Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia
Nous accueillons M. Patrice Parisé, directeur général de l'Institut géographique national (IGN), accompagné de M. Hervé Le Men, directeur de la maîtrise d'ouvrage déléguée du service public, et M. Gilles Martinoty, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, chargé du programme Litto3D.
Opérateur national à statut d'établissement public administratif, l'Institut géographique national (IGN) est investi d'une mission de service public. Il est notamment chargé de conduire des activités de recherche, d'enseignement et de formation dans le domaine de l'information géographique, d'installer et d'entretenir le réseau géodésique, qui est la pierre angulaire de tout système d'information géographique, et de constituer et de mettre à jour les grands référentiels nationaux, notamment le référentiel à grande échelle (RGE) constitué de quatre grandes bases de données – orthophotographiques, topographiques, parcellaires et adresses – qui ont la caractéristique de se superposer les unes aux autres pour décrire le territoire national, y compris les départements et territoires d'outre-mer, avec une précision métrique.
L'Institut reçoit une subvention de l'État, mais celle-ci ne couvre pas la totalité du coût de ses missions. Il doit donc avoir une activité commerciale pour compléter son financement.
L'IGN exerce une importante activité pour le ministère de la défense qui, aux termes de son décret statutaire, est un utilisateur prioritaire. Il réalise pour lui, dans le cadre d'une coédition avec la société SPOT Image, des modèles numériques de terrain et de la cartographie à l'échelle mondiale. Le modèle numérique de terrain Geobase couvre désormais près de 40 millions de kilomètres carrés de terres émergées. Il est mis à la disposition du ministère de la défense ainsi qu'à celle de ministères étrangers équivalents sous le contrôle des autorités françaises concernées.
J'aborderai la question de la tempête Xynthia sous l'angle des compétences de l'IGN. La problématique qu'elle pose est celle de l'évaluation de l'impact sur le littoral d'une prévision météorologique ou d'une hypothèse de hauteur d'eau posée ab initio dans un objectif soit d'alerte, soit de mise en place de « défenses » – construction de digues, de protections physiques –, soit encore d'édiction de règles d'utilisation du sol. Une telle évaluation nécessite des données altimétriques suffisamment précises et formant un continuum entre la terre et la mer pour permettre de procéder à des modélisations. Or, c'est là que le bât blesse : les données concernant la partie terrestre et celles concernant la partie maritime d'une zone ne se raccordent pas toutes dans de bonnes conditions. Par ailleurs, les données manquent de précision en raison d'une densité de points de mesure en altimétrie insuffisante et relativement peu homogène et d'un manque de précision des points de mesure.
Ce constat n'est pas nouveau. Il a été fait au début des années 2000, à la suite de quoi l'IGN et le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) ont entrepris d'élaborer conjointement un modèle numérique de terrain sur le littoral, c'est-à-dire une base de données numériques permettant de placer dans l'espace, avec leurs coordonnées X, Y et Z, tous les points relevés de façon à obtenir une description informatisée du territoire et à pouvoir faire tourner des applications pour modéliser les phénomènes.
Sur la partie maritime, il est important de connaître avec le plus de précision possible la bathymétrie, car la houle à la côte en dépend.
Sur la partie terrestre, il importe également d'avoir des données altimétriques précises pour simuler à la fois la submersion et le processus de retrait des eaux.
Ce programme a été entrepris en 2003. Il a commencé par un travail de spécification, c'est-à-dire de mise au point d'un projet – afin de déterminer les données nécessaires et leur précision pour atteindre l'objectif fixé. Un travail de prototypage et de tests a ensuite été mené avant de lancer la production des bases de données en question.
Nous avons préparé un diaporama que M. Martinoty va vous présenter.
La directive « inondation » prévoit la réalisation, au plus tard à la fin de l'année 2013, d'une cartographie détaillée des zones inondables et de cartes encore plus détaillées sur le risque d'inondation. Compte tenu des données dont vous disposez et des collaborations que vous avez mises en place, pensez-vous que la date de 2013 sera tenue ?
Deux paramètres sont à prendre en compte : les moyens financiers et les capacités techniques.
Le programme concernant le littoral est loin d'être financé. Son coût s'élève à environ 50 millions d'euros : environ 40 millions pour la partie maritime, environ 10 millions pour la partie terrestre. Or les financements mis en place à ce jour sont de 12 millions d'euros.
Sur le plan technique, le délai paraît aujourd'hui très difficile à tenir, à moins de déployer des moyens considérables.
Je me permets de mettre en regard les 50 millions d'euros de ce programme et les 700 millions d'euros qui vont être dépensés pour racheter des maisons.
(M. Jean-Louis Léonard, rapporteur, remplace M. Maxime Bono à la présidence.)
Ma présentation s'articulera en quatre points : les actions engagées par l'IGN suite à la tempête Xynthia, les données disponibles pour les études à la fois d'aléa et de vulnérabilité, la situation à l'étranger, en particulier en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, et le plan d'amélioration des données en cours de mise en oeuvre.
Suite à la tempête Xynthia, l'IGN a mis à la disposition de tous les acteurs concernés des données disponibles et immédiatement accessibles.
Il a, tout d'abord, fourni le Scan Littoral, qui résulte de la fusion des cartes marines éditées par le SHOM et des cartes topographiques de l'IGN. C'est à la fois un plan de situation et un outil d'aide à l'analyse des zones touchées. Il est donc très utile pour organiser les secours.
Les cartes marines du SHOM sont très détaillées concernant la partie maritime et plus pauvres s'agissant de la partie terrestre. Les cartes de l'IGN ont les caractéristiques inverses. La fusion des deux donne une vision intégrée.
Les cartes Scan 25 de l'IGN sont à l'échelle 125 000, celles du SHOM au 150 000. Le Scan Littoral est, au final, sur-échantillonné, au 125 000.
Je précise que ce Scan Littoral est disponible en visualisation sur le Géoportail développé par l'IGN à la demande de l'Etat.
Dans le mois qui a suivi les événements, l'IGN a acquis des vues aériennes à la demande de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Elles donnent une photo instantanée de la situation à la date d'acquisition. D'une résolution de l'ordre de 20 centimètres, elles permettent une visualisation au plus près du terrain.
Cela étant, force est de constater que les données existantes ne permettent pas de répondre à tous les besoins actuels, qu'il s'agisse de la prévention des risques – tsunamis, inondations, houles, submersions marines –, de l'étude et de l'évaluation de l'aléa, c'est-à-dire de la modélisation des phénomènes météorologiques qui conduisent à la catastrophe – simulations informatiques de vagues, montée des eaux, ondes de tsunamis –, ou encore de l'étude fine de la vulnérabilité : impact sur les zones habitées, simulation du placement d'une digue, etc.
Le littoral est une zone encore mal connue à la fois en termes de topographie, côté terre, et de bathymétrie, côté mer. Côté terre, on dispose de données denses et régulières mais relativement imprécises. Côté mer, les données sont très précises mais clairsemées.
En Grande Bretagne, le programme d'acquisition de données fines est plus avancé qu'en France pour la partie terre. Le programme, qui s'appelle Landform plus, utilise une technologie relativement récente, le laser aéroporté, et couvre les zones littorales et les zones inondables avec une précision de l'ordre de 15 ou 25 centimètres et une résolution de l'ordre de deux mètres.
Le programme est, en revanche, un peu moins avancé sur la partie maritime et l'intégration des données mer et terre, assez peu poussée. Côté mer, c'est principalement un assemblage de données existantes, avec une résolution relativement faible – seulement 30 mètres –, comparable au produit « Histolitt » réalisé conjointement en France par le SHOM et l'IGN.
Les Britanniques ont fait l'équivalent de notre programme Histolitt, mais celui-ci manque de précision et a une densité de points insuffisante.
Les Pays-Bas sont indiscutablement à la pointe pour la modélisation des altitudes. Avec 26 % de leur territoire situé en dessous du niveau de la mer et 55 % concernés par un risque d'inondation, ils ont, dès 1997, mis en place un programme, appelé AHN – Actueel Hoogtebestand Nederland – pour réaliser un modèle complet de leur territoire – environ 34 000 kilomètres carrés – avec les mêmes techniques qu'en Angleterre, le laser aéroporté, et avec une précision de 15 centimètres et une résolution d'un point tous les mètres à un point tous les 4 mètres, selon l'ancienneté des données.
En 2007, ils ont lancé une deuxième version de ce programme – AHN2 – en gagnant encore en précision – 5 centimètres – et en résolution : un point tous les 50 centimètres.
En France, un programme, nommé Litto3D, est mené par les deux opérateurs nationaux de l'information géographique, l'IGN et le SHOM, afin de fournir un modèle altimétrique de haute précision, continu terre-mer, sur l'ensemble du littoral, dédié notamment à la modélisation des risques.
Les données sont vérifiées au fur et à mesure qu'elles sont produites et qualifiées en termes de précision. Cela donne un produit standardisé répondant à des spécifications techniques détaillées, téléchargeables et largement diffusées, ce qui facilite le développement et l'utilisation des applications. Les données sont notamment réutilisables quel que soit l'endroit où l'on se trouve sur le territoire.
Oui, dans toutes les zones où Litto3D est produit. La difficulté est de le produire partout.
L'intérêt du programme, qui a vocation à s'appliquer à l'ensemble du littoral, est à la fois d'acquérir des données adéquates, c'est-à-dire avec la précision et la densité nécessaires pour faire tourner les modèles, et d'offrir une cohérence d'ensemble pour tous ceux qui devront s'en servir.
Le programme a été mis en place en 2002 pour répondre à la recommandation européenne du 30 mai 2002 relative à la mise en oeuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) en Europe.
Les décisions du comité interministériel de la mer (CIMer) d'avril 2003 et celles du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) de septembre 2004 recommandaient que le SHOM et l'IGN s'associent pour réaliser le référentiel géographique du littoral. Litto3D en est le socle géométrique. Une décision du CIMer de décembre 2009 insistait sur la nécessité d'un tel référentiel pour l'aménagement du territoire, le développement de projets et la prévention des risques. L'amélioration des connaissances fait également partie du Grenelle de la mer.
Ce programme utilise les mêmes types de moyens d'acquisition qu'aux Pays-Bas et qu'en Grande-Bretagne.
Côté terre, sur la zone émergée comme sur l'estran, on utilise le laser topographique aéroporté de l'IGN. Pour la zone submergée, on utilise soit un laser bathymétrique aéroporté – le SHOM fait réaliser ces acquisitions par des prestataires –, soit un sondeur multifaisceaux embarqué sur un bateau. Cela permet d'obtenir un modèle numérique de terrain plus complet et plus précis.
Les données Litto3D fournissent une représentation des altitudes terre-mer précise et continue, avec un gain de l'ordre d'un facteur 10 en résolution et en précision par rapport aux données existantes.
Côté terre, les données sont fournies avec une précision altimétrique meilleure que 20 centimètres – contre environ deux mètres auparavant – et une résolution métrique – contre 50 mètres auparavant.
Côté mer, bien qu'un peu moins bons pour des raisons techniques, les résultats sont quand même excellents : les données sont fournies avec une précision altimétrique meilleure que 50 centimètres et une résolution de 5 mètres.
Les données Litto3D permettent de simuler une montée des eaux de manière plus précise grâce à une excellente concordance entre la modélisation et la réalité. Des données insuffisamment précises conduisent, en effet, à des résultats erronés, comme on l'a vu dans le passé.
Les données Litto3D utilisées dans des modèles d'université, comme le projet MISEEVA qui réunit les universités de Bordeaux et de Montpellier, avec l'appui du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), permettent de réaliser des modélisations dynamiques où apparaît un front d'onde, avec des vagues déterminées en fonction de modèles météo et des vitesses de vent. Cela permet de voir les zones inondées et les zones d'habitation touchées par la mer.
Ce matériel permet-il d'appréhender les effets des différents types de défense des côtes ?
Le modèle numérique de terrain donne une représentation de la réalité en 3D. Lors d'une simulation, on peut ajouter un objet qui n'existe pas encore dans la réalité et voir ses effets. Si on ajoute une digue à tel endroit, on peut voir son influence sur ce qui se trouve derrière ou sur les courants.
Litto3D fournit un modèle numérique pouvant être utilisé dans différents logiciels. Dans le cas de la simulation d'une montée des eaux, on peut ajouter des objets – digues, terre-pleins – et voir les changements avec ou sans digue ou encore selon l'emplacement de celle-ci.
Dans l'absolu, cela me semble être techniquement possible, mais je ne connais pas les développements informatiques nécessaires pour y parvenir.
Nous réalisons en ce moment le « plan Rhône », c'est-à-dire un modèle numérique de terrain de précision sur le bassin versant du Rhône pour simuler les crues de ce fleuve. Il permettra de réaliser des simulations de l'élévation du niveau de l'eau en fonction, non seulement de l'amplitude de la crue, mais également de tous les obstacles : levers de terre, fossés, bâtiments, etc.
Les données de référence fournies par l'IGN et le SHOM sont ensuite ingérées dans des modèles conçus par des spécialistes, comme le commissariat à l'énergie atomique – CEA – et le BRGM, afin de produire des simulations.
Un projet relatif aux tsunamis sur la côte méditerranéenne est mené grâce à un partenariat IGNSHOMCEABRGM dans lequel l'IGN et le SHOM fournissent les données de référence permettant au CEA et au BRGM de réaliser des simulations. L'objectif est de voir quelles zones sont susceptibles d'être touchées en cas de tsunami.
Je terminerai en insistant sur la complémentarité des données terre et mer. Les données maritimes sont indispensables pour évaluer l'aléa. La puissance et la forme des vagues dépendent, en effet, de la topographie sous-marine. Les données terrestres sont indispensables pour évaluer une partie de l'aléa et surtout la vulnérabilité : influence des constructions humaines – digues – sur l'aléa, détermination des zones touchées et des conséquences pour les biens et les personnes.
Le programme Litto3D est en phase de production opérationnelle, après une phase projet qui a duré quatre ans. Depuis 2008, nous mettons en place des partenariats financiers qui impliquent l'État, les collectivités territoriales et des financements européens. La réalisation se fait au fur et à mesure de la mise en place de ces financements.
Le coût total du programme est d'environ 50 millions d'euros : environ 40 millions d'euros pour la partie maritime et environ 10 millions d'euros pour la partie terrestre, avec une partie prise en charge par l'État au moyen de la subvention versée au SHOM pour la partie maritime et de celle versée à l'IGN pour la partie terrestre.
Techniquement – à moins de mobiliser des moyens énormes –, le délai raisonnable pour couvrir l'ensemble du littoral nous semble être de l'ordre de quatre à cinq ans.
À ce jour, environ 12 millions ont été réunis : 71 % de l'État, 23 % du fonds européen et 6 % des collectivités territoriales.
Quel est l'élément qui empêche de couvrir l'ensemble du territoire en moins de quatre ou cinq ans ? Le financement ou les moyens humains et techniques ?
Ce sont les moyens humains et techniques, c'est-à-dire ceux du SHOM et de l'IGN.
Il nous faudrait quand même quatre à cinq ans.
Les parties du programme déjà financées sont les départements et territoires d'outre-mer – Mayotte, La Réunion, Guadeloupe, Martinique –, premiers bénéficiaires du programme. La région Languedoc-Roussillon et la communauté Toulon-Provence-Méditerranée – où le premier démonstrateur Litto3D a été réalisé – seront les premières régions couvertes de la métropole. Sur la façade atlantique, qui s'étend du Morbihan au Poitou-Charentes, la mise en place de la partie terrestre de Litto3D est en voie de finalisation.
Il n'est question là que du financement. Pour l'instant, les travaux n'ont réellement commencé que pour La Réunion, Mayotte, les îles Éparses, la Guadeloupe et la Martinique. Après avoir été acquises, les données doivent en effet être traitées.
Sur la façade atlantique, le travail n'est pas commencé, mais nous sommes en train de finaliser un tour de table financier pour pouvoir lancer la partie terrestre de Litto3D.
Les avions devraient pouvoir voler ce mois-ci ou le mois prochain sur cette zone.
Le programme Litto3D est un élément important pour évaluer les risques et donc réaliser les plans de prévention du risque inondation (PPRI). Si Litto3D n'est pas prêt avant quatre ou cinq ans, cela signifie que l'on continuera à tâtonner en utilisant des données incomplètes pour réaliser des PPRI. Or l'État a décidé de doter, dans les trois ans qui viennent, toutes les communes littorales de PPRI. Ne risquez-vous pas d'arriver après la bataille ?
Comme nous l'avons vu, nous ne disposons pas, aujourd'hui, de l'ensemble des données permettant de faire un travail de précision. Mais, dans cette question de délai, il faut distinguer les données terrestres et les données maritimes.
Techniquement, le travail sur la partie maritime est plus difficile, plus long et plus coûteux. Les données maritimes servent à qualifier l'aléa, c'est-à-dire à prédire l'effet qu'aurait telle surcote sur tel type de littoral, tandis que les données terrestres permettent d'évaluer l'impact de la hauteur d'eau. On peut très bien commencer le travail à partir de ces dernières. Les renseignements obtenus seront utiles pour qualifier les risques et faire l'étude de vulnérabilité. Si les financements sont réunis, la partie terrestre peut être réalisée en moins de quatre ou cinq ans, ce dernier délai correspondant à la constitution du référentiel Litto3D dans sa totalité, continu terre-mer, sur l'ensemble du territoire.
Compte tenu du rythme de mise en place des financements nécessaires, nos collègues du SHOM et nous-mêmes ne nous sommes pas posé la question des moyens à mettre en oeuvre pour accélérer la réalisation du programme. Si le Gouvernement ou les autorités compétentes décidaient un plan d'urgence, ce délai pourrait être réduit. Mais aucune étude de contraction du délai n'a été réalisée.
Si vous disposiez de moyens un peu plus importants, de combien pourrait-on espérer réduire le délai ?
Je ne peux pas vous répondre maintenant car ma réponse serait trop imprécise. Nous devrions étudier la question avec nos collègues du SHOM car le chemin critique se situe sur la partie maritime.
Je vais demander à Hervé Le Men de compléter mon propos.
La partie maritime est effectivement le chemin critique. Si on voulait accélérer les choses, il faudrait acheter un LIDAR – light detection and ranging -- bathymétrique aéroporté. Il existe très peu de ces instruments au monde : un au Canada, un en Australie, douze aux États-Unis, un seul en Europe : aux Pays-Bas.
Ce n'est pas tant le prix qui pose un problème car un LIDAR bathymétrique aéroporté doit coûter dans les 3 millions d'euros. Mais un achat de ce genre n'est jamais très rapide : d'une part, il faut lancer des marchés – car le SHOM passe par des sous-traitances –, d'autre part, le nombre de ces instruments est faible et ils sont difficiles à déplacer parce que sous embargos spéciaux du gouvernement américain.
Pour accélérer le programme, il faudrait que la France se dote de moyens autonomes dans ce domaine.
Le programme Litto3D une fois achevé vous paraît-il de nature à faire faire un véritable bond dans l'appréciation des risques et la réalisation des PPRI ?
Incontestablement. C'est d'ailleurs son objectif.
L'ordre de réalisation de Litto3D résulte-t-il d'une décision de l'État ou dépend-il des financements des collectivités territoriales ?
L'IGN et le SHOM allouent une partie du financement qui leur est versé par l'État à la réalisation du programme de rénovation du référentiel altimétrique du territoire et dans certains cas les collectivités territoriales y contribuent
La réalisation du programme ne résulte pas d'un ordre technique fondé sur une analyse de risque. Elle se fait en fonction des financements et des tours de table financiers qui se finalisent. Les élus des départements et territoires d'outre-mer, très sensibilisés à la question, ont mobilisé des fonds européens pour compléter les financements. C'est ce qui a déclenché le programme sur leur littoral.
Une des caractéristiques du programme Litto3D, est que, contrairement aux autres référentiels de l'IGN, il est financé à l'amont, si bien qu'une fois qu'il est réalisé, les données sont librement disponibles dans la sphère publique – État, établissements publics, collectivités.
Cela signifie que les différentes parties du programme ne sont pas réalisées selon une coordination de l'État, mais dépendent de la pression des élus locaux et du résultat des tours de table ?
L'IGN a pour mission de réaliser le référentiel altimétrique terrestre. Comme cela a été rappelé, des décisions du CIMer et du CIADT ont recommandé de lancer l'élaboration d'un référentiel altimétrique spécifique à la frange littorale. Nous avons donc, avec le SHOM, préparé le projet et nous le présentons aux différents acteurs concernés afin de leur montrer le bénéfice qu'ils peuvent en retirer. C'est ainsi que l'opération se monte petit à petit, en fonction de l'intérêt qu'elle suscite.
Contrairement au référentiel à grande échelle, le référentiel du littoral ne correspond pas aujourd'hui à une commande d'ensemble de l'État.
La liste des parties de l'opération financées est-elle l'expression d'une politique locale ou reflète-t-elle l'état d'avancement de vos tours de table ?
La même présentation et les mêmes prises de contacts ont eu lieu sur l'ensemble des collectivités littorales.
Par exemple, peu de temps après ma prise de fonction, je me suis rendu en Normandie, où des discussions étaient déjà bien engagées. Mais le projet ne s'est pas concrétisé parce que les collectivités ont souhaité réaliser un référentiel altimétrique d'une autre façon.
En Basse-Normandie. Mais le projet concernait l'ensemble du littoral de la Basse et de la Haute Normandie.
Pour être tout à fait exact, nous avons contacté toutes les régions sauf la Corse et la Guyane.
Vous paraît-il logique – alors que l'État doit répondre d'ici avant la fin de 2013 à une directive prévoyant la réalisation d'une cartographie détaillée des zones inondables et que l'outil que vous réalisez est le seul à permettre cette cartographie détaillée – que non seulement vous deviez quémander des financements auprès des collectivités territoriales, mais encore que la décision soit laissée à l'appréciation de celles-ci. ? N'y a-t-il pas antinomie entre la responsabilité morale de l'État vis-à-vis de la directive et, plus précisément, des habitants du littoral et la méthode suivie ?
Comme cela a été expliqué, l'outil est relativement nouveau. Il a été spécifié et prototypé à partir de 2003. La phase projet s'est terminée en 2008 et c'est à partir de cette date qu'a commencé la phase de production.
Compte tenu des capacités techniques de réalisation, il n'y a pas eu de temps perdu depuis le début de la phase de production. Tant le SHOM que l'IGN saturent actuellement la totalité de leurs capacités de production mobilisables pour ce projet, dans le cadre des 12 millions d'euros de financement réunis.
Il est à noter aussi que, fort heureusement, le travail est le plus avancé sur les zones les plus vulnérables outre-mer. Sur la métropole, le financement est assuré sur le littoral méditerranéen. Quant à la partie atlantique le financement se met en place et le travail commence.
Le fait qu'il n'y ait pas eu un programme structuré n'a pas jusqu'à présent porté de préjudice à la réalisation du projet puisqu'il n'y a pas eu de temps de perdu et que tous les moyens techniques sont mobilisés. Mais la question peut se poser pour la suite.
C'est d'ailleurs le sens des décisions du CIMer de l'année dernière : elles incitent à la réalisation de ce programme et demandent qu'il soit défini avant la fin de l'année 2010.
Les décisions prises à la suite de Xynthia vous paraissent-elles de nature à limiter les risques ?
La question que vous me posez sort des compétences de l'IGN.
Ce que je peux dire, c'est que les décisions qui ont été prises par les autorités compétentes l'ont été sur la base des connaissances actuelles, qui n'ont pas le degré de pertinence qu'elles auraient si on disposait d'un modèle de terrain avec une précision de 15 centimètres.
Les responsables font ce qu'ils peuvent avec les données qu'ils ont. L'IGN n'a aucune part dans les prises de décision et dans les délimitations des zonages. Mais il est clair que des données d'une précision de l'ordre d'un ou deux mètres peuvent conduire à interdire de construire ou à faire évacuer là où une connaissance plus précise permettrait de prendre des décisions plus adaptées à la réalité du risque.
Les prises de décisions du Gouvernement ne vous paraissent-elles pas paradoxales par rapport à la réalité du terrain, c'est-à-dire au délai nécessaire pour mener à bien votre programme ?
La décision du CIMer a été prise avant que ne survienne la tempête Xynthia. Une telle catastrophe est, fort heureusement, très rare. La question est maintenant de savoir si les autorités concernées souhaitent accélérer le programme. Mais c'est une décision qui échappe à l'institut.
Je précise que Météo-France et le SHOM travaillent aussi très étroitement ensemble. Dans une note qu'ils ont élaborée, ils insistent également sur la nécessité de disposer de données altimétriques de précision pour pouvoir mesurer les conséquences de l'aléa. Il y a une convergence de vue entre eux et l'IGN, partagée par la DGPR. C'est d'ailleurs sous son égide que les choses se sont accélérées sur la façade atlantique.
C'est vrai. Météo-France nous l'avait signalé.
Messieurs, nous vous remercions. Soyez assurés qu'il sera fait largement mention des moyens à mettre en place dans notre rapport.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia
Réunion du mercredi 19 mai 2010 à 18 heures
Présents. - M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Dominique Caillaud, M. Louis Guédon, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jacques Remiller
Excusé. - Mme Marguerite Lamour