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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 29 janvier 2008 à 21h30
Personnels enseignants de médecine générale — Ouverture de la discussion

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici réunis pour examiner une proposition de loi qui, déposée à l'initiative du sénateur Francis Giraud, a recueilli le vote unanime du Sénat lors de son adoption le 12 décembre dernier.

De quoi s'agit-il ? Ainsi que le rapporteur Jean-Pierre Door l'a fort bien mis en évidence, cette proposition de loi répond à une nécessité et à une urgence.

La nécessité est de créer une véritable filière universitaire de médecine générale pour offrir à nos étudiants, qui seront nos futurs médecins, une formation de très haut niveau leur permettant d'assurer dans les meilleures conditions les lourdes responsabilités qui seront les leurs dans l'exercice de leur métier.

L'urgence est d'offrir un cadre juridique clair aux emplois que j'ai décidé de créer.

Nécessaire, urgente, cette proposition de loi est aussi un aboutissement : elle vient concrétiser un cycle de réformes entamé il y a longtemps déjà. Je crois qu'il n'est pas inutile d'en rappeler les étapes, tant elles disent bien l'enjeu que représente le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

En 1958 la France, à l'initiative du professeur Robert Debré, a créé les centres hospitaliers et universitaires – les CHU – et un corps de personnels qui leur était attaché : les personnels enseignants et hospitaliers. En associant étroitement enseignement, recherche et soins, universités et hôpitaux, cette réforme a permis à notre pays de former des praticiens de grande qualité et de faire progresser la recherche médicale. Toutefois, la médecine générale est restée à l'écart de cette organisation.

Durant de très nombreuses années les futurs médecins généralistes ont eu un accès limité à la recherche, n'effectuant que des stages de courte durée dans des services souvent peu formateurs. Certes, une première réforme est intervenue en 1982 avec la loi relative aux études médicales et pharmaceutiques. Destinée à améliorer la formation des médecins généralistes, elle a mis en place une formation pratique hospitalière, une formation théorique de troisième cycle et une spécialisation en médecine générale avec le résidanat. Ces aménagements se sont toutefois rapidement révélés insuffisants.

La première étape de cette prise de conscience est intervenue en 1996 avec le rapport des professeurs et députés Jean-François Mattei et Jean-Claude Étienne. Leurs recommandations, notamment en faveur de la création d'une filière de médecine générale au concours d'internat, sont, au terme d'un long processus, à l'origine du texte qui nous rassemble aujourd'hui.

Elles ont tout d'abord donné lieu en 2000 à un arrêté réorganisant le deuxième cycle des études médicales puis, en 2002, à l'adoption, dans la loi de modernisation sociale, d'une disposition réformant le troisième cycle des études médicales. Désormais, tous les étudiants qui souhaitent poursuivre un troisième cycle d'études médicales sont tenus de se présenter aux épreuves de l'examen national classant et de choisir une discipline en fonction de leur rang de classement. La médecine générale est ainsi devenue une discipline universitaire sanctionnée, au même titre que les autres spécialités, par un diplôme d'études spécialisées – DES.

La réforme des études de médecine générale restait cependant au milieu du gué car il convenait encore de donner corps à des dispositions très largement restées à l'état de coquille vide faute d'avoir été accompagnées des moyens nécessaires pour produire leur plein effet.

Plusieurs colloques et rapports, issus d'horizons très divers – de la Conférence des présidents d'universités aux inspections en passant par les experts – se sont ainsi accordés sur la nécessité de renforcer la filière de médecine générale pour encourager les vocations et dynamiser la recherche scientifique et le transfert de ses résultats. En résumé, il s'agit de faire du troisième cycle des études de médecine générale une véritable formation « à et par la recherche », à l'instar de tous les troisièmes cycles universitaires.

L'enjeu, vous le savez, est de taille. Face à une demande de soins croissante, dont nous ne pouvons que nous réjouir tant elle traduit un allongement de l'espérance de vie et le progrès des thérapies, il devient nécessaire et urgent de renforcer l'attractivité des formations de médecine générale.

Près de 2 600 étudiants se destinent chaque année à devenir médecins généralistes. Pour toute cette jeunesse, animée d'une vocation sincère, ce choix ne peut et ne doit pas, comme cela a été trop longtemps le cas, être vécu comme un choix par défaut mais comme un choix ambitieux et valorisé car fondé sur des compétences spécifiques.

Mais les faits sont là. Si la médecine générale attire plus de la moitié de chaque promotion, il reste que chaque année de nombreux postes ne sont pas pourvus : 13 % l'an dernier, 40 % l'année précédente. Ces chiffres, cités par M. Jean-Pierre Door dans son rapport, doivent retenir toute notre attention même s'ils méritent d'être relativisés. Ils s'expliquent en partie par les modalités d'organisation de l'examen national classant et par la création récente de la filière. Toutefois, lorsqu'on estime que le nombre des médecins installés représente seulement 20 % à 40 % des postes ouverts au concours, un constat s'impose : face aux besoins de soins qui sont les nôtres, une telle situation ne peut plus durer.

La première réponse est d'offrir aux étudiants qui ont choisi de s'engager dans l'étude de la médecine générale une formation de qualité égale à celle de leurs collègues qui poursuivent d'autres voies. C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai soutenu la création de vingt emplois destinés au recrutement de chefs de clinique de médecine générale et de quatorze emplois de maîtres de conférences associés. La création de ces postes, auxquels s'ajoutent quatorze autres emplois de médecine générale, pour aboutir à un total de quarante-huit nouveaux postes – chiffre conforme aux voeux de la communauté médicale – était une nécessité pour assurer la qualité de la formation de nos futurs médecins.

