COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 23 juin 2010
La séance est ouverte à onze heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales examine le rapport d'information de Mme Valérie Rosso-Debord, rapporteure, en conclusion des travaux de la mission d'information sur la prise en charge des personnes dépendantes.
Avant que nous examinions le rapport de la mission d'information, je voudrais attirer l'attention de la commission sur l'adoption, hier soir, en séance publique, de l'article 14 du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, qui libéralise brutalement le placement des demandeurs d'emplois et porte un nouveau coup à Pôle emploi. Ce texte me semble, en outre, s'apparenter à un cavalier législatif et être entaché d'inconstitutionnalité, d'autant que notre commission, concernée au premier chef, n'a pas même été consultée pour avis. Ce mode de fonctionnement me paraît particulièrement regrettable.
J'en prends acte. Nous allons examiner maintenant le rapport de Mme Valérie Rosso-Debord concluant la mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Le sujet n'est pas simplement technique. Il est au coeur des préoccupations de nombre de nos concitoyens qui doivent faire face aux difficultés de l'accompagnement de leurs proches en situation de dépendance et ne savent pas quelle voie choisir. La perspective d'une cinquième branche doit certes être envisagée mais les contraintes budgétaires et financières, qui viennent d'ailleurs de nous être rappelées, nous laissent peu de marge de manoeuvre. Il reste cependant possible de progresser, notamment en matière d'équité territoriale. Le travail de la mission est attendu tant sur ces perspectives que sur des pistes de réformes envisageables.
Le hasard de calendrier qui fait examiner ce rapport après l'audition du Premier président de la Cour des comptes éclaire le cadre dans lequel un certain nombre des propositions du rapport ont été élaborées. Notre mission d'information a été créée afin de rassembler des éléments d'information préalables à la discussion d'un futur projet de loi sur la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie, un projet dont l'examen « dès la conclusion de la réforme des retraites » a été confirmé par le Premier ministre.
En préambule de mon exposé, je tiens très sincèrement et très amicalement à saluer et à remercier l'ensemble des membres de la mission pour l'état d'esprit positif, travailleur et de qualité qui a animé nos réunions au cours de nos huit mois de travaux, un délai un peu long dont vous voudrez bien nous excuser. La mission a organisé cinquante-quatre auditions et deux tables rondes, et elle a effectué trois déplacements, dont l'un dans la circonscription de Mme Hoffman-Rispal et un autre dans celle de Mme Poletti, que je remercie de leur accueil.
Lors de notre première réunion du 23 septembre 2009, nous avons décidé de centrer nos travaux sur le financement de la prise en charge des pertes d'autonomie des personnes âgées. Conscients que ce sujet touchait en profondeur à notre modèle social tel qu'il a été établi à l'issue de la seconde guerre mondiale, notre objectif s'est porté sur la nécessité de maintenir pour chacun de nos concitoyens, un droit de vieillir dans la dignité tout en faisant face à ce réel défi que constitue pour nous l'évolution de la démographie et des difficultés financières qu'elle entraîne.
Avant de proposer diverses voies de réformes en ce sens, le rapport que la mission a adopté hier et que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui prend acte, dans un premier temps du contexte socioéconomique spécifique au sein duquel la compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées s'effectue aujourd'hui. Il répertorie ensuite divers freins au fonctionnement satisfaisant de la prise en charge de certains risques du vieillissement dont je souligne – note positive – qu'ils ne sont pas inéluctables : seuls 8 % des plus de soixante-cinq ans en sont atteints.
Je passerai rapidement sur les données socio-économiques :
– la pyramide des âges de la France montre que la population vieillit en raison de l'actuelle entrée des classes d'âge du baby boom dans le troisième âge – conduisant à ce qu'en 2050, près d'un Français sur trois aura plus de soixante ans, contre près d'un sur cinq aujourd'hui – et à l'augmentation continue de l'espérance de vie laquelle atteint aujourd'hui quatre-vingt-quatre ans et cinq mois pour les filles – soit deux ans de plus que la moyenne de l'Union européenne – et soixante-dix-sept ans et huit mois pour les garçons.
Ce vieillissement et cette longévité de la population vont de facto entraîner un accroissement des personnes âgées en perte d'autonomie dont l'ampleur reste néanmoins difficile à quantifier, comme nous l'ont indiqué tous les experts auditionnés car il suffirait, par exemple, qu'un médicament soit trouvé dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer pour que, mécaniquement, nos maisons de retraite n'aient plus à héberger la moitié de leurs actuels résidents ;
– l'effort public déjà consenti pour la compensation de la perte d'autonomie des personnes âgées représente près de 22 milliards d'euros en 2009, équivalant à plus de 1,1 % du produit intérieur brut (PIB). Il est en augmentation constante en raison d'un nombre toujours plus grand de demandeurs du bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), cette dernière ayant marqué un pas important et positif dans l'accompagnement des personnes âgées. Ce financement est principalement assuré par :
• les organismes de sécurité sociale qui y consacrent 13,45 milliards d'euros auxquels il faut ajouter 1,5 milliard d'euros d'exonérations de cotisations sociales profitant aux employeurs âgés ;
• les départements qui ont versé en 2008 – dernières données connues – près de 4,7 milliards d'euros pour l'APA et plus de 2 milliards d'euros d'aides sociales pour l'hébergement des personnes âgées en établissements ou en familles d'accueil, puisque ces deux possibilités existent ;
• l'État qui procure deux ressources fiscales à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie d'un montant global de près de 2,4 milliards d'euros en 2009 et qui réserve spécifiquement aux personnes âgées en perte d'autonomie diverses exonérations ou réductions fiscales représentant près de 600 millions d'euros ;
– ces financements s'inscrivent dans un contexte de finances publiques exsangues, comme nous l'a rappelé le Premier président de la Cour des comptes : une dette publique globale de 1 489 milliards d'euros fin 2009 – soit 77,6 % du produit intérieur brut –, un niveau trop élevé de prélèvements obligatoires – 43,1 % du PIB – et une fragilisation financière des départements à la suite de la crise économique de 2008 comme l'a constaté le rapport sur les finances départementales remis au Premier ministre par M. Pierre Jamet en avril 2010.
La deuxième partie du rapport constate que face à ces données socio-économiques, le dispositif actuel de la compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées ne saurait perdurer en l'état, pour trois principales raisons.
– La première tient à une compensation inéquitable de la perte d'autonomie qui s'explique notamment par trois facteurs :
– une évaluation incertaine de l'état des personnes en perte d'autonomie dénoncée par l'ensemble de nos interlocuteurs ; la grille AGGIR mesure la gravité des pertes d'autonomie des personnes mais ne prend pas bien en compte la complexité des maladies dégénératives et classe souvent inégalement, en fonction des évaluateurs, des personnes atteintes à un même degré de perte d'autonomie. Afin de résoudre ces problèmes, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a cependant mis en place des stages de formation et a constitué un groupe de travail sur cet outil d'évaluation afin de construire éventuellement un référentiel unique et commun de la grille AGGIR pour l'ensemble du territoire. Il s'agirait effectivement là d'une réelle amélioration ;
– l'inégalité de la compensation de la perte d'autonomie prend également sa source dans les politiques disparates menées par les départements à l'égard des personnes âgées dépendantes. Entre les départements jeunes et riches et ceux vieux et pauvres, la charge du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) est extrêmement différente et pose un sérieux problème d'inéquité territoriale que le mécanisme de compensation nationale, financé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ne permet pas de véritablement régler, d'autant que son montant ne cesse de diminuer au cours des années.
