…même s'il doit être complété par de très nombreuses mesures.
J'évoquerai tout d'abord, après M. Jardé, les questions de démographie médicale et les inégalités territoriales d'accès aux soins, celles-ci étant elles-mêmes renforcées par les inégalités financières. Je ne m'attarderai pas sur ces inégalités, mais vous savez fort bien ce que nous pensons des franchises et des dépassements d'honoraires.
Ces questions dépassent désormais le cadre des seuls experts des questions de santé et de protection sociale : elles concernent un nombre de plus en plus élevé d'assurés sociaux et alarment de nombreux élus locaux, après avoir été longtemps niées, notamment sur certains bancs de cette assemblée.
Ainsi, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, outre le débat maladroit sur le conventionnement sélectif pour orienter l'installation en médecine libérale des jeunes médecins, vous avez ressuscité la notion de « médecin référent » sous la forme de conventions individuelles avec l'assurance maladie, et remis à l'ordre du jour, à côté du paiement à l'acte, le développement des autres formes de rémunération des médecins que sont le forfait et la capitation. Ainsi, les dimensions de santé publique et de prévention, qui concernent au premier chef la médecine générale, seront vraiment prises en compte, au même titre que les actes techniques. Il faut réhabiliter l'acte clinique, de prévention et d'éducation sanitaire, et le rémunérer comme il le mérite.
S'agissant des transferts de compétences, il faut aussi aller plus loin et plus vite. À cet égard, les résistances corporatistes, que l'on a pu constater dans les domaines de l'ophtalmologie optique – malgré une volonté législative claire et unanime – de l'imagerie et de la radiologie, doivent être vaincues. Nous espérons, madame la ministre, que la ministre de la santé en aura la volonté.
Transferts de compétences et transferts de données sont les conditions impératives de l'organisation du premier recours au système de santé. Il faut libérer du temps pour le médecin généraliste, mais aussi valoriser le rôle de l'infirmière, notamment en reconnaissant la durée de ses études, et il faut favoriser un exercice de groupe, enrichi, notamment en zone rurale ou enclavée, par la télémédecine.
Il faut aussi, bien entendu, augmenter le nombre d'étudiants qui se destinent à exercer en médecine générale. À cet égard, les données chiffrées, malgré l'augmentation du numerus clausus, sont inquiétantes. L'un de nos collègues de la commission des affaires sociales indiquait que la France, globalement, ne manquait pas de médecins. Certes, si l'on compare le rapport du nombre de médecins à la population avec celui d'autres pays qui nous entourent, il y a suffisamment de médecins en France. Mais dans certaines spécialités, et singulièrement en médecine générale, nous manquons de médecins et nous en manquerons de plus en plus.
En effet, le nombre de médecins généralistes exerçant réellement la médecine générale est inférieur aujourd'hui à 50 000 – c'est moins de la moitié des diplômés de médecine générale dans notre pays – et il ne cesse de diminuer depuis trois ans, ce qui ne s'était jamais produit auparavant. Quant à la densité des médecins généralistes en exercice en France, elle est inférieure à 85 pour 100 000 habitants, contre 100 à 150 pour 100 000 dans de nombreux pays voisins. Par ailleurs, l'âge moyen des généralistes est de cinquante-deux ans, et les départs en retraite représentent 5 % par an, soit 2 500 médecins. Dans dix ans, 25 000 médecins généralistes, soit la moitié de l'effectif actuel, n'exerceront plus !
Face à ces départs, combien d'installations ? En 2004, il n'y a eu que 370 installations en médecine générale. Avec une augmentation du numerus clausus, on peut espérer, dans six ans, l'entrée en DES de médecine générale de 3 500 étudiants par an, si une réelle parité est respectée avec le nombre d'entrées en spécialité – M. Jardé a rappelé qu'un certain nombre de postes n'étaient d'ores et déjà pas pourvus en médecine générale. Ces chiffres pourraient sembler rassurants si la totalité, ou la quasi-totalité des étudiants choisissant le troisième cycle de médecine générale se destinait vraiment à l'exercice.
Or, selon mes informations, il apparaît aujourd'hui qu'un tiers seulement – et non deux tiers – des étudiants en médecine générale ont l'intention de pratiquer leur spécialité : certains empruntent cette voie pour acquérir ensuite une compétence en gériatrie, en angiologie, en nutrition ou en médecine du travail ; d'autres exerceront en entreprise ou dans l'administration… Si les déterminants du choix des étudiants ne changent pas de manière massive, il est prévisible que l'on constatera quelque 1 100 installations en médecine générale dans six ans, malgré l'augmentation massive du numerus clausus : 1 100 installations, contre 2 500 départs prévus !
Au-delà du constat, souvent entendu, selon lequel la France disposerait globalement d'un nombre suffisant de médecins, nous sommes en réalité engagés de manière dramatique sur la voie de la désertification de la médecine de proximité en zone rurale, en banlieue, mais aussi dans des régions entières dont l'attractivité, notamment en matière climatique, semble insuffisante. Pour parer à cette catastrophe sanitaire annoncée, il faut prendre des mesures pour que 80 % des étudiants entrant aujourd'hui en DES de médecine générale s'installent en médecine générale ambulatoire, c'est-à-dire 2 800 par an, nombre permettant de stabiliser à partir de 2014 le déficit qui va s'aggraver inéluctablement dans les cinq ans à venir.
Cette proposition de loi, à l'initiative du Sénat, répond à une attente au plan universitaire, mais il y a bien d'autres attentes en matière d'offres de soins primaires. D'abord, il faudrait que les étudiants rencontrent la médecine générale et la pratique ambulatoire avant l'heure du choix, en fin de deuxième cycle…