Examen, sur le rapport de M. Jean-Pierre Dupont, de la proposition de loi modifiant la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » (n° 2157).
La séance est ouverte à dix-sept heures.
Mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le rapport de M. Jean-Pierre Dupont sur la proposition de loi modifiant la loi de 1999 qui a créé le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
Je souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, qui représentera le Gouvernement lors de l'examen du texte en séance publique.
Mes chers collègues, je veux vous rappeler que cette proposition de loi est une initiative conjointe du Président Bernard Accoyer et de notre collègue Michel Destot, par ailleurs maire de Grenoble, dont je salue la présence. Cette rédaction commune témoigne d'un consensus tout à fait remarquable montrant que les questions de mémoire dépassent les clivages politiques.
Au moment où nous préparons la commémoration du 70e anniversaire de l'Appel du 18 juin, il est primordial de veiller à la pérennité de la mémoire combattante. Les Compagnons de la Libération étant tous très âgés, il nous faut préparer le relais et confier les missions dévolues à l'Ordre de la Libération à une structure plus pérenne. C'est dans cet esprit que s'inscrit la proposition de loi et je ne peux que m'en féliciter.
Mes chers collègues, alors que l'année 2010 ouvre un cycle commémoratif exceptionnel, avec principalement le 70e anniversaire de l'Appel du 18 juin, le Président Bernard Accoyer et notre collègue Michel Destot ont déposé une proposition de loi modifiant la loi du 26 mai 1999 relative au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
Deuxième ordre national après la Légion d'Honneur, l'Ordre de la Libération a été créé le 16 novembre 1940 sur décision du général de Gaulle ; la Croix de la Libération n'est plus décernée depuis 1946. Deux exceptions ont néanmoins été faites pour le Premier ministre britannique Winston Churchill et le roi du Royaume-Uni George VI.
La disparition progressive des Compagnons distingués (41 Compagnons vivants, âgés de 85 à 102 ans – le général René Lesecq est décédé dimanche dernier –, les cinq communes que sont Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein, ainsi que dix-huit unités combattantes) faisant peser un risque sur la pérennité de l'Ordre, la loi du 26 mai 1999 a prévu la création à venir d'un organisme qui succéderait au conseil de l'Ordre, le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », établissement public national à caractère administratif, chargé de poursuivre l'action entreprise au service de la mémoire.
Adoptée à l'unanimité au terme d'un processus initié en 1996 par le Président Jacques Chirac, la loi de 1999 présente la particularité d'avoir été déposée deux fois à l'Assemblée nationale dans les mêmes termes : en avril 1997, par le Gouvernement d'Alain Juppé et en juin 1997, par celui de Lionel Jospin, ce qui témoigne d'un consensus politique exceptionnel.
Je suis heureux de constater que ce consensus est toujours d'actualité ; cela montre bien que la défense et la préservation de la mémoire combattante sont des préoccupations communes qui dépassent les clivages politiques.
La mise en oeuvre de la loi de 1999 pourrait se heurter à des difficultés que la présente proposition de loi se propose de résoudre.
Il s'agit tout d'abord de tirer les conséquences du décret du 16 mai 2008 qui a intégré à l'Ordre le musée de l'Ordre de la Libération.
Géré par une association depuis 1970, le musée est la vitrine de l'Ordre. Il assure la conservation, la présentation et la mise en valeur d'une collection unique : manuscrit de l'appel à tous les Français, vêtements personnels de Jean Moulin et autres pièces rares. Il dispose également d'une importante collection de photographies et d'archives, ainsi que d'une bibliothèque de plus de 4 000 livres.
À la suite d'un contrôle de la Cour des comptes, il est apparu que le musée ne disposait d'aucune existence juridique stable. Le décret du 16 mai 2008 a comblé ce vide en l'intégrant à l'Ordre de la Libération. L'Ordre peut désormais recruter du personnel et le mettre à disposition du musée sans enfreindre le droit existant. Le chancelier en fixe le règlement intérieur et les conditions d'accès et les recettes du musée sont intégralement reversées à l'Ordre.
La loi de 1999 ne traitait pas du musée puisqu'il ne relevait pas de l'Ordre à cette date. Il convient donc de tirer les conséquences du décret de 2008, ce que fait l'article premier de la proposition de loi qui précise que le futur Conseil national devra « gérer » le musée et non plus simplement « veiller » à son bon fonctionnement.
