Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, de M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale et de M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP, sur le projet « Métrophérique ».
La séance est ouverte à dix heures trente.
L'organisation des transports intéresse vivement notre commission, qui entend recueillir des informations précises sur le projet de Métrophérique, qui constitue à ses yeux un enjeu de développement durable – il permettrait en effet de diminuer de 160 000 le nombre de véhicules qui circulent chaque jour dans Paris. Malheureusement, la propension de notre pays à alourdir les procédures allonge considérablement les délais nécessaires à l'élaboration d'un tel projet.
Aussi la commission sera-t-elle favorable à tous les amendements au projet de loi sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement qui tendront à la simplification des procédures, et elle soutiendra ce projet de Métrophérique, audacieux et courageux, qu'elle considère comme un enjeu national.
Le projet de la RATP s'inscrit pleinement dans la mission d'intérêt général de cet établissement public industriel et commercial de l'État.
Pour mener à bien la mission qui nous est confiée par le législateur et répondre à notre cahier des charges – assurer dans les meilleures conditions le service public du transport urbain en Île-de-France – nous devons être capables d'anticiper les besoins futurs des Franciliens, à la lumière de notre expertise technique et de ce que nous constatons chaque jour sur le terrain. C'est donc en qualité d'exploitant qui, aujourd'hui, rend également des comptes, dans un cadre contractuel, au STIF décentralisé, que je me présente devant vous. Je suis en mesure de présenter aux pouvoirs publics quelques propositions, sachant que le pilotage des investissements en Île-de-France relève d'une codécision entre l'État et la région.
J'évoquerai devant vous les défis auxquels nous sommes confrontés, la solution qui nous paraît aujourd'hui satisfaire au mieux les exigences de mobilité de nos concitoyens et enfin les moyens dont nous disposons.
L'Île-de-France est aujourd'hui confrontée à trois défis en matière de mobilité. Le premier est de faciliter l'accès aux transports collectifs, notamment en ce qui concerne les déplacements de banlieue à banlieue, qui constituent un enjeu essentiel pour les années à venir puisqu'ils représentent 70 % de la totalité des déplacements dans la région.
Depuis trente ans, le recours aux transports en commun a augmenté de 15 %, tandis que le recours à la voiture individuelle augmentait, lui, de 57 %. La raison de cet écart est que l'offre de transports est inégale et particulièrement insuffisante en banlieue. Ainsi, la part modale du transport collectif représente 64 % des déplacements réalisés à Paris, que ce soit en bus, en tramway ou en métro, mais elle chute à 23 % dans les trois départements de la petite couronne et à 10 % en grande couronne.
Le deuxième défi est de mettre fin à la saturation des réseaux. Sur plusieurs lignes de métro, le taux de charge, en 2006, dépassait 90 % – je vous rappelle que le taux de charge maximum autorisé est fixé à quatre personnes au mètre carré – voire 95 % pour trois d'entre elles, sachant que nous ne disposons pas, à infrastructure et matériels constants, de marges de manoeuvre pour augmenter le nombre de trains par heure.
Deux raisons expliquent cette saturation : d'une part, l'augmentation du trafic – ainsi, sur la ligne A du RER, le trafic journalier a augmenté de 23 % en dix ans et le nombre de journées durant lesquelles le trafic dépasse le million de voyageurs est de plus en plus important, ce qui en fait la ligne la plus dense du monde, avant Tokyo ; d'autre part, la configuration du réseau oblige les Franciliens qui vont de banlieue à banlieue par les transports publics à traverser Paris, même s'ils ne s'y arrêtent pas : c'est le cas de 20 à 25 % des utilisateurs de la fameuse ligne 13 qui traversent Paris aux heures de pointe.
Le troisième défi est la lutte contre le changement climatique : en effet, encourager le report modal, c'est réduire les émissions de gaz à effet de serre pour l'ensemble de l'agglomération.
Les Franciliens réalisent chaque jour près de 35 millions de déplacements et parcourent de l'ordre de 176 millions de kilomètres, dont 100 millions en voiture. Ces déplacements sont à l'origine de 23 kilotonnes équivalent CO2 par jour, soit 15 % des émissions de gaz à effet de serre de la région. En utilisant le réseau dense du métro, qui fonctionne grâce à une énergie non carbonée, un Parisien, dans le cadre de ses déplacements, génère quotidiennement deux fois moins de rejets de gaz à effet de serre qu'un habitant de la petite couronne et trois fois moins qu'un habitant de la grande couronne.
