Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 28 juin 2011 à 15h00

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Algérie-France du Conseil de la nation de la République algérienne, démocratique et populaire conduite par sa présidente, Mme Zohra Bitat. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Monsieur le ministre, l'agriculture française va mal. La France a perdu sa place historique de première puissance agricole en Europe au profit de l'Allemagne. Près de 20 000 exploitations disparaissent chaque année, ce qui n'empêche pas les revenus des agriculteurs de s'effondrer, de 20 % en 2008 et même de 34 % en 2009. Les conséquences sont là : 40 000 demandes de RSA en 2009 et un taux de suicide trois fois plus important que celui de la moyenne nationale.

Ces constats ne sont pas la conséquence de la sécheresse, mais l'unique résultat d'une politique partisane qui consacre le marché-roi. Les agriculteurs sont livrés à un système toujours plus dérégulé et aussi peu transparent. L'accord du G20 agricole ne contraint pas les États à agir contre la volatilité des prix, et il a édulcoré le paragraphe sur la régulation des marchés !

Dès lors, quand vient s'ajouter à cette crise durable un sinistre climatique de l'ampleur que connaissent aujourd'hui plus des deux tiers des départements français, c'est d'une cause nationale qu'il est question : il en va de la survie de milliers d'exploitations, avec des conséquences en chaîne sur l'emploi et la désertification rurale.

Les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur des attentes du monde agricole et de ses acteurs. Elles n'y suffiront pas ; tous les exploitants rencontrés nous le rappellent chaque jour. C'est aujourd'hui d'un vaste plan de soutien financier à l'agriculture que celle-ci a besoin : pour permettre aux trésoreries de se reconstituer, pour assurer le financement de la prochaine année culturale, pour financer la reconstitution des cheptels abattus pour cause de sécheresse. À défaut de mesures de ce type, il ne restera plus que la protection de la justice aux nombreux agriculteurs en cessation de paiements.

C'est parce que les socialistes ont une autre vision de l'agriculture et du soutien qu'il faut apporter aux agriculteurs que je vous demande, monsieur le ministre, si le Gouvernement est prêt à envisager un réel plan de soutien financier à l'agriculture, comme il l'a fait pour sauver le système bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

MonsieurJean-Michel Clément, je partage votre analyse sur la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les exploitants agricoles français à la suite de l'épisode de sécheresse.

Mais je veux vous dire des choses très simples.

Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement ont répondu présents en débloquant un plan de soutien à l'élevage sous forme d'exonération de taxes (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.), de report d'intérêts d'emprunt et de suppression de cotisations pour la MSA, ce qui permet à ces agriculteurs de passer ce moment difficile. Si nous devions, en septembre, constater que des mesures complémentaires sont nécessaires pour les éleveurs, nous répondrions présents, comme nous avons répondu présents depuis la fin du mois d'avril, comme nous l'avons fait avec le plan de Poligny lorsque l'agriculture française traversait sa crise la plus grave depuis une trentaine d'années.

Mais, au-delà de ces mesures conjoncturelles, la réalité, c'est que notre agriculture a besoin d'un cap et de perspectives. Des mesures de transformation en profondeur ont été engagées grâce à cette majorité. Depuis des années, elles étaient nécessaires, elles étaient attendues. Ces mesures tiennent en trois mots : à l'échelle nationale, c'est la compétitivité car notre agriculture a besoin de la retrouver pour arrêter de se faire prendre des parts de marché par nos grands voisins, qu'ils soient italiens, espagnols ou allemands ; le deuxième mot-clef, c'est la régulation européenne des marchés, et ne dites pas qu'elle n'existe pas car elle est désormais inscrite dans tous les textes communautaires depuis que la France a repris le leadership agricole européen (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), elle fait partie de la nouvelle perspective de la politique agricole commune – ce que vous et vos collègues socialistes n'avez pas su faire, nous l'avons fait – ; quant à la gouvernance mondiale, pour la première fois, les vingt États les plus puissants de la planète, le G20, ont approuvé la semaine dernière un accord sur l'avenir de l'agriculture mondiale. Cette majorité peut être fière d'avoir obtenu un tel accord au niveau du G20, c'est-à-dire au niveau des pays les plus importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Hier, le Président de la République a présenté aux Français les principales orientations du programme « Investissements d'avenir », piloté par le remarquable commissaire général à l'investissement René Ricol, sous l'autorité du Premier ministre.

Près de 1 600 projets ont été expertisés par un jury international indépendant, composé de scientifiques et d'experts internationaux. Un quart d'entre eux a été retenu pour recevoir des financements. Ainsi, près de 60 % de l'enveloppe de 35 milliards d'euros que nous avions votée il y a seulement quinze mois devrait être débloquée avant la fin de l'année.

Au-delà de l'argent investi ou prêté par l'État, ces projets sont toujours cofinancés par des collectivités, par des établissements publics ou même par des entreprises. L'effet de levier permet de soutenir le développement de près de 1 700 entreprises sur notre territoire, avec des répercussions très significatives sur l'emploi qualifié. Il est aussi déterminant pour l'avenir de nos universités, auxquelles je vous sais attachée.

La France doit ainsi reprendre sa part dans l'innovation mondiale et les grands marchés de demain sur les énergies durables, les biotechnologies, le numérique et l'avionique. Au passage, donnons un grand coup de chapeau à Airbus.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont les étapes qui vont permettre le déblocage effectif des fonds et quels sont les principaux secteurs concernés ? Qu'attendez-vous de ces investissements en termes de croissance et d'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Olivier Carré, il y a deux ans, au plus fort de la crise économique, le Président de la République a fait un choix tout simplement visionnaire, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celui d'investir 35 milliards d'euros pour préparer l'avenir de notre pays...