L'article 2 vise à permettre au futur Conseil national de recruter directement des agents contractuels. Cette faculté est aujourd'hui utilisée par l'Ordre, qui en a recruté six, mais elle n'était pas prévue par la loi de 1999 pour le futur Conseil national. La loi ne prévoyait en effet que la mise à disposition ou le détachement de fonctionnaires de l'État ou territoriaux.
Il est naturellement fondamental que le futur établissement public, qui reprendra l'ensemble des attributions actuellement exercées par la chancellerie, puisse continuer à employer des contractuels.
L'article 3 complète l'article 8 de la loi de 1999 en introduisant trois nouvelles sources de financement, en complément de la subvention versée par l'État (1,070 million d'euros en 2009) et des dons et legs. Il s'agit des recettes tirées du musée (1 % des recettes de la billetterie du musée de l'Armée, correspondant à 45 000 euros en 2009), de la location de salles ou d'espaces et du placement des fonds du futur Conseil national. Cette précision est indispensable pour que le futur Conseil national puisse diversifier ses offres et optimiser sa trésorerie. Il s'agit en outre de donner à l'établissement davantage de souplesse mais aussi davantage de liberté et de responsabilité sur le plan financier.
Enfin, l'article 4 de la proposition de loi supprime la référence au nombre de quinze Compagnons pour l'entrée en vigueur du futur Conseil national et précise que sa date de création est désormais fixée par la voie réglementaire et, au plus tard, le 16 novembre 2012, date du 72e anniversaire de la création de l'Ordre. Les Compagnons en vie à cette date intégreront naturellement le conseil d'administration du nouvel établissement. La solution retenue est un gage de souplesse qui répond pleinement aux besoins de l'Ordre, comme ont pu me le préciser le chancelier et le secrétaire général.
Sans remettre en cause les objectifs et solutions retenues par le législateur en 1999, la proposition de loi procède donc à quelques modifications pour que le futur Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » puisse faire vivre et respecter les traditions dont l'Ordre est porteur depuis sa création.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter sans réserve cette proposition de loi.
En premier lieu, permettez-moi d'avoir, avec vous, une pensée pour la mémoire du général René Lesecq, Compagnon de la Libération dont l'épopée avait été racontée par Joseph Kessel. Il nous a quittéq le 30 mai dernier.
À quelques jours du 70e anniversaire de l'appel du général de Gaulle que nous allons célébrer, je salue l'initiative prise par le Président Bernard Accoyer et Michel Destot d'améliorer le dispositif prévu par la loi du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
Cette proposition de loi s'inscrit parfaitement dans la ligne de notre action commune en faveur de la mémoire combattante, puisqu'elle favorise, comme le rapporteur vient de le souligner, le passage de témoin entre le conseil de l'Ordre et le Conseil national qui en assurera la pérennité.
L'Ordre, deuxième ordre national après la Légion d'Honneur, a été créé par le général de Gaulle en 1940 pour distinguer les plus fervents Français libres et résistants qui restent des figures emblématiques du monde combattant.
Il assure, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des missions importantes sur le plan de la mémoire, sur le plan social et pour l'organisation de commémorations, en particulier celle du 18 juin au Mont Valérien.
Le rapporteur a présenté les avancées de ce texte avec lequel je suis en complet accord.
Je me réjouis de constater qu'existe un consensus mémoriel permettant de perpétuer le souvenir des Compagnons ; cela honore la représentation nationale.
Je voudrais signaler particulièrement mon appui à deux des avancées du texte. Tout d'abord, je me félicite de la faculté donnée au pouvoir exécutif de disposer d'une certaine marge de manoeuvre pour adapter, avec le conseil de l'Ordre et les communes « Compagnon de la Libération », l'entrée en vigueur du nouveau dispositif au moment où cela leur paraîtra opportun. La décision de confier Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » la mission de gérer directement musée de l'Ordre me semble ensuite de nature à garantir la pérennité de ce musée et son rayonnement.
Le moment venu, lors du passage de relais en 2012, dans le cadre d'une bonne administration de cet établissement, le secrétariat d'État aux anciens combattants sera disponible pour participer aux travaux du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » en intégrant, si vous le souhaitez, le conseil d'administration.
Comme c'est le cas de la fondation de la Résistance et de la fondation de la France libre, qui poursuivent des objectifs voisins, la participation de l'État apporterait en effet son concours à la transmission des valeurs des Français Libres, et ferait bénéficier le Conseil national de son expertise au profit de la gestion du musée de l'Ordre de la Libération, tout en créant une synergie avec les autres musées liés à la mémoire combattante, à commencer d'ailleurs par son voisin aux Invalides, le musée de l'Armée.
Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs, ce que je souhaitais vous dire sur cet excellent texte que nous soutenons totalement.
