La séance est ouverte à 14 heures 30.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission poursuit l'examen, sur le rapport de M. Étienne Blanc, de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (n° 1890).
Ce matin, nous avons interrompu la présentation des articles de la proposition de loi avant l'article 55. Cet après-midi, notre Commission a le plaisir d'accueillir M. Olivier Carré, rapporteur pour avis de la Commission des finances.
Je rappelle que la Commission des finances s'est saisie des articles 55 à 57 de la proposition de loi.
L'article 55 a pour objet d'assurer la mise en conformité des règles de TVA applicables aux opérations immobilières avec la directive européenne n° 2006112 du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et de simplifier ces règles.
Il rénove en profondeur un régime en vigueur depuis quarante ans, qui reposait sur deux logiques fiscales différentes : celle portant sur les mutations et celle portant sur la valeur ajoutée.
Les règles applicables aux opérations immobilières datent, pour l'essentiel, de la loi du 15 mars 1963 portant réforme de l'enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière. Cet ensemble de règles, qui constituent un régime particulier antérieur aux directives d'harmonisation européenne de la TVA, s'écarte sur certains points du cadre défini par ces textes et présente de sérieuses difficultés d'application.
Les deux logiques doivent aujourd'hui être mieux articulées, afin de clarifier les dispositions applicables et d'accroître la sécurité juridique des différents acteurs. L'article 55 de la proposition de loi tend à faire changer notre dispositif fiscal de point de vue, en passant du point de vue de l'acquéreur à celui du vendeur, suivant le principe de l'« inversion du redevable ».
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir adapté l'ordre du jour des travaux de votre Commission afin de me permettre de présenter l'avis de la Commission des finances. S'agissant d'un texte lourd et parfois compliqué, il était important que cette discussion ait lieu.
L'article 55 permet de revenir à une logique économique simple : celui qui produit la valeur ajoutée est celui qui doit s'acquitter de la TVA. Jusqu'à présent, la TVA immobilière était versée par l'acquéreur, ce qui était anormal. Au final, c'est bien le consommateur, c'est-à-dire l'acquéreur du bien, qui paiera la taxe, mais il n'aura pas à accomplir les formalités fiscales, d'autant que le paiement de la TVA sur le bien final est susceptible de donner droit à des dégrèvements de TVA sur tout ce qui a permis de produire celui-ci.
Il existe historiquement plusieurs régimes, dont l'enchevêtrement est extrême, ce qui peut offrir des possibilités d'évasion fiscale. La situation actuelle est très instable et, qui plus est, elle ne répond pas à la demande d'harmonisation des systèmes de TVA à l'échelle européenne formulée par la directive de 2006.
L'article 55 introduit donc plus qu'une simplification fiscale. C'est pourquoi la Commission des finances a adopté l'amendement CL 392, visant à intituler la section 6 : « Dispositions de mise en conformité du droit français avec le droit européen et de simplification en matière fiscale ».
Les investigations que nous avons menées ont montré – malgré des délais resserrés – que les effets de cet article seraient neutres du point de vue économique, en partie parce qu'il comporte des dispositions importantes sur les livraisons à soi-même et d'autres usages actuels, concernant notamment les opérations de logement social. Ce matin, la Fédération des promoteurs – les premiers concernés – s'y est déclarée globalement favorable, estimant que cela simplifiera les choses et renforcera la sécurité juridique. Certes, le dispositif retenu aura des effets sur leur trésorerie dans la mesure où le producteur du logement devra verser la TVA avant même que le logement n'ait été vendu, mais il était anormal que les finances publiques en subissent les conséquences.
Ceux qui ont pratiqué le droit fiscal savent que la fiscalité immobilière est particulièrement complexe. D'ailleurs, les contentieux les plus nombreux portent sur cette matière, et ce d'autant plus que la plupart des opérations immobilières font l'objet d'un contrôle fiscal systématique, ce qui conduit les opérateurs immobiliers à fragmenter, au moyen de structures juridiques adaptées, les opérations immobilières.
L'article 55 opère un renversement de perspective, en imputant le versement de la taxe à celui qui livre le bâtiment. Il s'agit d'une innovation importante, et il me semble quelque peu prétentieux que la Commission des lois s'en préoccupe ! M. le rapporteur pour avis estime que cet article est plus qu'une simplification : en effet, c'est une réforme fiscale !