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

… en affichant trois ambitions.

La première est de faire émerger dix grandes universités à visibilité mondiale dans notre pays.

La deuxième est de répondre aux défis sociétaux du XXIe siècle, à commencer par celui de l'énergie que vous avez évoqué, monsieur le député, en développant les énergies du futur, les biocarburants, l'éolien, le photovoltaïque, les énergies marines, mais aussi la sûreté nucléaire. En matière de santé, il s'agit d'investir dans une demi-douzaine d'instituts hospitalo-universitaires, dans des domaines aussi divers que la chirurgie, les virus, la cardiologie, ou demain le cancer.

La troisième ambition est de sortir renforcés de la crise, en construisant les filières industrielles du futur dans chacun de nos territoires : le ferroviaire à Valenciennes, l'aéronautique à Toulouse, la nanoélectronique à Grenoble, les matériaux à Nantes ou en Lorraine. Ce sont les technologies du futur qui créeront des milliers d'emplois demain.

Les investissements d'avenir visent à faire de la France un grand pays d'innovation dans un monde qui bouge, qui est ouvert. Une France qui innove et qui crée, c'est tout le contraire du programme du parti socialiste, qui a fait le choix de l'immobilisme et du repli. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'intérieur.

Hier encore, une opération de police a eu lieu à Sevran contre le trafic de drogue. Cette ville subit la crise urbaine et sociale et, comme d'autres, l'impitoyable sélection des territoires. Aucun renoncement n'est possible dans la lutte contre les réseaux mafieux. Les Sevranais ont le droit de vivre en sécurité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que les forces de l'ordre resteront en permanence dans ce secteur, jusqu'à ce que les trafiquants soient mis hors d'état de nuire ?

Cela dit, ces violences n'autorisent pas les surenchères. Sevran n'est ni une zone de non-droit, ni un terrain d'opérations militaires. Sevran n'est pas une ville à part, mais une ville à part entière, dynamique, créative et solidaire.

Ses habitants en ont assez des caricatures. Comment la ville se relèvera-t-elle d'une telle stigmatisation ? Les Sevranais n'ont pas besoin de l'armée, mais avant tout d'emplois pour les 20 % de jeunes au chômage. Leur urgence : de meilleurs salaires et plus de justice sociale.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué une reconquête de Sevran incluant un volet social. Fort bien. Mais parlons-nous de la même chose ?

Cette semaine, je vous remettrai un mémorandum proposant des mesures d'urgence pour Sevran dont celles-ci : l'arrêt des fermetures de classe et des réductions d'effectifs d'enseignants ; le lancement de la deuxième phase de rénovation urbaine ; le maintien des postes menacés au Pôle emploi ; un plan de prévention des addictions, de soutien à la médecine scolaire et d'aide à l'installation de pédopsychiatres ; la refonte totale d'une fiscalité locale injuste afin d'alléger les impôts des Sevranais.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Les Sevranais attendent des actes forts visant à mettre fin à ces discriminations territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur Asensi, les événements qui ont eu lieu à Sevran le 1er juin ont remis en lumière le fait que Sevran était aux mains des mafias de la drogue. Votre combat contre la drogue est aussi celui du Gouvernement, qui ne laissera pas cette situation perdurer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les enfants des écoles maternelles n'ont pas à être privés de récréation parce que des voyous se tirent dessus à 300 mètres de l'école. Les voyous doivent, au contraire, être déférés à la justice et conduits en prison. Le Gouvernement veut rendre la tranquillité aux habitants de Sevran. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Il le fera en menant trois types d'action.

D'abord en restaurant l'ordre républicain. (« Dix ans ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez raison, monsieur Asensi : il n'appartient pas à l'armée de restaurer l'ordre républicain dans un pays démocratique ; c'est une mission de la police !

J'ai mis en place des fonctionnaires de compagnies républicaines de sécurité supplémentaires ; ils resteront tout le temps nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à ce que les mafias aient été éradiquées. Vous étiez avec moi à Sevran. J'ai eu la grande satisfaction d'entendre les habitants me dire : voici vingt ans que nous n'avons pas été aussi tranquilles.

Deuxième volet : une action de police judiciaire. Le garde des sceaux a mis au point une action spécifique avec un procureur spécialisé. Depuis, il y a des interpellations chaque jour : treize entre hier et avant-hier, la saisie d'armes et de quantités considérables d'argent et de drogue.

Troisième volet : une reconquête urbaine. Il y a beaucoup à faire à Sevran. Cette reconquête passe par toutes les dimensions de l'action publique que vous avez énumérées : l'éducation, l'emploi, la rénovation urbaine, la lutte contre les addictions et contre le chômage.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

À cet égard, je signale qu'en termes de finances publiques, les ressources de Sevran ont vu la dotation de solidarité urbaine augmenter de 75 % depuis 2006. Nous continuerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe le président François Sauvadet et les députés du groupe Nouveau Centre, s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Durant des années, les centristes ont milité pour la mise en place d'un Observatoire des prix et des marges pour plus de transparence dans la formation des prix des produits alimentaires. Le premier rapport de l'Observatoire met clairement en évidence la responsabilité de la grande distribution dans la hausse des prix à la caisse pour les consommateurs et dans la baisse constante des revenus des agriculteurs.