Je me réjouis que cette proposition de loi soit examinée dans un esprit consensuel.
J'ai moi-même, en tant que maire de Grenoble, travaillé avec plusieurs chanceliers de l'Ordre : le général de Boissieu, Pierre Messmer et François Jacob. Ces moments passés avec les Compagnons de l'Ordre, qui portent une part de l'histoire de notre pays, furent pour moi très forts.
Je rappelle que l'Ordre a été créé par le général de Gaulle en novembre 1940, que Nantes fut la première ville distinguée, la citation faisant état de son « magnifique exemple de courage », suivie de Paris qui s'est libérée elle-même, de Vassieux-en-Vercors, commune martyre et emblématique de l'engagement du Vercors, de l'île de Sein dont tous les hommes ont dès le premier jour gagné les forces de la France libre à Londres et enfin de Grenoble où s'est produite la manifestation patriotique du 11 novembre 1943 malgré les interdiction de l'occupant, ce qui a d'ailleurs conduit à la déportation de 400 personnes à Buchenwald.
Je souhaite naturellement que cette proposition de loi fasse l'objet d'un vote unanime pour bien montrer l'engagement de notre pays, je dirai même de notre patrie dont Romain Gary disait qu'elle est « l'amour des siens ».
Je crois que, au-delà des modifications souhaitables contenues dans ce texte, il est bon que ce soit les communes qui prennent le relais de l'Ordre, à la fois en termes de fidélité à l'histoire et d'appui logistique et matériel. On ne peut oublier l'apport financier apporté par Paris, Nantes ou Grenoble qui disposent de moyens conséquents. Cette mesure constitue donc une garantie pour l'avenir de la mémoire de l'Ordre.
La date du 12 novembre 2012 me paraît également pertinente. Je rappelle qu'elle est approuvée à la fois par les Compagnons, les communes et l'État. Il n'est pas souhaitable, en effet, de spéculer d'une manière quelconque sur la mort des derniers Compagnons. En outre, étant donné leur âge, ils ont de plus en plus de difficultés à se réunir, tandis que les communes pourront toujours assurer leurs responsabilités et perpétuer la mémoire.
Pour le conseil d'administration, nous avons décidé d'adopter une présidence tournante dont il faudra préciser les modalités de fonctionnement le moment venu.
Cette proposition de loi entend modifier la loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », votée en 1999 à l'unanimité, à l'initiative du Gouvernement de gauche plurielle.
À l'époque, le groupe communiste s'était pleinement associé à cet hommage rendu aux combattants de la Résistance et s'était attaché à assurer la pérennité des traditions et des valeurs de l'Ordre de la Libération.
Le souvenir des actions héroïques des résistants ne saurait disparaître avec eux, qui, dans la diversité de leurs pensées et de leurs origines, avaient pour objectif commun la défense de la France contre l'occupant nazi.
Cela étant, j'ai deux questions concernant la proposition de loi. Premièrement, l'article 2 prévoit que l'établissement public pourra recruter des personnels contractuels. Pour moi, un service public doit être rendu par des fonctionnaires et, éventuellement, si ce n'est pas possible, par des contractuels. En l'espèce, y a-t-il un manque de fonctionnaires disponibles ? De plus, en cas de recrutement éventuel de contractuels, ne faudrait-il pas donner la priorité à l'embauche de fonctionnaires ?
Deuxièmement, il est proposé de modifier, à l'article 4, la date prévisionnelle d'entrée en vigueur de la loi votée en 1999. Sur le principe, je ne suis pas opposé à cette idée, mais il me semble que la date proposée pour la parution du décret mérite quelques explications, au-delà du fait que la date du 16 novembre 2012 correspond au 72e anniversaire de l'ordonnance portant création de l'Ordre.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les élus du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR) voteront en faveur de ce texte.
Le texte prévoit la possibilité de recruter des contractuels pour permettre aux salariés actuellement sous contrat de conserver leur poste. Je rappelle que le conservateur du musée et le secrétaire général de l'Ordre sont, par exemple, des contractuels.
À terme, le dispositif doit permettre aux villes de détacher des personnels auprès de l'établissement public. Dans l'intervalle, il faut conserver le plus de souplesse, ne serait-ce que pour que les personnels actuellement en place puisse continuer à travailler pour le Conseil national. En aucun cas, cette mesure n'a vocation à s'appliquer aux dépens des fonctionnaires.
