.
La première réponse est d'offrir aux étudiants qui ont choisi de s'engager dans l'étude de la médecine générale une formation de qualité égale à celle de leurs collègues qui poursuivent d'autres voies. C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai soutenu la création de vingt emplois destinés au recrutement de chefs de clinique de médecine générale et de quatorze emplois de maîtres de conférences associés. La création de ces postes, auxquels s'ajoutent quatorze autres emplois de médecine générale, pour aboutir à un total de quarante-huit nouveaux postes – chiffre conforme aux voeux de la communauté médicale – était une nécessité pour assurer la qualité de la formation de nos futurs médecins.
Toutefois, la création de ces emplois est désormais subordonnée à la création de nouveaux corps de personnels enseignants en médecine générale. Parce qu'ils n'effectuent pas leur activité de soins à l'hôpital mais en ville, dans leurs cabinets, les médecins généralistes ne peuvent en effet relever du statut des personnels enseignants et hospitaliers.
Tel est précisément, mesdames, messieurs les députés, l'objet de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Son objectif est d'offrir aux 6 000 étudiants qui, à l'heure où je vous parle, suivent une formation de médecine générale, un encadrement de qualité, conforme aux ambitions qui sont les miennes, qui sont les nôtres, devrais-je dire, pour la médecine française.
En résumé, il s'agit tout simplement de faire profiter la médecine générale d'une organisation qui a fait ses preuves en permettant aux étudiants d'enrichir leur cursus des dernières avancées de la recherche, elle-même nourrie du contact quotidien des malades. Nos concitoyens seront ainsi en mesure de bénéficier au plus vite des derniers progrès de la connaissance et des innovations thérapeutiques qui en résultent.
La mise en place de ce continuum enseignement-recherche-valorisation de la recherche s'inscrit pleinement dans le cadre des réformes entamées par le Pacte pour la recherche, avec la mise en place des centres thématiques de recherche et de soins – les CTRS –, et poursuivies par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
L'intégration renforcée des formations médicales au sein de l'université, que vous avez votée au mois d'août dernier, doit en effet permettre aux unités de formations et de recherche de médecine de se fondre pleinement dans la stratégie globale de l'établissement. Ce faisant, elles tireront mieux profit des dernières avancées scientifiques réalisées dans d'autres disciplines.
Décloisonner les savoirs pour enrichir la connaissance : la proposition de loi du sénateur Francis Giraud apporte une pierre à cet édifice qui nous rassemble tous.
Poursuivant cet objectif, le statut qui vous est proposé s'inspire de celui des personnels enseignants et hospitaliers. Il en reprend ce qui en fait la force : la triple mission d'enseignement, de recherche et de soins, chacune venant enrichir l'autre. Il lui apporte les adaptations nécessaires liées à un exercice des activités de soins hors de l'hôpital. Le texte qui vous est soumis, et qui a fait l'objet de modifications opportunes de la part du Sénat, pose des principes. Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités d'application de la disposition.
Je remercie le rapporteur Jean-Pierre Door d'avoir salué dans son rapport la démarche qui a consisté à porter à sa connaissance l'avant-projet de décret rédigé par mes services. « Démarche exemplaire » a-t-il écrit et je l'en remercie très vivement ; mais je serais tentée de dire simple « démarche naturelle », car il me semble que, sans remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs, la qualité du travail législatif autant que la célérité du travail gouvernemental gagnent à ce que le Parlement ait connaissance des mesures d'application des textes qu'il adopte. J'ajoute que cette méthode, utilisée lors de l'examen de la proposition de loi au Sénat, a été renouvelée lors de l'examen du projet de loi relatif aux opérations spatiales, texte qui sera très prochainement soumis à votre assemblée.
Consciente de l'urgence attachée à ce texte et de l'équilibre de sa rédaction qui répond en tout point à son objet, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'a pas souhaité l'amender. Au terme d'un remarquable travail d'analyse, son rapport soulève toutefois quelques interrogations auxquelles je répondrai évidemment avec une grande précision.
Je souhaiterais conclure mon intervention en rappelant que cette proposition de loi prend place dans une politique plus large que je mène par ailleurs afin que la formation de nos futurs médecins réponde aux enjeux de la demande croissante de soins et des progrès de la recherche.
Au coeur de cette action, il y a bien sûr l'université et les étudiants. Les disciplines médicales, comme les autres, bénéficieront de l'ensemble des dispositions que vous avez votées cet été pour donner à notre enseignement supérieur des ambitions nouvelles.
Je suis particulièrement vigilante à préserver l'égalité républicaine au cours des études médicales. C'est la raison pour laquelle, ayant pris connaissance de l'inquiétude suscitée par l'inscription aux épreuves classantes nationales de l'épreuve de lecture critique d'articles, et compte tenu de l'extrême hétérogénéité des enseignements dispensés dans cette matière selon les universités, je vous ai proposé et vous avez adopté le report de la tenue de cette épreuve en 2008-2009.
C'est la raison pour laquelle également j'ai réuni au ministère le 1er octobre dernier les doyens des facultés de médecine et les présidents de leurs universités afin de tirer les conséquences des dysfonctionnements survenus dans l'organisation du concours de première année de médecine à Lille. Les formations médicales sont, vous le savez, très sélectives et très exigeantes. Elles déterminent la vie de milliers d'étudiants, animés par une vocation profonde et sincère. À ce titre, elles doivent se dérouler, à tous les niveaux, dans des conditions irréprochables, à la hauteur des enjeux qui sont les leurs.
Mon action s'est, à chaque fois, fondée sur le dialogue et la concertation, un dialogue et une concertation qui se poursuivent puisque j'ai confié au professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, la mission de faire des propositions sur la première année de médecine en vue d'élargir les débouchés, de créer des passerelles pour les candidats recalés et d'éviter ainsi l'impasse dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui. Ce rapport, en cours de finalisation, devrait m'être remis dans les tout prochains jours. Vous pouvez être assurés de ma détermination à en tirer, sur les plans législatif et réglementaire, toutes les conclusions qui s'imposeront.
Mesdames, messieurs les députés, je souhaite que ce texte, adopté à l'unanimité par le Sénat et par l'ensemble des groupes dans votre commission, puisse l'être dans les mêmes termes qu'il vous est parvenu du Sénat, car c'est la condition de son application rapide.
Enfin, je souhaite une nouvelle fois saluer le travail accompli par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dont les analyses rigoureuses viendront opportunément enrichir la rédaction des mesures d'application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie d'une proposition de loi, relative aux personnels enseignants de médecine générale, qui a été déposée par M. Francis Giraud et plusieurs de ses collègues sénateurs et a été adoptée par le Sénat – vous l'avez rappelé, madame la ministre –, à l'unanimité, le 12 décembre 2007.
