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Commission des affaires étrangères

Séance du 5 mai 2010 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • al-qaïda
  • saleh
  • sud
  • tribu
  • yémen
  • yéménite

La séance

Source

Table ronde sur la situation au Yémen, en présence de M. Laurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Université de Provence) ; M. Jean-Pierre Filiu, professeur associé à Sciences Po (chaire Moyen-Orient) ; M. Franck Mermier, chargé de recherche au Laboratoire d'anthropologie urbaine (CNRS) ; M. Jean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes.

La séance est ouverte à dix heures.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Au cours des derniers mois, le Yémen a été l'objet de l'attention des médias pour plusieurs raisons : l'extension de la rébellion houthiste au sud de l'Arabie saoudite a conduit cette dernière à intervenir pour faire respecter son intégrité territoriale ; le jeune Nigérian qui a tenté de faire exploser le vol 253 de la compagnie Northwest Airlines le 25 décembre dernier avait été soi-disant en contact avec des terroristes extrémistes au Yémen. Pourtant, les problèmes du Yémen sont loin de se limiter à la rébellion houthiste – qui connaît un cessez-le-feu depuis février dernier – et au dossier du terrorisme, puisque le pays est aussi menacé par un mouvement sécessionniste au Sud et qu'il traverse une importante crise humanitaire.

Pour aborder ces différents aspects, nous avons convié M. Laurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, de l'Université de Provence, qui nous présentera la crise du processus politique au Yémen ; M. Franck Mermier, chargé de recherche au Laboratoire d'anthropologie urbaine du CNRS, qui nous parlera du mouvement séparatiste au sud du pays ; M. Jean-Pierre Filiu, professeur associé à Sciences Po de la Chaire Moyen-Orient Méditerranée, qui centrera son exposé sur Al-Qaida au Yémen, avant que M. Jean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes, nous fasse part de l'analyse de la diplomatie française sur la situation du pays.

PermalienLaurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Université de Provence

Permettez-moi de vous remercier pour votre invitation et pour votre intérêt pour le Yémen, un pays qui en a besoin.

Si la question terroriste, le mouvement sécessionniste au Sud et la guerre de Saada préoccupent à juste titre la communauté internationale, la crise du processus politique est sans doute insuffisamment reconnue. Autrefois source d'espoir pour ses observateurs et partenaires, la vie politique et partisane est aujourd'hui bloquée. C'est pourtant elle qui transcende les autres crises et constitue l'un des leviers pour éviter la désagrégation du pays dans la violence.

À l'échelle du monde arabe, le système politique yéménite est longtemps apparu comme singulier. Il s'appuyait en effet sur l'intégration politique d'un large éventail d'acteurs, parmi lesquels des militants islamistes de toutes tendances. Pour l'essentiel, un tel équilibre résultait de la nécessité, à la fin des années 1960, d'élaborer un compromis politique afin d'ancrer durablement le système républicain qui avait déposé l'ancienne monarchie zaïdite en 1962. Une forme de partage du pouvoir, quoique incomplète, s'est poursuivie après l'unification du Nord et du Sud en 1990, donnant naissance à un régime qui a construit l'essentiel de sa légitimité sur le multipartisme et les élections. La persistance historique d'une société civile traditionnelle formée d'acteurs tribaux et religieux a par ailleurs limité les velléités autoritaires du régime, permettant de préserver un certain pluralisme.

Depuis les années 1970, les phénomènes de dissidence et de répression observés n'ont pas atteint le niveau de ceux connus dans la région. En dépit des tensions et des affrontements ponctuels avec les tribus, jusqu'à la guerre de Saada débutée en 2004, la société yéménite n'a pas été confrontée à des phénomènes de violence de grande ampleur, similaires à ceux que l'Algérie, l'Irak ou l'Égypte ont pu subir. Le partage du pouvoir a en quelque sorte permis de faire l'économie de la violence politique. Même pendant la guerre de 1994 entre l'armée du Nord et les sécessionnistes du Sud, les pertes civiles ont été limitées et de nombreux dirigeants sécessionnistes ont été réintégrés plus tard dans l'appareil d'État. Cette logique d'intégration a indéniablement favorisé la stabilité du pouvoir, aux mains d'Ali Abdullah Saleh depuis trente-deux ans. Pour l'essentiel, cette longévité ne s'est donc pas faite au prix de la répression.

Dans les années 1990, les dirigeants ont pu coopter les anciens combattants d'Afghanistan, leur offrant des postes dans les services de sécurité, dans le système éducatif ou dans les partis. Les signes du partage du pouvoir ont été nombreux : élections législatives de 1993, considérées comme relativement transparentes ; coalition gouvernementale rassemblant les islamistes d'Al-Islah – le parti au pouvoir – et d'autres petits partis entre 1993 et 1997 ; émergence d'une presse libre au cours de la même période.

