Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie d'une proposition de loi, relative aux personnels enseignants de médecine générale, qui a été déposée par M. Francis Giraud et plusieurs de ses collègues sénateurs et a été adoptée par le Sénat – vous l'avez rappelé, madame la ministre –, à l'unanimité, le 12 décembre 2007.
Lors de sa réunion du 23 janvier dernier, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée a adopté ce texte à l'unanimité, dans la rédaction issue du Sénat. Ce vote s'explique par le fait que la proposition de loi constitue, tant sur le plan juridique que pratique, une initiative particulièrement opportune. Ayant rencontré pour alimenter ma réflexion, outre les cabinets de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de Mme la ministre de la santé, le Collège national des généralistes enseignants, le Syndicat national des enseignants de médecine générale et l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale – l'ISNAR –, je tiens à souligner devant vous que l'adoption de ce texte est très attendue, car il satisfait pleinement les attentes de la communauté médicale.
Ce n'est guère étonnant dans la mesure où – et ce sera le premier point de mon exposé – il répond à une nécessité et à une urgence. Cela m'a d'ailleurs été confirmé par les professionnels de la santé lors de mon audition devant le Comité de pilotage des états généraux de l'organisation des soins.
En premier lieu, la proposition de loi permet d'installer une filière universitaire de médecine générale digne de ce nom. Il faut rappeler qu'en France cette discipline ne bénéficie pas d'une filière universitaire complète. Une telle situation tient à des raisons historiques. La médecine générale est en effet restée à l'écart de l'organisation mise en place par les ordonnances de 1958, par lesquelles ont été créés les centres hospitaliers et universitaires, ainsi que les médecins hospitalo-universitaires à plein temps.
Ce n'est donc que progressivement que la filière de médecine générale s'est structurée. Puisque j'en rappelle les étapes législatives et réglementaires dans mon rapport, je me contenterai ici de souligner l'apport de l'article 60 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui a permis de faire de la médecine générale une spécialité médicale à part entière, érigée au rang de discipline universitaire et sanctionnée à ce titre par un diplôme d'études spécialisées.
Au vu de toutes ces étapes, il ne reste plus qu'à ajouter une pierre pour achever l'édifice juridique. En effet, dès lors que la médecine générale a été pleinement reconnue par l'université, il convient d'adopter les dispositions juridiques permettant de créer les corps de personnels enseignants de cette discipline, sans lesquels cette dernière ne saurait constituer une filière universitaire à part entière.
De fait, le caractère inachevé de la filière de médecine générale est un obstacle au renforcement de son encadrement. Quelque 49 recrutements supplémentaires au titre de ces enseignants, titulaires et non titulaires, ont été annoncés. Toutefois, la création des postes, pour ce qui est des titulaires, est subordonnée à celle de corps de personnels enseignants dans cette discipline, ce qui impose au préalable d'adopter un statut pour ces personnels. On ne peut plus se satisfaire de la situation actuelle, qui repose sur une formation dispensée par 131 enseignants associés à mi-temps, lesquels exercent leur activité dans un cadre que leurs représentants m'ont décrite comme un « bricolage ».
En second lieu, la proposition répond à une urgence. Comme Mme la ministre l'a rappelé, nous avons besoin d'une filière complète de médecine générale, dotée de ses propres corps d'enseignants, et ce pour deux raisons majeures. Chaque année, la filière de médecine générale attire plus de 2 000 étudiants. Il faut s'en réjouir : nous avons besoin de bons médecins généralistes. Ces derniers sont en effet les pivots de notre système de soins, rôle que la loi du 13 août 2004 n'a fait que conforter. Faut-il rappeler à cet égard que, dans 71 % des cas, le premier recours dans une séquence de soins se fait chez le médecin généraliste ?
Il faut en même temps parer à la désaffection à l'égard de la médecine générale, laquelle, avec le départ à la retraite des médecins nés pendant le baby-boom, risque de subir une crise démographique : selon certaines estimations, il y aurait ainsi 13 % d'omnipraticiens en moins d'ici à 2025. J'en sais d'ailleurs quelque chose : j'habite dans une région, le Centre, qui, à l'instar de la Picardie, connaît une désertification médicale.
La médecine générale est donc une filière en péril. Cette situation de crise n'est pas sans lien avec le caractère inachevé de la discipline. Comme l'ont souligné devant moi les représentants de l'ISNAR, « quand on ne sait pas ce que c'est, on n'y va pas ». C'est pourquoi il faut renforcer de toute urgence l'attractivité de cette discipline en offrant aux étudiants de médecine générale la meilleure formation possible, ainsi que des modèles d'identification. Cela impose de créer des corps d'enseignants spécialisés, nécessité absolue qui a été soulignée par tous mes interlocuteurs.