La marge des distributeurs oscille entre 35 % pour le melon et 59 % pour la pomme. Sur le litre de lait UHT vendu 70 centimes en rayon, la grande distribution gagne 15 centimes, soit 25 % de la marge brute. Pendant ce temps, les agriculteurs meurent à petit feu et les consommateurs sont priés de mettre la main au porte-monnaie : ce n'est pas tenable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Pour le Nouveau Centre, les agriculteurs ne doivent plus être considérés comme une variable d'ajustement par les intermédiaires qui fixent le prix de manière unilatérale. Ils doivent au contraire retrouver toute leur place dans le processus de formation du prix. Quant aux consommateurs, ils ont le droit de savoir comment sont fixés les prix et quelles sont les marges pratiquées par les distributeurs et par l'ensemble des acteurs des différentes filières.

Monsieur le ministre, si ce premier rapport constitue un progrès indéniable dans la connaissance des marges brutes, il reste à faire toute la lumière sur les marges nettes. En effet, si les éléments semblent clairs du côté des industriels et des agriculteurs, les distributeurs se sont montrés réticents à la transmission d'informations sur la formation de la marge nette. Monsieur le ministre, quelles suites seront données à ce rapport ? Les députés centristes appellent à plus de transparence sur les marges commerciales et sur le partage de la valeur ajoutée. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le député, la transparence sur les marges en matière de prix alimentaires, qu'ont en effet demandée les députés centristes, c'est cette majorité qui l'a faite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Frédéric Lefebvre et moi-même avons mis en place, il y a quelques mois, un Observatoire des prix et des marges qui vient de rendre un rapport de plus de 200 pages, très complet, qui établit des faits très clairs.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Le plus clair, c'est que, pour un certain nombre de produits alimentaires, la grande distribution dégage des marges excessives. Il n'est pas normal, par exemple, que les marges soient aussi importantes pour le lait. Il n'est pas normal que, pour une tranche de jambon, la moitié de la marge soit empochée par les distributeurs.

Les distributeurs me disent qu'il ne s'agit que de la marge brute. Dans ce cas, qu'ils me communiquent les chiffres de la marge nette qu'ils refusent de nous donner depuis des mois, et nous ferons une transparence totale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je demande donc aux distributeurs de faire la transparence totale sur les marges nettes en matière de produits alimentaires. Je leur demande d'appliquer l'accord du 3 mai, qu'ils ont tous signé, et qui prévoit que, lorsque les coûts de production augmentent, notamment pour l'élevage, les filières se rassemblent pour répercuter l'augmentation et payer plus correctement aux éleveurs le prix du kilo de viande qu'ils produisent. Cela doit être fait rapidement.

Je souhaite également que nous mettions fin aux relations conflictuelles entre producteurs, distributeurs et industriels, que nous connaissons depuis des années dans les filières agricoles. Elles ne sont dans l'intérêt de personne. Il faut renouer le dialogue, apprendre à négocier de manière plus régulière et plus fluide, comme le font nos voisins allemands.

Enfin, depuis plus de deux ans, nous nous sommes engagés dans la nouvelle organisation des filières agricoles. Des producteurs forts, organisés, cohérents, pèseront plus sur la formation des prix face à la grande distribution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je ferai comme s'il était présent. Le 25 mai dernier, les propos scandaleux, tronqués, du ministre de l'intérieur sur l'échec scolaire des enfants d'immigrés m'avaient conduit à l'interpeller dans cet hémicycle au nom de mes collègues, des associations et de l'ensemble des citoyens et de leurs enfants choqués qu'un ministre de la République puisse pratiquer de tels raccourcis. Cette fois, je ne souhaite plus dialoguer avec le ministre du mensonge et m'adresse donc au Premier ministre. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alors que, droit dans ses bottes, le ministre légitimait ses déclarations sur l'échec scolaire des enfants d'immigrés en invoquant des statistiques de l'INSEE (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP), voici que, après s'y être refusé sous la pression de son ministère de tutelle, le directeur général de cette institution, Jean-Philippe Cotis, a réfuté les chiffres annoncés. (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je voudrais dire à M. Delcourt que, ici, nous devons d'abord le respect aux uns et aux autres. Je demande en même temps à la majorité de laisser parler dans le calme ceux qui posent une question.

Vous avez la parole, monsieur Delcourt, en respectant quelques règles.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Monsieur le président, quand on ment, on ment ! (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd'hui, le Gouvernement ne peut jeter le discrédit sur les chiffres et sur l'analyse de l'INSEE, puisqu'une note de l'éducation nationale de septembre dernier s'appuie sur ces données pour confirmer que, « à caractéristiques comparables, les enfants d'immigrés obtiennent plus souvent le baccalauréat que les autres jeunes ». À la suite de la publication de ces vérités chiffrées, les syndicats, les associations antiracistes et de défense des droits des immigrés, et de nombreux citoyens s'insurgent, dénonçant ces propos stigmatisants, faisant part de leur indignation face à tant de populisme nationaliste. J'en appelle aux associations défenseures des droits à saisir la justice, j'en appelle aux députés européens de gauche à saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour discrimination et délit de faciès contre des enfants dont certains sont français de quatrième génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Que faudra-t-il de plus pour que M. Guéant se décide enfin à reconnaître l'inexactitude et l'irresponsabilité de ses propos ? (Mmes et MM. les membres du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous appelle toujours à la mesure. La démocratie, c'est le respect et la mesure.