De ce fait, les départements distribuent des APA dont les montants sont moins déterminés par l'état des personnes que par les ressources dont ils disposent. Cette inégalité territoriale est, par ailleurs, renforcée par leurs modes de gestion différents de l'allocation et par des politiques spécifiques de récupération des fonds versés au titre des aides à l'autonomie des personnes âgées : ticket modérateur de l'APA non exigé de chaque bénéficiaire dans certains départements, non-répercussion des hausses de ce ticket modérateur, dans d'autres, appel à la participation aux frais d'hébergement d'un ascendant de tous les obligés alimentaires quel que soit le degré de parenté par certains conseils généraux tandis que d'autres ne le font que pour les enfants et que d'autres encore ne réclament rien ;
– l'inéquité de la prise en charge des pertes d'autonomie se révèle enfin dans l'importance des « restes à charge » pour les personnes âgées et leurs familles dont le poids, tant à domicile qu'en établissement, pèse inégalement sur nos concitoyens, frappant davantage les femmes entrées dans le quatrième âge (n'ayant le plus souvent pour moyens de subsistance principale qu'une petite pension de réversion) et les classes moyennes qui ne bénéficient réellement d'aucune aide, ni sociale ni fiscale. En outre, cette importance des restes à charge pesant sur les personnes hébergées dans un établissement apparaît surtout intolérable parce qu'elle crée une véritable disparité entre les coûts de la prise en charge des pathologies de ces personnes et ceux de la prise en charge des maladies des personnes hospitalisées. Un exemple nous a beaucoup frappés tout au long de nos travaux : le coût de journée moyen n'est que de 18 euros dans un établissement hospitalier alors qu'en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), il atteint 55 euros car, outre les frais normaux du gîte et du couvert, il couvre également les frais des investissements immobiliers de l'établissement.
La deuxième raison de la difficulté d'une pérennité du dispositif actuel tient aux menaces qui pèsent sur le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie lesquelles représentent actuellement 98,9 % des personnes de soixante-cinq à soixante-quatorze ans et 57,4 % des personnes de quatre-vingt-quinze ans et plus. Or, si les Français affirment, on le sait, vouloir vieillir à leur domicile, ce voeu risque d'être contrebalancé par quatre facteurs :
– le premier est la prévention insuffisante des pertes d'autonomie qui oblige de fait les personnes à entrer dans un établissement, alors que la prévention des états de fragilité des personnes âgées – qui précèdent bien souvent une perte sévère d'autonomie – passe par des traitements simples et éprouvés. Nous avons donc émis diverses propositions sur ce sujet ;
– on assiste également à une diminution programmée des aidantes. Ce sont en effet principalement les femmes qui aident les personnes âgées à se maintenir à domicile, épouses, filles, belles-filles, petites-filles parfois. Cette diminution intervient sous l'effet, notamment, de l'augmentation du nombre des femmes ayant un emploi et de la pluri-sollicitation actuelle de la « génération pivot », ces femmes jeunes seniors partagées entre des petits enfants que l'on doit garder et des aînés qu'il faut accompagner, dans un contexte, également, d'éclatement des familles et d'éparpillement géographique ;
– la fragmentation de l'offre de soins entre des structures d'accueil diverses inégalement réparties sur le territoire se caractérise par la présence d'intervenants multiples dont l'absence fréquente de communication et de coordination emporte des conséquences préoccupantes pour les personnes âgées : non-remplacement des uns, polymédication et pathologies iatrogènes, multiplication d'examens médicaux, parfois invasifs et redondants, recours excessifs aux urgences hospitalières qui ne sont pas adaptées aux besoins des grands aînés ;
– enfin, les difficultés actuelles bien connues que rencontre le secteur professionnel de l'aide à domicile sont un obstacle supplémentaire.
Je dois, ici, souligner que le Gouvernement est conscient de ces difficultés puisqu'il a constitué divers groupes de travail chargés de proposer des solutions durables en termes de qualité, d'accessibilité et de soutenabilité financière des dispositifs de l'aide à domicile.
La troisième et dernière raison de la nécessité d'une modification du dispositif actuel de prise en charge des pertes d'autonomie des personnes âgées résulte de la disparité de l'offre d'hébergement dans des structures adaptées et médicalisées : les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Les EHPAD hébergeant des personnes de plus en plus âgées et dépendantes exigent une politique spécifique laquelle est actuellement pilotée par une multitude d'autorités (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, Caisse nationale d'assurance-maladie, État, régions, départements) donnant lieu à diverses planifications. La récente création des agences régionales de santé devrait cependant, dans une concertation bienvenue, réguler l'ensemble de ces autorités et de leurs opérateurs, et permettre d'ajuster les implantations des établissements ;
La disparité de la prise en charge des résidents se manifeste également entre les établissements médicalisés aux termes des conventions de cinq ans mises en place à partir de 1997 et les établissements ayant signé des conventions de deuxième génération qui leur assurent, à l'issue d'une procédure complexe fondée sur un outil d'évaluation mathématique intéressant dit « Pathos », une dotation de soins plus importante ainsi qu'une meilleure assistance de leurs résidents ;
L'inadaptation de l'offre d'hébergement est aussi marquée par l'hétérogénéité des tarifs d'hébergement comportant une part des frais de leurs amortissements immobiliers dont le poids peut varier de 10 % à 30 %, selon la localisation géographique de l'établissement – on comprend bien que le coût de l'implantation n'est pas le même à Paris et dans la Creuse – mais aussi selon sa date et ses coûts de construction. Certains établissements offrent un grand confort hôtelier mais leurs tarifs sont hors de portée pour la plupart des personnes âgées. Quant aux structures d'hébergement temporaires, leur déploiement reste insatisfaisant.
La dernière partie du rapport contient un certain nombre de recommandations sur des sujets faisant l'objet de divers groupes de réflexion : réforme de la grille AGGIR, réforme des critères de péréquation de la compensation du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie entre les départements par exemple. Avant d'aller plus loin, il nous faut attendre la fin des travaux de ces groupes. Par ailleurs, la mission souhaite que certaines politiques soient poursuivies : l'affirmation du rôle essentiel des agences régionales de santé dans la conduite de la politique médico-sociale, la rationalisation des dépenses des établissements et le renforcement des missions du médecin coordonnateur.
Les 17 propositions proprement dites de la mission peuvent se regrouper autour de trois thèmes : une politique plus dynamique de la prévention des pertes d'autonomie, la mise en place d'une prise en charge plus cohérente des personnes âgées dépendantes et enfin de nouveaux leviers de financement.
