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Intervention de Valérie Rosso-Debord

Réunion du 23 juin 2010 à 11h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rosso-Debord, rapporteure :

Le hasard de calendrier qui fait examiner ce rapport après l'audition du Premier président de la Cour des comptes éclaire le cadre dans lequel un certain nombre des propositions du rapport ont été élaborées. Notre mission d'information a été créée afin de rassembler des éléments d'information préalables à la discussion d'un futur projet de loi sur la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie, un projet dont l'examen « dès la conclusion de la réforme des retraites » a été confirmé par le Premier ministre.

En préambule de mon exposé, je tiens très sincèrement et très amicalement à saluer et à remercier l'ensemble des membres de la mission pour l'état d'esprit positif, travailleur et de qualité qui a animé nos réunions au cours de nos huit mois de travaux, un délai un peu long dont vous voudrez bien nous excuser. La mission a organisé cinquante-quatre auditions et deux tables rondes, et elle a effectué trois déplacements, dont l'un dans la circonscription de Mme Hoffman-Rispal et un autre dans celle de Mme Poletti, que je remercie de leur accueil.

Lors de notre première réunion du 23 septembre 2009, nous avons décidé de centrer nos travaux sur le financement de la prise en charge des pertes d'autonomie des personnes âgées. Conscients que ce sujet touchait en profondeur à notre modèle social tel qu'il a été établi à l'issue de la seconde guerre mondiale, notre objectif s'est porté sur la nécessité de maintenir pour chacun de nos concitoyens, un droit de vieillir dans la dignité tout en faisant face à ce réel défi que constitue pour nous l'évolution de la démographie et des difficultés financières qu'elle entraîne.

Avant de proposer diverses voies de réformes en ce sens, le rapport que la mission a adopté hier et que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui prend acte, dans un premier temps du contexte socioéconomique spécifique au sein duquel la compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées s'effectue aujourd'hui. Il répertorie ensuite divers freins au fonctionnement satisfaisant de la prise en charge de certains risques du vieillissement dont je souligne – note positive – qu'ils ne sont pas inéluctables : seuls 8 % des plus de soixante-cinq ans en sont atteints.

Je passerai rapidement sur les données socio-économiques :

– la pyramide des âges de la France montre que la population vieillit en raison de l'actuelle entrée des classes d'âge du baby boom dans le troisième âge – conduisant à ce qu'en 2050, près d'un Français sur trois aura plus de soixante ans, contre près d'un sur cinq aujourd'hui – et à l'augmentation continue de l'espérance de vie laquelle atteint aujourd'hui quatre-vingt-quatre ans et cinq mois pour les filles – soit deux ans de plus que la moyenne de l'Union européenne – et soixante-dix-sept ans et huit mois pour les garçons.

Ce vieillissement et cette longévité de la population vont de facto entraîner un accroissement des personnes âgées en perte d'autonomie dont l'ampleur reste néanmoins difficile à quantifier, comme nous l'ont indiqué tous les experts auditionnés car il suffirait, par exemple, qu'un médicament soit trouvé dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer pour que, mécaniquement, nos maisons de retraite n'aient plus à héberger la moitié de leurs actuels résidents ;

– l'effort public déjà consenti pour la compensation de la perte d'autonomie des personnes âgées représente près de 22 milliards d'euros en 2009, équivalant à plus de 1,1 % du produit intérieur brut (PIB). Il est en augmentation constante en raison d'un nombre toujours plus grand de demandeurs du bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), cette dernière ayant marqué un pas important et positif dans l'accompagnement des personnes âgées. Ce financement est principalement assuré par :

• les organismes de sécurité sociale qui y consacrent 13,45 milliards d'euros auxquels il faut ajouter 1,5 milliard d'euros d'exonérations de cotisations sociales profitant aux employeurs âgés ;

• les départements qui ont versé en 2008 – dernières données connues – près de 4,7 milliards d'euros pour l'APA et plus de 2 milliards d'euros d'aides sociales pour l'hébergement des personnes âgées en établissements ou en familles d'accueil, puisque ces deux possibilités existent ;