Lors de sa réunion du 23 janvier dernier, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée a adopté ce texte à l'unanimité, dans la rédaction issue du Sénat. Ce vote s'explique par le fait que la proposition de loi constitue, tant sur le plan juridique que pratique, une initiative particulièrement opportune. Ayant rencontré pour alimenter ma réflexion, outre les cabinets de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de Mme la ministre de la santé, le Collège national des généralistes enseignants, le Syndicat national des enseignants de médecine générale et l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale – l'ISNAR –, je tiens à souligner devant vous que l'adoption de ce texte est très attendue, car il satisfait pleinement les attentes de la communauté médicale.
Ce n'est guère étonnant dans la mesure où – et ce sera le premier point de mon exposé – il répond à une nécessité et à une urgence. Cela m'a d'ailleurs été confirmé par les professionnels de la santé lors de mon audition devant le Comité de pilotage des états généraux de l'organisation des soins.
En premier lieu, la proposition de loi permet d'installer une filière universitaire de médecine générale digne de ce nom. Il faut rappeler qu'en France cette discipline ne bénéficie pas d'une filière universitaire complète. Une telle situation tient à des raisons historiques. La médecine générale est en effet restée à l'écart de l'organisation mise en place par les ordonnances de 1958, par lesquelles ont été créés les centres hospitaliers et universitaires, ainsi que les médecins hospitalo-universitaires à plein temps.
Ce n'est donc que progressivement que la filière de médecine générale s'est structurée. Puisque j'en rappelle les étapes législatives et réglementaires dans mon rapport, je me contenterai ici de souligner l'apport de l'article 60 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui a permis de faire de la médecine générale une spécialité médicale à part entière, érigée au rang de discipline universitaire et sanctionnée à ce titre par un diplôme d'études spécialisées.
Au vu de toutes ces étapes, il ne reste plus qu'à ajouter une pierre pour achever l'édifice juridique. En effet, dès lors que la médecine générale a été pleinement reconnue par l'université, il convient d'adopter les dispositions juridiques permettant de créer les corps de personnels enseignants de cette discipline, sans lesquels cette dernière ne saurait constituer une filière universitaire à part entière.
De fait, le caractère inachevé de la filière de médecine générale est un obstacle au renforcement de son encadrement. Quelque 49 recrutements supplémentaires au titre de ces enseignants, titulaires et non titulaires, ont été annoncés. Toutefois, la création des postes, pour ce qui est des titulaires, est subordonnée à celle de corps de personnels enseignants dans cette discipline, ce qui impose au préalable d'adopter un statut pour ces personnels. On ne peut plus se satisfaire de la situation actuelle, qui repose sur une formation dispensée par 131 enseignants associés à mi-temps, lesquels exercent leur activité dans un cadre que leurs représentants m'ont décrite comme un « bricolage ».
En second lieu, la proposition répond à une urgence. Comme Mme la ministre l'a rappelé, nous avons besoin d'une filière complète de médecine générale, dotée de ses propres corps d'enseignants, et ce pour deux raisons majeures. Chaque année, la filière de médecine générale attire plus de 2 000 étudiants. Il faut s'en réjouir : nous avons besoin de bons médecins généralistes. Ces derniers sont en effet les pivots de notre système de soins, rôle que la loi du 13 août 2004 n'a fait que conforter. Faut-il rappeler à cet égard que, dans 71 % des cas, le premier recours dans une séquence de soins se fait chez le médecin généraliste ?
Il faut en même temps parer à la désaffection à l'égard de la médecine générale, laquelle, avec le départ à la retraite des médecins nés pendant le baby-boom, risque de subir une crise démographique : selon certaines estimations, il y aurait ainsi 13 % d'omnipraticiens en moins d'ici à 2025. J'en sais d'ailleurs quelque chose : j'habite dans une région, le Centre, qui, à l'instar de la Picardie, connaît une désertification médicale.
La médecine générale est donc une filière en péril. Cette situation de crise n'est pas sans lien avec le caractère inachevé de la discipline. Comme l'ont souligné devant moi les représentants de l'ISNAR, « quand on ne sait pas ce que c'est, on n'y va pas ». C'est pourquoi il faut renforcer de toute urgence l'attractivité de cette discipline en offrant aux étudiants de médecine générale la meilleure formation possible, ainsi que des modèles d'identification. Cela impose de créer des corps d'enseignants spécialisés, nécessité absolue qui a été soulignée par tous mes interlocuteurs.
L'autre raison majeure qui pousse à la création de tels corps d'enseignants est qu'il faut doter la médecine générale de formateurs qui pratiquent, dans ce domaine, une recherche de haut niveau. C'est pourquoi il est nécessaire de recruter des personnels dont les activités d'enseignement, de recherche et de soins sont liées par un statut qui valorise leur effort de recherche. J'insiste sur ce point : la médecine générale doit s'appuyer sur des équipes de recherche puissantes. L'adjectif « générale » ne doit pas faire oublier que cette spécialité doit être un domaine d'excellence scientifique.
Telles sont les motivations qui ont conduit au dépôt de cette proposition de loi et à son adoption par le Sénat.
J'en viens à présent au contenu. Celui-ci est simple : le texte ne fait que fixer les grands principes du futur statut des personnels enseignants de médecine générale. Pour le reste, la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le statut lui-même, les modalités de recrutement des enseignants titulaires et les conditions d'intégration des actuels enseignants associés de médecine générale.
La proposition de loi repose en fait sur deux principes fondamentaux. En premier lieu, le statut des enseignants de médecine générale s'appuiera, comme les autres spécialités médicales, sur le triptyque enseignement, recherche et soins. Ainsi, il est proposé de reprendre, pour les enseignants de médecine générale, la formule qui fait la force du statut du personnel hospitalo-universitaire, formule qui associe trois grandes missions qui se renforcent les unes les autres et contribuent par ce biais à la qualité globale de l'enseignement et de la recherche.
En second lieu, afin de tenir compte de la spécificité de l'activité des médecins généralistes par rapport à celle des autres médecins, la proposition de loi prévoit que l'activité de soins devra être exclusivement réalisée en médecine ambulatoire, et non au sein des centres hospitaliers et universitaires. Les auteurs de la proposition de loi ont en effet écarté la solution qui aurait consisté à créer un statut de « bi-appartenant » hospitalo-universitaire. L'exercice de la médecine générale ne se situant pas à l'hôpital et les hôpitaux n'ayant pas pour mission de développer la médecine générale, le recours, pour les enseignants de cette discipline, à un tel statut n'était de toute évidence pas opportun.
Avant d'en venir à ma conclusion, je tiens, madame la ministre, à appeler votre attention sur deux problèmes délicats que devra résoudre le décret d'application de la loi, et sur lesquels vous avez d'ailleurs apporté de premiers éléments de réponse. Les auteurs de ce texte devront faire preuve de pragmatisme, autant pour prévoir une période d'intégration des enseignants associés suffisamment longue que pour encadrer l'activité de soins. Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur ces deux points.