La politique plus dynamique de la prévention des pertes d'autonomie proposée par la mission comprend huit axes car prévenir, c'est aussi limiter les dépenses à venir et maintenir une certaine qualité de vie. Il est aujourd'hui avéré qu'un certain nombre de troubles ou de maladies peuvent être à l'avance traités ou du moins retardés. Il est donc nécessaire de :
– mieux sensibiliser à ces situations de fragilité chacun d'entre nous par l'instauration d'une consultation gratuite de prévention destinée à toute personne de plus de soixante ans voire, pour plusieurs membres de la mission, entre cinquante et soixante ans. Cette proposition (n° 1) s'inspire en la matière des plans Solidarité-Grand âge et Bien vieillir qui, tous deux, avaient prévu une telle consultation sans la mettre en place ;
– assurer un meilleur suivi des personnes âgées valides hébergées en établissement sur le plan nutritionnel et sanitaire (proposition n° 2). En 2005, les complications nutritionnelles touchaient en effet 30 % des personnes entrant dans ces établissements et 16 % à 60 % de leurs résidents auxquels sont alors prescrits des compléments nutritionnels oraux coûteux et moins adaptés qu'une saine nutrition ;
– prévenir également les événements indésirables de la vie des intéressés qu'ils résident à domicile ou en établissement (proposition n° 3) telles les chutes : un tiers des personnes de plus de soixante-cinq ans et la moitié des plus de quatre-vingts ans font au moins une chute par an et se cassent le plus souvent le col du fémur, entrant dans un cycle infernal d'hospitalisation et de rééducation qui constitue souvent un premier pas vers la perte d'autonomie. De même, doivent être prévenues les pathologies iatrogènes qui sont à l'origine de 10 % des hospitalisations des personnes de plus de soixante-cinq ans et de près de 20 % chez les octogénaires ;
– créer des formations spécifiques à la reconnaissance et au signalement des situations de fragilité des personnes âgées à l'intention de tout intervenant auprès de ces personnes – qu'ils soient des professionnels de l'aide à domicile ou des professionnels de santé – et, ce qui est extrêmement important, créer à destination des médecins généralistes des modules de formation initiale et continue relatifs à l'utilisation de protocoles de diagnostics des maladies dégénératives invalidantes. De fait, nous avons constaté que trop peu de médecins y sont formés et que de nombreuses personnes âgées ne bénéficient pas de ces contrôles permettant de mettre en oeuvre des consultations mémoire et de retarder de façon significative la survenance desdites maladies dégénératives (propositions n° 4 et 5) ;
– confier à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie la direction d'une étude sur les conditions d'hospitalisation des personnes âgées et, en fonction de ses conclusions, l'engager à définir, en collaboration avec les agences régionales de santé, les actions à mener pour remédier aux éventuels dysfonctionnements constatés et notamment engager les établissements à prévoir, par anticipation, les conditions de ces hospitalisations. Nous savons tous que, par exemple, la sortie d'hospitalisation d'une personne âgée, le vendredi soir, rend souvent difficile la recherche d'une place dans un établissement d'hébergement. Il y a là un domaine de prévention qui n'est pas assez développé sur l'ensemble du territoire ;
– encourager le recours aux nouvelles technologies, comme cela se fait dans de nombreux pays, afin de dégager davantage d'aide humaine en déchargeant les personnels grâce à l'emploi de diverses techniques (ordinateur, robotisation…) de certaines tâches, par exemple ouvrir les volets ou les portes ou soulever le malade. Nous souhaitons voir se développer une aide se concentrant sur le rapport humain. Dans le cadre du grand emprunt national, pourraient être financées des actions de recherche-développement relatives aux technologies d'aide à l'autonomie ainsi que des subventions au profit des petites et moyennes entreprises innovantes de ce secteur (proposition n° 7). Il serait en outre souhaitable de définir au sein des programmes relatifs au développement de la télémédecine des plans régionaux de santé les moyens d'une mise en place progressive de réseaux de télémédecine au sein des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), pour éviter des allers-retours notamment avec les hôpitaux (proposition n° 8).
La mission propose ensuite de mettre en place une prise en charge plus équitable des personnes âgées en perte d'autonomie en proposant de réduire le reste à charge des personnes hébergées dans un EHPAD et de leurs familles par l'interdiction de l'imputation des amortissements mobiliers et immobiliers de ces établissements d'hébergement sur les prix de journée demandés aux résidents (proposition n° 9). La mission juge véritablement intolérable que les personnes âgées soient les seules à payer les murs des établissements alors qu'aucune participation n'est demandée, et c'est normal aux utilisateurs d'équipements sportifs ou d'hôpitaux !
Le rapport propose ensuite d'inscrire dans le code civil que l'obligation alimentaire ne peut pas concourir au remboursement des aides sociales à l'hébergement accordées par les départements aux personnes âgées dépendantes résidant en EHPAD (proposition n° 10) bien que cette suppression d'un lien entre les générations ait paru inopportune à certains des membres de la mission qui craignent un manque à gagner pour certains départements. Un rapport du Conseil économique et social « L'obligation alimentaire : des formes de solidarité à réinventer » présenté par Mme Christiane Basset est pourtant très éclairant sur cette question. Le débat porte sur l'intérêt de maintenir cette obligation qui est utilisée de façon très variable et donc inéquitable suivant les départements ; ainsi en Moselle, il n'est pas procédé à une récupération sur succession, contrairement à la Meurthe-et-Moselle. Certains membres de la mission ont cependant souligné que l'application de l'obligation alimentaire dans ce cas matérialise le lien entre les générations. Il convient toutefois de souligner que cette proposition n'abolit pas la dette d'aliments existant entre un ascendant et ses enfants et ne fait que contrecarrer une obligation imposée de façon autoritaire par certains conseils généraux.
En contrepartie de la précédente proposition, le rapport institue pour les demandeurs du bénéfice d'une allocation personnalisée d'autonomie possédant un patrimoine d'au moins 100 000 euros – un montant qui a fait l'objet de débats au sein de la mission – un droit d'option entre une allocation réduite de moitié mais n'autorisant pas un futur recours sur la succession de son bénéficiaire et le service d'une allocation à taux plein, pouvant être récupérée sur la succession future du bénéficiaire pour un montant maximum de 20 000 euros (proposition n° 10). Le montant de 100 000 euros a été déterminé en fonction du montant moyen des successions qui est de 150 000 euros. Certains des membres de la mission auraient préféré que l'on retienne donc ce dernier montant.
L'ensemble de ces mesures devrait générer un certain nombre d'économies bienvenues pour faire face à l'inévitable explosion des coûts liée à l'arrivée au grand âge des « papy boomers » même si chacun d'entre nous est bien conscient qu'elles ne suffiront pas à financer la future dépendance de nos concitoyens. C'est pourquoi, la mission propose de nouveaux leviers de financement.
Il est de notre responsabilité politique d'assumer le fait que le financement public est désormais incapable, en l'état, de procurer les futurs milliards de dépenses que coûtera dans un avenir proche la perte d'autonomie des personnes âgées. Nous nous devons donc d'organiser, en conséquence, avant qu'il ne soit trop tard, un dispositif novateur dont la mise en place progressive impliquerait un aménagement à titre transitoire du système actuel et la définition d'une nouvelle gouvernance
La mission propose donc de rendre obligatoire dès l'âge de cinquante ans – mais certains membres de la mission ont proposé l'âge de quarante ans – la souscription d'une assurance perte d'autonomie liée à l'âge et d'assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d'un fonds de garantie (proposition n° 12). Si l'âge de cinquante ans peut être retenu parce qu'il est celui auquel la majorité des personnes concernées ayant vu le départ de ses enfants et ayant remboursé en grande partie leurs emprunts (pour leur logement, notamment) retrouvent une certaine marge financière. L'âge de quarante ans, en revanche, est l'âge choisi par le Japon, pour améliorer et lisser le montant global des cotisations.
Les Français ont acquis une perception mature et de plus en plus partagée du risque que fait peser la dépendance des personnes âgées sur les jeunes générations car bon nombre d'entre eux ont déjà été personnellement confrontés à une telle situation pour un de leurs proches. C'est une opportunité qu'il convient de saisir dès aujourd'hui car elle rend possible la construction par un grand nombre d'entre nous (et donc pour des cotisations moins élevées que si nous étions moins nombreux à y participer) d'un dispositif d'assurance universelle obligatoire dont la charge générationnelle et intra générationnelle doit être également répartie entre les personnes les plus aisées et les plus pauvres, entre celles qui se maintiendront en bonne santé et celles qui perdront leur autonomie.