La date de 2012 correspond également à la fin du mandat de l'actuel chancelier, qui a pris ses fonctions en 2008. Naturellement, j'espère, comme tout le monde, qu'il y aura plus de quinze Compagnons encore vivants à cette date. Je rappelle qu'en tout état de cause, ils seront tous membres du conseil d'administration du nouvel établissement public et que personne ne sera exclu.
Je souhaiterais savoir si la liste des communes peut être modifiée, afin d'honorer éventuellement d'autres villes comme Oradour-sur-Glane.
La liste est intangible, la Croix de la Libération n'étant plus remise depuis 1946. Cela dit, il faut bien distinguer la Croix de la Libération de la Médaille de la Résistance.
Il est important de perpétuer le devoir de mémoire. Les modifications proposées à la loi de 1999 sont nécessaires. Ayant moi-même le souvenir d'être allé enfant au Mont Valérien, je souhaite que le dispositif proposé permette aux jeunes de prendre pleinement conscience des sacrifices faits par les Compagnons, qui comptaient d'ailleurs six femmes.
On voit bien le rôle assigné au Conseil national des communes, mais comment est géré le musée dont le fonds comporte de nombreuses archives ? Comment s'assurer de la rigueur scientifique des collections ?
Deux conservateurs sont actuellement chargés de cette tâche. Cette mission, réalisée en relation avec le ministère concerné, ne soulève aucune difficulté.
La participation de l'État au conseil d'administration prendrait là tout son intérêt. L'État pourrait en effet lui faire bénéficier d'un conseil scientifique.
Un travail important a déjà été réalisé, comme en témoigne notamment un très beau dictionnaire des Compagnons, réalisé grâce au soutien de l'État.
Cette liste a été arrêtée par le général de Gaulle lui-même. La Croix de la Libération n'a plus été remise après 1946.
Gestion directe du musée par le futur Conseil national
La Commission adopte l'article premier sans modification.
Article 2
Possibilité de recruter des agents contractuels
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3
Ressources du Conseil national
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4
Date d'entrée en vigueur de la loi
La Commission adopte l'article 4 sans modification.
La Commission adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
La séance est levée à dix-sept heures trente.
Examen du rapport d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour les exercices 2007 à 2009 (M. Guy Teissier, président-rapporteur)
La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le rapport de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour les années 2007 à 2009.
Depuis 2003, anticipant les dispositions de la LOLF, la commission de la défense a mis en place, sur mon initiative, une mission spécifique chargée du contrôle de l'exécution des crédits de la défense. Il est en effet important de s'assurer que l'autorisation budgétaire est bien respectée en cours d'année et que la défense ne fait pas l'objet de mesures de régulation l'empêchant de respecter la programmation militaire.
La présente mission a été constituée lors de notre réunion du 17 juillet 2007. Elle n'a pas rendu de rapport depuis cette date, la commission de la défense ayant examiné ces questions à l'occasion des avis qu'elle a rendus sur le projet de loi de règlement pour 2007 et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008. L'année 2008 a également fait l'objet d'analyses très complètes dans le cadre de la mission d'information sur l'exécution de la précédente loi de programmation militaire.
Le rapport que je vous présente se concentre donc sur l'année 2009, qui doit être examinée avec d'autant plus d'attention que c'est la première année d'exécution de la nouvelle programmation. Je commencerai cependant par un rapide rappel concernant la fin de l'exécution de la précédente loi de programmation militaire (LPM).
Comme l'ont montré le rapport de notre collègue Michel Grall sur le projet de loi de règlement pour 2007, celui de Jacques Lamblin sur la loi de finances rectificative pour 2008 et le rapport d'information de Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion, la précédente programmation a accusé un retard conséquent, l'évolution positive de 2007 et 2008 n'ayant pas permis de rattraper le retard accumulé les années précédentes. La situation a été particulièrement préoccupante pour les crédits d'équipement, qui cumulent, entre 2006 et 2008, un retard de 4,2 milliards d'euros en crédits de paiement.
Normalement, en fin de programmation, le montant des autorisations d'engagement (AE) diminue et celui des crédits de paiement (CP) augmente, le ministère commandant en début de programmation et payant en fin de programmation. Ce schéma n'a pourtant pas été respecté puisque, entre 2006 et 2008, les AE ont encore été supérieures de 535 millions d'euros aux CP. J'ai donc le sentiment qu'on a entretenu une forme de cavalerie, consistant à continuer de commander sans se soucier de savoir si des crédits seraient disponibles au moment de payer.