Je vous serais également reconnaissant de bien vouloir répondre aux préoccupations exprimées par la commission la semaine dernière au sujet de l'effort budgétaire consenti par l'État pour le recrutement des enseignants de médecine générale. Que pouvez-vous en particulier nous dire sur les crédits prévus pour les recrutements annoncés et futurs ? Sur ce point, le Collège national des enseignants généralistes et le Syndicat national des enseignants de médecine générale estiment indispensable le recrutement de 100 à 120 enseignants titulaires, et peut-être de 250 enseignants associés. Des contacts ont-ils été pris entre les doyens des facultés de médecine, les présidents d'université et les ministères concernés pour définir un plan de recrutement permettant de couvrir tous les besoins de formation ? Par ailleurs, quel pourrait être le montant des financements pour l'organisation des stages des étudiants en médecine générale ? Est-il prévu d'augmenter ce budget ? C'était là l'une des questions de Mme Fraysse.
Mon dernier sujet d'interrogation concerne les modalités de compensation de la baisse de rémunération qu'entraînera l'exercice des fonctions d'enseignement et de recherche. Je souhaiterais obtenir davantage de précisions sur la convention passée entre l'assurance maladie et les praticiens que vous avez évoquée au Sénat. Cet instrument sera-t-il calqué sur les contrats récemment conclus, ou qui le seront bientôt, entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins chefs de clinique associés de médecine générale ? Ou sera-t-il adapté à la situation de chaque catégorie d'enseignants ?
Telles sont les questions qui ont été posées lors des travaux de la commission. Je tiens aussi à signaler qu'il ne s'agissait aucunement, par ce texte, de traiter le problème de la démographie médicale ou de l'organisation territoriale des soins, même si cela a été effleuré en commission.
En conclusion, je rappellerai que les interlocuteurs que j'ai rencontrés souhaitent une adoption très rapide du texte, ne serait-ce que pour nommer au plus vite les premiers enseignants titulaires de médecine générale. Sachant qu'un projet de décret d'application a déjà été rédigé, ce qui permettrait une mise en oeuvre rapide de la loi, et compte tenu de la suspension prochaine des travaux de notre assemblée, je souhaite que notre vote soit conforme. La commission n'a d'ailleurs déposé aucun amendement, ce qui prouve assurément le bien-fondé de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Nouveau Centre et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la médecine générale est le pivot du système de santé français. Elle ne concerne pas une affection ou un organe en particulier, mais un malade. Elle suppose une relation avec le patient qui s'inscrit dans la durée : souvent, à la différence du praticien spécialiste, on garde son généraliste pendant longtemps, et parfois on le tutoie. Notre pays compte beaucoup de médecins généralistes – 101 000, soit plus de 50 % des médecins –, et il forme tous les ans 2 000 étudiants en médecine générale. Enfin, la loi de 2004, qui a institué le parcours de soins, a confirmé que la médecine générale devait, comme vient de le rappeler le docteur Door, rester le pivot de notre système de santé.
Ainsi présentées, les choses paraissent idylliques. La médecine générale connaît pourtant une crise touchant à sa reconnaissance et à son attractivité. L'an dernier, sur 2 300 postes ouverts, un peu plus de 1 600 ont été pourvus – soit environ 30 % –, et, parmi eux, 30 % ne se consacreront pas à la médecine générale. Or le nombre de médecins généralistes qui seraient nécessaires ne fait que croître. L'espérance de vie augmente, au rythme d'un trimestre par an pour les femmes, disait-on encore récemment. Mais l'an dernier, mesdames, votre espérance de vie est passée de 83 à 84 ans : vous avez donc gagné un an en une seule année ! Quant aux hommes, qu'ils se rassurent : ils sont restés à 77 ans, leur espérance de vie n'a donc pas reculé.
Les médecins généralistes sont d'autant plus nécessaires qu'il existe dans notre pays des déserts médicaux. Ainsi, dans mon département de la Somme, quatre cantons n'ont pas de médecin généraliste. Certes, la moyenne globale n'est pas catastrophique, et le nombre d'étudiants en médecine a augmenté depuis 2004. Mais des inégalités demeurent puisque, dans les zones fortement urbanisées et dans le Sud, on trouve approximativement un médecin pour 300 habitants, contre, par exemple, un pour 3 000 en Picardie. Il y a donc un problème.
Nous avons déjà discuté, il y a quelques mois, de l'idée de régler le problème de l'installation des médecins de façon autoritaire. Pour ma part, comme vous le savez, j'y suis défavorable. Je préfèrerais un système d'incitations fortes, passant par l'attribution de bourses, les maisons médicales, qui sont un atout important, ou encore les ajustements d'honoraires.
La médecine générale souffre également du problème de la permanence de soins : c'est ainsi que certains malades arrivent dans les services d'urgences alors qu'ils ne devraient pas s'y trouver, tandis que de vraies urgences ne peuvent pas être traitées du fait de l'encombrement de ces services.
Compte tenu de tous ces éléments, la médecine générale manque d'attractivité. Je suis d'accord avec vous, madame la ministre, sur la nécessité de créer des postes de chefs de clinique. Vous l'avez fait, et c'est une bonne chose. Jusqu'à présent, notre pays comptait 120 professeurs associés pour 6 000 étudiants : c'est peu. Il convenait donc de favoriser la formation des étudiants de médecine générale, et je me réjouis que l'article 60 de la loi du 17 janvier 2002 ait fait de la médecine générale une spécialité.
Vous avez rappelé que les ordonnances de 1958 avaient défini le poste de professeur des universités – praticien hospitalier en lui désignant une triple mission de recherche, de formation et d'exercice des soins. En matière de formation et de recherche, il n'y a pas de problème mais, comme l'a rappelé Jean-Pierre Door, s'agissant de la médecine ambulatoire, la compensation sera-t-elle suffisante pour attirer des postulants ? Le décret que vous avez annoncé, madame la ministre, apportera les précisions nécessaires sur le recrutement, le statut et les fonctions de ces professeurs des universités. C'est une excellente chose.
J'en viens au problème de la première année de médecine, au cours de laquelle 80 % d'étudiants de bonne qualité sortent sans aucune qualification. C'est pourquoi j'avais proposé, avec notre collègue Fagniez, de faire en quelque sorte deux années en une seule, c'est-à-dire d'organiser un premier concours en mars et une session de rattrapage au cours de l'été. Cela permettrait de désengorger les amphithéâtres des facultés de médecine. Par ailleurs, le cursus LMD devra tôt ou tard s'appliquer dans le domaine de la santé.
Enfin – c'est un élu de la Somme qui vous parle – il faut, s'agissant du stage chez un généraliste, instaurer un passage obligatoire en milieu rural. En effet, on ne peut s'installer à la campagne si on ne la connaît pas : c'est pourtant le cas de la majorité des étudiants.