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le député Guy Delcourt, je vous le disais voici quelques semaines, il y a plusieurs façons de faire de la politique. Il y a la vôtre, qui consiste à fermer les yeux et à ne pas traiter les problèmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est ce que vous avez fait il n'y a pas si longtemps avec la délinquance des mineurs, dont le parti socialiste s'évertuait même à nier l'existence, et c'est ce que vous faites aujourd'hui avec l'intégration. Et il y a notre façon, qui est d'ouvrir les yeux pour traiter les problèmes et leur apporter des réponses. Le courage, c'est d'ouvrir les yeux. Il y a l'approche consistant à entretenir des polémiques sur des statistiques…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vous !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…en sachant très bien que, à partir des mêmes statistiques, on peut tirer des conclusions multiples, et celle qui consiste à distinguer l'essentiel de l'accessoire. L'essentiel, monsieur Delcourt, c'est que l'intégration ne fonctionne pas aussi bien dans notre pays qu'on l'affirme généralement. Et c'est bien ce que dit le communiqué que l'INSEE a publié hier et qui signale que « les enfants des familles immigrées sortent presque deux fois plus souvent du système éducatifsans qualifications que les autres ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dire cela, ce n'est pas stigmatiser, mais dénoncer une situation qui est préoccupante pour des enfants qui ne voient pas la chance leur sourire. (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Dire cela, c'est dénoncer une injustice : les enfants de l'immigration ont le droit de réussir et le ministère de l'intérieur fait ce qu'il faut, avec ses moyens, pour faire en sorte qu'ils apprennent le français et trouvent le chemin de la réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je dénonce aussi une situation qui est grave du point de vue de la cohésion sociale. Avoir, en France, des communautés qui ne réussissent pas, c'est rompre l'harmonie du tissu social que, tous, nous voulons.

Comme d'habitude, vous énoncez des principes. Heureusement que nous sommes là pour les mettre en oeuvre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Il est tout à fait choquant d'entendre des propos aussi insultants que ceux qui viennent d'être tenus. Ils justifieraient que leurs auteurs présentent des excuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. J'y associe mes collègues Jean-Pierre Decool et Sauveur Gandolfi-Scheit, très investis sur ce sujet. Ma question porte effectivement sur la thématique de l'amiante, plus particulièrement sur le projet de réforme de la gouvernance du FIVA.

Nous avons tous été informés, monsieur le ministre, d'un projet de décret modifiant la composition du conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Il s'agirait de mettre à la présidence dudit conseil un membre du Conseil d'État à la place d'un magistrat de la Cour de Cassation et d'augmenter la représentation des employeurs.

Si cela se confirmait, ces changements donneraient aux représentants des employeurs une majorité automatique et leur permettraient ainsi de décider seuls des indemnisations accordées aux victimes, sans même avoir à s'en justifier. Un tel projet ne peut, monsieur le ministre, que susciter le vif mécontentement des victimes de l'amiante, qui craignent, à juste titre, que ces changements n'entraînent une baisse de l'indemnisation accordée aux travailleurs souffrant de pathologies professionnelles.

En tant que rapporteur de la branche accidents du travail et maladies professionnels lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, je suis assez surpris de cette information. Je tiens aussi à relayer l'inquiétude profonde des victimes et de leurs familles, troublées à l'idée de cette remise en cause de l'indispensable équilibre de la gouvernance du FIVA.

Monsieur le ministre, je sais votre attachement à cette question et votre engagement plein et entier sur ce sujet. Pouvez-vous nous rappeler les mesures engagées par le Gouvernement en faveur des victimes de l'amiante et rétablir ainsi certaines vérités sur les propos mensongers véhiculés par l'opinion et par l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, que les choses soient claires : il n'y aura aucun changement dans le rapport de représentation au sein du conseil d'administration du FIVA. Que les choses soient donc très claires ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il y a bien un projet de décret, mais il n'y aura pas de modification de la représentation, disons, des forces en présence. D'ailleurs, le projet a été soumis aux organisations syndicales et professionnelles le 21 juin dernier, dans le cadre de la commission des maladies professionnelles et des accidents du travail, et elles n'ont pas émis d'avis défavorable.

Il y a cependant un point sur lequel je veux être très clair : la question de la présidence du conseil d'administration, au sein duquel – c'est vrai – sont discutées les différentes orientations.

Il sera possible de choisir entre un représentant de la Cour de cassation et un membre du Conseil d'État ou de la Cour des comptes. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que, même si le FIVA n'est pas une juridiction de première instance – c'est un établissement public administratif –, sa présidence est quasiment devenue une fonction à plein temps, et nous ne pouvons pas, aujourd'hui, garantir qu'un seul membre de la Cour de cassation aura toute disponibilité pour l'exercer. Il s'agit juste de cela.

S'agissant de la question de l'indépendance, je ne saurais laisser quiconque mettre en cause le rôle du Conseil d'État. N'oublions pas que c'est lui qui, en 2004, a reconnu la responsabilité de l'État dans le drame de l'amiante. Il est important de le préciser.

Je veux aussi rappeler que, en cette matière, le Gouvernement et la majorité ont toujours été au rendez-vous de la responsabilité. Vous-même l'avez montré, monsieur le député, en tant que rapporteur du PLFSS, et je veux particulièrement saluer l'action de nombreux parlementaires de la majorité, au premier rang desquels Jean-Pierre Decool, élu d'une région où, nous le savons, l'amiante a beaucoup été utilisé. C'est d'ailleurs notre majorité qui a permis d'allonger le délai de prescription pour la reconnaissance du préjudice, le faisant passer de quatre à dix années.

Il importait de remettre les pendules à l'heure et aussi de reconnaître à la majorité l'action qui a été la sienne en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Monsieur le ministre de l'industrie, en 2003, l'État a laissé sans réagir le groupe canadien Alcan s'emparer de Pechiney, alors fleuron de l'industrie française. C'est pour éviter qu'un tel cas de figure ne se renouvelle dans des entreprises stratégiques, que le Gouvernement a créé en 2008 le FSI, le Fonds stratégique d'investissement.

Revanche de l'histoire, en janvier 2011, le FSI a acquis 10 % du capital d'Alcan EP, regroupant les activités aluminium de l'ex-Pechiney. En contrepartie, le FSI a obtenu des engagements sur la pérennité des sites français.