Nous avions bien identifié ce problème au moment du débat sur la nouvelle loi de programmation militaire. Lors de son examen, le Gouvernement nous avait d'ailleurs présenté un schéma financier modernisé, mettant l'accent sur les dépenses d'équipement, afin de mettre un terme à cette pratique. Je m'étais félicité de cette prise de conscience et j'avais dit que nous serions très attentifs à la mise en oeuvre de cette politique.
Dans ce contexte, les résultats de 2009 revêtent une importance toute particulière. Je veux le dire très clairement : les engagements du ministre ont été respectés, jamais la défense n'a bénéficié d'aussi bonnes conditions pour financer ses programmes. La loi de finances initiale (LFI) prévoyait plus de 47,7 milliards d'euros en AE et 37,4 milliards d'euros en CP. L'augmentation de près de 27 % des AE s'explique par la politique de commande globale instituée par la LPM. En 2009, le ministère a par exemple commandé 60 Rafale, pour 4,7 milliards d'euros, ainsi que 332 VBCI, pour plus d'un milliard d'euros.
Ces ressources, déjà très conséquentes, ont été complétées en cours d'année par le plan de relance de l'économie : pour la défense, il représente quelque 1,6 milliard d'euros supplémentaires en AE et 1,150 milliard d'euros en CP. Ces crédits supplémentaires ont permis d'accélérer le calendrier de la LPM et d'aider les industries de défense. C'est ainsi que le troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC) a pu être commandé, pour 439 millions d'euros, ainsi que cinq hélicoptères Caracal, pour 228 millions d'euros. La recherche n'a pas été oubliée : les rapporteurs de la LPM, qui avaient demandé un effort en la matière, ont été entendus puisque 110 millions d'euros supplémentaires ont été affectés aux secteurs clés que sont l'aéronautique ou l'électronique.
Nous pouvions légitimement craindre que la défense n'arrive pas à consommer l'ensemble de ces crédits. Or elle a consommé 94 % des AE et 99 % des CP disponibles. C'est un niveau historique. La consommation a dépassé très largement les inscriptions en LFI, ce qui a permis de réduire significativement le niveau des reports de crédits qui sont passés de 1,3 milliard d'euros en 2009 à 360 millions d'euros en fin d'année 2009. C'est un grand progrès dont nous pouvons tous nous réjouir. Il fallait arrêter de reporter sans cesse ces crédits et repartir sur des bases saines.
Malgré ces bons résultats, la dégradation du contexte économique et financier doit nous inciter à beaucoup de prudence et de vigilance ; si le bilan est globalement satisfaisant, il reste des sujets d'interrogations.
La réforme du ministère, tout d'abord, a des conséquences budgétaires importantes. La suppression de 54 000 postes rend nécessaires des mesures d'accompagnement : en 2009, elles ont représenté plus de 122 millions d'euros ; la situation sera sans doute plus difficile en 2010, avec les premières dissolutions de grande ampleur. Dans le même temps, le ministère a mis en place le progiciel financier CHORUS. Cette manoeuvre très complexe conduit à de très forts retards de paiement. Le ministère nous a assuré qu'il veille à en limiter l'impact, notamment pour les PME, mais nous devons nous attendre à une hausse des intérêts moratoires en 2010. Je reçois des courriers d'entreprises qui sont littéralement étranglées par ces retards de paiement. Il ne s'agit d'ailleurs plus simplement des PME ; les grands groupes commencent à en souffrir également. Cette situation n'est pas acceptable, d'autant que des solutions d'urgence existent. Nous devrons donc être très attentifs à ces questions.
Concernant les OPEX, la création de la provision que j'avais proposée en 2003 n'a jamais suffi à couvrir tous les besoins. Le surcoût n'a cessé d'augmenter, passant de 603 millions d'euros en 2006 à plus de 870 millions d'euros en 2009 alors que la dotation n'était que de 510 millions d'euros dans la LFI. Deux théâtres concentrent désormais plus de 65 % des besoins : l'Afghanistan pour 390 millions d'euros et le Tchad pour 180 millions d'euros, EUFOR compris.
S'agissant du financement des OPEX, nous avons régulièrement dénoncé le fait que les crédits d'équipement soient réduits pour faire face à ce besoin. La LPM prévoit que désormais un abondement interministériel prend le surcoût en charge. Cet engagement a été pleinement respecté l'année dernière puisque les sommes gagées par décret d'avance ont toutes été rétablies en loi de finances rectificative. C'est là un progrès important qu'il faut saluer et inscrire dans la durée.
Cela ne veut pas dire que le ministère de la défense ne participe pas au financement des OPEX. Ainsi en 2009, il a apporté 140 millions d'euros grâce à une optimisation de ses dépenses.