C'est sans hésitation qu'au nom du groupe Nouveau Centre, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un récent rapport de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé souligne le manque d'attractivité de la médecine générale. Olivier Jardé a évoqué ce problème, la stagnation du nombre de médecins généralistes de premier recours traduit la difficulté de cet exercice.
Malheureusement, la sortie de cette activité est structurellement encouragée, puisqu'on propose aux diplômés un grand nombre de formations complémentaires, dont le contenu n'est d'ailleurs pas homogène d'un lieu de formation à un autre, ce qui entraîne un délitement de l'exercice médical. On constate en outre, chez les jeunes générations, un attrait nouveau pour l'activité salariée.
Or la formation en médecine générale est et doit demeurer le socle de notre enseignement en matière médicale. Cette pratique répond d'ailleurs à une forte attente de nos concitoyens. La médecine générale, en effet, est souvent la première structure d'accueil, l'emblème de la médecine de proximité et l'indice permettant d'évaluer notre niveau d'exigence, en matière de santé, sur tout le territoire.
Ainsi, au moment ou l'on parle de numerus clausus, de problèmes de recrutement et de formation, il est particulièrement étonnant que notre pays ne dispose pas d'une filière de médecine générale véritablement reconnue au sein de nos universités. C'est la raison pour laquelle vous avez souhaité, madame la ministre, que la proposition de loi du sénateur Francis Giraud soit examinée dans les plus brefs délais : redynamiser la médecine générale passe nécessairement par un cadre législatif fort.
Ce texte vient au bon moment, cher Jean-Pierre Door, après la création en janvier 2004, déjà par notre majorité, du diplôme d'études spécialisées en médecine générale, qui pour la première fois a exprimé une volonté politique. Nous devons aujourd'hui la confirmer en votant une loi créant une filière universitaire dédiée à cette discipline non hospitalière. La médecine générale ne peut en effet disposer d'une filière durable, efficace et dynamique si ses différents acteurs universitaires ne disposent pas de leurs propres statuts.
Grâce à cette proposition de loi, nous allons doter notre système de soins d'un arsenal pédagogique et de recherche universitaire complet et cohérent par rapport à la réalité du terrain.
Ce texte consensuel est une opportunité et une chance pour la médecine générale et pour le système de soins français. Il va contribuer à améliorer l'image et l'attractivité de la discipline, comme le remarquent de nombreux professionnels de la santé, tout en permettant d'offrir à la population française des soins de qualité, basés sur des standards élevés et compatibles avec l'exercice ambulatoire de la médecine.
Cette initiative de bon sens, qui a été soutenue sur tous les bancs du Sénat, ne peut que recevoir le même accueil dans notre honorable assemblée. C'est pourquoi nous voterons ce texte et invitons nos collègues, sur tous les bancs, à faire de même, sans passion, car il suscite l'intérêt de tous les médecins et de tous ceux qui sont attachés à la médecine générale – je veux parler des patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre, je voudrais avant tout vous faire part de ma déception de vous voir seule au banc du Gouvernement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je pensais que votre collègue chargée de la santé serait là… Cela dit, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera cette proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après avoir, par la loi de modernisation sociale de 2002, élevé la médecine générale au niveau de spécialité, et après avoir créé le diplôme d'études spécialisées de médecine générale en janvier 2004, la médecine générale est devenue une spécialité de plein exercice. Mais après la première étape, pourquoi avons-nous attendu si longtemps la seconde ? Nous créons enfin une filière universitaire de médecine générale, passant par la constitution d'un corps de personnels universitaires de médecine générale dans chaque faculté de médecine, en respectant l'aspect fondamental de triple valence des soins, de l'enseignement, de la recherche en soins primaires, ainsi que la spécificité de l'exercice ambulatoire de la médecine générale, qui est devenue un complément nécessaire aux filières universitaires et hospitalières spécialisées.
Les nombreuses questions concernant le décret d'application vous ayant déjà été posées par notre excellent rapporteur Jean-Pierre Door, je situerai le texte dans le cadre plus général des problèmes liés à la santé, auxquels ce texte répond en partie…
…même s'il doit être complété par de très nombreuses mesures.
J'évoquerai tout d'abord, après M. Jardé, les questions de démographie médicale et les inégalités territoriales d'accès aux soins, celles-ci étant elles-mêmes renforcées par les inégalités financières. Je ne m'attarderai pas sur ces inégalités, mais vous savez fort bien ce que nous pensons des franchises et des dépassements d'honoraires.
Ces questions dépassent désormais le cadre des seuls experts des questions de santé et de protection sociale : elles concernent un nombre de plus en plus élevé d'assurés sociaux et alarment de nombreux élus locaux, après avoir été longtemps niées, notamment sur certains bancs de cette assemblée.
Ainsi, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, outre le débat maladroit sur le conventionnement sélectif pour orienter l'installation en médecine libérale des jeunes médecins, vous avez ressuscité la notion de « médecin référent » sous la forme de conventions individuelles avec l'assurance maladie, et remis à l'ordre du jour, à côté du paiement à l'acte, le développement des autres formes de rémunération des médecins que sont le forfait et la capitation. Ainsi, les dimensions de santé publique et de prévention, qui concernent au premier chef la médecine générale, seront vraiment prises en compte, au même titre que les actes techniques. Il faut réhabiliter l'acte clinique, de prévention et d'éducation sanitaire, et le rémunérer comme il le mérite.
S'agissant des transferts de compétences, il faut aussi aller plus loin et plus vite. À cet égard, les résistances corporatistes, que l'on a pu constater dans les domaines de l'ophtalmologie optique – malgré une volonté législative claire et unanime – de l'imagerie et de la radiologie, doivent être vaincues. Nous espérons, madame la ministre, que la ministre de la santé en aura la volonté.
Transferts de compétences et transferts de données sont les conditions impératives de l'organisation du premier recours au système de santé. Il faut libérer du temps pour le médecin généraliste, mais aussi valoriser le rôle de l'infirmière, notamment en reconnaissant la durée de ses études, et il faut favoriser un exercice de groupe, enrichi, notamment en zone rurale ou enclavée, par la télémédecine.
Il faut aussi, bien entendu, augmenter le nombre d'étudiants qui se destinent à exercer en médecine générale. À cet égard, les données chiffrées, malgré l'augmentation du numerus clausus, sont inquiétantes. L'un de nos collègues de la commission des affaires sociales indiquait que la France, globalement, ne manquait pas de médecins. Certes, si l'on compare le rapport du nombre de médecins à la population avec celui d'autres pays qui nous entourent, il y a suffisamment de médecins en France. Mais dans certaines spécialités, et singulièrement en médecine générale, nous manquons de médecins et nous en manquerons de plus en plus.