Cette assurance universelle obligatoire serait encadrée par l'obligation pour toute mutuelle, société de prévoyance ou société d'assurance de respecter un cahier des charges garantissant les droits des assurés (socle minimal de couverture, fixation et augmentation des cotisations, revalorisation des rentes, portabilité des droits, évaluation des états de perte d'autonomie par des équipes indépendantes formées et contrôlées par la CNSA…).
Les mutuelles, les sociétés de prévoyance ou sociétés d'assurance devraient par ailleurs assurer progressivement la prise en charge de toutes les personnes atteintes par une perte d'autonomie quelle qu'ait été la durée de leur assurance, dans la limite du socle minimal garanti pour le degré de dépendance qui est le leur. À cette fin, le rapport propose que ces institutions constituent et gèrent un fonds alimenté par un pourcentage prélevé sur chaque cotisation, dont elles définiraient le montant en commun.
En attendant que l'assurance perte d'autonomie puisse se substituer au régime actuel de l'allocation personnalisée d'autonomie, le service de cette dernière ne saurait être interrompu mais doit être aménagé de façon plus satisfaisante et évoluer progressivement.
Pour ce faire, la mission propose d'étendre le champ des contributeurs au financement public en révisant les taux de la contribution sociale généralisée applicable aux pensions de retraite par une meilleure progressivité de ces taux en fonction des montants des pensions et par l'application d'un taux de 7,5 % aux montants les plus élevés – ainsi, tout en augmentant les ressources fiscales, cette proposition n° 13 rend moins inéquitable la situation des salariés les plus modestes payant davantage de cotisations que certains retraités plus aisés qu'eux – et en faisant progressivement participer à la contribution solidarité autonomie les professions jusqu'alors exemptées par l'application de taux progressifs aux montants de leurs revenus (proposition n° 14).
Pour rendre plus efficaces les politiques de compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées, le rapport propose de réserver le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie aux personnes les plus dépendantes classées dans les groupes iso ressources (GIR) 1 à 3 de la grille AGGIR (proposition n° 15).
Le rapport propose encore d'inciter les nombreuses personnes âgées détentrices d'un capital financier ou immobilier à l'utiliser pour financer les restes à charge qui pèsent sur elles. Pour ce faire, il est proposé – petite entorse à la nécessaire stratégie de redressements des finances publiques – d'alléger le régime fiscal applicable aux rentes viagères lorsque ces dernières sont destinées à prendre en charge une perte d'autonomie avérée (proposition n° 16).
Enfin, prenant en compte le rôle essentiel de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, salué par tous les interlocuteurs de la mission, le rapport propose de la renforcer dans ses prérogatives d'opérateur principal des politiques médico-sociales, de confirmer sa gouvernance de la gestion de la couverture du risque de la perte d'autonomie et de la doter des moyens nécessaires à ses missions (proposition n° 17). Le rapport n'a pas spécialement développé ce point pourtant très important aux yeux de la mission, dès lors qu'un excellent rapport va prochainement être déposé sur ce sujet par notre collègue Bérengère Poletti.
Merci pour la qualité et la densité de vos propositions et de vos suggestions. S'il est vrai que la péréquation entre départements est insuffisante, il me semble que l'application du principe de subsidiarité demande tout de même que soit laissée une certaine marge d'initiative aux collectivités qui doivent gérer ces questions.
Je vais m'essayer à la concision, mais ce rapport est le résultat de huit mois de travail… Au-delà des usages établis dans ce domaine, je voudrais remercier la rapporteure avec beaucoup de conviction pour ce travail mené en commun qui a permis d'aborder les questions de fond.
Il était possible d'envisager un vote favorable du groupe socialiste, radical et citoyen (SRC) il y a deux mois, mais hélas le rapport n'est pas celui que nous aurions souhaité. Nous aurions sans doute aussi espéré en recevoir le texte un peu plus tôt. Néanmoins, je partage un grand nombre des analyses de Mme Valérie Rosso-Debord et certaines propositions auxquelles je tenais ont été reprises, bien que rédigées sans doute autrement que je ne l'aurais souhaité. Elles sont importantes, comme l'interdiction de l'imputation des amortissements mobiliers et immobiliers des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sur les prix de journées demandés aux résidents. Cette proposition prolonge le décret de 2007 que j'avais suscité permettant aux collectivités territoriales de ne pas provisionner ou amortir le financement de la rénovation d'un établissement. Mme Catherine Vautrin m'avait d'ailleurs répondu dès 2004 qu'effectivement la personne hébergée payait finalement deux fois ces coûts d'amortissement, en tant que contribuable d'une part et en tant que résident d'autre part. Cette question est d'autant plus importante que l'imputation de l'amortissement porte le prix de la journée d'hébergement dans un EHPAD à un montant trop élevé pour de nombreuses personnes âgées. La réponse qu'il faut apporter est évidemment moins simple que la proposition du rapport puisque les financements supposent des prêts qu'il faut garantir.
Au sujet des constats partagés, il est vrai que devaient être notées les disparités de l'application de l'allocation personnalisée d'autonomie suivant les départements, mais le rapport ne développe pas assez les insuffisances de la grille AGGIR et il n'insiste pas assez sur les nombreux problèmes que pose la procédure de « pathossification ». Cependant, la question de la perte d'autonomie est bien traitée.
Le rapport ne rend compte que très imparfaitement de nos travaux. Assez brutalement, l'obsession de la crise et de l'équilibre des finances publiques a amené la majorité à ne considérer les personnes âgées, comme le faisait le rapport Laroque de 1962, que comme un coût pour la société. J'aurais aimé que, comme nous l'avions envisagé au début de la mission, les personnes âgées soient présentées comme une chance pour notre société. Par ailleurs, s'il est fait observer que l'entrée en institution se fait de plus en plus tardivement ou que l'espérance de vie en France est de deux ans supérieure en moyenne à celle des autres pays européens, on oublie de souligner que c'est grâce à l'institution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et grâce à notre système performant d'assurance maladie. Vous faites souvent remarquer, Monsieur le Président, que nos aides sociales ne sont pas à la hauteur de ce que nous en attendons. Or pour les personnes âgées, la mise en place de l'APA a permis un maintien à domicile dans les meilleures conditions. Depuis 2002, l'obsession de la majorité est de la remettre en cause en raison de son coût, même si la CNSA a été créée depuis. J'avais moi-même critiqué la création de la CNSA en 2004 alors qu'elle semble être un outil perfectible, mais finalement utile.
Au début du rapport, il est rappelé que le candidat à l'élection présidentielle de 2007 avait promis la création d'un cinquième risque pour protéger nos aînés. Pour moi, comme pour nos concitoyens, une telle promesse ne pouvait aboutir qu'à une chose : une cinquième branche de la sécurité sociale. Et c'est dans cette optique qu'en 2007, j'ai voté contre le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) pensant déjà que pour assurer le financement d'une partie des dépenses liées à la perte d'autonomie, il n'était pas nécessaire de faire d'énormes cadeaux fiscaux par une exonération des droits de succession, dont le montant peut être évalué à 2,7 milliards d'euros.
Le groupe socialiste, radical et citoyen n'a pas voté le rapport de la mission parce que l'idée que la création de l'APA a constitué un véritable progrès n'y est pas affirmée. Or, la qualité de vie de nos aînés est pour moi un point fondamental.
