Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, présentée par le sénateur et professeur de médecine Francis Giraud, et déjà adoptée à l'unanimité par la Haute assemblée, permet de combler un vide et de répondre à une revendication pressante et légitime, exprimée aussi bien par les professionnels de santé que par les étudiants en médecine générale. En effet, en instaurant un nouveau corps de personnel enseignant, elle permet de consolider la filière universitaire de médecine générale au moment même où l'exercice de cette spécialité a particulièrement besoin d'être encouragé.
Son adoption complétera ainsi la réforme inachevée des études de médecine générale. Depuis 1982 et la première apparition d'une spécialisation en ce domaine, cet enseignement a connu de sérieuses modifications. Ainsi, en 1997, le troisième cycle de médecine générale s'est allongé d'un cinquième semestre effectué en cabinet, et c'est à cette occasion que les recrutements de médecins généralistes comme enseignants associés ont commencé à se développer à l'Université. Il faudra attendre la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et son article 60, devenu l'article L. 632-2 du code de l'éducation, pour que la médecine générale soit soumise au même régime que les autres spécialités d'internat. C'est alors qu'elle devient une discipline universitaire à part entière, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées de médecine générale.
Il faut ici rappeler la double ambition affichée par la loi de 2002 : d'une part, en finir avec la dévalorisation des médecins généralistes, trop souvent sélectionnés par l'échec, et d'autre part les hisser au rang de leurs collègues spécialistes, mettant ainsi un terme à l'idée répandue que la compétence professionnelle va de pair avec la spécialisation. Enfin, il s'agissait, déjà, de rendre à la médecine générale toute son attractivité dans un contexte de démographie médicale préoccupante.
La reconnaissance universitaire permise par la loi de 2002 – et que confirmait l'arrêté du 25 octobre 2006, qui instituait une option de médecine générale au sein de la sous-section de médecine interne du Conseil national des universités – rendait indispensable l'organisation d'une filière universitaire complète pour former à la spécialité « médecine générale ». Or, à ce jour, la création de cette filière n'est toujours pas effective. Aucun généraliste enseignant n'a pu être titularisé car les dispositions législatives et réglementaires ne permettent pas aux universités de recruter des enseignants titulaires pour assurer ces formations. Les enseignants de médecine générale, en effet, ne relèvent pas du statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires tels qu'ils sont définis par le décret du 24 février 1984 dans la mesure où ils n'exercent pas et n'ont pas vocation à exercer leur activité de soins à l'hôpital.
Une telle situation ne va pas sans poser de graves difficultés pour la qualité de l'enseignement de la médecine générale dans notre pays. D'une part, elle ne permet pas le recrutement d'excellence nécessaire à la formation des futurs spécialistes en médecine générale. D'autre part, le risque existe de voir la validité des diplômes remise en cause, puisque, pour être attribués, ils doivent être avalisés par des enseignants titulaires. Dans ces conditions, ne pas légiférer reviendrait à faire avorter la réforme voulue en 2002, c'est-à-dire reléguer en seconde catégorie la spécialisation en médecine générale, ce que nous ne saurions accepter.
La présente proposition de loi permettra de mettre un terme à cette situation insatisfaisante. En créant un nouveau corps de personnel universitaire, les personnels enseignants de médecine générale, le législateur parachève l'émergence d'une filière universitaire dans ce domaine. Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer de la présence, dès la rentrée prochaine, d'au moins un titulaire par unité de formation et de recherche ou faculté de médecine, soit une quarantaine en France ?
Ces enseignants disposeront d'un statut identique aux autres spécialités médicales. Le texte de la proposition de loi suit ainsi les recommandations du rapport de février 2007 de l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'Inspection générale des affaires sociales. En outre, ce statut tiendra compte des spécificités de la médecine générale en imposant que l'activité de soins soit réalisée non pas au sein des centres hospitaliers universitaires, mais en médecine ambulatoire. En effet, le cadre des CHU n'apparaît pas adapté à l'enseignement de la médecine générale puisque l'exercice de cette discipline s'effectue hors des hôpitaux. Faut-il rappeler combien la médecine générale se distingue par nature de l'hospitalisation, dans la mesure où elle implique une prise en charge continue du patient dans son cadre de vie social et familial ? Le rôle du médecin généraliste est ainsi primordial en matière de prévention.
L'enjeu de cette proposition de loi est donc capital. La mise en place d'une véritable filière universitaire de médecine générale, au même titre que les autres spécialités, constitue un élément indispensable pour lui rendre toute son attractivité.
Ces nouveaux généralistes doivent recevoir une formation de haut niveau et prendre toute la mesure de la dimension de premier plan qu'ils occupent dans notre système de santé publique. Ils sont des spécialistes de premier recours, les seuls qui entretiennent des relations personnelles et durables avec le patient dans une dimension globale.
Parce que cette proposition de loi participe de la revalorisation indispensable et urgente des études de médecine générale, les députés radicaux de gauche l'approuveront sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)