J'en viens aux recettes exceptionnelles prévues par la LPM. Comme le ministre nous l'a indiqué, il n'a pas encore été possible de procéder à la vente des fréquences ni à celle des emprises parisiennes. Ces retards ont représenté pour la défense, en 2009, un manque de plus d'un milliard d'euros. Le ministère a néanmoins pu engranger 561 millions d'euros grâce à la soulte versée par la SNI (221 millions d'euros), à des reports et des transferts de crédits (275 millions d'euros) et à quelques cessions (65 millions d'euros). Pour couvrir ses besoins, le ministère a été autorisé à consommer 900 millions d'euros de crédits de report. La défense n'a donc pas souffert de difficulté de trésorerie.
Les opérations de vente ne sont pas remises en question, mais simplement reportées. Il paraît en effet plus pertinent d'attendre que le marché de l'immobilier se stabilise pour procéder à des cessions. En ce qui concerne les fréquences, la situation devrait se normaliser en fin d'année 2010 ou au début de l'année 2011, dès que l'ARCEP aura autorisé la mise en vente.
Quelques mots enfin sur la disponibilité des équipements et l'entraînement des forces. Dans leur majorité, les indicateurs sont positifs, à l'exception notable de l'aéromobilité. La vétusté du parc d'aéronefs commence à faire sentir ses effets sur l'entraînement : l'armée de l'air parvient difficilement à maintenir au même niveau les heures de vol de ses pilotes de transport ; l'armée de terre rencontre les mêmes difficultés pour les pilotes d'hélicoptère, même si les déploiements en OPEX permettent de maintenir un niveau minimal. Les nouveaux appareils ont été commandés. J'espère que l'A400M pourra être livré au plus vite ; M. Louis Gallois pourra sans doute nous rassurer sur ce sujet demain matin.
En conclusion, je crois qu'il faut nous réjouir des résultats de 2009. Les engagements ont été respectés et le calendrier de commandes a été tenu, malgré un contexte budgétaire difficile. C'est un acquis majeur, sur lequel nous devons construire l'avenir. Il nous appartient désormais de veiller à ce que l'exécution des années suivantes soit aussi bonne.
Monsieur le président, vous nous avez fait une présentation optimiste de l'année 2009, mais il faut rappeler que le plan de relance a simplement permis de faire ce qui avait été originellement prévu.
Le problème des recettes exceptionnelles est très grave. Plus personne ne les espère avant 2014, notamment en matière de cessions immobilières. En 2010, les recettes espérées sont de l'ordre de 167 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 80 millions apportés par le budget général ; et en ce qui concerne les cessions de fréquences, même si le dossier avance, on ne peut attendre aucune ressource cette année. Il en va de même pour les options satellitaires.
S'ajoute à cela l'annonce du gel des dépenses publiques pour les trois ans à venir. Par rapport à la progression habituelle du budget de la défense, il entraîne une moins-value estimée à 4,8 milliards d'euros sur la période 2011-2013. Dans ces conditions, les objectifs du Livre blanc et de la loi de programmation militaires ne peuvent pas être tenus. Or la contrepartie de la suppression prévue de 54 000 emplois était l'assurance de la mise en oeuvre du Livre blanc et d'une modernisation des forces ; s'il ne reste que les suppressions de postes, les lendemains vont être difficiles.
Je souligne que nous ne sommes pas réunis pour avoir un débat sur les budgets en cours et à venir, mais pour constater ce qui s'est passé en 2009, même si, bien sûr, les deux exercices ne sont pas sans lien.
En ce qui concerne l'immobilier, le ministère avait commencé par retenir la solution de la société de portage qui aurait certainement acheté à un prix très largement inférieur à celui du marché, pour ensuite revendre plus cher à la découpe. Il a finalement été décidé de ne rien vendre, en attendant que le marché reparte ; je pense que c'est un bon choix, d'autant que le ministère a réussi à trouver des solutions palliatives satisfaisantes.
Le plan de relance aura surtout soutenu l'industrie et l'emploi, en remplissant les carnets de commande des entreprises françaises.
Quant au fait que la défense pourrait être privée de 4,8 milliards dans les trois ans qui viennent, j'en suis également très préoccupé. Je souhaite que le ministre de la défense puisse nous préciser quel sera le montant exact du gel ainsi que sa répartition entre les postes budgétaires. Comme vous, sauf à ne plus respecter la loi de programmation et le Livre blanc, je ne vois pas où l'on peut faire porter l'effort. Nous risquons de réduire encore plus les personnels, ce qui serait très problématique : si l'on engage moins de jeunes dans les armées, on va à la fois accroître le nombre de demandeurs d'emploi et déséquilibrer la pyramide des âges de nos armées.