Pourtant, le 22 février dernier, Alcan EP, devenu depuis lors Constellium, a annoncé 127 suppressions d'emploi sur le site de Ham, dans la Somme, et une baisse drastique des capacités de production. La direction présente ce plan comme la seule chance de sauver le site. Or l'expertise réalisée dans le cadre du plan social démontre très clairement qu'il n'est pas viable et que l'usine de Ham et de nombreux sous-traitants sont condamnés à court terme.

Un plan alternatif de reprise des trois sites français, préservant l'emploi, a été présenté à la direction de Constellium par un fonds d'investissement sérieux et réputé. La direction l'a sèchement repoussé tout en ne faisant pas mystère de sa volonté de vendre cette activité à un meilleur prix dans quelques années, quand la mariée sera plus belle.

Monsieur le ministre, je le répète, l'État est dans le capital de cette entreprise, via le FSI. Il siège donc à son conseil d'administration, et l'on se doit de réagir. Qui ne dit mot consent, et, si l'on consent, cela veut dire que l'engagement de pérenniser les sites français n'aura été qu'un leurre et que nous l'acceptons ! Cela veut aussi dire que le démantèlement de cette industrie continuera impunément.

Trois cent familles sont aujourd'hui concernées et attendent une réponse claire à cette question : allez-vous, en tant qu'actionnaire, taper du poing sur la table et exiger que ce plan de reprise soit étudié sérieusement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député, vous savez combien l'administration de Bercy, mon cabinet et moi-même sommes mobilisés sur ce dossier à propos duquel vous nous sollicitez extrêmement régulièrement.

Sur le fond, le groupe Alcan EP, rebaptisé Constellium, emploie 5 000 salariés dans notre pays, répartis sur neuf sites. Le groupe connaît – vous l'avez signalé – des difficultés sur un site, le site de Ham et ses activités d'extrusion. Ces difficultés l'ont conduit à demander une restructuration du site en question, avec 100 suppressions de poste et 27 redéploiements.

Comme vous venez, monsieur le député, de le rappeler, vous avez soutenu un plan de reprise qui a été refusé par le groupe Constellium. Je vous le dis très franchement : le ministre de l'industrie que je suis, même après vous avoir entendu, n'a pas les moyens d'imposer – et, au demeurant, ne souhaite pas imposer – à un groupe privé un plan de reprise qui consiste à l'obliger à vendre trois sites sur neuf et à accepter des licenciements – parce qu'il y avait des licenciements dans ce plan – et qui a été jugé non crédible par beaucoup d'observateurs, dont un actionnaire que vous avez cité.

Concrètement, que faisons-nous ? Nous ne sommes ni silencieux ni inactifs et nous discutons en permanence avec le groupe Constellium pour essayer d'atténuer l'impact du plan de restructuration sur le site qui vous est cher – nous y arrivons, je vous le dis, et vous le savez – et pour redynamiser le bassin. Par ailleurs, l'entrée du FSI au capital de ce groupe, comme l'indique le nom du FSI, est stratégique : ce groupe a de belles perspectives de déploiement en France. Nous parlons de 100 salariés sur un total de 5 000, nous avons des possibilités importantes et l'État est extrêmement mobilisé, mais nous ne sommes pas en situation d'imposer un plan de reprise qui n'a pas été jugé crédible. J'en suis désolé, mais, si nous sommes dans l'action, nous ne pouvons pas imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Elle fait suite à la manifestation nationale de ce matin et j'y associe naturellement tous mes collègues des bassins miniers.

Par simple décret, faisant fi de toute consultation parlementaire, vous vous apprêtez à détruire le régime minier. Je rappelle que ce régime spécial de sécurité sociale a ouvert son réseau de soins à toute la population, notamment en zone rurale, permettant ainsi de pallier les carences de l'État, incapable de maintenir des professionnels de santé dans certains secteurs.

Concrètement, cela signifie, par exemple, que dans les cantons des Cévennes minières, les médecins de la CARMI, comme on les appelle, représentent un tiers de l'effectif des praticiens assurant la permanence des soins la nuit, le week-end et les jours fériés.

Il faut que les Français sachent que le régime minier propose une offre de santé globale, accessible à tous. Si les affiliés de ce régime spécial bénéficient toujours de la gratuité des soins, les professionnels de santé exercent en secteur 1, sans aucun dépassement d'honoraires pour les autres Français.

Il comporte également des services de soins à domicile ou encore des pharmacies reversant leurs excédents aux différentes structures minières.

Il s'agit donc d'une offre dynamique, souvent innovante, qui gère des établissements sanitaires et sociaux, des centres de vaccination et des « maisons des aidants » soutenant l'entourage de patients atteints de la maladie d'Alzheimer.

Ce réseau sanitaire totalement intégré, dispense une médecine et des prestations de qualité régulièrement sollicitées par les acteurs locaux, comme les EHPAD – les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Dans ces conditions, et compte tenu des problèmes que nous rencontrons dans beaucoup de zones rurales pour maintenir des médecins, je m'élève, avec mes collègues, contre ce décret signant l'arrêt de mort d'une offre de soins pluridisciplinaire qui supprimera 6 200 emplois.

Monsieur le ministre, vous avez choisi délibérément la voie du décret. Ne pensez-vous pas qu'un projet de loi soumis à l'approbation des élus du peuple serait plus juste et équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avec la démagogie dont vous faites preuve, monsieur le député, nous ne serions pas déçus dans le cadre d'un débat parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On peut vous faire confiance, on n'est jamais déçus en la matière ! N'y a-t-il pas eu de consultation parlementaire ? Et le rapport d'Yves Bur, qui dit les choses très clairement ? Vous n'en avez pas pris connaissance ou vous ne voulez pas en parler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous en parliez, vous pourriez expliquer que le régime des mineurs ne pourra pas être préservé si l'on n'agit pas. Mais je sais bien que le meilleur des systèmes, pour le parti socialiste,est de ne jamais rien faire, de ne jamais prendre ses responsabilités et de laisser à d'autres le courage de faire les réformes ! (Mêmes mouvements.)