S'agissant des propositions elles-mêmes, le constat des disparités des politiques menées par les départements en matière de contribution des familles est exact. Pour autant, que reste-t-il de la décentralisation si les collectivités territoriales n'ont plus de marge de manoeuvre dans ce domaine ? Mettre complètement fin au recours à l'obligation alimentaire pour permettre un remboursement des aides sociales à l'hébergement risque de poser problème à un certain nombre de départements en les privant de rentrées d'argent importantes, alors même que les contributions qu'apporte l'État à ces collectivités diminuent. En outre, s'il est nécessaire de rester raisonnable en matière de sollicitation des membres d'une famille, la responsabilisation des enfants vis-à-vis de leurs parents me semble un juste retour des choses. Élever un enfant prend vingt ans, un temps qu'il convient de rapprocher des deux ans que dure en moyenne la dépendance d'une personne âgée. Enfin, cette obligation matérialise tout de même un lien intergénérationnel auquel je suis attachée.
S'agissant de la proposition n° 11, toutes les auditions menées par la mission ont montré que l'APA joue pleinement son rôle, contrairement à la prestation spécifique dépendance, parce qu'elle ne s'appuie pas sur le recours sur succession. Or il est proposé une mesure optionnelle hybride pour les demandeurs d'une APA possédant un patrimoine d'au moins 100 000 euros. Il est pourtant clair que ce n'est pas la personne âgée dépendante qui choisira elle-même le mode de règlement de ses dépenses, mais ses enfants. La mise en place d'une telle préconisation remet, de fait, en cause à l'APA.
La proposition n° 12, visant à rendre obligatoire dès l'âge de cinquante ans, la souscription obligatoire d'une assurance perte d'autonomie était, à vrai dire, attendue. Mais j'espérais que la rapporteure laisserait le Gouvernement en prendre la responsabilité. Certes, il est plus simple d'être dans l'opposition mais quelle surprise de constater que la promesse de la création d'un cinquième risque soit en fait remplacée, trois ans après l'élection présidentielle, par un recours à l'assurance privée. Non seulement il conviendra de payer, mais en plus sans garantie de résultat ! Le rapport précise même que le système d'assurance privée se substituerait à l'APA. C'est inacceptable. Il eût été possible de discuter de la création d'un complément assurantiel, mais il s'agit là d'une mesure qui met fin à la solidarité nationale en matière de dépendance. La préconisation est, de surcroît, en contradiction avec d'autres propositions du rapport telle la réforme du régime de la contribution sociale généralisée des inactifs. J'ajoute que l'âge de cinquante ans est celui où les compagnies d'assurance privées commencent à s'inquiéter des risques de santé des assurés au point de refuser la prise en charge de certains d'entre eux. Leur labellisation est donc parfaitement illusoire.
Il n'y a pas que les compagnies d'assurance privées. Les mutuelles pourraient également jouer un rôle important.
J'en reste au texte ! La proposition n° 15, enfin, qui réserve le bénéfice de l'APA aux personnes les plus dépendantes classées dans les groupes iso ressources (GIR) 1 à 3 de la grille AGGIR, exclut donc les personnes en GIR 4, soit celles qui commencent à perdre leur autonomie. Cette mesure est en parfaite contradiction avec les premières propositions du rapport relatives à la prévention. La mise à mort de l'APA, obsession de cette majorité depuis 2002, est donc complète. Je le regrette profondément.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation caricaturale. Nous avons entendu ce matin le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, qui, après nous avoir décrit le poids des dépenses sociales dans notre pays, nous a expliqué que la situation dramatique des comptes publics ne peut être corrigée que par des décisions importantes et courageuses. Et, maintenant, nous nous réunissons pour réfléchir à la création d'une nouvelle couverture sociale de la perte d'autonomie. Il y a là un paradoxe.
Je tiens à féliciter la présidente-rapporteure, Mme Valérie Rosso-Debord, ainsi que l'ensemble des membres de la mission d'information pour le travail accompli et la bonne intelligence qui a présidé à nos réunions. Contrairement à nos prévisions un peu optimistes de départ, nos travaux ont duré près de huit mois car, comme nous l'avons également constaté au sein de la mission d'information sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dont je suis rapporteure, les politiques étudiées sont complexes et nécessitent d'auditionner un grand nombre d'intervenants.
S'agissant de la différence entre ce que proposait sincèrement le programme du Président de la République en 2007 et ce que nous pouvons effectivement réaliser à l'heure actuelle, je dirais que la situation économique a considérablement évolué : nous ne pouvons pas ignorer qu'une crise économique et financière majeure s'est abattue sur notre pays et a creusé les déficits publics. Il est de notre responsabilité politique d'en tirer les conséquences. Dans l'idéal, nous aussi, nous souhaiterions une prise en charge des pertes d'autonomie par des financements publics et une convergence des traitements des personnes âgées et des personnes handicapées, comme le prévoyait la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il n'est, par exemple, pas acceptable qu'une personne subissant un accident vasculaire cérébral à cinquante-neuf ans bénéficie d'une prise en charge différente de celle d'une personne ayant le même accident à soixante et un ans. Nous souhaitons certes une prise en charge de tous les handicaps la plus juste et la plus pertinente possible. Malheureusement, entre 2007 et 2010, la situation économique et financière de notre pays a beaucoup changé.
Une des réponses qui peut être apportée aujourd'hui à ce sujet est la souscription obligatoire d'une assurance. Il faut néanmoins demeurer prudent en la matière : un encadrement et un contrôle d'un tel dispositif devraient être assurés par une commission ad hoc, ou mieux encore par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Je trouve très intéressantes les propositions de la présidente-rapporteure sur l'hébergement, sur la problématique des restes à charges, sur la contribution sociale généralisée et sur la contribution solidarité autonomie (CSA). Il faut en effet trouver de nouveaux financements publics afin de pouvoir rendre plus équitables les dispositifs existants sans creuser davantage les déficits publics. Les disparités territoriales sont aujourd'hui trop fortes et parfois choquantes, et le coût d'une admission en établissement, par exemple, est très différent en région parisienne ou dans les Ardennes.
J'incite cependant à la prudence quant à la proposition relative à la CSA. La journée de solidarité a été créée lorsque les 35 heures prédominaient en matière de temps de travail. On a considéré à l'époque que l'on pouvait demander aux salariés de travailler une journée de plus au cours du mois de mai, riche en jours fériés et en « ponts », pour participer à l'amélioration de la prise en charge et de l'accueil des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, alors que plusieurs professions ont été exemptées de cet effort, tels les agriculteurs, les artisans ou les professions libérales. Il est vrai que les agriculteurs et les artisans sont dans des situations d'extrêmes difficultés à cause des nombreux et importants prélèvements obligatoires auxquels ils sont soumis et des très nombreuses heures de travail qu'ils doivent accomplir. Il faut donc bien réfléchir avant de leur demander de contribuer au financement de la solidarité : ils participent déjà à l'effort de la Nation par leur investissement dans le travail.
Je tiens à rappeler qu'avec Mme Laurence Dumont, présidente de la mission d'information sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), je présenterai le rapport concluant les travaux de la mission, la semaine prochaine devant la commission des affaires sociales. Notre mission était proche de la mission d'information sur la prise en charge des personnes dépendantes car la CNSA sera indéniablement appelée à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre des propositions présentées par Mme Valérie Rosso-Debord.
Je tiens à rappeler à Mme Hoffman-Rispal les conditions de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie : elle a été créée sans que son financement ne soit prévu. Il n'est donc pas étonnant que dix ans plus tard, de nombreux départements soient en faillite et ne puissent plus assumer la charge de cette allocation. J'invite donc l'opposition à mesurer ses propos. Il était facile d'adopter en fin de mandat une telle création, fort généreuse, sans se préoccuper de son poids financier pour les départements.