Certes, il était nécessaire de modifier les choses, tant pour rassurer les opérateurs immobiliers que pour renforcer la sécurité juridique des opérations et pour éviter de laisser sans cesse planer la menace de contrôles fiscaux, pouvant remettre en cause l'équilibre financier des projets. Toutefois, bien que, dans ma vie professionnelle, j'aie pratiqué cette matière, je suis incapable de dire si le texte proposé répond aux objectifs qu'il se donne. C'est pourquoi nous avons déposé l'amendement CL 52, visant à supprimer l'article 55 : il nous semble que de telles dispositions auraient davantage leur place dans une loi de finances.
Nous avons eu ce débat hier en Commission des finances, le groupe socialiste ayant fait la même remarque.
Vous avez raison, il ne s'agit pas d'une simplification, mais d'une réécriture du droit – et, comme pour toute « loi dans la loi », l'affaire est délicate. Cependant, il ne s'agit pas d'une « réforme ». En effet, il y aura toujours deux acquittements : d'une part, les droits de mutation, qui, bien qu'allégés, ne sont pas touchés ; d'autre part, la taxe sur la valeur ajoutée, dont on remet en ordre la chaîne de paiement, à la suite de décisions juridictionnelles, d'une injonction européenne, ainsi que de certains cas d'évasion fiscale.
Ces dispositions auraient pu être insérées dans une loi de finances, mais elles ont également leur place dans cette proposition de loi, puisqu'elles aboutissent, de fait, à une simplification : d'après le tableau comparatif que nous avons réalisé, le nouveau dispositif permettra de ramener le nombre de situations différentes d'une trentaine à huit ou neuf, suivant que le vendeur et l'acquéreur sont assujettis ou non à la TVA.
Globalement, ces dispositions n'auront de conséquence ni sur l'économie ni sur le budget de l'État, puisque ce seront toujours les mêmes qui devront payer, qui produiront de la valeur ajoutée et qui s'acquitteront des taxes.
Enfin, rappelons que le code général des impôts est composé de sédiments successifs, ce qui justifie les références à des dizaines d'articles. J'admets cependant ne pas avoir vérifié toutes les concordances, en en laissant le soin au rapporteur au fond.
Il ne s'agit donc pas d'une réforme fiscale – qu'il faudra peut-être engager, mais c'est un autre sujet ! Si l'article 55 avait suivi une logique proprement fiscale, en modifiant l'assiette, le taux ou la qualité des redevables, l'avis de la Commission des finances eût été plus réservé.
Je vais profiter de la présence du rapporteur pour avis pour appeler maintenant les articles 55 à 57 de la proposition de loi, dont la Commission des finances s'est saisie pour avis.
Section 6 Dispositions de simplification en matière fiscale
Avant l'article 55 :
La Commission examine d'abord l'amendement CL 392 du rapporteur pour avis de la Commission des finances, visant à rédiger ainsi l'intitulé de la section 6 : « Dispositions de mise en conformité du droit français avec le droit européen et de simplification en matière fiscale ».
La Commission adopte l'amendement CL 392.
Article 55 (Art. 256, 257, 257 bis, 258, 260, 261, 261 D, 266, 268, 269, 270, 278 ter, 278 sexies, 279-0 bis, 284, 285, 290, 730, 85, 1115, 1594 F quinquies, 1594-0 G du code général des impôts) : Simplification de la TVA Immobilière :
La Commission est saisie de l'amendement CL 52 de M. Jean-Michel Clément, tendant à supprimer l'article 55.
L'amendement CL 52 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL 389 du rapporteur.
Je viens de prendre connaissance de cet amendement. Sous réserve qu'il respecte les conditions énoncées, j'émets un avis favorable. Votre rapporteur m'a assuré qu'il s'agissait d'une simple amélioration rédactionnelle. La Direction de la législation fiscale nous avait d'ailleurs avertis qu'il faudrait apporter quelques modifications au texte initial.
Il s'agit essentiellement d'un amendement de coordination et de clarification, concernant notamment la définition du terrain à bâtir, à la suite de l'avis du Conseil d'État.