Pour ce qui nous concerne, nous allons garantir le régime. Nous allons garantir le statut des personnels. Nous allons même compenser la suppression de l'article 2-2.b. Voilà ce que nous allons faire !

Vous, vous ne l'aviez pas dit, comme vous n'avez pas dit, d'ailleurs, comment vous comptiez faire pour réparer les manquements de Mme Guigou qui, à l'époque, n'a jamais revalorisé les mineurs les plus anciens. (Huées sur les bancs du groupe UMP. - Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jamais vous ne l'avez fait ! C'est nous qui allons le faire. Vous pourriez tout de même, sur ce sujet, faire preuve d'un peu plus de responsabilité !

Nous allons, de plus, adosser ce régime au régime général. Si vous avez une meilleure garantie que le régime général, vous me ferez signe…Mais moi, je ne laisserai pas disparaître le régime minier par inaction, par abstention ou par manque de courage. Ça, c'est la marque de fabrique du parti socialiste, ce n'est pas celle de cette majorité ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Menteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.

Le salon aéronautique du Bourget, qui se tient tous les deux ans, a fermé ses portes ce week-end et a battu des records d'affluence. C'est un triple succès !

Succès populaire, qui a montré l'intérêt des Français pour leur industrie et ses prouesses technologiques.

Succès commercial : l'avionneur européen Airbus a enregistré un niveau record de commandes pour un montant total de 72,2 milliards de dollars. Il a notamment signé un contrat gigantesque avec la compagnie à bas coûts malaisienne AirAsia portant sur 200 exemplaires de son moyen-courrier, l'A320 NEO.

Succès industriel, car, à côté des grandes sociétés aéronautiques, il existe tout un tissu de sociétés industrielles sur l'ensemble de notre territoire, qui, sous-traitantes ou spécialistes de tel ou tel créneau, participent à l'aventure aéronautique, avec des dizaines de milliers d'emplois.

De plus, ce salon a offert une nouvelle fois l'occasion unique de faire le point sur l'évolution des techniques et des matériels en service ou en préparation dans toutes les armées du monde. À cet égard, nous pouvons être fiers des positions tenues par nos industriels.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner votre avis sur le bilan exceptionnel de ce salon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, secrétaire d'état chargé des transports

Vous avez raison, monsieur le député, cette quarante-neuvième édition du Salon du Bourget a obtenu des résultats exceptionnels à un triple titre : commercial, industriel et populaire.

Le succès commercial concerne l'ensemble de la filière aéronautique. Vous avez rappelé le record de 730 commandes signées par Airbus. Il faut aussi souligner les brillants résultats commerciaux d'ATR, qui présentait son dernier-né, ainsi que les résultats de SAFRAN, notamment au travers du motoriste CFM, qui équipera la très grande partie des A 320 NEO, commandés à l'occasion de ce salon.

Vous avez également raison de rappeler, monsieur le député, que ces contrats concernent l'ensemble du tissu industriel français. De nombreux sous-traitants peuvent se réjouir de ces succès qui représentent pour l'avenir de nombreux emplois. Je souhaite rappeler à quel point ces contrats confortent nos exportations et soulignent le savoir-faire de nos industries.

Cette édition était effectivement un cru exceptionnel, qui confirme la reprise économique constatée dans le secteur du transport aérien. Comme l'a rappelé le Président de la République lundi dernier, à l'ouverture de ce salon, ces résultats sont le fruit des investissements de nos entreprises et des pouvoirs publics, le fruit du travail de nos ingénieurs et de nos ouvriers, mais ils sont aussi le résultat d'une politique.

Aurions-nous eu les mêmes résultats si nous n'avions pas mis en place le crédit impôt recherche pour nos entreprises ? Aurions-nous eu les mêmes résultats si nos entreprises n'avaient pas été soutenues par la suppression de la taxe professionnelle ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aurions-nous demain les mêmes résultats si les 2 milliards consacrés dans le cadre du grand emprunt à la recherche aéronautique, à la recherche spatiale…

Debut de section - PermalienThierry Mariani, secrétaire d'état chargé des transports

…les 2 milliards que vous avez refusés, sur ces bancs, n'avaient pas été mis en place ? Notre gouvernement pourra être fier d'avoir traversé la crise, en ce qui concerne l'aéronautique, en laissant une industrie plus forte qu'avant.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !

Debut de section - PermalienThierry Mariani, secrétaire d'état chargé des transports