L'autre raison majeure qui pousse à la création de tels corps d'enseignants est qu'il faut doter la médecine générale de formateurs qui pratiquent, dans ce domaine, une recherche de haut niveau. C'est pourquoi il est nécessaire de recruter des personnels dont les activités d'enseignement, de recherche et de soins sont liées par un statut qui valorise leur effort de recherche. J'insiste sur ce point : la médecine générale doit s'appuyer sur des équipes de recherche puissantes. L'adjectif « générale » ne doit pas faire oublier que cette spécialité doit être un domaine d'excellence scientifique.
Telles sont les motivations qui ont conduit au dépôt de cette proposition de loi et à son adoption par le Sénat.
J'en viens à présent au contenu. Celui-ci est simple : le texte ne fait que fixer les grands principes du futur statut des personnels enseignants de médecine générale. Pour le reste, la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le statut lui-même, les modalités de recrutement des enseignants titulaires et les conditions d'intégration des actuels enseignants associés de médecine générale.
La proposition de loi repose en fait sur deux principes fondamentaux. En premier lieu, le statut des enseignants de médecine générale s'appuiera, comme les autres spécialités médicales, sur le triptyque enseignement, recherche et soins. Ainsi, il est proposé de reprendre, pour les enseignants de médecine générale, la formule qui fait la force du statut du personnel hospitalo-universitaire, formule qui associe trois grandes missions qui se renforcent les unes les autres et contribuent par ce biais à la qualité globale de l'enseignement et de la recherche.
En second lieu, afin de tenir compte de la spécificité de l'activité des médecins généralistes par rapport à celle des autres médecins, la proposition de loi prévoit que l'activité de soins devra être exclusivement réalisée en médecine ambulatoire, et non au sein des centres hospitaliers et universitaires. Les auteurs de la proposition de loi ont en effet écarté la solution qui aurait consisté à créer un statut de « bi-appartenant » hospitalo-universitaire. L'exercice de la médecine générale ne se situant pas à l'hôpital et les hôpitaux n'ayant pas pour mission de développer la médecine générale, le recours, pour les enseignants de cette discipline, à un tel statut n'était de toute évidence pas opportun.
Avant d'en venir à ma conclusion, je tiens, madame la ministre, à appeler votre attention sur deux problèmes délicats que devra résoudre le décret d'application de la loi, et sur lesquels vous avez d'ailleurs apporté de premiers éléments de réponse. Les auteurs de ce texte devront faire preuve de pragmatisme, autant pour prévoir une période d'intégration des enseignants associés suffisamment longue que pour encadrer l'activité de soins. Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur ces deux points.
Je vous serais également reconnaissant de bien vouloir répondre aux préoccupations exprimées par la commission la semaine dernière au sujet de l'effort budgétaire consenti par l'État pour le recrutement des enseignants de médecine générale. Que pouvez-vous en particulier nous dire sur les crédits prévus pour les recrutements annoncés et futurs ? Sur ce point, le Collège national des enseignants généralistes et le Syndicat national des enseignants de médecine générale estiment indispensable le recrutement de 100 à 120 enseignants titulaires, et peut-être de 250 enseignants associés. Des contacts ont-ils été pris entre les doyens des facultés de médecine, les présidents d'université et les ministères concernés pour définir un plan de recrutement permettant de couvrir tous les besoins de formation ? Par ailleurs, quel pourrait être le montant des financements pour l'organisation des stages des étudiants en médecine générale ? Est-il prévu d'augmenter ce budget ? C'était là l'une des questions de Mme Fraysse.
Mon dernier sujet d'interrogation concerne les modalités de compensation de la baisse de rémunération qu'entraînera l'exercice des fonctions d'enseignement et de recherche. Je souhaiterais obtenir davantage de précisions sur la convention passée entre l'assurance maladie et les praticiens que vous avez évoquée au Sénat. Cet instrument sera-t-il calqué sur les contrats récemment conclus, ou qui le seront bientôt, entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins chefs de clinique associés de médecine générale ? Ou sera-t-il adapté à la situation de chaque catégorie d'enseignants ?
Telles sont les questions qui ont été posées lors des travaux de la commission. Je tiens aussi à signaler qu'il ne s'agissait aucunement, par ce texte, de traiter le problème de la démographie médicale ou de l'organisation territoriale des soins, même si cela a été effleuré en commission.
En conclusion, je rappellerai que les interlocuteurs que j'ai rencontrés souhaitent une adoption très rapide du texte, ne serait-ce que pour nommer au plus vite les premiers enseignants titulaires de médecine générale. Sachant qu'un projet de décret d'application a déjà été rédigé, ce qui permettrait une mise en oeuvre rapide de la loi, et compte tenu de la suspension prochaine des travaux de notre assemblée, je souhaite que notre vote soit conforme. La commission n'a d'ailleurs déposé aucun amendement, ce qui prouve assurément le bien-fondé de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Nouveau Centre et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)