En effet, le nombre de médecins généralistes exerçant réellement la médecine générale est inférieur aujourd'hui à 50 000 – c'est moins de la moitié des diplômés de médecine générale dans notre pays – et il ne cesse de diminuer depuis trois ans, ce qui ne s'était jamais produit auparavant. Quant à la densité des médecins généralistes en exercice en France, elle est inférieure à 85 pour 100 000 habitants, contre 100 à 150 pour 100 000 dans de nombreux pays voisins. Par ailleurs, l'âge moyen des généralistes est de cinquante-deux ans, et les départs en retraite représentent 5 % par an, soit 2 500 médecins. Dans dix ans, 25 000 médecins généralistes, soit la moitié de l'effectif actuel, n'exerceront plus !
Face à ces départs, combien d'installations ? En 2004, il n'y a eu que 370 installations en médecine générale. Avec une augmentation du numerus clausus, on peut espérer, dans six ans, l'entrée en DES de médecine générale de 3 500 étudiants par an, si une réelle parité est respectée avec le nombre d'entrées en spécialité – M. Jardé a rappelé qu'un certain nombre de postes n'étaient d'ores et déjà pas pourvus en médecine générale. Ces chiffres pourraient sembler rassurants si la totalité, ou la quasi-totalité des étudiants choisissant le troisième cycle de médecine générale se destinait vraiment à l'exercice.
Or, selon mes informations, il apparaît aujourd'hui qu'un tiers seulement – et non deux tiers – des étudiants en médecine générale ont l'intention de pratiquer leur spécialité : certains empruntent cette voie pour acquérir ensuite une compétence en gériatrie, en angiologie, en nutrition ou en médecine du travail ; d'autres exerceront en entreprise ou dans l'administration… Si les déterminants du choix des étudiants ne changent pas de manière massive, il est prévisible que l'on constatera quelque 1 100 installations en médecine générale dans six ans, malgré l'augmentation massive du numerus clausus : 1 100 installations, contre 2 500 départs prévus !
Au-delà du constat, souvent entendu, selon lequel la France disposerait globalement d'un nombre suffisant de médecins, nous sommes en réalité engagés de manière dramatique sur la voie de la désertification de la médecine de proximité en zone rurale, en banlieue, mais aussi dans des régions entières dont l'attractivité, notamment en matière climatique, semble insuffisante. Pour parer à cette catastrophe sanitaire annoncée, il faut prendre des mesures pour que 80 % des étudiants entrant aujourd'hui en DES de médecine générale s'installent en médecine générale ambulatoire, c'est-à-dire 2 800 par an, nombre permettant de stabiliser à partir de 2014 le déficit qui va s'aggraver inéluctablement dans les cinq ans à venir.
Cette proposition de loi, à l'initiative du Sénat, répond à une attente au plan universitaire, mais il y a bien d'autres attentes en matière d'offres de soins primaires. D'abord, il faudrait que les étudiants rencontrent la médecine générale et la pratique ambulatoire avant l'heure du choix, en fin de deuxième cycle…
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
On ne choisit qu'en connaissance de cause, ou alors, c'est un mariage imposé ! Or ils n'auront connu auparavant que les spécialités hospitalières et la médecine technicienne, si ce n'est techniciste ! Et si le stage d'externat en médecine générale de second cycle existe sur le papier, il n'existe pas réellement sur le terrain. En 2007, 400 étudiants ont suivi un stage de médecine générale en second cycle, dont le financement n'était d'ailleurs pas prévu. Il en va de même pour 2008, puisqu'on ignore l'étendue des besoins. Il faut aussi assurer la parité à 50 % de la cohorte d'étudiants dirigés vers la filière de médecine générale, sans comptabiliser dans ce chiffre les postes ouverts en spécialités complémentaires.
Il faut généraliser immédiatement, madame la ministre, et cela vous concerne plus directement, la durée minimale de formation ambulatoire en spécialité de médecine générale à une année, soit deux semestres, conformément aux engagements ministériels qui, une fois de plus, n'ont pas été suivis d'effets ! Il faut porter à quatre ans la durée du DES de médecine générale, de manière équivalente à la majorité des autres DES, sans allonger globalement les études, ce qui implique une durée de cinq ans au lieu de six pour les deux premiers cycles, sur le format master. Cette formule permettrait l'exercice de l'année supplémentaire en remplacement tutoré dans des zones en difficulté – M. Jardé a évoqué tout à l'heure les zones rurales.
Il s'agit là d'éléments concernant la réforme universitaire. Mais valoriser l'exercice de la médecine générale, c'est aussi agir au plan professionnel pour en augmenter l'intérêt et l'attractivité. J'ai cité l'exercice de groupe, la diversification des modes de rémunération, le transfert des compétences, la télémédecine. Il faut aussi replacer l'enrichissement des modalités d'exercice de la médecine générale dans le cadre d'une nouvelle organisation assurant la continuité des soins, articulée sur des hôpitaux locaux. Ce sera peut-être la suite positive des prochains états généraux de la santé. En tout cas, nous l'espérons en ce qui concerne l'état sanitaire à venir de notre pays.
Enfin, il faudra mettre la médecine générale au rang d'acteur de base de la santé publique, dans le cadre d'une réorientation de notre système de santé. Tourné principalement aujourd'hui vers les soins, il faudra l'orienter vers une nouvelle approche, une approche sociétale nouvelle d'un concept de « santé durable », faisant une plus large part à la prévention, à l'éducation sanitaire, à la santé environnementale, à la santé au travail, une approche nouvelle pour laquelle la médecine générale, la médecine de proximité constitue un instrument décisif.
Parce qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction – même si nous en attendons bien d'autres –, nous voterons pour la création d'une filière universitaire de médecine générale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, six ans après la décision d'ériger la médecine générale au rang de spécialité, cette proposition de loi entend enfin donner un statut aux enseignants de médecine générale, et je m'en félicite. Dommage toutefois qu'il ait fallu attendre si longtemps, malgré la mobilisation des omnipraticiens enseignants depuis plusieurs années… Dommage qu'il ait fallu le mouvement de grève des internes pour que le Gouvernement se décide enfin à sortir du discours pour commencer à passer aux actes…
Car les discours, fussent-ils élogieux à l'égard du corps médical, et plus particulièrement des généralistes, ne suffisent pas à régler les problèmes. Il y a urgence à enseigner la médecine générale, au même titre que les autres spécialités, comme il y a urgence à surmonter le déficit démographique de médecins, prévisible depuis longtemps et dont les effets, particulièrement préoccupants dans certaines régions et dans certains quartiers de grandes villes, se font déjà sentir.