• l'État qui procure deux ressources fiscales à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie d'un montant global de près de 2,4 milliards d'euros en 2009 et qui réserve spécifiquement aux personnes âgées en perte d'autonomie diverses exonérations ou réductions fiscales représentant près de 600 millions d'euros ;

– ces financements s'inscrivent dans un contexte de finances publiques exsangues, comme nous l'a rappelé le Premier président de la Cour des comptes : une dette publique globale de 1 489 milliards d'euros fin 2009 – soit 77,6 % du produit intérieur brut –, un niveau trop élevé de prélèvements obligatoires – 43,1 % du PIB – et une fragilisation financière des départements à la suite de la crise économique de 2008 comme l'a constaté le rapport sur les finances départementales remis au Premier ministre par M. Pierre Jamet en avril 2010.

La deuxième partie du rapport constate que face à ces données socio-économiques, le dispositif actuel de la compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées ne saurait perdurer en l'état, pour trois principales raisons.

– La première tient à une compensation inéquitable de la perte d'autonomie qui s'explique notamment par trois facteurs :

– une évaluation incertaine de l'état des personnes en perte d'autonomie dénoncée par l'ensemble de nos interlocuteurs ; la grille AGGIR mesure la gravité des pertes d'autonomie des personnes mais ne prend pas bien en compte la complexité des maladies dégénératives et classe souvent inégalement, en fonction des évaluateurs, des personnes atteintes à un même degré de perte d'autonomie. Afin de résoudre ces problèmes, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a cependant mis en place des stages de formation et a constitué un groupe de travail sur cet outil d'évaluation afin de construire éventuellement un référentiel unique et commun de la grille AGGIR pour l'ensemble du territoire. Il s'agirait effectivement là d'une réelle amélioration ;

– l'inégalité de la compensation de la perte d'autonomie prend également sa source dans les politiques disparates menées par les départements à l'égard des personnes âgées dépendantes. Entre les départements jeunes et riches et ceux vieux et pauvres, la charge du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) est extrêmement différente et pose un sérieux problème d'inéquité territoriale que le mécanisme de compensation nationale, financé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ne permet pas de véritablement régler, d'autant que son montant ne cesse de diminuer au cours des années.

De ce fait, les départements distribuent des APA dont les montants sont moins déterminés par l'état des personnes que par les ressources dont ils disposent. Cette inégalité territoriale est, par ailleurs, renforcée par leurs modes de gestion différents de l'allocation et par des politiques spécifiques de récupération des fonds versés au titre des aides à l'autonomie des personnes âgées : ticket modérateur de l'APA non exigé de chaque bénéficiaire dans certains départements, non-répercussion des hausses de ce ticket modérateur, dans d'autres, appel à la participation aux frais d'hébergement d'un ascendant de tous les obligés alimentaires quel que soit le degré de parenté par certains conseils généraux tandis que d'autres ne le font que pour les enfants et que d'autres encore ne réclament rien ;

– l'inéquité de la prise en charge des pertes d'autonomie se révèle enfin dans l'importance des « restes à charge » pour les personnes âgées et leurs familles dont le poids, tant à domicile qu'en établissement, pèse inégalement sur nos concitoyens, frappant davantage les femmes entrées dans le quatrième âge (n'ayant le plus souvent pour moyens de subsistance principale qu'une petite pension de réversion) et les classes moyennes qui ne bénéficient réellement d'aucune aide, ni sociale ni fiscale. En outre, cette importance des restes à charge pesant sur les personnes hébergées dans un établissement apparaît surtout intolérable parce qu'elle crée une véritable disparité entre les coûts de la prise en charge des pathologies de ces personnes et ceux de la prise en charge des maladies des personnes hospitalisées. Un exemple nous a beaucoup frappés tout au long de nos travaux : le coût de journée moyen n'est que de 18 euros dans un établissement hospitalier alors qu'en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), il atteint 55 euros car, outre les frais normaux du gîte et du couvert, il couvre également les frais des investissements immobiliers de l'établissement.