Je salue le travail qui nous est présenté aujourd'hui, et plus généralement l'heureuse initiative qui a été prise de suivre, année après année, l'exécution des crédits de la défense.
L'année 2009 a été une bonne année ; les commandes globales sont utiles car elles donnent de la visibilité aux armées et aux industriels.
On ne peut cependant que s'interroger sur ce qu'il va advenir ensuite. Des chiffres circulent sur les restrictions budgétaires qu'il faut préciser au plus vite d'autant que la situation des recettes exceptionnelles pourrait aggraver cette régulation. Il faut à tout le moins que nous soyons très vigilants quant aux choix qui seront faits, sachant que nous allons assister à des suppressions d'unités et à des reconfigurations de sites qui auront de graves conséquences sur les personnels et que, par ailleurs, des crédits de paiement devront être disponibles au moment de la livraison des matériels commandés.
Il me semble qu'il est de notre responsabilité commune, y compris vis-à-vis des forces, d'entendre rapidement le ministre afin d'apprécier la situation et d'émettre un avis sur les choix à venir qui vont toucher tant les effectifs que les équipements.
L'année 2009, première année de la nouvelle loi de programmation militaire, a été bonne ; il nous faut être vigilants pour les suivantes, en faisant valoir que la défense, même si elle est sollicitée pour participer à la réduction des déficits, présente des spécificités. Il ne faut pas oublier les effets de long terme, en matière d'équipements comme de métiers. Si les compétences sont perdues, elles ne pourront pas forcément être retrouvées. Nous avons aujourd'hui une armée de premier rang qui couvre le spectre complet des menaces auxquelles nous pourrions être confrontés ; nous ne pouvons qu'en être fiers, mais tout cela est très fragile.
Merci d'avoir rappelé l'importance de cette mission d'information qui rassemble treize membres de notre commission. Nos réunions trimestrielles ont le grand intérêt de mobiliser tous les états-majors et tous les responsables du ministère, les obligeant à nous rendre régulièrement des comptes. Grâce à notre fonction de contrôle, nous améliorons le pilotage et le suivi de la dépense.
En ce qui concerne les commandes globales, nous disposons d'un peu de marge avant que les livraisons interviennent ; nous n'aurons donc pas de pic de trésorerie immédiatement.
Enfin, je souhaite que le ministre vienne s'exprimer au moins devant le bureau de la commission ; mais il serait sans doute plus judicieux qu'il soit entendu par la commission.
Je vous indique d'ores et déjà que le débat d'orientation budgétaire se tiendra sans doute le 29 juin prochain. Ce sera évidemment l'occasion de parler des réductions de crédits que nous évoquons.
Je crois que nous partageons tous les mêmes interrogations. Comme je vous l'ai indiqué la semaine dernière, il nous faut agir très en amont : le ministre doit pouvoir nous donner des explications avant que les lettres de cadrage ne soient envoyées pour que nous puissions proposer d'éventuelles inflexions.
Je partage votre préoccupation et j'ai en fait part au cabinet du ministre la semaine dernière. Même si nous devons agir vite, je crois que tous les arbitrages ne sont pas encore finalisés, les chefs d'états-majors n'ayant encore reçu aucune consigne budgétaire.
Lors d'un récent entretien avec le chef d'état-major de l'armée de terre, j'ai pu constater l'ampleur des efforts qui sont demandés à cette armée. Elle recrute chaque année 30 000 personnes pour compenser 30 000 départs, sachant que 30 000 personnels sont déployés chaque année en opérations. C'est dire que la quasi-totalité de l'armée de terre, qui compte 110 000 hommes, est en mouvement permanent. À cela s'ajoutent les déplacements et fermetures qui sont imposés aux régiments. Si se surajoutent des coupes budgétaires, avec leurs effets sur la vie de nos soldats, nous risquons d'être confrontés à des problèmes difficiles.
Les actifs du ministère de la défense ont été évalués, hors patrimoine immobilier, à 110 milliards d'euros au 31 décembre 2009. Sur ce total, 25 milliards d'euros seraient difficilement « auditables » car il s'agit d'actifs extrêmement divers et anciens pour lesquels les systèmes d'information montrent leurs limites.
Avez-vous le sentiment que le ministère s'est engagé dans la voie d'une meilleure connaissance de ces 25 milliards d'euros d'actifs ?