Je tiens à féliciter Mme Valérie Rosso-Debord pour son excellent rapport. En arrivant en commission après avoir entendu le réquisitoire contre les déficits publics du Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, je craignais que son rapport ne propose la création d'une nouvelle dépense publique. Ce n'est pas le cas et je vous félicite de proposer la souscription obligatoire d'une assurance personnelle. Cette préconisation n'a rien de choquant à mes yeux : alors que les Français sont obligés d'assurer leur voiture, souscrivent même des assurances tout risque et privilégient l'assurance vie comme placement financier, ils n'assurent pas leur personne ni leur santé ! Pourquoi ne pas éviter grâce à un système d'assurance personnelle obligatoire les difficultés et les drames véritables engendrés par la dépendance d'une personne âgée dans les familles modestes comme aisées ? Cela ne signifie pas que les personnes âgées ne soient pas une chance pour notre société, le coût de leur fin de vie n'ayant rien à voir avec leur rôle dans cette société. Il est facile de prononcer des mots généreux sans traiter les questions de financement. Je préfère l'instauration d'un système d'assurance obligatoire à la situation actuelle où l'on va parfois réclamer des fonds aux petits-enfants ou, parfois, au député de sa circonscription. J'estime, de même, qu'il vaut mieux régler la question financière avant le décès de la personne dépendante.
J'ai une dernière question. Les conseils généraux consacrent des sommes très importantes aux personnes âgées dépendantes : que deviendrait cet argent public si l'on appliquait les préconisations de votre rapport ? Resterait-il aux départements ? Financerait-il un fonds de solidarité pour la dépendance ?
Je tiens à féliciter la présidente-rapporteure, dont j'étudierai le rapport avec intérêt. La prise en charge de la dépendance constitue un défi majeur et difficile à relever au regard des problèmes financiers décrits ce matin par le Premier président de la Cour des comptes. Vu la situation actuelle des comptes sociaux, mettre en place une cinquième branche couvrant le risque de dépendance serait, à l'évidence, problématique.
Je m'interroge sur les propositions 13 à 16 qui portent sur le financement de la dépendance : quel sera le montant des recettes prélevées ? Sera-t-il au niveau des besoins de financement ?
J'adhère aux idées d'amélioration de la prévention du risque de dépendance et d'une meilleure formation des intervenants auprès des personnes âgées. Vous préconisez par exemple de mettre en place des consultations obligatoires de prévention. Personnellement, je souhaite aller plus loin dans cette voie et je propose que, chaque année, tout Français ait droit à une consultation médicale générale prenant en compte son mode de vie.
Je regrette que votre rapport n'aborde pas la question de la préparation des doses à administrer (PDA). Je milite pour la rendre obligatoire dans tous les établissements hébergeant des personnes âgées, car elle éviterait de nombreuses iatrogénies médicamenteuses. Or, nous attendons toujours la publication du décret applicable en la matière. En revanche, votre rapport insiste avec raison sur le besoin d'améliorer la coordination des intervenants auprès des personnes dépendantes..
Je me demande comment seront financés les amortissements immobiliers car les emprunts devront être remboursés. Si le prix de l'hébergement ne comprend que les coûts du loyer et de l'alimentation, qu'envisagez-vous ?
Quant à l'obligation alimentaire, peut-être ai-je une vision traditionnelle de la famille, mais je pense que les parents doivent élever leurs enfants, leur donner les moyens de réussir, puis qu'à leur tour, les enfants doivent prendre en charge leurs parents lorsqu'ils rencontrent des difficultés, la solidarité nationale ne devant intervenir que lorsque la famille ne peut y faire face. J'admets que les situations familiales ont évolué notamment avec les familles recomposées et le rôle nouveau des beaux-enfants. Je reconnais également que la prestation spécifique dépendance (PSD) n'a pas fonctionné en raison des craintes liées à sa récupération sur succession alors que les personnes âgées veulent transmettre un héritage à leurs enfants. Dès lors, plutôt que de supprimer la possibilité pour les départements de recourir aux obligés alimentaires d'une personne âgée bénéficiant d'une aide sociale, des règles communes et harmonisées en matière d'obligation alimentaire devraient peut-être être édictées afin de laisser une marge de manoeuvre aux collectivités territoriales.
Si l'on choisit de mettre en place un système d'assurance, il doit effectivement être obligatoire. En effet, les personnes qui s'assurent aujourd'hui contre le risque de dépendance ont les moyens financiers de cette souscription et peuvent généralement financer leur perte d'autonomie. Le problème se pose pour les personnes qui ne peuvent pas s'assurer. Cela étant, les assureurs devront s'engager à prendre en compte les différents niveaux de dépendance.
Je félicite la présidente-rapporteure pour les travaux qui sont présentés aujourd'hui. J'ai remarqué que de nombreuses personnes ayant engagé des aides à domicile grâce à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) se voient, parfois au bout de six ans, réclamer un remboursement d'indus pour des montants colossaux, de l'ordre de 6 000 à 10 000 euros. Il faut fixer des délais de contestation de l'attribution de l'APA à domicile afin d'interdire ce genre de réclamation après un certain délai.
Au sujet des établissements d'hébergement, s'il est vrai que les personnes âgées dépendantes les intègrent de plus en plus tard et y restent en moyenne deux ans et demi, les besoins en places perdurent, et il faut encore créer des établissements. Au vu des délais de construction, il convient d'espérer que la nouvelle procédure des appels à projet améliorera la situation mais il faudrait déjà gérer les listes d'attente d'une place dans un établissement d'hébergement : de nombreuses personnes inscrites sur les listes d'attente ne se désinscrivent pas lorsqu'elles en trouvent une. Les agences régionales de santé (ARS) ou les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) pourraient remplir un rôle en la matière.
Je suis favorable au développement de l'accueil de jour qui a eu des résultats positifs notamment pour les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. Par ailleurs, je souscris à l'idée du rapport selon laquelle la prévention est fondamentale : ainsi, pour prévenir l'ostéoporose chez les femmes, il faudrait proposer tous les cinq ans une densimétrie osseuse gratuite à l'instar des mammographies. Cela permettrait d'éviter des complications ultérieures.
Enfin, je note que lorsque le GIR moyen d'un établissement augmente, on n'observe pas une augmentation parallèle du personnel soignant, ce qui est dommage. Quant à l'incidence des amortissements immobiliers sur les restes à charge pesant sur les résidents des établissements, je voudrais signaler que leur coût n'est pas plus onéreux que l'emploi d'un soignant nuit et jour à domicile. Je suis enfin favorable à l'instauration du système d'assurance obligatoire qui me semble prometteur car nous vivrons de plus en plus âgés.
Étant rappelé que le budget annuel global de la prise en charge des personnes âgées s'élève à 22 milliards d'euros, nous traitons aujourd'hui d'un sujet de société tout aussi important que celui sur lequel nous allons prochainement légiférer, celui des retraites. Dès lors, je souhaiterais savoir s'il n'aurait pas été souhaitable d'associer les réflexions sur ces deux sujets, à l'occasion de l'examen d'un texte législatif unique.
À la suite de l'audition de la Cour des comptes sur son rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques, je souhaite souligner la qualité du rapport de la mission qui rappelle que les finances publiques de notre pays sont exsangues. Face à ce constat, il paraît indispensable de ne pas créer de dispositif de prise en charge des personnes âgées dépendantes qui constituerait un nouveau gouffre financier et une nouvelle source de déficits sociaux. Dans cet esprit, étant souligné que la prise en charge de la dépendance est par nature une dépense publique non maîtrisable, il serait intéressant de savoir si une remise à plat des dispositifs financiers actuels permettrait de mobiliser suffisamment de moyens pour peu qu'on réoriente l'aide en la recentrant davantage sur les cas les plus graves.