La deuxième raison de la difficulté d'une pérennité du dispositif actuel tient aux menaces qui pèsent sur le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie lesquelles représentent actuellement 98,9 % des personnes de soixante-cinq à soixante-quatorze ans et 57,4 % des personnes de quatre-vingt-quinze ans et plus. Or, si les Français affirment, on le sait, vouloir vieillir à leur domicile, ce voeu risque d'être contrebalancé par quatre facteurs :

– le premier est la prévention insuffisante des pertes d'autonomie qui oblige de fait les personnes à entrer dans un établissement, alors que la prévention des états de fragilité des personnes âgées – qui précèdent bien souvent une perte sévère d'autonomie – passe par des traitements simples et éprouvés. Nous avons donc émis diverses propositions sur ce sujet ;

– on assiste également à une diminution programmée des aidantes. Ce sont en effet principalement les femmes qui aident les personnes âgées à se maintenir à domicile, épouses, filles, belles-filles, petites-filles parfois. Cette diminution intervient sous l'effet, notamment, de l'augmentation du nombre des femmes ayant un emploi et de la pluri-sollicitation actuelle de la « génération pivot », ces femmes jeunes seniors partagées entre des petits enfants que l'on doit garder et des aînés qu'il faut accompagner, dans un contexte, également, d'éclatement des familles et d'éparpillement géographique ;

– la fragmentation de l'offre de soins entre des structures d'accueil diverses inégalement réparties sur le territoire se caractérise par la présence d'intervenants multiples dont l'absence fréquente de communication et de coordination emporte des conséquences préoccupantes pour les personnes âgées : non-remplacement des uns, polymédication et pathologies iatrogènes, multiplication d'examens médicaux, parfois invasifs et redondants, recours excessifs aux urgences hospitalières qui ne sont pas adaptées aux besoins des grands aînés ;

– enfin, les difficultés actuelles bien connues que rencontre le secteur professionnel de l'aide à domicile sont un obstacle supplémentaire.

Je dois, ici, souligner que le Gouvernement est conscient de ces difficultés puisqu'il a constitué divers groupes de travail chargés de proposer des solutions durables en termes de qualité, d'accessibilité et de soutenabilité financière des dispositifs de l'aide à domicile.

La troisième et dernière raison de la nécessité d'une modification du dispositif actuel de prise en charge des pertes d'autonomie des personnes âgées résulte de la disparité de l'offre d'hébergement dans des structures adaptées et médicalisées : les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Les EHPAD hébergeant des personnes de plus en plus âgées et dépendantes exigent une politique spécifique laquelle est actuellement pilotée par une multitude d'autorités (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, Caisse nationale d'assurance-maladie, État, régions, départements) donnant lieu à diverses planifications. La récente création des agences régionales de santé devrait cependant, dans une concertation bienvenue, réguler l'ensemble de ces autorités et de leurs opérateurs, et permettre d'ajuster les implantations des établissements ;

La disparité de la prise en charge des résidents se manifeste également entre les établissements médicalisés aux termes des conventions de cinq ans mises en place à partir de 1997 et les établissements ayant signé des conventions de deuxième génération qui leur assurent, à l'issue d'une procédure complexe fondée sur un outil d'évaluation mathématique intéressant dit « Pathos », une dotation de soins plus importante ainsi qu'une meilleure assistance de leurs résidents ;

L'inadaptation de l'offre d'hébergement est aussi marquée par l'hétérogénéité des tarifs d'hébergement comportant une part des frais de leurs amortissements immobiliers dont le poids peut varier de 10 % à 30 %, selon la localisation géographique de l'établissement – on comprend bien que le coût de l'implantation n'est pas le même à Paris et dans la Creuse – mais aussi selon sa date et ses coûts de construction. Certains établissements offrent un grand confort hôtelier mais leurs tarifs sont hors de portée pour la plupart des personnes âgées. Quant aux structures d'hébergement temporaires, leur déploiement reste insatisfaisant.

La dernière partie du rapport contient un certain nombre de recommandations sur des sujets faisant l'objet de divers groupes de réflexion : réforme de la grille AGGIR, réforme des critères de péréquation de la compensation du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie entre les départements par exemple. Avant d'aller plus loin, il nous faut attendre la fin des travaux de ces groupes. Par ailleurs, la mission souhaite que certaines politiques soient poursuivies : l'affirmation du rôle essentiel des agences régionales de santé dans la conduite de la politique médico-sociale, la rationalisation des dépenses des établissements et le renforcement des missions du médecin coordonnateur.