Ce déficit concerne toutes les spécialités, mais il touche plus particulièrement la médecine générale. En 2007, 866 postes n'ont pas été pourvus en médecine générale, et plus de 3 000 en quatre ans, soit près d'un tiers des postes. En outre, les internes qui optent pour la médecine générale à l'issue des épreuves classantes nationales, ne l'exerceront pas tous pour autant, comme vient de le rappeler Gérard Bapt. Certains préparent des diplômes d'études spécialisées complémentaires pour se consacrer à un secteur d'activité précis, comme la gériatrie ou les urgences, d'autres s'orientent vers le journalisme spécialisé, l'activité en laboratoire pharmaceutique, ou encore l'administration. Il y a donc bien un problème lié au nombre de médecins formés. Certes, vous avez décidé d'augmenter le numerus clausus en le faisant passer cette année de 7 100 à 7 300 – sans oublier les dentistes, ce qui est une bonne chose – mais ce n'est pas suffisant, et ceci pour plusieurs raisons : d'abord, le prochain départ à la retraite de nombreux médecins formés dans les années soixante-dix. En 1977, sur 9 000 étudiants, 8 736 étaient admis en deuxième année. À cette époque, les étudiants formés étaient beaucoup plus nombreux. Or cette génération va partir à la retraite. L'augmentation du numerus clausus ne suffit pas non plus à combler le retard accumulé, quand on sait que l'on a été jusqu'à ne former en 1993 que 3 500 médecins par an, au prétexte de réduire les dépenses de santé… J'ajoute que les progrès des connaissances scientifiques et techniques appellent davantage de jeunes formés dans tous les domaines, y compris, bien sûr, dans le domaine médical, car l'exercice médical est aujourd'hui extrêmement sophistiqué et exige beaucoup de médecins de haut niveau.
La question de la démographie médicale a, une fois de plus, été abordée lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, mais n'a pas reçu de réponse satisfaisante. Votre collègue Mme Bachelot n'avait alors rien trouvé d'autre à proposer que de sanctionner les médecins qui s'installeraient dans des secteurs suffisamment pourvus. Évidemment, l'ensemble de la profession a réagi, j'oserai même dire qu'elle a «rué dans les brancards », obligeant Mme la ministre à renoncer à cette disposition et à travailler autrement, notamment en convoquant les états généraux de l'organisation de la santé. Néanmoins, le problème demeure et ne pourra être surmonté qu'en travaillant sur les causes, et non en imposant des décisions.
La répartition des professionnels de santé ne peut être envisagée sans prendre en compte la question de l'aménagement du territoire. Peut-on reprocher aux médecins de ne pas vouloir s'installer dans des régions ou des quartiers que la fermeture des services publics, des bureaux de poste, des écoles et des gares a transformés en déserts administratifs, puis en zones économiquement sinistrées ? On ne peut non plus faire l'économie d'une réflexion sur les conditions d'exercice des médecins, et notamment des généralistes, trop souvent isolés, tenus de multiplier les astreintes et n'ayant guère la possibilité de travailler avec des hôpitaux de proximité.
Il y a, enfin, la dévalorisation de la médecine générale, à laquelle cette proposition de loi commence à répondre. Nous considérons en effet que ce texte constitue un pas important, dans la mesure où il crée, pour l'enseignement de la médecine générale, le même cadre de formation que pour les autres spécialités. Il reprend les trois axes – enseignement, recherche, soins – auxquels tiennent à juste titre les médecins généralistes enseignants. Il ouvre également la voie à un mode de rémunération de ces enseignants mieux adapté aux objectifs affichés, dans la mesure où, par-delà le paiement à l'acte, une convention entre les UFR de médecine et la CNAM pourrait être établie afin que les médecins enseignants perçoivent, sous forme de traitement, la part de rémunération correspondant à leur exercice ambulatoire de la médecine. Je m'associe sur ce sujet aux questions posées par notre rapporteur. Si cette proposition de loi constitue une réelle avancée, plusieurs points méritent toutefois d'être clarifiés. Nous nous sommes abstenus, madame la ministre, de présenter des amendements, pour ne pas retarder son adoption définitive. Aussi, nous tenons à ce que les décrets d'application soient publiés rapidement, mais vous avez manifesté le même désir. Vous nous avez dit que vos services avaient déjà commencé à y travailler et nous nous en réjouissons. Vous allez sans doute pouvoir nous éclairer sur quelques points.
Tout d'abord, combien de postes seront créés dans un avenir proche, au-delà des quarante-huit que vous nous avez annoncés ? La filière de médecine générale compte aujourd'hui 131 enseignants associés. À quel rythme seront-ils intégrés ? Vous avez annoncé la création de quarante-huit nouveaux postes d'enseignants en médecine générale. Les syndicats réclament la nomination d'au moins 120 titulaires et 250 enseignants associés pour faire fonctionner correctement cette filière. Leur demande est légitime, au vu des quelque 2 000 étudiants qui, chaque année, choisissent la filière de médecine générale. C'est aussi une demande responsable eu égard aux 5 200 enseignants hospitalo-universitaires que comptent les autres spécialités. Quelle suite allez-vous lui donner, et dans quels délais ? Comment ces postes seront-ils répartis sur le territoire, puisqu'il s'agit de corriger un déséquilibre territorial ? Comment cette filière sera-t-elle organisée ? À terme, il me semble impératif d'y appliquer le format LMD, licence-master-doctorat, avec deux premiers cycles en cinq ans et un troisième cycle en quatre ans, soit le même niveau de formation que les autres spécialités.
Enfin, il faut revoir l'organisation et le financement des stages. Ils sont d'une importance capitale pour déterminer le choix de la spécialité que l'on exercera plus tard, mais également pour envisager son lieu d'exercice. Un premier stage en médecine générale dès le deuxième cycle devrait permettre de faire découvrir cette discipline au moment où se déterminent les goûts et les choix professionnels.
Un troisième cycle de trois ans pourrait être clôturé par un dernier stage d'un an, effectué sous la forme d'un remplacement tutoré dans les zones où l'on manque de médecins généralistes. Mais tout cela exige des moyens importants, et nous attendons donc, madame la ministre, de savoir ce que vous pouvez nous proposer en termes chiffrés et sur le long terme.
Le médecin généraliste est d'abord le médecin de premier recours, celui des soins primaires. En assurant une prise en charge globale des patients, il assure la coordination des soins. Il doit donc se voir reconnaître un rôle central en matière de dépistage, de diagnostic précoce, de soins et d'orientation des patients, ainsi qu'un rôle d'acteur de santé publique, au travers de ses actions d'éducation à la santé.
En conclusion, cette proposition de loi constitue une étape importante vers la revalorisation de la médecine générale. Elle donne de premiers outils pour que soient reconnues les missions et la place du généraliste dans le système français de soins, et c'est pourquoi nous la voterons. Mais comptez sur nous, madame la ministre, pour rester vigilants afin que cette première étape ne soit pas la dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, présentée par le sénateur et professeur de médecine Francis Giraud, et déjà adoptée à l'unanimité par la Haute assemblée, permet de combler un vide et de répondre à une revendication pressante et légitime, exprimée aussi bien par les professionnels de santé que par les étudiants en médecine générale. En effet, en instaurant un nouveau corps de personnel enseignant, elle permet de consolider la filière universitaire de médecine générale au moment même où l'exercice de cette spécialité a particulièrement besoin d'être encouragé.