Pour relever ces défis, avec l'État et les élus, nous soutenons un projet de rocade métro en proche couronne, que nous avons appelé « Métrophérique ». Ce projet répond à cinq principes : relier toutes les lignes de métro, RER et tramway qui sortent de Paris ; privilégier un mode lourd, régulier, structurant sans créer une nouvelle muraille territoriale comme le périphérique – c'est pourquoi nous avons opté pour un métro automatique souterrain, avec des stations éloignées d'un kilomètre en moyenne ; offrir en première couronne un réseau comparable à celui de Paris ; assurer à la deuxième couronne un maillage territorial ; permettre l'implantation régulière de stations et la présence d'un grand nombre de parkings.
Ce projet complète harmonieusement la nouvelle offre de transports prévue dans le contrat de projets État-région : en effet, la RATP s'apprête à construire en Île-de-France cinquante kilomètres de tramway, qui partiront tous de la petite couronne et relieront demain Châtillon à Vélizy-Viroflay, Saint-Denis à Sarcelles, Saint-Denis à Épinay et Villetaneuse. S'y ajoutent la liaison entre Villejuif et Athis-Mons – et demain Juvisy – en passant par Orly et le prolongement des T1 et T2.
Enfin, cette nouvelle rocade devra s'articuler avec des liaisons directes vers les autres pôles de développement de la région Île-de-France que sont Roissy, le plateau de Saclay et Orly, indépendamment de ceux qui pourraient être concernés par le projet, à savoir La Plaine-Saint-Denis, en plein essor, la Défense, Val-de-Fontenay, ou encore la vallée scientifique de la Bièvre.
Cela aurait quatre résultats immédiats : avec une capacité d'un million de voyageurs par jour, la rocade mettrait fin à la saturation du métro, que 4,5 millions de voyageurs utilisent chaque jour ; avec 160 000 véhicules par jour en moins en Île-de-France, elle réduirait d'environ 100 000 à 200 000 tonnes les émissions de CO2 ; en rapprochant les lieux de vie des lieux de travail, elle permettrait aux usagers des transports de gagner environ 20 minutes par jour ; en valorisant les territoires, elle favoriserait le développement du logement et de l'économie. Quant au chantier, il entraînerait la création nette de 3 000 à 5 000 emplois, sans compter les emplois induits, pendant cinq ans.
J'en viens aux investissements nécessaires. Aux 6 milliards d'euros hors taxes d'investissement initial – infrastructures et équipements du système de transport –, soit un ratio estimé en 2007 à 100 millions d'euros hors taxes pour un kilomètre, il faut ajouter 15 millions d'euros hors taxes au kilomètre pour le matériel roulant, ce qui représente un coût total de 900 millions d'euros.
Dans le cas d'un partenariat public-privé sur une durée de cinquante ans, la contribution publique annuelle devrait se situer dans une fourchette comprise entre 550 et 600 millions d'euros, ce qui représente 8 à 8,5 % du budget annuel du STIF – qui s'élève à 7 milliards d'euros. Le délai technique incompressible des travaux est de sept ans, sous réserve d'optimiser tous les éléments du projet et de disposer d'une maîtrise d'ouvrage structurée et particulièrement vigilante. Cela dit, les conditions économiques et la croissance de notre pays devraient nous permettre, à l'horizon de sept à dix ans, de trouver les 500 à 600 millions d'euros nécessaires chaque année dans le budget du STIF.
Pour conclure, je me réjouis de voir figurer dans l'article 13 du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement le principe d'un projet de rocade métro en région parisienne. Il est fondamental que ce premier acte législatif soit suivi d'autres décisions sur le même sujet. Mais pour qu'un projet de cette importance puisse être réalisé dans les délais souhaités par la population de la région, il sera nécessaire, comme le souhaite le Président de la commission, de simplifier les procédures.
Je vois deux grandes étapes pour la réalisation du projet : tout d'abord, il faudra organiser un débat approfondi et démocratique afin de parvenir à un consensus – la RATP étant à la disposition des pouvoirs publics, en étroite collaboration avec le STIF ; ensuite, une décision devra être prise, après déclaration d'utilité publique, par le Parlement, ce qui lui donnera la force juridique et politique nécessaire et évitera les recours procéduriers qui accompagnent trop souvent de tels projets.