Au sujet de l'obligation d'assurance, certains peuvent considérer à juste titre que l'État ou la collectivité dans son ensemble doivent assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes, mais, ainsi que l'a rappelé ce matin M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, il faut aujourd'hui fermer le guichet actuellement largement ouvert des dépenses de l'État et de la solidarité nationale. Je souhaiterais donc savoir si la proposition qui est faite de créer une assurance dépendance obligatoire bénéficierait d'une aide fiscale ou non.
Quant à la suppression de la possibilité de répercussion des coûts des amortissements des établissements dans les tarifs journaliers, je souhaiterais savoir qui devra les prendre en charge.
La proposition d'assurance obligatoire formulée dans le rapport ne prévoit pas d'aide fiscale.
Compte tenu de l'heure avancée et du fait que les porte-paroles des groupes se sont exprimés, je vous propose de passer au vote sur l'autorisation de publication du rapport d'information.
Si avec Mme Martine Pinville, nous avons voté contre le rapport hier après-midi, le groupe socialiste, radical et citoyen ne s'opposera pas à la publication du rapport, d'autant que ce dernier contient sa contribution.
Compte tenu de ce qui vient d'être dit et ayant activement participé aux travaux de la mission, j'aurais souhaité pouvoir intervenir plus tôt dans la discussion. Cependant, je tiens à remercier Mme Valérie Rosso-Debord pour la qualité de nos échanges même si je ne partage pas toutes les conclusions du rapport d'information qui s'inscrivent dans la logique actuelle préconisée par le Président de la République. En tout état de cause, il convient d'espérer que les futures dispositions législatives sur la perte d'autonomie des personnes âgées seront à la hauteur de nos attentes et qu'elles répondront aux besoins de nos concitoyens malgré l'état très dégradé de nos finances publiques et de nos finances sociales. Nous sommes confrontés à la nécessité de faire des choix politiques difficiles pour répondre aux constats d'un vieillissement de la population et d'un allongement de la durée de vie, et donc en parallèle d'une augmentation du nombre de personnes en situation de perte d'autonomie. Cela pose la question de l'intégration pleine et entière de chaque personne dans la société et celle de l'accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées. Nous sommes aussi confrontés à une diminution du nombre d'aidants naturels en raison de l'augmentation du taux de travail des femmes et de l'évolution des choix de vie. Ceci doit nous conduire à prévoir une meilleure prévention et une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes à domicile ou en établissement.
Je ne reviendrai pas sur un certain nombre de propositions relatives à une meilleure organisation ou au pilotage de la prise en charge des pertes d'autonomie sur lesquelles un certain nombre de points font l'objet d'un accord. Mais je voudrais m'attarder sur la proposition n° 12 du rapport relative à la souscription d'une assurance dépendance obligatoire dès l'âge de cinquante ans. Je crois que la question du financement de la prise en charge de la dépendance doit être appréhendée comme relevant du champ de la protection sociale et donc de la solidarité nationale. À cet égard, lors de nos échanges au sein de la mission, nous avions envisagé, en commun, un certain temps, la création d'un socle de solidarité nationale, complété par un dispositif d'assurance. Or, la solution finalement retenue est de ne créer qu'un dispositif d'assurance. Il risque d'aboutir à l'absence d'assurance de la part de certaines personnes. Comment pourra-t-on alors prendre en charge leur situation ? Je crois qu'il est nécessaire d'y réfléchir.
Enfin, en ce qui concerne le développement de la prévention de la dépendance, de nombreux plans ont été mis en place. Mais le plan Bien vieillir dépend du secrétariat d'État aux aînés et le plan Alzheimer du ministère de la santé. Il y a de ce fait un manque certain de lisibilité et de cohérence de la conduite de l'ensemble des actions menées, qui ne sont au demeurant pas toujours évaluées.
(M. Jean-Luc Préel, vice-président, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)
Je vais essayer d'être bref mais je dois dire qu'en voyant l'ordre du jour de la commission prévu pour ce matin, je pressentais des difficultés pour achever notre discussion.
Je veux tout d'abord remercier Mme Valérie Rosso-Debord pour le travail effectué et la qualité des auditions qui ont été organisées par la mission d'information. Il n'est pas préconisé, contrairement à ce qui a pu être dit, une remise en cause de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il s'agit de l'améliorer. Depuis 1986, avec les travaux réalisés par MM. Adrien Zeller et Théo Braun, nous avons souhaité la création d'un cinquième risque géré par la sécurité sociale, mais constatant que cette création était difficile, nous avons soutenu l'institution de l'APA à l'instigation du gouvernement de gauche de l'époque et en particulier de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, alors secrétaire d'État aux personnes âgées. La question du financement de l'allocation avait alors fait l'objet de débats importants de même que la question de sa gestion que réclamaient les conseils généraux de gauche comme de droite, sans en voir les risques. Le Gouvernement ne s'était pas engagé à financer à parité le nouveau dispositif. Les conseils généraux ont voulu cette gestion de l'APA : ils l'ont eue mais ils sont aujourd'hui confrontés à des problèmes financiers importants. Par ailleurs, je constate que si les lois doivent être appliquées de façon homogène sur l'ensemble du territoire, les conditions d'attribution de l'APA par les conseils généraux sont extrêmement variées et les règles applicables aux établissements d'hébergement sont fort hétérogènes selon les départements.
En 2004, les débats avaient été très nourris au sujet de la récupération de l'APA sur la succession de la personne âgée bénéficiaire, chaque groupe politique paraissant à cet égard divisé. C'est en accord avec la majorité de l'époque que nous avons pu faire adopter un amendement rejetant le principe d'une récupération sur succession.
Au sujet de la proposition n° 12, je dois indiquer qu'à titre personnel, j'aurais préféré que l'on prévoie la création d'un cinquième risque, l'alignement de la contribution sociale généralisée des retraités sur celle des actifs pouvant en assurer une part du financement. J'ai d'ailleurs évoqué cette possibilité la semaine dernière avec les représentants des syndicats des retraités qui ont été très clairs sur cette source non négligeable de recettes. Je suis toutefois bien obligé de constater qu'aujourd'hui, il n'existe pas d'autre solution que d'instaurer une obligation d'assurance dépendance à partir de cinquante ans. Mais je reconnais que les craintes exprimées par Mme Martine Pinville sur le risque d'absence d'assurance de certains ne sont pas infondées ; ayant été président d'une société d'habitations à loyer modéré, j'ai pu constater que, parfois, les gens commençaient par souscrire leur assurance habitation puis ne la prenaient plus. Une telle crainte ne doit pas cependant nous empêcher d'envisager l'institution d'une assurance obligatoire qui constituerait une avancée sociale importante. Je suis d'ailleurs personnellement partisan d'avancer l'âge de la souscription obligatoire à quarante ans, car cela permettrait d'accroître les rentrées de cotisations ; en outre, il est plus facile d'être accepté à cet âge par les compagnies d'assurance. Il faudra refaire le point sur ce sujet, d'ici quelque temps.
(M. Denis Jacquat remplace M. Jean-Luc Préel à la présidence de la séance.)
Le rapport de la mission est très attendu, dans la mesure où son sujet est évoqué depuis plusieurs années et où il s'agit de répondre à un enjeu important pour notre société, puisqu'il concerne des millions de nos concitoyens.