Et cela, mesdames, messieurs les députés, nous le devons à l'action que vous avez engagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, je ne suis pas certain que votre réponse à la question de M. Door sur les victimes de l'amiante remette totalement les pendules à l'heure. En effet, aujourd'hui, Michel Delebarre et moi-même, que vous avez oubliés dans votre précédente réponse, avons des concitoyens qui manifestent en face du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La représentation nationale connaît les quelques chiffres que je vais citer : 3 000 victimes de l'amiante décèdent par an en France et on comptera 100 000, voire 150 000 morts, quand la dernière victime ne sera plus là et aura malheureusement subi les affres de ce fléau.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, grâce aux combats des associations, telles que l'ANDEVA, la FNATH et l'APDA, existe depuis neuf ans. Huit mille dossiers ont été traités en toute transparence, sans aucune dérive : cela inspire une forme de satisfaction républicaine, car une justice a été rendue à des victimes. Quelle mouche a piqué votre ministère ? Pourquoi changer ce qui fonctionne bien et honnêtement ? Les indemnisations des veuves sont-elles trop élevées ? Certains employeurs sont-ils ennuyés ? Un magistrat, tel que le président de la Cour de cassation, me semble être un gage de transparence absolue et républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Pourquoi confier ce poste à quelqu'un qui dépend de la sécurité sociale ou de la Direction générale du travail ? L'inquiétude est majeure. Je vous demande, en conséquence, monsieur le ministre, de ne pas toucher le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député vous m'avez interrogé posément. Pourquoi affirmer, alors, le contraire de ce que j'ai dit tout à l'heure ? A-t-il été question d'affecter un membre de la Direction de la sécurité sociale à la tête de ce fonds ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai répondu précisément devant cette enceinte parlementaire. Est-il envisagé d'y placer un représentant de la Direction générale du travail ? De plus, vos remarques peuvent être diversement appréciées par les fonctionnaires en question qui assument leurs missions de façon exemplaire et impartiale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il me semble qu'en France nous ne sommes pas dans un spoils system, n'en déplaise à certains, mais dans un système où les fonctionnaires agissent à chaque fois dans l'intérêt de la République. Je tiens à le dire. De plus, en ce qui nous concerne, les choses sont simples et cela a été dit : Cour de cassation, Conseil d'État ou Cour des comptes. Avez-vous l'intention de remettre également en cause l'indépendance de ces institutions ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne suis pas certain que ces remarques, dont je vous laisse la paternité, à l'égard de la Cour de cassation, du Premier président de la Cour des comptes ou du Vice-président du Conseil d'État soient agréables à entendre !

Pour le reste, nous n'allons pas polémiquer. Le sujet est simple. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est à vous de choisir si vous décidez ou non de polémiquer sur la question. (M. Christian Hutin proteste vivement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Hutin, vous avez posé une question, écoutez la réponse !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ne vous énervez pas, monsieur le député, on peut s'exprimer très calmement !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous ne modifions pas le fonctionnement du Fonds. Une chose est certaine s'agissant du fonctionnement du Fonds, objet de votre question. C'est nous qui avons décidé de passer de quatre à dix ans la prescription pour la reconnaissance. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien aussi la loi sur les retraites, portée par Éric Woerth, qui a permis de sanctuariser les conditions de cessation anticipée d'activité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ne cherchez pas à faire peur sur des sujets aussi graves que ceux-là !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous avons bien l'intention de continuer à honorer nos engagements et à faire face à la responsabilité de l'État. Que les gouvernements soient de droite ou de gauche, c'est une question de responsabilité, une question d'honneur. Nous n'y dérogerons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, certains aiment à rappeler que, voici plus de vingt-trois siècles, Platon écrivait déjà : « Le maître craint ceux qui sont placés sous sa gouverne, et il est complaisant à leur endroit. Les élèves, eux, ont peu de respect pour les maîtres, et pas davantage pour les pédagogues… »

La question de l'indiscipline, du manque de respect et de la violence dans nos écoles n'est pas nouvelle. Mais on constate, depuis plusieurs années, une augmentation de ces faits qui deviennent réellement insupportables pour la communauté éducative. On ne compte plus le nombre d'élèves, mais aussi d'enseignants, qui sont menacés, insultés et qui subissent, parfois, des actes de violence physique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

Il était urgent de s'atteler à lutter contre ces comportements qui menacent le fonctionnement de nos écoles. Cette prise de conscience, vous l'avez eue, monsieur le ministre, en demandant à Alain Bauer, Président du conseil d'orientation de l'Observatoire nationale de la délinquance, de vous remettre un rapport, à la suite duquel vous avez publié, il y a quelques jours, le décret relatif à la discipline dans les établissements d'enseignement du second degré, à savoir les collèges et lycées. Ce décret a été très bien reçu par une majorité de familles, mais aussi, et il faut le souligner, par un grand nombre d'enseignants. Cela se comprend : certaines mesures essentielles ont été mises en place. Je pense à la nouvelle sanction, appelée « mesure de responsabilisation », qui consiste à faire participer l'élève fautif, en dehors des heures d'enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires sur les dispositions de ce décret et ce que vous en attendez dès la rentrée prochaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le député Straumann, nous voulons replacer la règle au coeur de la vie des établissements scolaires. Pour cela, à la suite des états généraux sur la sécurité à l'école, nous avons mené une réflexion pendant dix-huit mois en relation, comme vous l'avez mentionné, avec Alain Bauer, lequel a accompli un remarquable travail, et avons revu en profondeur le règlement intérieur de nos établissements scolaires. J'évoquerai trois grandes nouveautés. Tous les règlements intérieurs seront présentés au conseil d'administration des collèges et des lycées à la prochaine rentrée et intégreront les nouveaux phénomènes de violence. En effet, les règlements intérieurs n'avaient pas été modifiés depuis vingt-cinq ans et il convenait de les adapter.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Je pense aux harcèlements, aux questions d'obligations scolaires et de laïcité qui seront insérés dans le règlement intérieur de chacun des collèges et des lycées. Deuxième nouveauté : tout acte de violence verbale ou physique entraînera systématiquement, et j'insiste sur ce point, le recours à une procédure disciplinaire.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Chaque acte de violence doit être suivi de la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire. Nous devons être intransigeants face au phénomène de la violence scolaire, que ce soit contre les élèves ou contre les professeurs et responsables d'établissement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Enfin, troisième nouveauté fondamentale, que vous avez mentionnée, nous avons trop souvent recours à l'exclusion, qu'elle soit temporaire ou définitive, comme solution face aux élèves très perturbateurs. Nous limitons l'exclusion temporaire à huit jours. En revanche, nous créons une sanction alternative grâce à ces mesures d'intérêt général. Ces élèves très perturbateurs, auteurs de violences, pourront effectuer des travaux au sein de l'établissement scolaire ou à l'extérieur, dans des associations.