Dans une certaine mesure, ce type d'équilibre est apparu comme fonctionnel, permettant de stabiliser le pouvoir, de réguler la violence, notamment djihadiste, et de bâtir un système plus consensuel qu'ailleurs dans le monde arabe, car fondé sur des compromis.

Il se trouve que ce système s'est grippé au fil des années 2000. Les raisons en sont multiples, notamment l'usure du pouvoir et une volonté de certains dirigeants de monopoliser les ressources politiques, économiques et institutionnelles. On peut également imputer ce changement à une nouvelle stratégie de l'opposition, de plus en plus tentée par la violence pour sa frange islamiste, ou encore au contexte international marqué par la lutte antiterroriste. Celle-ci a en effet pu encourager la répression et offrir au pouvoir davantage de ressources militaires et policières.

La mise à mal de l'équilibre politique a pris différentes formes au cours des dernières années. Elle s'est tout d'abord incarnée dans la répression de l'opposition et de la presse : dernièrement, le nombre de prisonniers politiques a sensiblement augmenté. Reporters sans Frontières, dans un classement certes discutable, plaçait le Yémen en 135e position en 2004. En 2009, le pays occupait la 167eplace. En 2001, un rapport du Sénat affirmait que « la liberté de la presse au Yémen bénéficie d'assises solides ». Force est de constater que ce n'est plus réellement le cas. La guerre de Saada, ses milliers de victimes et ses personnes déplacées – plus de 200 000 depuis 2004 – sont également le témoignage direct d'un autoritarisme croissant, qui n'est pas sans rappeler les méthodes brutales d'autres régimes autoritaires arabes.

Parallèlement, le système institutionnel semble dans une impasse. Les élections législatives qui devaient être organisées en avril 2009 ont été repoussées de deux ans et rien ne permet de dire qu'elles se dérouleront alors dans de meilleures conditions, les réformes institutionnelles promises – modification du mode de scrutin et d'élaboration des listes électorales – n'ayant pas été réalisées. Les partis politiques se sont enfermés dans une logique maximaliste d'opposition frontale et ne sont plus en mesure de communiquer ni d'établir des compromis.

Occupée qu'elle est par la lutte antiterroriste, la communauté internationale semble aujourd'hui largement résignée face à ce durcissement du pouvoir. Comme le rappelait Amnesty International dès 2002, l'État de droit a été largement sacrifié au nom de la sécurité. Le processus n'a fait que s'amplifier depuis. Laisser pourrir la situation serait de toute évidence un mauvais calcul pour la communauté internationale, car la répression et le durcissement du régime risquent à long terme d'accroître la violence et l'instabilité.

PermalienFranck Mermier, chargé de recherche au CNRS

Merci de cette invitation.

La question du Sud devrait gagner en importance dans le Yémen contemporain. Née en 1967, la République démocratique populaire du Yémen – seule république marxiste dans le monde arabe – disparaît en 1990 dans le sillage de la chute du mur de Berlin. La fusion entre le Nord et le Sud qui en résulte donne lieu à un partage du pouvoir entre les deux partis principaux, le Congrès populaire général (CPG) et le Parti socialiste yéménite (PSY). La Constitution de 1991 stipule notamment le pluripartisme, la liberté d'association et la liberté de la presse. La présidence de la République est dévolue à Ali Abdallah Saleh, l'ancien président de l'ex-République arabe du Yémen et dirigeant du CPG, la vice-présidence à Ali Salem Al-Bid, secrétaire général du PSY.

Mais la fusion entre les deux armées et les deux administrations ne se fait pas. La crise qui éclate en 1992 ne fera que s'aggraver, se traduisant par des attentats dirigés contre les militants et les cadres du PSY – 150 personnes exécutées –, très certainement organisés par les islamistes, eux-mêmes manipulés par le pouvoir. Les socialistes du Sud se replient alors à Aden. La nouvelle guerre inter-yéménite qui se déroule entre le 5 mai et le 7 juillet 1994, fera peu de victimes civiles ; elle se conclut par la défaite de l'armée du Sud et aboutit à une unification par la force.

On peut alors penser que les velléités séparatistes, désormais taboues et en prise à un pouvoir fort, sont définitivement enterrées. Jusqu'aux années 2000, aucun mouvement d'inspiration sécessionniste ne se fait jour : la vie politique reste inscrite dans le cadre des partis existants et le PSY, qui a abandonné l'option séparatiste, rejoint les autres partis d'opposition dans une plate-forme commune.

Mais le régime d'Ali Abdullah Saleh marginalise progressivement les régions du Sud. La mise à la retraite d'office de quelque 68 000 fonctionnaires – civils et militaires – du Sud crée un mouvement catégoriel et déclenche la revendication. Partie des comités de retraités, celle-ci devient de plus en plus politique et prend une coloration séparatiste.