Toutefois, la création de ces emplois est désormais subordonnée à la création de nouveaux corps de personnels enseignants en médecine générale. Parce qu'ils n'effectuent pas leur activité de soins à l'hôpital mais en ville, dans leurs cabinets, les médecins généralistes ne peuvent en effet relever du statut des personnels enseignants et hospitaliers.

Tel est précisément, mesdames, messieurs les députés, l'objet de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Son objectif est d'offrir aux 6 000 étudiants qui, à l'heure où je vous parle, suivent une formation de médecine générale, un encadrement de qualité, conforme aux ambitions qui sont les miennes, qui sont les nôtres, devrais-je dire, pour la médecine française.

En résumé, il s'agit tout simplement de faire profiter la médecine générale d'une organisation qui a fait ses preuves en permettant aux étudiants d'enrichir leur cursus des dernières avancées de la recherche, elle-même nourrie du contact quotidien des malades. Nos concitoyens seront ainsi en mesure de bénéficier au plus vite des derniers progrès de la connaissance et des innovations thérapeutiques qui en résultent.

La mise en place de ce continuum enseignement-recherche-valorisation de la recherche s'inscrit pleinement dans le cadre des réformes entamées par le Pacte pour la recherche, avec la mise en place des centres thématiques de recherche et de soins – les CTRS –, et poursuivies par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

L'intégration renforcée des formations médicales au sein de l'université, que vous avez votée au mois d'août dernier, doit en effet permettre aux unités de formations et de recherche de médecine de se fondre pleinement dans la stratégie globale de l'établissement. Ce faisant, elles tireront mieux profit des dernières avancées scientifiques réalisées dans d'autres disciplines.

Décloisonner les savoirs pour enrichir la connaissance : la proposition de loi du sénateur Francis Giraud apporte une pierre à cet édifice qui nous rassemble tous.

Poursuivant cet objectif, le statut qui vous est proposé s'inspire de celui des personnels enseignants et hospitaliers. Il en reprend ce qui en fait la force : la triple mission d'enseignement, de recherche et de soins, chacune venant enrichir l'autre. Il lui apporte les adaptations nécessaires liées à un exercice des activités de soins hors de l'hôpital. Le texte qui vous est soumis, et qui a fait l'objet de modifications opportunes de la part du Sénat, pose des principes. Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités d'application de la disposition.

Je remercie le rapporteur Jean-Pierre Door d'avoir salué dans son rapport la démarche qui a consisté à porter à sa connaissance l'avant-projet de décret rédigé par mes services. « Démarche exemplaire » a-t-il écrit et je l'en remercie très vivement ; mais je serais tentée de dire simple « démarche naturelle », car il me semble que, sans remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs, la qualité du travail législatif autant que la célérité du travail gouvernemental gagnent à ce que le Parlement ait connaissance des mesures d'application des textes qu'il adopte. J'ajoute que cette méthode, utilisée lors de l'examen de la proposition de loi au Sénat, a été renouvelée lors de l'examen du projet de loi relatif aux opérations spatiales, texte qui sera très prochainement soumis à votre assemblée.

Consciente de l'urgence attachée à ce texte et de l'équilibre de sa rédaction qui répond en tout point à son objet, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'a pas souhaité l'amender. Au terme d'un remarquable travail d'analyse, son rapport soulève toutefois quelques interrogations auxquelles je répondrai évidemment avec une grande précision.

Je souhaiterais conclure mon intervention en rappelant que cette proposition de loi prend place dans une politique plus large que je mène par ailleurs afin que la formation de nos futurs médecins réponde aux enjeux de la demande croissante de soins et des progrès de la recherche.

Au coeur de cette action, il y a bien sûr l'université et les étudiants. Les disciplines médicales, comme les autres, bénéficieront de l'ensemble des dispositions que vous avez votées cet été pour donner à notre enseignement supérieur des ambitions nouvelles.

Je suis particulièrement vigilante à préserver l'égalité républicaine au cours des études médicales. C'est la raison pour laquelle, ayant pris connaissance de l'inquiétude suscitée par l'inscription aux épreuves classantes nationales de l'épreuve de lecture critique d'articles, et compte tenu de l'extrême hétérogénéité des enseignements dispensés dans cette matière selon les universités, je vous ai proposé et vous avez adopté le report de la tenue de cette épreuve en 2008-2009.

C'est la raison pour laquelle également j'ai réuni au ministère le 1er octobre dernier les doyens des facultés de médecine et les présidents de leurs universités afin de tirer les conséquences des dysfonctionnements survenus dans l'organisation du concours de première année de médecine à Lille. Les formations médicales sont, vous le savez, très sélectives et très exigeantes. Elles déterminent la vie de milliers d'étudiants, animés par une vocation profonde et sincère. À ce titre, elles doivent se dérouler, à tous les niveaux, dans des conditions irréprochables, à la hauteur des enjeux qui sont les leurs.

Mon action s'est, à chaque fois, fondée sur le dialogue et la concertation, un dialogue et une concertation qui se poursuivent puisque j'ai confié au professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, la mission de faire des propositions sur la première année de médecine en vue d'élargir les débouchés, de créer des passerelles pour les candidats recalés et d'éviter ainsi l'impasse dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui. Ce rapport, en cours de finalisation, devrait m'être remis dans les tout prochains jours. Vous pouvez être assurés de ma détermination à en tirer, sur les plans législatif et réglementaire, toutes les conclusions qui s'imposeront.

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite que ce texte, adopté à l'unanimité par le Sénat et par l'ensemble des groupes dans votre commission, puisse l'être dans les mêmes termes qu'il vous est parvenu du Sénat, car c'est la condition de son application rapide.

Enfin, je souhaite une nouvelle fois saluer le travail accompli par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dont les analyses rigoureuses viendront opportunément enrichir la rédaction des mesures d'application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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