Son adoption complétera ainsi la réforme inachevée des études de médecine générale. Depuis 1982 et la première apparition d'une spécialisation en ce domaine, cet enseignement a connu de sérieuses modifications. Ainsi, en 1997, le troisième cycle de médecine générale s'est allongé d'un cinquième semestre effectué en cabinet, et c'est à cette occasion que les recrutements de médecins généralistes comme enseignants associés ont commencé à se développer à l'Université. Il faudra attendre la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et son article 60, devenu l'article L. 632-2 du code de l'éducation, pour que la médecine générale soit soumise au même régime que les autres spécialités d'internat. C'est alors qu'elle devient une discipline universitaire à part entière, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées de médecine générale.
Il faut ici rappeler la double ambition affichée par la loi de 2002 : d'une part, en finir avec la dévalorisation des médecins généralistes, trop souvent sélectionnés par l'échec, et d'autre part les hisser au rang de leurs collègues spécialistes, mettant ainsi un terme à l'idée répandue que la compétence professionnelle va de pair avec la spécialisation. Enfin, il s'agissait, déjà, de rendre à la médecine générale toute son attractivité dans un contexte de démographie médicale préoccupante.
La reconnaissance universitaire permise par la loi de 2002 – et que confirmait l'arrêté du 25 octobre 2006, qui instituait une option de médecine générale au sein de la sous-section de médecine interne du Conseil national des universités – rendait indispensable l'organisation d'une filière universitaire complète pour former à la spécialité « médecine générale ». Or, à ce jour, la création de cette filière n'est toujours pas effective. Aucun généraliste enseignant n'a pu être titularisé car les dispositions législatives et réglementaires ne permettent pas aux universités de recruter des enseignants titulaires pour assurer ces formations. Les enseignants de médecine générale, en effet, ne relèvent pas du statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires tels qu'ils sont définis par le décret du 24 février 1984 dans la mesure où ils n'exercent pas et n'ont pas vocation à exercer leur activité de soins à l'hôpital.
Une telle situation ne va pas sans poser de graves difficultés pour la qualité de l'enseignement de la médecine générale dans notre pays. D'une part, elle ne permet pas le recrutement d'excellence nécessaire à la formation des futurs spécialistes en médecine générale. D'autre part, le risque existe de voir la validité des diplômes remise en cause, puisque, pour être attribués, ils doivent être avalisés par des enseignants titulaires. Dans ces conditions, ne pas légiférer reviendrait à faire avorter la réforme voulue en 2002, c'est-à-dire reléguer en seconde catégorie la spécialisation en médecine générale, ce que nous ne saurions accepter.
La présente proposition de loi permettra de mettre un terme à cette situation insatisfaisante. En créant un nouveau corps de personnel universitaire, les personnels enseignants de médecine générale, le législateur parachève l'émergence d'une filière universitaire dans ce domaine. Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer de la présence, dès la rentrée prochaine, d'au moins un titulaire par unité de formation et de recherche ou faculté de médecine, soit une quarantaine en France ?
Ces enseignants disposeront d'un statut identique aux autres spécialités médicales. Le texte de la proposition de loi suit ainsi les recommandations du rapport de février 2007 de l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'Inspection générale des affaires sociales. En outre, ce statut tiendra compte des spécificités de la médecine générale en imposant que l'activité de soins soit réalisée non pas au sein des centres hospitaliers universitaires, mais en médecine ambulatoire. En effet, le cadre des CHU n'apparaît pas adapté à l'enseignement de la médecine générale puisque l'exercice de cette discipline s'effectue hors des hôpitaux. Faut-il rappeler combien la médecine générale se distingue par nature de l'hospitalisation, dans la mesure où elle implique une prise en charge continue du patient dans son cadre de vie social et familial ? Le rôle du médecin généraliste est ainsi primordial en matière de prévention.
L'enjeu de cette proposition de loi est donc capital. La mise en place d'une véritable filière universitaire de médecine générale, au même titre que les autres spécialités, constitue un élément indispensable pour lui rendre toute son attractivité.
Ces nouveaux généralistes doivent recevoir une formation de haut niveau et prendre toute la mesure de la dimension de premier plan qu'ils occupent dans notre système de santé publique. Ils sont des spécialistes de premier recours, les seuls qui entretiennent des relations personnelles et durables avec le patient dans une dimension globale.
Parce que cette proposition de loi participe de la revalorisation indispensable et urgente des études de médecine générale, les députés radicaux de gauche l'approuveront sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Beaucoup de choses ont été dites sur ce sujet et je ne veux pas prolonger inutilement les débats. Nous légiférons dans un contexte de relative dévalorisation de la médecine générale ; les généralistes expriment un certain nombre d'inquiétudes quant au devenir de leur profession et à la motivation des étudiants pour s'inscrire dans cette voie. La proposition de loi dont nous discutons doit justement contribuer à les rassurer.
Je souhaite pour ma part insister sur un aspect qui me tient particulièrement à coeur, même s'il n'entre pas directement dans le cadre de la proposition de loi : celui du contenu de l'enseignement dans la filière de médecine générale.
En effet, parmi les sujets de préoccupation des médecins généralistes figure la complexité de leur situation : confrontés à des demandes de plus en plus exigeantes de la part des patients, intervenant souvent dans les réseaux des collectivités locales – réseaux de soins ou à caractère social – de plus en plus denses et qui ont davantage besoin d'eux, ils doivent attacher une plus grande importance aux aspects relationnel et administratif du métier. Cette complexification de leur travail n'est d'ailleurs pas sans lien avec le relatif désintérêt dont souffre la filière auprès des étudiants, à l'entrée comme à la sortie de l'université.
Il me semble urgent – et ce n'est sans doute pas dans votre cabinet que l'on entendra le contraire, madame la ministre – de renforcer l'enseignement de l'éthique médicale en médecine générale, et de le faire intervenir le plus tôt possible dans la formation. La plupart du temps, cet enseignement est optionnel, assuré à partir du deuxième cycle – en première année de mastère dans la plupart des cas –, de manière « expérimentale » et propre à chaque professeur : sous forme de séminaire d'une quinzaine d'étudiants, de cours magistral, d'études de cas… Des médecins généralistes peuvent très bien terminer leur formation et passer le doctorat sans avoir reçu un enseignement structuré d'éthique médicale, adapté aux exigences du temps, aux nouvelles techniques ou aux exigences de la biomédecine. Une telle lacune me semble regrettable.
Par ailleurs, je constate que la place des sciences dures est toujours aussi importante dans l'enseignement obligatoire. Je me prends à douter – n'étant pas de la corporation, je le fais avec la réserve qui convient – de l'utilité de former des médecins devenus « forts en thème » – ou plutôt en mathématiques, en l'occurrence – après les deux premières années de leurs études et qui, parce qu'ils ne sont pas suffisamment confrontés aux enseignements adéquats, passent par-dessus les exigences éthiques et sociales du temps.