J'insiste sur les difficultés que crée la multiplication des procédures. Vous avez évoqué un délai de sept ans, mais seulement si nous ne perdons pas de temps ! Il faut alléger les procédures, car il est intolérable – tous les élus locaux le savent – qu'un maire qui veut voir aboutir un projet, pourtant d'intérêt général, perde beaucoup de temps à cause des procédures administratives.
Après l'exposé complet de M. Mongin, nous sommes tous convaincus de la nécessité d'améliorer les transports en commun en région Île-de-France, en particulier ceux permettant de se rendre directement d'une banlieue à une autre sans passer par le centre de Paris. Les phénomènes d'engorgement de la ligne A du RER ont pris de telles proportions que le Président de la République a été amené à intervenir. De même, la ligne 13 et une partie de la ligne 12 connaissent un encombrement permanent, à toute heure du jour, y compris le week-end, du fait du transit par Paris d'un grand nombre de voyageurs. Dans les déplacements de banlieue à banlieue, qui représentent aujourd'hui 70 % des trajets effectués par les Franciliens, la part des transports collectifs – à peine 11 % – est très insuffisante.
Le projet d'un anneau de métro en proche couronne remonte à la fin des années 1980 ; en 1994, il a été inscrit, sous le nom d'Orbitale, au schéma directeur de la région Île-de-France, avant de revenir au premier plan à l'occasion de la fameuse révision du SDRIF, où il apparaît sous différentes nominations : « Métrophérique », puis « Arc express ». M. Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, a étudié pour sa part le projet « Orbival ». C'est finalement la dénomination « Arc express », adoptée par la région, qui figure dans le projet du SDRIF : elle a été retenue dans le contrat de projets État-région 2007-2013, avec une inscription de 25 millions d'euros de crédits d'études.
Ces études, confiées au STIF sous le copilotage de l'État et de la région, ont démarré au début de l'année 2008. Si un consensus a été obtenu, c'est que cette liaison est en partie souterraine, qu'elle est équipée d'un matériel roulant automatique – on connaît le succès de la ligne 14, et le président de la RATP oeuvre pour équiper ainsi la ligne 1 – et qu'elle a pour objectif d'accueillir 25 000 voyageurs aux heures de pointe.
Ce projet répond aux objectifs du Grenelle de l'environnement, puisque nous avons tenu à inscrire, dans l'article 13 du projet de loi, un projet de « rocade structurante par métro automatique ».
Le 9 juillet dernier, Jean-Louis Borloo et moi-même avons réuni Jean-Paul Huchon, Président du conseil régional d'Île-de-France, tous les Présidents de conseils généraux et les élus franciliens. Nous avons réaffirmé notre volonté d'accompagner les démarches engagées et de rattraper les retards pris en matière de transport collectif. Nous avons mis en place des groupes de travail associant les services de l'État, la région et le STIF, sous la présidence du M. Lelarge, préfet directeur régional de l'équipement. Ces équipes sont chargées d'étudier les projets en cours, d'examiner les conditions de financement et de fonctionnement des infrastructures et de réfléchir à la nécessité d'accélérer les procédures, ce que l'élu local que je suis ne peut qu'approuver.
S'agissant du projet « Arc Express », il convient, dans le cadre du travail réalisé au sein du Gouvernement et de la réflexion engagée à la RATP, de poursuivre l'analyse du tracé et de réfléchir au mode de financement et à la maîtrise d'ouvrage. Les sommes en jeu sont considérables : entre 7 et 10 milliards d'euros, ce qui est comparable aux sommes engagées pour relier Tours et Bordeaux, dans le cadre de la liaison Sud Europe Atlantique. Il s'agit du projet d'infrastructure le plus important réalisé en France et les entreprises qui devraient y participer, dans le cadre d'un partenariat public-privé, nous ont d'ores et déjà fait part de leurs difficultés, notamment pour réaliser les terrassements et réunir des équipes suffisamment formées pour réaliser un projet d'une telle ampleur.
S'agissant de la maîtrise d'ouvrage, je suis d'accord avec Pierre Mongin sur la nécessité de conclure des contrats de partenariat.
Pour conclure, je trouve ce projet intelligent, novateur et utile. Il reste à le situer dans la réflexion menée par Christian Blanc à la demande du Président de la République. Ce n'est que dans le cadre d'un ensemble de dispositions concernant l'Île-de-France que nous prendrons les décisions qui s'imposent. Je remercie la RATP de faire preuve d'une telle modernité, et j'ajoute qu'uneentreprise qui a de grands projets est une entreprise qui remplit sa mission de service public.
La Constitution a été modifiée afin de donner plus de pouvoirs au Parlement. Dans cette logique, nous souhaitons placer ce projet au coeur du débat sur le Grenelle de l'environnement, s'agissant, en particulier, des procédures.
Le projet de Métrophérique a un double objectif : l'utilité publique, dans la mesure où il favorisera les transports de banlieue à banlieue, et l'optimisation des capacités de gestion de la RATP.
Je devrais donc sauter de joie devant le projet présenté par M. Mongin car, lorsque j'étais président de la RATP, j'ai initié Meteor, convaincu qu'une ligne transversale permettrait à la ligne A de ne pas exploser. Conscients des problèmes que posent les liaisons de banlieue à banlieue, nous avions même imaginé un périphérique en proche banlieue, dans le prolongement de Meteor, qui pourrait fonctionner 24 heures sur 24 – ligne que j'avais baptisée « Orbital ». Je devrais donc être satisfait.
Mais depuis, le Président de la République m'a confié une mission très ambitieuse sur le développement dans les prochaines décennies de la région capitale. L'enjeu est devenu celui de placer Paris, « ville monde », au sein d'une « région monde ». Les conséquences d'un tel projet, en matière de développement économique et de croissance, sont considérables.
Nous travaillons vite et silencieusement – je préfère, pour ma part, expliquer ce que nous avons fait lorsque nous avons atteint notre but. Au cours des derniers mois, j'ai ainsi reçu, de façon très confidentielle, un très grand nombre d'élus de la région parisienne. Le Paris du XIXe siècle a été construit en dix-neuf ans, et la région a mis neuf ans, au XXe siècle, pour être telle qu'elle est aujourd'hui : laissez-nous au moins neuf mois pour tenter l'élaborer une stratégie de développement ! Cela n'a pas été compris par la région qui va concrétiser son projet de SDRIF, dont je peux pourtant d'ores et déjà prévoir qu'il apparaîtra un peu court lorsque nous présenterons nos propres propositions.
Ne recommençons pas aujourd'hui la même erreur que lorsque, voilà quinze ans, nous n'avons pas réalisé notre projet : il ne faut pas faire ce qui aurait dû être fait il y a quinze ans sans tenir compte de ce qu'il faudra faire dans quinze ans !
À cet égard, un premier projet devrait aboutir cet automne. Déjà valable il y a vingt ans, il le sera plus encore dans dix ans : il s'agit du plateau de Saclay, sorte de Silicon Valley à la française. Le Président de la République se prononcera très prochainement sur ce point, et le Parlement, dont le rôle s'est considérablement accru, le validera. Un autre projet, au moins aussi important, sera prêt à la fin de l'année, comme je m'y suis engagé : il touche la région Nord de l'Île-de-France, qui s'étend de Paris à Roissy en s'élargissant au Val d'Oise et à la Seine-et-Marne. Il faut libérer ce territoire, qui est vraisemblablement l'un des moteurs économiques de la région et probablement l'un des plus puissants de France.
Dès le début de l'année prochaine, nous présenterons une esquisse générale de la région parisienne, comprenant un projet de schéma de transports. Celui-ci tiendra compte de tout ce qui a été dit ce matin, mais aussi du développement économique et social de la région.
Pour conclure, nous sommes favorables à l'article 13, qui évoque un « projet de rocade structurante par métro automatique », et nous espérons qu'il sera adopté par le Parlement.
Enfin, en matière de procédures, nous partageons le souci du Président de votre commission : celles-ci doivent être accélérées.
En matière de financements, nous manquons, au-delà de la définition des partenariats public-privé, de précisions. Or, nous aurons besoin de financements extérieurs aux financements traditionnels de l'État et des collectivités territoriales. Nous avons évalué à 33 milliards d'euros le montant des projets en cours, sachant qu'un seul de ces projets est structurant, celui de « Métrophérique ».
Monsieur le secrétaire d'État, la commission de l'aménagement du territoire ne peut que vous laisser le temps de concevoir avant de proposer, et je suis à votre disposition pour discuter du schéma de transports et de l'organisation de la région capitale.
En tant qu'élu d'une commune de banlieue de l'Est, il me semble souhaitable, à propos du « Grand Paris », de parler surtout de projets plutôt que de gouvernance. Le Métrophérique apparaît à cet égard comme le projet structurant des cinquante prochaines années : il permettra de relever le défi du développement durable, de répondre plus rapidement aux attentes des usagers, en particulier du RER A, et de développer ce que M. le secrétaire d'État a appelé une « région monde ».
L'association des collectivités locales de l'Est de Paris, dont je suis le référent pour les transports en commun, oeuvre afin qu'un consensus se forme autour des projets émergents. Je bataille pour ma part depuis plusieurs mois déjà pour que soit mise en oeuvre une opération d'intérêt national autour du projet du « Grand Paris », avec un interlocuteur unique et un statut dérogatoire.
Peut-être pourrions-nous également réfléchir à un « railphérique », qui permettrait, en cercles concentriques, de développer notre région et les régions voisines, éviterait les concurrences entre la RATP et la SNCF et relierait les projets dispersés qui figurent dans le contrat de projets État–région.
Il est en tout cas nécessaire, comme le président Ollier l'a fait remarquer, qu'une décision politique intervienne rapidement.
Monsieur Mongin, vous avez évoqué la ligne 14. S'agissant des deux ou trois lignes structurantes qui manquent dans Paris intra muros, ne serait-il pas plus simple et plus économique d'automatiser les lignes actuelles plutôt que d'en créer de nouvelles ?
Il y a vingt ans, les parkings d'intérêt régional apparaissaient comme une solution de report modal. Aujourd'hui, alors que les gares sont devenues attractives et que l'habitat est délocalisé par rapport aux lieux de travail, l'absence de clé de financement ou d'incitation pour de telles infrastructures est frappante.
Vous avez évoqué un partenariat public-privé sur cinquante ans. Une telle durée peut sembler quelque peu dissuasive pour l'épargnant. Je veux bien que nos concitoyens travaillent pour leurs enfants et leurs petits-enfants, mais bloquer pour autant leur épargne pour une durée aussi longue me semble peu réaliste.
Messieurs les ministres, la mise en oeuvre des projets que vous avez évoqués ne devrait-elle pas être l'occasion d'envisager une fusion entre la RATP et la SNCF ? Celle-ci mettrait fin aux concurrences, créerait une synergie et permettrait de disposer d'un bureau d'étude et d'une direction stratégique unique.
Quant aux péages urbains, nous avons examiné cette nuit en commission un amendement portant sur ce point, mais il me semble avoir compris ce matin que la loi sur le Grenelle de l'environnement ne contiendrait pas de disposition de ce type, dont dépend pourtant le financement de nombre d'infrastructures en Ile-de-France.
Pour reprendre à mon compte les propos du président Ollier, ne faut-il pas concevoir une rocade ferrée le long de la Francilienne, laquelle n'est toujours pas bouclée à l'Ouest ? N'est-il pas temps d'envisager, non pas un réemploi des infrastructures existantes, mais une véritable rocade ferroviaire qui donnerait du sens à l'aménagement du territoire et permettrait une réduction des gaz à effet de serre ?
Bien qu'élu parisien, je soutiens ce projet de « Métrophérique », tourné vers la banlieue, respectueux de nos engagements en matière de développement durable et à même de décongestionner nos transports. En effet, malgré de grands travaux, les transports parisiens demeurent « thrombosés ». La circulation routière dans la capitale est devenue un enfer organisé, conformément d'ailleurs aux voeux d'un adjoint au maire de Paris, les modifications de la circulation n'ayant pas été accompagnées d'une augmentation de l'offre de transports en commun.
Certes, le TMS est une très belle réalisation, avec de la pelouse au milieu des rails. Mais cette ligne ne permet pas de régler nos problèmes puisqu'elle se substitue simplement à la ligne PC, en ne faisant passer la capacité de transport que de 80 000 à 100 000 voyageurs, pour un coût – élevé – de 1 milliard d'euros.
L'État, aux côtés des collectivités locales, particulièrement Paris, ne devrait-il pas renforcer son engagement et son implication de façon que le projet de Métrophérique aboutisse le plus rapidement possible ?
Nous avons en effet examiné cette nuit un amendement du rapporteur permettant aux collectivités territoriales qui le souhaitent d'instaurer un péage urbain. J'espère cette démarche ira jusqu'au bout.
Monsieur Paternotte, la RATP a triplé depuis 2002 ses investissements annuels, pour atteindre 950 millions d'euros l'année dernière et un milliard cette année. Ces investissements sont affectés prioritairement à la densification des capacités de notre réseau souterrain. C'est ainsi que 4 000 places supplémentaires seront offertes en heure de pointe sur la branche Asnières-Genneviliers de la ligne 13, alors que l'ouverture de deux nouvelles stations a entraîné une hausse de la fréquentation de l'ordre de 2 500 usagers.
À la demande du Président de la République et en accord avec le Président de la région, nous avons par ailleurs mis en circulation des trains à deux étages sur la ligne A du RER, ce qui représente une augmentation de 30 % de la capacité de transport.
L'ensemble du personnel de la RATP se sent d'ailleurs investi d'une mission et s'efforce notamment d'améliorer l'information donnée aux voyageurs.
Pour autant, les capacités restent insuffisantes, ce qui justifie que certains puissent faire le choix de continuer de se déplacer en voiture. Ceux-là sont confrontés chaque jour au fait qu'il n'existe, en effet, aucun soutien à la création de parkings. Le projet de rocade devrait être l'occasion d'ouvrir des points d'arrêts pour les automobilistes, avec une tarification couplée au prix du billet.
S'agissant d'un partenariat public-privé, les épargnants français ne seront pas sollicités. Nous ne devrions avoir aucune difficulté à trouver des fonds provenant du monde entier pour un projet d'infrastructure situé dans la région parisienne et géré éventuellement par une entreprise de service public renommée. Cela dit, les calculs ont été arrêtés il y a trois mois dans des conditions de marché normales. Alors que nous vivons des turbulences financières inédites, je souhaite rester prudent.
Quant à la fusion entre la RATP et la SNCF, il ne m'appartient pas d'avoir un avis sur ce point. Nous nous efforçons de travailler en synergie, sous la houlette de M. Bussereau. Je vous confirme d'ailleurs que j'ai obtenu un accord pour que les conducteurs de la RATP dépassent la barrière de la Gare du Nord et conduisent des trains du RER B jusqu'à Roissy Charles-de-Gaulle.
Monsieur Paternotte, nous examinerons vos suggestions en fonction des évolutions du projet.
Les propositions vers lesquelles nous tendons ne sont pas inspirées du même raisonnement que certains élus qui s'appuient sur un « effet-accordéon ». Il est, en effet, financièrement impossible d'avoir une rocade rapprochée doublée d'une rocade plus éloignée. Le bouclement de la Francilienne est pour le moment un impératif, en particulier pour le Val d'Oise et la ville nouvelle de Cergy.
Le Gouvernement n'a pas inscrit la possibilité d'instaurer des péages urbains dans le texte sur le Grenelle. Je m'en étais expliqué devant cette commission. Cela étant, j'espère que nous pourrons travailler en coproduction législative sur ce sujet.
S'agissant de la fusion RATP SNCF, je ne crois pas qu'un réseau unifié serait la bonne réponse aux aspirations des Franciliens. Une complémentarité des entreprises est plus souhaitable. Celles-ci d'ailleurs évoluent. La RATP devra tenir compte des directives européennes et faire face à l'apparition d'opérateurs concurrents. Quant à la SNCF, elle me semble avoir pris conscience de l'existence de graves insuffisances et de la nécessité de renforcer son réseau francilien.
Les présidents des deux entreprises ont eu le courage, après un long travail social, de mettre fin à cette anomalie historique que constituait le changement de conducteurs sur la ligne B du RER. Cela a entraîné des mouvements sociaux, mais il fallait en terminer avec cette absurdité dont les seules victimes étaient les usagers.
L'échange auquel nous venons de procéder marque, je l'espère, le point de départ d'une aventure commune. Nous avons l'intention de faciliter votre travail et de faire aboutir plus rapidement ce projet. C'est la raison pour laquelle je proposerai de créer, comme nous l'avions fait pour le Grenelle de l'environnement, un comité de suivi, rassemblant des députés de sensibilités politiques différentes.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.