2008 constitue un tournant. La manifestation du 13 janvier, en commémoration de la guerre civile qui avait éclaté à Aden le 13 janvier 1986, décimant le bureau politique du PSY et faisant 10 000 morts en dix jours, se veut un geste de réconciliation. Elle lance le rassemblement des partis sud-yéménites.

Le 21 mai 2009, Ali Salem Al-Bid, exilé d'abord à Oman puis en Autriche, proclame à nouveau la République démocratique du Yémen. Le dirigeant ne parle pas de sécession ou de séparatisme, mais de dissociation ou de « déliaison ». Il n'entend pas s'opposer à l'unité, mais reproche au pouvoir arbitraire d'Ali Abdullah Saleh de ne pas l'avoir permise, en tenant les populations du Sud pour des citoyens de seconde zone. Il s'appuie sur les résolutions prises en 1994 par le Conseil des Nations unies, dont il considère qu'elles peuvent constituer la base juridique d'une dissociation du Yémen du Sud.

Aujourd'hui, le Conseil supérieur du mouvement sudiste, fonctionnant de façon très décentralisée, s'appuie sur un spectre très large, allant des islamistes aux cadres du PSY : il est dirigé par Hassan Ba'oum, un ancien cadre du PSY et son vice-président autoproclamé est Tarek El-Fadli, un ancien djihadiste d'Afghanistan, dont la soeur est mariée au frère d'Ali Abdullah Saleh. Ancré dans les zones tribales, il commence à s'appuyer sur une force armée : pas un jour ne se passe sans accrochages entre l'armée et les hommes de tribus qui ont prêté allégeance au mouvement sudiste. Désormais, les portraits d'Ali Salem Al-Bid, comme le drapeau de la République démocratique populaire du Yémen, sont brandis dans les manifestations. Le mouvement se revendique encore comme pacifiste, mais il pourrait passer rapidement à la lutte armée si le régime poursuivait sa politique de répression tous azimuts, tentant de le criminaliser en l'associant à Al-Qaida et en l'accusant de séparatisme, ultime tabou.

PermalienJean-Pierre Filiu, professeur associé à Sciences Po

C'est un honneur que d'avoir été invité par votre Commission.

Si Al-Qaida n'a qu'une importance relative dans le Yémen actuel, ce pays compte en revanche beaucoup pour l'organisation terroriste. Oussama Ben Laden, d'origine yéménite par son père, né dans l'Hadramaout, s'est entouré depuis la fondation d'Al-Qaida en août 1988 au Pakistan, d'une garde constituée de militants yéménites ou saoudiens d'origine yéménite. Le premier terrain choisi par l'organisation pour mener ses actions terroristes est le seul État marxiste de la région, la République démocratique et populaire du Sud-Yémen : dès 1989, des attentats anticommunistes y sont perpétrés. En 1992, le premier attentat antiaméricain de l'organisation est dirigé contre un hôtel d'Aden, qui héberge des permissionnaires de Somalie. Il fera deux morts, un employé yéménite et un touriste. Ce n'est qu'en 2000 qu'Al-Qaida réussit à infliger à la marine américaine un revers spectaculaire en attaquant en rade d'Aden l'USS Cole : 17 soldats y trouvent la mort.

Al-Qaida Central, ainsi que l'on désigne Ben Laden et la direction d'Al-Qaida, est réfugiée dans les zones tribales du Pakistan depuis l'hiver 2001-2002. C'est d'elle qu'émane Al-Qaida pour la péninsule arabique (AQPA), constituée dans la clandestinité en Arabie en 2003. A la différence d'AQPA, les deux autres filiales d'Al-Qaida, Al-Qaida en Irak et Al-Qaida au Maghreb Islamique, existaient comme organisations avant leur intégration à Al-Qaida, effective avec le serment d'allégeance de leur chef à Ben Laden, en 2004 pour la première et en 2006 pour la seconde.

En 2006, la branche saoudienne d'Al-Qaida voit son objectif révolutionnaire défait par la mobilisation du régime de Ryad. Celui-ci a accompagné sa répression méthodique par une politique de réhabilitation, voire de rachat, de militants repentis, neutralisant ainsi la campagne terroriste lancée trois ans plus tôt. Les rares djihadistes saoudiens encore en activité passent alors la frontière, rejoignant le réseau yéménite en voie de reconstitution : la même année, vingt-trois cadres aguerris s'évadent collectivement de la prison centrale de Sanaa.

Les deux branches fusionnent et la création de cette nouvelle Al-Qaida pour la péninsule arabique est proclamée en janvier 2009. La direction est bicéphale : le patron est un Yéménite, Nasser Al-Wahayshi, vétéran d'Afghanistan ; le numéro 2 est formellement un Saoudien, Saïd Al-Shihri. Que ce dernier, ancien de Guantanamo, soit mis en avant n'est pas un hasard : sa nomination prouve qu'Al-Qaida fait tout pour éviter la fermeture du camp, annoncée par le président Obama, car l'existence de Guantanamo demeure un de ses principaux arguments de recrutement.

Pour mener ses actions de terrorisme publicitaire, Ben Laden s'est appuyé sur ses réseaux yéménites. À l'occasion du 7e anniversaire du 11 septembre, l'ambassade américaine à Sanaa est attaquée. L'organisation manque sa cible, tuant 15 Yéménites et une Américaine mariée à un ressortissant local, qui attendait devant le consulat. À la Noël 2009, un attentat contre le vol Amsterdam-Detroit est déjoué. Umar Farouk Abdulmutallab, étudiant nigérian d'une famille aisée, peut-être recruté par Al-Qaida à Londres et certainement formé au Yémen – des vidéos l'y montrent avec une Kalachnikov –, est arrêté. Comme à Times Square le 30 avril, l'attentat est raté. Mais Al-Qaida cherche à obtenir avec ce fiasco le même résultat qu'avec un attentat réussi, d'où une provocation médiatique délibérée, revendiquée d'abord par Al-Qaida au Yémen, puis par Ben Laden lui-même.

La manoeuvre est limpide. Il s'agit d'attirer les États-Unis au Yémen, non pas pour les y combattre – Al-Qaida compte peut-être 300 partisans en armes, une goutte d'eau dans cet océan de Kalachnikov, de jambiyas et de RPG-7 qu'est le Yémen –, mais pour y créer le chaos. Connaissant le nationalisme exacerbé de la population yéménite – et son taux d'armement individuel –, Ben Laden sait qu'une intervention américaine directe créerait un désordre extraordinaire et déstabiliserait le régime yéménite. Du même coup, l'organisation pourrait élargir son cercle d'inconditionnels, demeuré le même depuis le djihad en Afghanistan.

Le piège n'a pas fonctionné et d'autres forces ont pu occuper le devant de la scène. D'après les informations dont je dispose, Al-Qaida a raté trois manoeuvres de manipulations sur le terrain yéménite :

– face à la rébellion houthiste, elle aurait pu se relancer en se posant comme garante de l'orthodoxie sunnite, comme aux pires moments de la terreur anti-chiite impulsée par Zarqaoui en Irak. Depuis février, le cessez-le-feu ne lui permet plus de pêcher dans ces eaux troubles.

– dans le Sud, Al-Qaida n'a pas réussi à se concilier les faveurs des anciens d'Afghanistan, dont certains ont rompu formellement et de manière très brutale avec l'organisation.

– Al-Qaida n'est pas parvenue davantage à mobiliser les tribus, ne s'attachant que des chefs intermédiaires dans les régions de Marib ou de Chabwa. Si ceux-ci lui ont accordé leur protection, c'est en lui demandant de faire profil bas.

Enfin, le sang-froid dont la communauté internationale a fait preuve et le soutien qu'elle a apporté au gouvernement de Sanaa lors de la conférence de Londres de janvier dernier ont fait perdre à Ben Laden son pari sur une internationalisation de la crise. Cela pourrait expliquer qu'il n'y ait pas eu d'attentat majeur depuis Noël, hormis la tentative d'attentat suicide contre l'ambassadeur britannique à Sanaa, le 26 avril.

Demeure une inconnue, qui ne laisse pas d'effrayer : les liens qui pourraient se nouer entre les djihadistes somaliens et Al-Qaida pour la péninsule arabique. Toutefois, on ne constate pas de ralliements de part et d'autre de la mer Rouge. Il faut y voir sans doute plusieurs raisons : les djihadistes somaliens sont basés dans le sud du pays, loin du Yémen ; comme tous les autres djihadistes, ils répugnent à s'engager sur mer – même si l'organisation Hizbul Islam a pris il y a quelques jours le bastion pirate d'Haradheere, il n'est pas certain qu'elle reprenne à son compte cette activité maritime ; enfin, leur xénophobie n'a d'égale que celle des Yéménites, qui, de surcroît, ne parlent pas la même langue que les somaliens. Rien au cours des derniers mois ne permet d'accréditer ces craintes.

PermalienJean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes

Il convient de se rappeler que le Yémen, qui compte parmi les territoires les plus dépaysants et les plus étranges du monde, est le berceau du monde arabe. Mais si les populations arabes peuvent y voir leur origine, il demeure particulier dans sa géographie : situé tout au Sud de la péninsule arabique, il est ouvert sur l'océan Indien.

Aux yeux de la diplomatie française, le Yémen est un pays extraordinairement fragile, pour des raisons économiques, politiques et de sécurité. Les fragilités institutionnelles ont été évoquées par les deux premiers intervenants : le pays souffre d'un manque de cohésion et d'unité, fragilisé par la rébellion houthiste – la guerre de Saada qui a éclaté en 2009 est la sixième – et par l'irrédentisme au Sud. Plus généralement, l'identité étatique est faible, le gouvernement central contrôlant peu de chose sur un territoire régenté par les tribus et les milices, où chaque homme est armé. Rappelons qu'avant l'implantation d'Al-Qaida au Yémen, le pays était régulièrement le théâtre de prises d'otages, les tribus négociant avec l'État, dans des conditions souvent obscures, la libération des touristes.

Cette fragilité se manifeste également sur un plan économique. Avec un revenu de 1 000 dollars par habitant et par an, le Yémen est le seul pays arabe à faire partie de la liste des pays les moins avancés (PMA). Son économie repose sur trois piliers : l'agriculture, constituée à hauteur de 40 % par l'exploitation du qat, plante euphorisante dont les effets sont assez proches de ceux produits par l'absorption d'amphétamines – tout le monde cultive le quat, consomme et trafique ; les ressources naturelles – les hydrocarbures – qui représentent 90 % des recettes budgétaires et 70 % des exportations, avec ce que cela suppose de fragilité du fait des fluctuations des prix – sachant que les ressources pétrolières ont déjà entamé leur déclin ; enfin, les subsides envoyés par les migrants très nombreux dans les pays de la péninsule arabique, dont la part est également conséquente. J'ajoute qu'avec 40 % d'enfants non scolarisés – surtout des filles – et une croissance démographique de 3,8 % par an, l'indice de développement humain est très faible. De surcroît, il n'existe nulle part ailleurs dans le monde un différentiel de revenu par habitant aussi important de part et d'autre d'une frontière que celui qui sépare le Yémen de l'Arabie saoudite, cette simple donnée pouvant se révéler très déstabilisante.

Troisième facteur de fragilité, enfin : la sécurité. Il a été question de la rébellion du Nord, des irrédentistes du Sud, d'Al-Qaida mais, également, de la Somalie. Il convient de noter, à ce propos, que plusieurs centaines de milliers de Somaliens résident à ce jour plus ou moins légalement au Yémen et que, même s'ils ne constituent pas le vivier naturel d'Al-Qaida, ils sont pauvres, mal intégrés et se livrent à de nombreux trafics – piraterie, armes, êtres humains. Il ne faudrait donc pas sous-estimer le risque qu'ils représentent.

À ce jour, le Yémen présente à peu près toutes les conditions pour être le prochain État failli de la planète.

Face à une telle situation, bien éloignée de ce qui fut l'Arabia felix des Anciens, il est un peu facile de dire que l'attentat manqué du mois de décembre dernier a été nécessaire pour que la communauté internationale s'intéresse au Yémen. En effet, de fortes aides lui sont accordées, notamment par les Américains, et ce pays figure dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP) établie par la France (mais pas dans la nouvelle catégorie des « pays pauvres prioritaires »). Il est toujours une priorité pour l'Allemagne. Outre que nous privilégions l'Afrique, les moyens de l'aide au développement ont en effet nettement diminué. De plus, la situation économique et financière du Yémen s'étant détériorée, la Banque mondiale a émis des doutes sur la solvabilité de la dette de ce pays et le ministère des finances, en conséquence, a écarté la possibilité de lui consentir de nouveaux prêts concessionnels. La situation est d'ailleurs assez inconfortable : si le Yémen est trop pauvre pour recevoir des prêts, la France n'est pas assez riche pour faire des dons, les subventions de l'État à l'Agence française de développement (AFD) ou les dotations du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) étant très limitées.

Nous essayons donc de cibler au mieux notre aide, par exemple dans le domaine de la sécurité et de la défense même si, avec 410 000 euros en 2010, les sommes en jeu ne sont pas très élevées. En l'occurrence, nous nous consacrons essentiellement au contrôle des frontières en assistant la marine et les garde-côtes yéménites. Nous sommes les seuls à mener des exercices conjoints hauturiers avec la marine yéménite. J'ajoute que nous aidons également plusieurs opérateurs à se positionner sur les marchés de l'aide multilatérale et, notamment, européenne. Ainsi, dans le secteur de la sécurité, l'opérateur du ministère de l'Intérieur CIVIPOL joue-t-il un rôle essentiel et pourrait-il même devenir le fer de lance d'un projet de lutte contre le terrorisme ; le Service de coopération technique international de police (SCTIP), quant à lui, a déposé sa candidature pour devenir opérateur d'un projet d'académie de police à partir de fonds européens.

Quoi qu'il en soit, suite à la tentative d'attentat de Noël dernier, la communauté internationale s'est particulièrement mobilisée à l'initiative, notamment, de Gordon Brown, qui a réuni à Londres le 27 janvier une conférence interministérielle réunissant outre les États-Unis et le Canada, vingt-cinq pays d'Europe. Un groupe des amis du Yémen, auquel la France participe et qui est formé de deux sections – Finance et gouvernance, Justice et État de droit – a été créé à cette occasion. Une réunion ministérielle est prévue à Riyad à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin ainsi que la remise d'un rapport à l'Assemblée générale des Nations unies visant à mobiliser l'aide internationale.

Enfin, la France considère le Yémen comme un pays important dont la déstabilisation aurait des conséquences graves pour nos intérêts. Nous entretenons avec lui de bonnes relations politiques : le Président Saleh s'est ainsi rendu à Paris en 2007, peu après sa réélection, et nous disposons d'une ambassade avec des coopérants, un attaché de défense et un attaché de sécurité intérieure. J'ajoute qu'au mois de janvier, des consultations ont eu lieu au niveau des secrétaires généraux des ministères des affaires étrangères. Nous soutenons donc le gouvernement yéménite – lors de la crise dite « sixième guerre de Saada », nous avons rappelé notre attachement à l'unité, à la souveraineté ainsi qu'à la stabilité du pays –, non sans l'inviter à reprendre prestement le processus de dialogue politique sans lequel aucune solution ne pourra être envisagée.

PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur Mermier, l'établissement de relations vraiment constructives entre la France et le Yémen est-il envisageable, notamment dans le cadre de la politique française en Méditerranée et au Moyen-Orient ?

Par ailleurs, après plus de trente ans de présidence Saleh, une libéralisation de ce pays est-elle pensable à moyen terme ?

Enfin, quel est l'enjeu de la stabilité du Yémen pour l'ensemble de cette zone géographique ?

PermalienFranck Mermier, chargé de recherche au CNRS

Si le capital de sympathie dont jouit notre pays est assez fort au Yémen, notre action en faveur de la stabilité de l'État s'est inévitablement confondue avec le soutien au Président Saleh. Si, lorsque ce dernier gouvernait la République arabe du Yémen – laquelle comptait 9 millions d'habitants –, la gestion était relativement facile, la situation est désormais explosive avec 23 millions d'habitants, une démographie galopante et, surtout, une jeunesse qui se retrouve sans emploi dans les villes du fait d'un très important exode rural.

En outre, depuis 2009, la répression dont sont victimes non seulement les Houthistes au Nord, accusés de zaïdisme et de liens avec l'Iran, ou les irrédentistes du Sud, mais l'ensemble de l'opposition politique légale – qu'elle soit représentée au Parlement ou qu'elle forme des plates-formes d'opposition légale sans recours aux armes –, s'est accrue, de même d'ailleurs que celle touchant la presse puisque l'année dernière sept ou huit journaux ont cessé de paraître. En janvier 2010, les locaux d'un journal libéral d'Aden, Al-Ayyam – qui est un peu la voix des habitants du Sud, sans prôner le séparatisme – ont même été attaqués, le directeur et ses fils emprisonnés.

L'autoritarisme est d'autant plus fort que le gâteau à partager, si je puis dire, est de plus en plus petit. Le système de pouvoir du président Saleh est lié à une forme de redistribution des deniers de l'État, notamment vers les forces tribales. Loin d'opposer la tribu à l'État, il faut, pour comprendre le Yémen, l'intégrer à l'État, ce qui explique le clientélisme politique et l'assujettissement des régions périphériques par rapport au centre.

Sachant que les crises du Nord – où une septième guerre est même envisageable dans cette région dotée également d'une frontière épineuse avec l'Arabie saoudite – et du Sud – où des confrontations armées existent même si le caractère pacifique du mouvement est revendiqué – ne feront selon moi que s'approfondir, que les problèmes économiques et sociaux sont importants et que l'espace démocratique, du fait d'une crispation du régime, est de plus en plus restreint, la stabilité du Yémen est en jeu.

Ce pays, qui se singularisait par rapport au reste du monde arabe par une forme de démocratie et un certain pluripartisme à partir de 1991, donne malheureusement l'impression de se normaliser, mais négativement, en devenant de plus en plus comme les autres pays arabes – au point que l'on évoque la possibilité de la succession du Président Saleh par son propre fils Ahmad.

PermalienPhoto de Patrick Labaune

Si le système politique yéménite est « singulier », monsieur Bonnefoy, c'est parce qu'il est essentiellement tribal, que les premières élections n'ont eu lieu qu'en 1971 et que la démocratie est née de la guerre civile. Dans ces conditions, le gel du processus électoral ne résulte-t-il pas des tensions entre le pouvoir central et les tribus, lesquelles étaient finalement porteuses de la démocratie avec le passage des affrontements guerriers en affrontements verbaux au sein du Parlement ?

Par ailleurs, si le système s'est « grippé », le report des élections n'explique-t-il pas – au-delà des trente-deux ans de pouvoir du président Saleh et du contexte international –la crispation actuelle entre le pouvoir central et les tribus ?

Enfin, comment expliquer le conflit entre le pouvoir et les Houthistes de Saada, tous deux zaïdites ?

PermalienLaurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Université de Provence

Le report des élections – que l'actuel gouvernement devait être en mesure de remporter sans grand problème – est davantage un symptôme que le coeur du problème : outre qu'il a été décidé d'un commun accord entre le pouvoir et l'opposition afin de réaliser un certain nombre de réformes qui n'ont d'ailleurs toujours pas eu lieu, il est surtout révélateur d'un profond malaise politique qui s'exprime notamment dans les des libertés publiques.

Le Houthisme, en ce qui le concerne, est un phénomène complexe : il s'agit d'un mouvement qui est lié à ce que je qualifierai de renouveau zaïdite. Réactionnaire, issu de la minorité chiite, il se revendique du zaïdisme, lequel se réfère à l'imamat zaïdite qui a dirigé le Yémen du Nord pendant plus de 1 000 ans, avant la révolution de 1962 et la guerre civile ; le paradoxe veut d'ailleurs que l'actuel président appartienne à cette minorité, même s'il a abandonné les référents identitaires du zaïdisme que la rébellion, elle, essaie de valoriser. Cet abandon des référents identitaires zaydites s'est inscrit dans un profond processus historique de convergence des identités religieuses, qui n'est toutefois pas allé sans certaines résistances, venant à la fois du courant salafi et des partisans du renouveau zaydite.

PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

En quoi le Yémen est-il si important pour la France ? N'est-il pas finalement de notre intérêt, au risque d'apparaître cynique, de le laisser se fragiliser de l'intérieur ? Si, en tout état de cause on doit l'aider, pourquoi le grand voisin saoudien n'est-il pas le premier à le faire ?

PermalienLaurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Université de Provence

L'aide saoudienne est réelle : l'Arabie saoudite est le principal bailleur de fonds du Yémen. Ses promesses de dons pouvant s'expliquer par ses inquiétudes quant à l'avenir économique et à la sécurité du Yémen. La France, quant à elle, a d'évidents intérêts économiques dans ce pays – je pense bien entendu à Total. Ces intérêts structurent sans doute aujourd'hui plus que par le passé notre politique et le soutien à l'unité du pays et au régime.

PermalienPhoto de Jean-Michel Ferrand

Le Yémen est un pays pauvre, mais fascinant. En tant qu'observateur lors des élections législatives de 2003, j'ai pu constater combien les atouts de cette ancienne Arabie heureuse sont nombreux : l'agriculture pourrait y être florissante, comme le tourisme – à condition d'éviter toute provocation : tous les Yéménites à partir de dix ans sont armés, la jambiya faisant partie du costume des plus jeunes et la kalachnikov de celui des plus de quinze ans ! –, le café et le miel y sont excellents...

Par ailleurs, ayant toujours cru qu'en dehors de Sanaa et de quelques autres grandes villes, le Président Saleh ne disposait pas d'un pouvoir effectif – celui-ci dépendant des négociations avec les chefs de tribus –, je suis étonné d'entendre évoquer un durcissement de la répression.

Enfin, qu'en est-il de ce sport national qu'est la prise d'otage ?

PermalienFranck Mermier, chargé de recherche au CNRS

Au Yémen, la question des rapports entre les tribus et l'État est particulièrement intéressante. Si le pouvoir de ce dernier peut à cet égard sembler ne pas excéder cinquante kilomètres autour de la capitale, la gestion politique du Président Saleh est en fait assez subtile car elle repose sur une connaissance extrêmement fine de la cartographie tribale qui lui permet de jouer tel ou tel chef de tribu contre tel ou tel autre, par exemple en les intégrant – ou non – dans l'administration de l'État ; ses affidés, ainsi, sont assez nombreux au sein de l'ensemble de la société yéménite.

De surcroît, la crispation politique dont il a été question par rapport à l'opposition s'explique aussi sans doute par la lutte de succession qui se fait jour et qui est limitée au seul groupe familial d'Ali Abdullah Saleh : outre le fils du Président, le demi-frère de ce dernier, Ali Mahsen Al-Ahmar, commandant de la région de Sanaa et Saada, figure parmi la liste des prétendants.

PermalienPhoto de Jacques Myard

Quel serait l'impact d'un conflit au Yémen sur l'ensemble de cette région du monde ? L'Arabie saoudite serait-elle le pays le plus menacé ?