C'est pourquoi, madame la ministre, je voulais attirer votre attention sur ce sujet, bien qu'il déborde du cadre de la proposition de loi. Dans le cadre des discussions que vous aurez avec les organismes participant à l'organisation de ces filières, dont l'Ordre national des médecins, je vous engage à soutenir les nombreuses initiatives relatives à cet aspect de l'enseignement médical. Je pense notamment aux journées universitaires francophones de pédagogie médicale de Nancy, dont toute une partie, en 2003, a été consacrée à l'enseignement et la pédagogie de l'éthique médicale, mais aussi au rapport rendu en mai 2007, au nom de l'Ordre national des médecins, par MM. Degos, Roland et Deau : « Si l'on peut admettre, disent ses auteurs, que la première année doit apporter les bases du début, donc comporter l'enseignement de sciences fondamentales, on peut se poser le problème de leur choix : manifestement les notions d'anthropologie, de sociologie, de psychologie, d'éthique, d'économie de la santé ont été oubliées. »
« Une première année médicale ne peut plus laisser de côté ces notions. » Ces propos figurent dans le rapport de l'Ordre national des médecins, mon cher collègue.
Telles étaient les réflexions dont je voulais vous faire part à l'occasion de ce débat. Bien entendu, il est nécessaire d'adopter ce texte sans attendre, et les conditions me semblent d'ailleurs réunies pour un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Permettez-moi, madame la présidente, de répondre aux questions posées lors de cette discussion générale, du moins celles qui ne touchent pas à l'organisation de notre système de santé, laquelle relève de la compétence de ma collègue Roselyne Bachelot.
Concernant le nombre de postes qui seront consacrés à la médecine générale, sur lequel m'interrogeaient M. Door et Mme Fraysse, je souhaite préciser que le Gouvernement a d'ores et déjà lancé un signal fort en attribuant à la discipline quarante-huit emplois nouveaux dès l'année 2007. Je peux vous assurer que cet effort inédit sera prolongé jusqu'à rétablir un ratio équilibré entre le nombre d'enseignants et le nombre d'étudiants suivant leurs formations.
Toutefois, nous ne pourrons pas combler en une année le retard accumulé. L'augmentation du nombre de postes en médecine générale sera constante, mais raisonnable. Car s'il convient de renforcer la médecine générale, d'autres spécialités ont besoin de postes supplémentaires et il faut veiller à ne pas déséquilibrer l'ensemble de l'édifice au profit de la seule médecine générale.
De plus, je tiens à souligner que sur les vingt emplois de chefs de clinique créés en 2007, seize seulement ont été occupés. Il ne suffit donc pas de créer des postes, encore faut-il s'assurer qu'ils puissent être pourvus.
J'ajoute qu'il faudra aussi tenir compte de l'intégration des enseignants contractuels dans le nouveau statut, un problème soulevé par de nombreux orateurs. Une montée en charge progressive du dispositif, permettant à la fois d'intégrer les enseignants les plus méritants et de sélectionner les meilleurs diplômés de la nouvelle génération, m'apparaît être le moyen de s'assurer la plus grande qualité de recrutement. Suivant la recommandation du rapporteur Jean-Pierre Door, je suis favorable à l'idée de laisser une période de transition suffisamment longue – quatre ans par exemple –, de façon à permettre à tous les enseignants contractuels qui le souhaitent de faire reconnaître leur ancienneté et d'être titularisés.
Je tiens enfin à rappeler, notamment pour répondre à Mme Orliac, le rôle pivot qu'ont en cette matière les doyens des UFR de médecine en liaison avec les présidents de leurs universités pour faire connaître au ministère leurs besoins en enseignants de médecine générale. Le ministère veillera ensuite très attentivement à ce que ces emplois soient justement répartis sur le territoire national.
Le rapport de Jean-Pierre Door fait également apparaître plusieurs interrogations sur le déroulement de la formation, interrogations relayées par un certain nombre de parlementaires. Je souhaite vous rassurer quant à l'inquiétude exprimée sur la validité des diplômes de la première promotion de médecine générale. Dès le mois de décembre, j'ai demandé au directeur général de l'enseignement supérieur d'adresser aux recteurs d'académie, chanceliers des universités, aux présidents d'université et aux doyens des UFR de médecine une circulaire précisant les conditions dans lesquelles la validation de ces diplômes serait assurée. Vous l'avez compris, mon objectif est de garantir la meilleure formation possible à nos étudiants. Ma collègue Mme Roselyne Bachelot s'y associe pleinement. C'est pourquoi le ministère de la santé a décidé de revaloriser l'indemnité des maîtres de stage de 12,6 % en 2008, pour un montant de près de 7 millions d'euros, et d'augmenter le nombre d'étudiants accédant à un stage en médecine générale. Dès cette année, en plus des stages offerts en troisième cycle, 25 % des étudiants de deuxième cycle pourront bénéficier d'un stage en médecine ambulatoire. Cette proportion s'élèvera à 50 % dès 2009. J'ai bien entendu le souhait du professeur Jardé que ces stages obligatoires se déroulent également en zone rurale.
Je veux aussi rappeler l'effort commun de nos deux ministères qui mènent une réflexion concertée et approfondie pour améliorer le contenu de la formation de nos médecins. Cette réflexion s'inscrit dans le cadre plus large du passage des formations médicales au schéma LMD, dont il a été question, des travaux des états généraux de l'organisation de la santé et du plan « Réussir en licence ».
Messieurs Bapt et Poisson, les conclusions du rapport de la commission pédagogique nationale des études médicales, qui travaille depuis plus d'un an sur la refonte du programme pédagogique, viendront éclairer le travail accompli. À l'heure où nos médecins généralistes se voient confier une mission de coordinateurs de santé en devenant médecins traitants, l'ouverture et l'enrichissement de leur cursus vers des disciplines de sciences humaines et sociales prenant en compte – vous l'avez souligné, monsieur Poisson – la dimension éthique de leur profession me semblent essentiels.
Enfin, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et son rapporteur se sont interrogés sur la rémunération des personnels enseignants de médecine générale, et en particulier sur les modalités de compensation financière de la réduction des activités de soins. D'ores et déjà, le ministère de la santé a mis en place des conventions entre les caisses d'assurance maladie et certains chefs de clinique permettant de compenser la diminution de leurs revenus liée à leurs activités d'enseignement. Ainsi que l'a observé Jean-Pierre Door, ce mécanisme est un peu complexe et engendre un coût pour l'assurance maladie. Toutefois, ce dispositif, pour le moment mis en place à titre expérimental, a le mérite d'exister et fera l'objet d'une évaluation rigoureuse par les services du ministère de la santé afin d'être généralisé dans les meilleures conditions, comme cela a été demandé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
Les articles de la proposition de loi ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Prochaine séance, demain, mercredi 30 janvier 2008, à quinze heures.
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la nationalité des équipages de navires.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton