Le projet de la RATP s'inscrit pleinement dans la mission d'intérêt général de cet établissement public industriel et commercial de l'État.
Pour mener à bien la mission qui nous est confiée par le législateur et répondre à notre cahier des charges – assurer dans les meilleures conditions le service public du transport urbain en Île-de-France – nous devons être capables d'anticiper les besoins futurs des Franciliens, à la lumière de notre expertise technique et de ce que nous constatons chaque jour sur le terrain. C'est donc en qualité d'exploitant qui, aujourd'hui, rend également des comptes, dans un cadre contractuel, au STIF décentralisé, que je me présente devant vous. Je suis en mesure de présenter aux pouvoirs publics quelques propositions, sachant que le pilotage des investissements en Île-de-France relève d'une codécision entre l'État et la région.
J'évoquerai devant vous les défis auxquels nous sommes confrontés, la solution qui nous paraît aujourd'hui satisfaire au mieux les exigences de mobilité de nos concitoyens et enfin les moyens dont nous disposons.
L'Île-de-France est aujourd'hui confrontée à trois défis en matière de mobilité. Le premier est de faciliter l'accès aux transports collectifs, notamment en ce qui concerne les déplacements de banlieue à banlieue, qui constituent un enjeu essentiel pour les années à venir puisqu'ils représentent 70 % de la totalité des déplacements dans la région.
Depuis trente ans, le recours aux transports en commun a augmenté de 15 %, tandis que le recours à la voiture individuelle augmentait, lui, de 57 %. La raison de cet écart est que l'offre de transports est inégale et particulièrement insuffisante en banlieue. Ainsi, la part modale du transport collectif représente 64 % des déplacements réalisés à Paris, que ce soit en bus, en tramway ou en métro, mais elle chute à 23 % dans les trois départements de la petite couronne et à 10 % en grande couronne.
Le deuxième défi est de mettre fin à la saturation des réseaux. Sur plusieurs lignes de métro, le taux de charge, en 2006, dépassait 90 % – je vous rappelle que le taux de charge maximum autorisé est fixé à quatre personnes au mètre carré – voire 95 % pour trois d'entre elles, sachant que nous ne disposons pas, à infrastructure et matériels constants, de marges de manoeuvre pour augmenter le nombre de trains par heure.
Deux raisons expliquent cette saturation : d'une part, l'augmentation du trafic – ainsi, sur la ligne A du RER, le trafic journalier a augmenté de 23 % en dix ans et le nombre de journées durant lesquelles le trafic dépasse le million de voyageurs est de plus en plus important, ce qui en fait la ligne la plus dense du monde, avant Tokyo ; d'autre part, la configuration du réseau oblige les Franciliens qui vont de banlieue à banlieue par les transports publics à traverser Paris, même s'ils ne s'y arrêtent pas : c'est le cas de 20 à 25 % des utilisateurs de la fameuse ligne 13 qui traversent Paris aux heures de pointe.
Le troisième défi est la lutte contre le changement climatique : en effet, encourager le report modal, c'est réduire les émissions de gaz à effet de serre pour l'ensemble de l'agglomération.
Les Franciliens réalisent chaque jour près de 35 millions de déplacements et parcourent de l'ordre de 176 millions de kilomètres, dont 100 millions en voiture. Ces déplacements sont à l'origine de 23 kilotonnes équivalent CO2 par jour, soit 15 % des émissions de gaz à effet de serre de la région. En utilisant le réseau dense du métro, qui fonctionne grâce à une énergie non carbonée, un Parisien, dans le cadre de ses déplacements, génère quotidiennement deux fois moins de rejets de gaz à effet de serre qu'un habitant de la petite couronne et trois fois moins qu'un habitant de la grande couronne.
Pour relever ces défis, avec l'État et les élus, nous soutenons un projet de rocade métro en proche couronne, que nous avons appelé « Métrophérique ». Ce projet répond à cinq principes : relier toutes les lignes de métro, RER et tramway qui sortent de Paris ; privilégier un mode lourd, régulier, structurant sans créer une nouvelle muraille territoriale comme le périphérique – c'est pourquoi nous avons opté pour un métro automatique souterrain, avec des stations éloignées d'un kilomètre en moyenne ; offrir en première couronne un réseau comparable à celui de Paris ; assurer à la deuxième couronne un maillage territorial ; permettre l'implantation régulière de stations et la présence d'un grand nombre de parkings.
Ce projet complète harmonieusement la nouvelle offre de transports prévue dans le contrat de projets État-région : en effet, la RATP s'apprête à construire en Île-de-France cinquante kilomètres de tramway, qui partiront tous de la petite couronne et relieront demain Châtillon à Vélizy-Viroflay, Saint-Denis à Sarcelles, Saint-Denis à Épinay et Villetaneuse. S'y ajoutent la liaison entre Villejuif et Athis-Mons – et demain Juvisy – en passant par Orly et le prolongement des T1 et T2.
Enfin, cette nouvelle rocade devra s'articuler avec des liaisons directes vers les autres pôles de développement de la région Île-de-France que sont Roissy, le plateau de Saclay et Orly, indépendamment de ceux qui pourraient être concernés par le projet, à savoir La Plaine-Saint-Denis, en plein essor, la Défense, Val-de-Fontenay, ou encore la vallée scientifique de la Bièvre.
Cela aurait quatre résultats immédiats : avec une capacité d'un million de voyageurs par jour, la rocade mettrait fin à la saturation du métro, que 4,5 millions de voyageurs utilisent chaque jour ; avec 160 000 véhicules par jour en moins en Île-de-France, elle réduirait d'environ 100 000 à 200 000 tonnes les émissions de CO2 ; en rapprochant les lieux de vie des lieux de travail, elle permettrait aux usagers des transports de gagner environ 20 minutes par jour ; en valorisant les territoires, elle favoriserait le développement du logement et de l'économie. Quant au chantier, il entraînerait la création nette de 3 000 à 5 000 emplois, sans compter les emplois induits, pendant cinq ans.
J'en viens aux investissements nécessaires. Aux 6 milliards d'euros hors taxes d'investissement initial – infrastructures et équipements du système de transport –, soit un ratio estimé en 2007 à 100 millions d'euros hors taxes pour un kilomètre, il faut ajouter 15 millions d'euros hors taxes au kilomètre pour le matériel roulant, ce qui représente un coût total de 900 millions d'euros.
Dans le cas d'un partenariat public-privé sur une durée de cinquante ans, la contribution publique annuelle devrait se situer dans une fourchette comprise entre 550 et 600 millions d'euros, ce qui représente 8 à 8,5 % du budget annuel du STIF – qui s'élève à 7 milliards d'euros. Le délai technique incompressible des travaux est de sept ans, sous réserve d'optimiser tous les éléments du projet et de disposer d'une maîtrise d'ouvrage structurée et particulièrement vigilante. Cela dit, les conditions économiques et la croissance de notre pays devraient nous permettre, à l'horizon de sept à dix ans, de trouver les 500 à 600 millions d'euros nécessaires chaque année dans le budget du STIF.
Pour conclure, je me réjouis de voir figurer dans l'article 13 du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement le principe d'un projet de rocade métro en région parisienne. Il est fondamental que ce premier acte législatif soit suivi d'autres décisions sur le même sujet. Mais pour qu'un projet de cette importance puisse être réalisé dans les délais souhaités par la population de la région, il sera nécessaire, comme le souhaite le Président de la commission, de simplifier les procédures.
Je vois deux grandes étapes pour la réalisation du projet : tout d'abord, il faudra organiser un débat approfondi et démocratique afin de parvenir à un consensus – la RATP étant à la disposition des pouvoirs publics, en étroite collaboration avec le STIF ; ensuite, une décision devra être prise, après déclaration d'utilité publique, par le Parlement, ce qui lui donnera la force juridique et politique nécessaire et évitera les recours procéduriers qui accompagnent trop souvent de tels projets.