La perte d'autonomie peut frapper à tout âge ; cela pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une seconde mission d'information. Il faut prendre en charge toutes les personnes en situation de handicap et traiter la question de la perte d'autonomie dès le plus jeune âge. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a d'ailleurs permis d'apporter plusieurs réponses à ce sujet.
Certes, nous ne pouvons ignorer les difficultés de financement dont nous a entretenu ce matin le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, mais nous ne pouvons pas pour autant renoncer à toute perspective de progrès. Il convient en effet de répondre aux besoins et aux évolutions de la société et de faire de vraies propositions en direction des personnes concernées. À cet égard, les questions de prévention, de professionnalisation et de coordination sont importantes, et nous devons accompagner très tôt le vieillissement et la perte d'autonomie, laquelle survient à tout âge.
Un socle solidaire de financement est impératif car c'est bien notre système de protection sociale qui permet d'amortir certaines difficultés dues à la crise. Il convient donc d'être plus ambitieux.
Sur l'obligation d'assurance, je m'inquiète : comment ce dispositif sera-t-il encadré ? Il convient d'y regarder de plus près et de poursuivre la réflexion.
Par ailleurs, le rapport ne semble pas évoquer la question des maisons de l'autonomie. Ne pourrait-on aller un peu plus loin sur le sujet, car il est véritablement nécessaire d'avancer dans la voie d'une convergence des prises en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, ou du moins de faire en sorte que, tout au long de la vie, nous puissions prévoir une organisation adaptée et permettre aux personnes en perte d'autonomie de trouver leur place. À cet égard et comme cela a été dit lors des débats sur la loi du 11 février 2005 précitée, plus on règle les questions de l'accessibilité et de la prise en compte de la perte d'autonomie, plus on règle celle de la compensation ; je crois que nous avons tous intérêt à y réfléchir, car cela pourrait permettre d'apporter des améliorations pour chaque personne concernée ainsi que pour l'ensemble de la société.
Le rapport évoque la question essentielle du maintien à domicile, à travers « l'adaptabilité » des logements et l'apport des nouvelles technologies. Il s'agit là d'une question essentielle. Il est vrai que rien ne remplace les aides humaines, mais il faut prendre ce qu'il y a de bon dans ces technologies et trouver un juste équilibre. Ne pourrait-on insister sur les aides directes spécifiques qui pourraient être apportées aux personnes âgées, en tenant compte des différences de ressources, pour permettre les mises aux normes et le maintien à domicile le plus longtemps possible ?
Concernant par ailleurs les départements, de l'avis de nombreux professionnels, la jonction des problématiques relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées semble inévitable. Dès lors, ne faudrait-il pas surseoir à toute modification concernant le statut des maisons départementales des personnes handicapées, pour privilégier la création des maisons de l'autonomie ?
La mission d'information s'est-elle penchée sur la mise en place du forfait « soins » dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ?
Je remercie M. Denis Jacquat d'avoir évoqué M. Théo Braun dont j'étais, il y a vingt-deux ans, le chef de cabinet. Pas une réunion de ce cabinet n'avait lieu sans que ne soit évoquée la création d'un cinquième risque. Si nous n'avons pas beaucoup avancé depuis, quelles qu'aient été les majorités, le Gouvernement que nous soutenions a au moins créé l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) dans le consensus. Ce dispositif a constitué une réelle amélioration de la prise en charge de la dépendance et je rappelle qu'à sa création, son financement était équilibré pour moitié entre les départements et la solidarité nationale, situation qui s'est, depuis, constamment dégradée au détriment des premiers du fait d'un effet de ciseau dû à l'accroissement de la population concernée et à la diminution des financements nationaux.
La proposition du rapport consistant à sortir de la liste des bénéficiaires de l'APA les personnes classées en GIR 4 est une erreur, alors que le bilan de l'application de l'APA dans ses conditions d'attribution actuelles montre qu'elle a freiné l'aggravation de la dépendance chez ces personnes. Je ne reviens pas sur le fait que les engagements du Président de la République en matière de création d'un cinquième risque ne sont pas tenus. Cependant, comme le faisait remarquer ce matin le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, si nous sommes certes au coeur d'une crise, l'aggravation des déficits en est, pour deux tiers, indépendante. Il s'agit donc bien d'un problème structurel. Pour conclure, je voudrais insister sur le risque que constitue l'introduction d'une assurance obligatoire privée pour perte d'autonomie dont les règles ne pourraient être, quelles que soient les précautions prises, que celles du seul marché et de la seule concurrence. La proposition rend de surcroît sans intérêt le débat sur la dépendance qui nous est promis pour la fin de l'année. Il ne restera, dans ces conditions, qu'à discuter des modalités d'encadrement du dispositif retenu.
Je voudrais préciser que les personnes classées en GIR 4 ne figuraient pas dans le texte initial portant création de l'APA pour des questions de coût et qu'elles ont été ajoutées ultérieurement.
Ma réponse sera condensée, la succession ce matin de deux débats très importants nous ayant entraînés fort tard… Quelle que soit la part de la crise ou des problèmes structurels dans l'état de nos finances publiques, il convient de le prendre en compte de façon pragmatique. Certes, j'aurais, moi aussi, à titre personnel, préféré comme M. Denis Jacquat et Mme Bérangère Poletti vous proposer la création d'un cinquième risque, reposant sur la solidarité nationale et intégré à la sécurité sociale. Il me semble cependant que ce serait, dans le contexte économique actuel, parfaitement irresponsable, et plus encore, comme le soulignait M. Dominique Dord, après l'audition du Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud. Il est en revanche de notre responsabilité d'offrir aujourd'hui à nos concitoyens une couverture de la dépendance la meilleure possible. Le risque existe que les assureurs et les mutuelles ne s'emparent pas du dispositif qui est proposé, mais il nous appartient de l'encadrer, et de faire en sorte que le réseau d'experts qui délivrera l'APA ne soit pas dépendant des compagnies d'assurances, mais bien de la CNSA. C'est à cette dernière qu'il reviendra de fixer les plafonds et de délivrer l'expertise de la perte d'autonomie, d'établir la grille d'évaluation des GIR, et surtout de mettre en place des règles d'indexation. Nous aurons également à déterminer, avec elle, les conditions de la labellisation des assurances et des mutuelles. Le débat sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes n'est évidemment pas fermé. Nous ne débattons aujourd'hui que des propositions de la mission d'information de la commission des affaires sociales et non d'un texte gouvernemental, même si ces propositions traduisent, avec des nuances, par exemple en matière de révision du taux de la contribution sociale généralisée, les positions de la majorité à laquelle j'appartiens. Les personnes âgées sont une richesse pour notre pays et le droit de vieillir dans la dignité est une obligation que nous leur devons. La grandeur d'un pays se mesure en effet aussi à la façon dont sont pris en charge les plus fragiles. Nous nous honorerons en mettant en place un dispositif en faveur des personnes âgées dépendantes le plus solidaire possible. En outre, de telles mesures seraient effectivement créatrices d'emplois non délocalisables. Les choix politiques que nous avons faits en matière de pouvoir d'achat ne sont pas ceux de l'opposition, mais nous les assumons. Ils traduisent la sincérité de nos idées et l'intégrité de nos convictions. L'APA que la gauche a créée, nous l'avons financée ; il convient aujourd'hui de la solvabiliser. Le travail commun des membres de la mission a été mené dans un climat de bonne intelligence ; il doit pouvoir se poursuivre dans le même esprit lors de l'examen du projet de loi relatif à la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
La commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
Je me demande s'il ne serait pas possible de communiquer des réponses écrites aux questions demeurées, du fait du temps très court dont disposait la rapporteure, sans réponse.
La séance est levée à treize heures quinze.