PermalienJean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes

Oui, en effet. Lors de la « sixième guerre de Saada », fin 2009-début 2010, l'Arabie saoudite est d'ailleurs intervenue militairement d'une manière déterminante pour permettre au pouvoir yéménite sinon de remporter la victoire du moins de contenir la rébellion. Les rebelles ont en outre pénétré sur le territoire saoudien, ce qui signifie que la frontière entre les deux pays est loin d'être étanche et sacralisée ce que l'on peut comprendre quand on connaît le relief et les liens ethniques ou tribaux qui unissent de part et d'autre les habitants, en particulier dans la province de l'Assir dans le Sud-Ouest de l'Arabie saoudite.

Au-delà du voisinage géographique, le second facteur de contagion tient à la présence de très nombreux Yéménites en Arabie saoudite laquelle, à l'instar des autres monarchies pétrolières du Golfe, compte nombre d'étrangers sur son territoire – au Qatar, 80 % de la population est étrangère.

PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Le Yémen a toutes les caractéristiques pour devenir une base arrière du terrorisme international, en particulier en cas de victoire de nos soldats en Afghanistan et au Pakistan : instabilité, tribalisme armé, isolement montagneux et proximité ethnique avec un certain nombre de dirigeants d'Al-Qaida – ce qui n'est pas le cas pour la zone tribale de l'Afghanistan. Ne devrait-on pas anticiper une telle situation ?

PermalienJean-Pierre Filiu, professeur associé à Sciences Po

Le pire n'est pas toujours certain. L'attentat raté du mois de décembre dernier sur le vol Amsterdam-Detroit montre qu'Al-Qaida n'est pas aussi forte qu'elle le donne à penser. Outre qu'elle ne parvient pas à recruter – il ne faut pas confondre mouvement de masse et avant-garde autoproclamée –, un tel scénario catastrophe ne pourrait se produire qu'en cas d'intervention occidentale au Yémen. De plus, Al-Qaida ne s'adresse qu'à des individus, non à des tribus, et c'est là un de ses problèmes majeurs – détribaliser avant de recruter. Enfin, les quelques tribus qui lui accordent protection ne le font qu'avec l'assurance de ne pas être la cible de représailles – d'où les attaques contre des civils étrangers et non contre les forces armées ou la police.

PermalienPhoto de Dominique Souchet

Existe-t-il des « interférences » entre le Yémen et Djibouti : des flux de population ont-ils lieu dans un sens ou dans l'autre et, dans l'affirmative, quel rôle joue-t-il ?

PermalienJean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes

Des interférences existent, notamment en raison de la proximité géographique et économique.

PermalienPhoto de Dino Cinieri

L'eau et la nourriture ne tarderont pas à manquer dans les camps de réfugiés autour de Sanaa. Comment agir dans le cadre du Programme alimentaire mondial (PAM) ?

De plus, combien de ressortissants français vivent-ils au Yémen ? Ne doit-on pas envisager un rapatriement d'urgence ?

PermalienJean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes

À ce jour, 856 Français sont immatriculés – ce qui n'est pas insignifiant –, dont 30 % de binationaux. La sécurité de nos compatriotes – et celle de l'école française, qui a rouvert à la rentrée dernière – constitue évidemment une priorité du ministère des affaires étrangères et de notre ambassade. L'essentiel de la communauté française est concentré à Sanaa. En l'état, il n'est pas question d'envisager un rapatriement d'urgence – ce qui reviendrait à stopper le projet Total d'exploitation de gaz. Dans un tel cas de figure, les conséquences économiques seraient d'ailleurs considérables : avec trois milliards de dollars américains d'investissement direct, Total est le premier investisseur étranger au Yémen.

PermalienLaurent Bonnefoy, chercheur associé à l'Université de Provence

Parce qu'elle est extrêmement complexe, la crise de Saada n'a pas engendré la réaction internationale qui n'aurait pas manqué de survenir dans une autre région du monde. Pour parler clairement, les Houthistes ne sont pas des rebelles très sympathiques : leurs slogans – « Mort à l'Amérique et à Israël » – n'induit pas une extrême compassion même si la situation humanitaire est déplorable du fait des bombardements par l'aviation yéménite et l'enlisement du conflit. A cela s'ajoute que la catégorisation « lutte antiterroriste » autorise certains écarts.

PermalienJean-Christophe Peaucelle, directeur adjoint d'Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes

Le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial multiplient les appels à contribution de la communauté internationale, 20 % des besoins humanitaires de base seulement étant satisfaits. En raclant les fonds de tiroir, nous avons quant à nous dégagé l'année dernière 500 000 euros pour un projet du HCR dans les camps de déplacés au nord, 300 000 euros pour un programme d'aide alimentaire mis en oeuvre par l'ONG française Iddéales. Enfin, même si nous sommes encore loin du compte, nous intervenons auprès des pays de la péninsule arabique – dont les moyens financiers sont importants – afin qu'ils agissent de façon plus soutenue.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je vous remercie.

La séance est levée à 11 heures 30.