Cette définition est essentielle dans la chaîne de la valeur ajoutée. Où s'arrête la plus-value ? Quand débute l'opération économique ? Un champ de betteraves peut bénéficier d'une plus-value, mais n'a pas de valeur ajoutée. Il était important de préciser les choses, eu égard aux évolutions récentes et aux définitions accumulées, parfois contradictoires, qui posaient des problèmes aux aménageurs.
L'amendement tend à fonder la définition du terrain à bâtir – qui enclenche la création de valeur ajoutée – sur les droits associés en application d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme. Cela nous paraît cohérent.
On a longtemps fait une différence entre les terrains constructibles et les terrains à bâtir. Pour qu'un terrain soit qualifié de « constructible », notamment au regard du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, il fallait qu'il soit déclaré comme tel au PLU et qu'il soit relié à toutes les commodités : eau, gaz, électricité. En revanche, un terrain était « à bâtir » dès lors qu'il était considéré comme tel au PLU, même s'il n'était pas relié aux réseaux.
L'amendement clarifie les choses : sont considérés comme terrains à bâtir « les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ».
La Commission adopte l'amendement CL 389.
Puis elle adopte l'article 55 ainsi modifié.
Article 56 (art. 260 B du code général des impôts) : Option pour la taxation à la TVA des entreprises qui réalisent des opérations bancaires ou financières
L'article 56 vise à assouplir les modalités de l'option pour la taxation à la TVA des services bancaires ou financiers et à assouplir les procédures existantes.
En l'état actuel du droit, l'option est exercée pour une période de cinq ans et se renouvelle par tacite reconduction. Sa dénonciation ne peut être effectuée qu'à l'issue de chaque période. En cas de remboursement de crédit de TVA, l'option est reconduite de plein droit pour une nouvelle période de cinq années.
L'article 56 prévoit qu'une fois exercée, l'option continue de s'appliquer pour une durée de cinq années, dont celle au cours de laquelle elle a été exercée, soit un minimum de quatre ans et un mois. Au-delà de ce délai, elle pourra être dénoncée à tout moment. Par ailleurs, l'octroi d'un remboursement de crédit de TVA à l'entreprise ayant opté sera sans incidence sur le régime de l'option.
La Commission des finances est favorable à cet article. Dans la mesure où il modifie la durée de l'option, il aura une incidence sur les calculs des acteurs économiques, mais il introduit une simplification administrative salutaire. Par ailleurs, on nous a assurés qu'il n'aurait pas de conséquences significatives pour l'État.
La Commission est saisie de l'amendement CL 53 de M. Jean-Michel Clément, tendant à supprimer l'article 56.
J'espère que les intérêts de l'État seront préservés, la TVA étant sa principale source de recettes fiscales ! J'avais déposé l'amendement CL 53 afin de vérifier que l'on n'ouvrait pas de possibilité d'évasion fiscale. Mais je fais confiance à nos collègues de la Commission des finances, et je retire l'amendement.
L'amendement CL 53 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CL 390 du rapporteur, visant à supprimer l'alinéa 6 de l'article 56.
Elle adopte ensuite l'article 56 ainsi modifié.
Article 57 (art. 277 A, 302 F, 1695 et 1698 C du code général des impôts et L. 80 K du livre des procédures fiscales) : Simplification du régime des entrepôts fiscaux :
L'article 57 tend à simplifier le régime actuel dit des « entrepôts fiscaux », en supprimant trois catégories d'entrepôt – l'entrepôt national d'exportation, l'entrepôt national d'importation et le perfectionnement actif national – pour les remplacer par un régime fiscal unique offrant aux utilisateurs les mêmes fonctionnalités, avec une plus grande souplesse d'utilisation.
Cette modification doit permettre, d'une part, de réduire de manière notable les formalités de gestion et les obligations déclaratives liées au fonctionnement actuel des entrepôts fiscaux et, d'autre part, de rendre ce dispositif applicable à de nouvelles fonctionnalités.
Avis très favorable à cet article : on améliore la compétitivité de la France et l'on se met en conformité avec les dispositifs européens les plus performants.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL 391 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 57 ainsi modifié.
Nous poursuivrons nos travaux demain matin, après l'examen, dans le cadre de l'article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi relative aux fichiers de police.
La séance est levée à15 heures.