Dans son rapport, la Cour des comptes a reconnu que le ministère avait fait des progrès en la matière, mais elle a considéré qu'ils restaient insuffisants. Le projet CHORUS, qui devait permettre de corriger certains errements, rencontre d'importantes difficultés dans sa mise en oeuvre. Je me félicite des progrès accomplis, mais il faut les poursuivre au plus vite. Je crois qu'il serait utile d'interroger le ministre sur ce point lors de sa prochaine audition.
Je suis frappé par le retard accumulé par la précédente loi de programmation militaire. Un manque de 4,2 milliards d'euros de crédits de paiement entre 2006 et 2008, c'est beaucoup !
L'existence d'une mission d'information sur l'exécution des crédits de la défense est évidemment une très bonne chose, surtout dans le contexte d'une certaine cacophonie entre le ministère de la défense et Bercy que j'avais déjà pu observer entre 1997 et 2002, en tant que rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre V des projets de loi de finances.
Cette mission nous a notamment donné l'occasion de constater qu'en 2009, le taux de consommation des crédits a été de 94 % pour les autorisations d'engagement et de 99 % pour les crédits de paiement, ce qui ne s'était jamais vu.
Il faut cependant relativiser ces observations. La défense représente environ la moitié du budget d'investissement de l'État, mais celui-ci ne constituait déjà que 10 % du budget général de l'État il y a dix ans, et nous sommes aujourd'hui plus près de 9 %. Les dépenses d'investissement sont pourtant celles qui préparent l'avenir. Quant au budget de la défense, qui a pu représenter jusqu'à 5,6 % du PIB, il est tombé à 2 % et plus vraisemblablement à quelque 1,7 % du PIB.
J'observe que chaque fois que la France a fait un effort conséquent pour sa défense, elle a connu une période de prospérité ; à l'inverse chaque fois qu'elle a baissé la garde dans ce domaine, sa situation économique et sociale s'est détériorée.
Mon inquiétude est donc la même que la vôtre, monsieur le président. Quels vont être les effets de la régulation envisagée pour les trois prochaines années ? Il paraît difficile d'amputer les dépenses de fonctionnement. ; ce sont donc les investissements qui risquent de constituer la variable d'ajustement. Lesquels va-t-on sacrifier ?
Malheureusement, je pense que les plus grandes difficultés sont devant nous. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui ne se rendent pas compte de l'état dans lequel se trouvent le monde et la France ; les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crise à laquelle nous assistons en Europe aura à mon avis son écho avant deux ans aux Etats-Unis dont les capacités financières sont beaucoup plus obérées que celles des pays européens. Et je crains fort que l'amputation des crédits de notre défense dépasse de beaucoup 4,8 milliards dans les trois ans à venir.
Serait-il possible que nous ayons un débat en commission avec le ministre de la défense avant le débat d'orientation budgétaire du 29 juin ?
Cela me paraît indispensable.
Je confirme que, comme vient de le dire M. Jean Michel, la mission a rencontré certaines difficultés au départ en raison des différences de présentation entre la défense et le ministère du budget.
Je partage l'idée que la défense, qui est à l'origine de recherches et de développements à vocation souvent duale, peut servir de « passeur de crise ». Ce discours risque malheureusement d'être difficile à défendre dans le contexte actuel. Comment justifier une exception pour la défense quand l'éducation ou la santé vont devoir faire des efforts ?
Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas défendre la place originale de la défense dans le paysage français. Je crois que l'audition du ministre sera un premier signal en ce sens. Il appartiendra également aux rapporteurs budgétaires de défendre cette idée.
Compte tenu de ces éléments, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur l'opportunité du projet de regroupement des administrations centrales à Balard. Même si c'est l'opérateur qui devra réaliser l'investissement, cela va représenter une dépense réelle annuelle de plus de 100 millions d'euros en fonctionnement.
Ne pourrait-on demander à des représentants de Bercy de venir en même temps que le ministre de la défense ?
Cela risquerait de mettre le ministre de la défense en porte-à-faux.
Avant de rejoindre cette commission, je ne me rendais pas compte de l'importance des problèmes rencontrés par la défense. Je suis persuadé que l'ensemble des parlementaires, et a fortiori l'opinion publique, ne sont pas conscients de la gravité de la situation. Nous avons un rôle majeur de pédagogie à remplir.
Quant au ministre de la défense, il nous revient de le soutenir dans la défense de son budget.
Je crois en effet que le ministre de la défense, comme nous, défend la spécificité de son ministère. Il lui faut néanmoins participer à l'effort global ; à nous de rechercher la meilleure façon de le répartir, pour que notre défense souffre le moins possible.
La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.