Les 17 propositions proprement dites de la mission peuvent se regrouper autour de trois thèmes : une politique plus dynamique de la prévention des pertes d'autonomie, la mise en place d'une prise en charge plus cohérente des personnes âgées dépendantes et enfin de nouveaux leviers de financement.

La politique plus dynamique de la prévention des pertes d'autonomie proposée par la mission comprend huit axes car prévenir, c'est aussi limiter les dépenses à venir et maintenir une certaine qualité de vie. Il est aujourd'hui avéré qu'un certain nombre de troubles ou de maladies peuvent être à l'avance traités ou du moins retardés. Il est donc nécessaire de :

– mieux sensibiliser à ces situations de fragilité chacun d'entre nous par l'instauration d'une consultation gratuite de prévention destinée à toute personne de plus de soixante ans voire, pour plusieurs membres de la mission, entre cinquante et soixante ans. Cette proposition (n° 1) s'inspire en la matière des plans Solidarité-Grand âge et Bien vieillir qui, tous deux, avaient prévu une telle consultation sans la mettre en place ;

– assurer un meilleur suivi des personnes âgées valides hébergées en établissement sur le plan nutritionnel et sanitaire (proposition n° 2). En 2005, les complications nutritionnelles touchaient en effet 30 % des personnes entrant dans ces établissements et 16 % à 60 % de leurs résidents auxquels sont alors prescrits des compléments nutritionnels oraux coûteux et moins adaptés qu'une saine nutrition ;

– prévenir également les événements indésirables de la vie des intéressés qu'ils résident à domicile ou en établissement (proposition n° 3) telles les chutes : un tiers des personnes de plus de soixante-cinq ans et la moitié des plus de quatre-vingts ans font au moins une chute par an et se cassent le plus souvent le col du fémur, entrant dans un cycle infernal d'hospitalisation et de rééducation qui constitue souvent un premier pas vers la perte d'autonomie. De même, doivent être prévenues les pathologies iatrogènes qui sont à l'origine de 10 % des hospitalisations des personnes de plus de soixante-cinq ans et de près de 20 % chez les octogénaires ;

– créer des formations spécifiques à la reconnaissance et au signalement des situations de fragilité des personnes âgées à l'intention de tout intervenant auprès de ces personnes – qu'ils soient des professionnels de l'aide à domicile ou des professionnels de santé – et, ce qui est extrêmement important, créer à destination des médecins généralistes des modules de formation initiale et continue relatifs à l'utilisation de protocoles de diagnostics des maladies dégénératives invalidantes. De fait, nous avons constaté que trop peu de médecins y sont formés et que de nombreuses personnes âgées ne bénéficient pas de ces contrôles permettant de mettre en oeuvre des consultations mémoire et de retarder de façon significative la survenance desdites maladies dégénératives (propositions n° 4 et 5) ;

– confier à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie la direction d'une étude sur les conditions d'hospitalisation des personnes âgées et, en fonction de ses conclusions, l'engager à définir, en collaboration avec les agences régionales de santé, les actions à mener pour remédier aux éventuels dysfonctionnements constatés et notamment engager les établissements à prévoir, par anticipation, les conditions de ces hospitalisations. Nous savons tous que, par exemple, la sortie d'hospitalisation d'une personne âgée, le vendredi soir, rend souvent difficile la recherche d'une place dans un établissement d'hébergement. Il y a là un domaine de prévention qui n'est pas assez développé sur l'ensemble du territoire ;

– encourager le recours aux nouvelles technologies, comme cela se fait dans de nombreux pays, afin de dégager davantage d'aide humaine en déchargeant les personnels grâce à l'emploi de diverses techniques (ordinateur, robotisation…) de certaines tâches, par exemple ouvrir les volets ou les portes ou soulever le malade. Nous souhaitons voir se développer une aide se concentrant sur le rapport humain. Dans le cadre du grand emprunt national, pourraient être financées des actions de recherche-développement relatives aux technologies d'aide à l'autonomie ainsi que des subventions au profit des petites et moyennes entreprises innovantes de ce secteur (proposition n° 7). Il serait en outre souhaitable de définir au sein des programmes relatifs au développement de la télémédecine des plans régionaux de santé les moyens d'une mise en place progressive de réseaux de télémédecine au sein des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), pour éviter des allers-retours notamment avec les hôpitaux (proposition n° 8).

La mission propose ensuite de mettre en place une prise en charge plus équitable des personnes âgées en perte d'autonomie en proposant de réduire le reste à charge des personnes hébergées dans un EHPAD et de leurs familles par l'interdiction de l'imputation des amortissements mobiliers et immobiliers de ces établissements d'hébergement sur les prix de journée demandés aux résidents (proposition n° 9). La mission juge véritablement intolérable que les personnes âgées soient les seules à payer les murs des établissements alors qu'aucune participation n'est demandée, et c'est normal aux utilisateurs d'équipements sportifs ou d'hôpitaux !

Le rapport propose ensuite d'inscrire dans le code civil que l'obligation alimentaire ne peut pas concourir au remboursement des aides sociales à l'hébergement accordées par les départements aux personnes âgées dépendantes résidant en EHPAD (proposition n° 10) bien que cette suppression d'un lien entre les générations ait paru inopportune à certains des membres de la mission qui craignent un manque à gagner pour certains départements. Un rapport du Conseil économique et social « L'obligation alimentaire : des formes de solidarité à réinventer » présenté par Mme Christiane Basset est pourtant très éclairant sur cette question. Le débat porte sur l'intérêt de maintenir cette obligation qui est utilisée de façon très variable et donc inéquitable suivant les départements ; ainsi en Moselle, il n'est pas procédé à une récupération sur succession, contrairement à la Meurthe-et-Moselle. Certains membres de la mission ont cependant souligné que l'application de l'obligation alimentaire dans ce cas matérialise le lien entre les générations. Il convient toutefois de souligner que cette proposition n'abolit pas la dette d'aliments existant entre un ascendant et ses enfants et ne fait que contrecarrer une obligation imposée de façon autoritaire par certains conseils généraux.

En contrepartie de la précédente proposition, le rapport institue pour les demandeurs du bénéfice d'une allocation personnalisée d'autonomie possédant un patrimoine d'au moins 100 000 euros – un montant qui a fait l'objet de débats au sein de la mission – un droit d'option entre une allocation réduite de moitié mais n'autorisant pas un futur recours sur la succession de son bénéficiaire et le service d'une allocation à taux plein, pouvant être récupérée sur la succession future du bénéficiaire pour un montant maximum de 20 000 euros (proposition n° 10). Le montant de 100 000 euros a été déterminé en fonction du montant moyen des successions qui est de 150 000 euros. Certains des membres de la mission auraient préféré que l'on retienne donc ce dernier montant.

L'ensemble de ces mesures devrait générer un certain nombre d'économies bienvenues pour faire face à l'inévitable explosion des coûts liée à l'arrivée au grand âge des « papy boomers » même si chacun d'entre nous est bien conscient qu'elles ne suffiront pas à financer la future dépendance de nos concitoyens. C'est pourquoi, la mission propose de nouveaux leviers de financement.

Il est de notre responsabilité politique d'assumer le fait que le financement public est désormais incapable, en l'état, de procurer les futurs milliards de dépenses que coûtera dans un avenir proche la perte d'autonomie des personnes âgées. Nous nous devons donc d'organiser, en conséquence, avant qu'il ne soit trop tard, un dispositif novateur dont la mise en place progressive impliquerait un aménagement à titre transitoire du système actuel et la définition d'une nouvelle gouvernance

La mission propose donc de rendre obligatoire dès l'âge de cinquante ans – mais certains membres de la mission ont proposé l'âge de quarante ans – la souscription d'une assurance perte d'autonomie liée à l'âge et d'assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d'un fonds de garantie (proposition n° 12). Si l'âge de cinquante ans peut être retenu parce qu'il est celui auquel la majorité des personnes concernées ayant vu le départ de ses enfants et ayant remboursé en grande partie leurs emprunts (pour leur logement, notamment) retrouvent une certaine marge financière. L'âge de quarante ans, en revanche, est l'âge choisi par le Japon, pour améliorer et lisser le montant global des cotisations.

Les Français ont acquis une perception mature et de plus en plus partagée du risque que fait peser la dépendance des personnes âgées sur les jeunes générations car bon nombre d'entre eux ont déjà été personnellement confrontés à une telle situation pour un de leurs proches. C'est une opportunité qu'il convient de saisir dès aujourd'hui car elle rend possible la construction par un grand nombre d'entre nous (et donc pour des cotisations moins élevées que si nous étions moins nombreux à y participer) d'un dispositif d'assurance universelle obligatoire dont la charge générationnelle et intra générationnelle doit être également répartie entre les personnes les plus aisées et les plus pauvres, entre celles qui se maintiendront en bonne santé et celles qui perdront leur autonomie.

Cette assurance universelle obligatoire serait encadrée par l'obligation pour toute mutuelle, société de prévoyance ou société d'assurance de respecter un cahier des charges garantissant les droits des assurés (socle minimal de couverture, fixation et augmentation des cotisations, revalorisation des rentes, portabilité des droits, évaluation des états de perte d'autonomie par des équipes indépendantes formées et contrôlées par la CNSA…).

Les mutuelles, les sociétés de prévoyance ou sociétés d'assurance devraient par ailleurs assurer progressivement la prise en charge de toutes les personnes atteintes par une perte d'autonomie quelle qu'ait été la durée de leur assurance, dans la limite du socle minimal garanti pour le degré de dépendance qui est le leur. À cette fin, le rapport propose que ces institutions constituent et gèrent un fonds alimenté par un pourcentage prélevé sur chaque cotisation, dont elles définiraient le montant en commun.

En attendant que l'assurance perte d'autonomie puisse se substituer au régime actuel de l'allocation personnalisée d'autonomie, le service de cette dernière ne saurait être interrompu mais doit être aménagé de façon plus satisfaisante et évoluer progressivement.

Pour ce faire, la mission propose d'étendre le champ des contributeurs au financement public en révisant les taux de la contribution sociale généralisée applicable aux pensions de retraite par une meilleure progressivité de ces taux en fonction des montants des pensions et par l'application d'un taux de 7,5 % aux montants les plus élevés – ainsi, tout en augmentant les ressources fiscales, cette proposition n° 13 rend moins inéquitable la situation des salariés les plus modestes payant davantage de cotisations que certains retraités plus aisés qu'eux – et en faisant progressivement participer à la contribution solidarité autonomie les professions jusqu'alors exemptées par l'application de taux progressifs aux montants de leurs revenus (proposition n° 14).

Pour rendre plus efficaces les politiques de compensation des pertes d'autonomie des personnes âgées, le rapport propose de réserver le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie aux personnes les plus dépendantes classées dans les groupes iso ressources (GIR) 1 à 3 de la grille AGGIR (proposition n° 15).

Le rapport propose encore d'inciter les nombreuses personnes âgées détentrices d'un capital financier ou immobilier à l'utiliser pour financer les restes à charge qui pèsent sur elles. Pour ce faire, il est proposé – petite entorse à la nécessaire stratégie de redressements des finances publiques – d'alléger le régime fiscal applicable aux rentes viagères lorsque ces dernières sont destinées à prendre en charge une perte d'autonomie avérée (proposition n° 16).

Enfin, prenant en compte le rôle essentiel de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, salué par tous les interlocuteurs de la mission, le rapport propose de la renforcer dans ses prérogatives d'opérateur principal des politiques médico-sociales, de confirmer sa gouvernance de la gestion de la couverture du risque de la perte d'autonomie et de la doter des moyens nécessaires à ses missions (proposition n° 17). Le rapport n'a pas spécialement développé ce point pourtant très important aux yeux de la mission, dès lors qu'un excellent rapport va prochainement être déposé sur ce sujet par notre collègue Bérengère Poletti.

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