Vous le constatez, l'école doit revenir sur les règles que nous devons faire mieux respecter et appliquer. C'est ainsi que nous progresserons contre l'insécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

La plus grande confusion, monsieur le ministre, règne au sein de votre ministère et occupe depuis quelques jours l'actualité : 3 000 copies de philosophie ne peuvent être corrigées faute de correcteurs, le BTS est annulé pour 2 500 élèves et réorganisé dans le plus grand désordre, sans oublier les fuites sur le sujet de mathématiques du bac S et votre décision hâtive, qui pénalise des milliers de candidats.

Pour corriger cette image désastreuse, vous choisissez l'affichage médiatique en vous décommandant de France 3 pour annoncer sur TF1 la nécessité d'instaurer par décret une mesure de responsabilisation. Il s'agirait de faire effectuer aux élèves violents des collèges et des lycées une tâche d'intérêt commun afin de limiter le nombre d'exclusions et leur durée. Or cette possibilité existe depuis plus de quinze ans. La seule nouveauté, c'est que vous semblez enfin en prendre connaissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Les enseignants et tous les membres de la communauté éducative n'ont pas attendu vos déclarations pour intégrer dans leur quotidien la dimension pédagogique et préventive de leur métier, même si, pour certains, la formation est désormais assurée par Pôle Emploi.

Quelles sont donc ces mesures de responsabilisation ? S'agit-il d'un travail d'intérêt général ? Dans tous les cas, ce décret est contredit par la réalité du terrain que vous avez générée et dont vous êtes prisonnier. Vous supprimez des postes d'enseignants, d'assistants d'éducation, de CPE, de tous ceux qui peuvent, à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements, accompagner les sanctions et les mesures de réparation. Bref, vous fragilisez tous ceux qui pourraient permettre aux élèves de redonner un sens à leur scolarité. Comment pouvez-vous justifier une contradiction aussi flagrante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

La différence entre vous et nous, madame la députée, c'est que nous défendons la règle au coeur du fonctionnement des établissements scolaires. Nous voulons des sanctions qui soient appliquées et comprises par les élèves parce qu'elles ont une dimension éducative.

Les Français sont très attachés au baccalauréat, qui incarne l'école républicaine et qui est l'aboutissement de quinze années d'études.

L'épreuve de mathématiques du baccalauréat S a été entachée d'une fuite. Nous avons été informés le soir de l'épreuve que le premier des quatre exercices que comportait l'épreuve avait été mis en ligne la veille de l'organisation de cet examen.

Face à une telle fuite, quelle était la solution ? Première formule, on n'en tenait pas compte, on faisait comme si de rien n'était. Cela aurait été irresponsable. Face à la fraude, Valérie Pécresse et moi-même devons être intraitables. Deuxième formule, on réorganisait une épreuve : alors qu'un seul des quatre exercices, noté sur quatre points, était concerné, devions-nous aller rechercher 165 000 élèves, qui sont aujourd'hui en stage, ou à l'étranger, ou qui passent d'autres examens ? Il aurait été terriblement injuste de tous les pénaliser pour quelques fraudeurs. J'en ai choisi une troisième, qui a consisté à ne pas noter l'exercice mis en ligne. L'épreuve sera notée sur 20 mais sur les trois autres exercices.

Nous avons donné des consignes aux jurys pour que chaque copie soit examinée avec attention afin que les élèves ne soient pas lésés, mais, face à la fraude, nous devons être absolument intraitables. Je veux rassurer les familles, le bac 2011 ne sera pas bradé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, vous étiez il y a quelques jours à peine à Nice aux premières assises nationales des polices municipales. Votre présence à ces premières assises du genre a permis de témoigner de l'estime et de la reconnaissance du Gouvernement à l'ensemble des policiers municipaux, qui accomplissent chaque jour des missions au bénéfice de la sécurité de nos compatriotes. Elles ont été aussi et surtout l'occasion d'appréhender les nombreuses attentes légitimes d'une profession de plus en plus exposée à la violence gratuite d'individus de plus en plus jeunes.

Si nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les problèmes de la délinquance doivent être traités par la police ou la gendarmerie, dont ce sont les missions régaliennes, nous pouvons tous reconnaître, je pense, que les problèmes de gestion de l'espace public ne peuvent de nos jours être dissociés des phénomènes de délinquance, notamment dans les grandes villes.

Bref, nous devons réinventer les termes d'une coproduction de sécurité plus affirmée, plus forte, plus efficace entre police nationale et polices municipales. Nous devons être en mesure de donner aux policiers municipaux les moyens de leur propre sécurité, en mettant à leur disposition des gilets pare-balles ou un armement personnel, après formation, bien sûr. Dans certaines grandes villes, cela s'impose, vous l'avez vous-même reconnu, je crois.

Vous comprendrez que, élu de Marseille, je sois extrêmement favorable à l'armement de la police municipale, d'abord pour sa sécurité et, ensuite, pour celle de nos concitoyens. Aussi, pouvez-vous nous préciser vos intentions pour nos polices municipales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Permettez-moi d'abord, monsieur le député, de rendre hommage, au nom du Gouvernement, devant la représentation nationale, à la police municipale.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Les polices municipales constituent, aux côtés de la police nationale et de la gendarmerie nationale, la troisième force de sécurité intérieure des Français. Devant les dangers, les policiers municipaux sont exposés aux mêmes risques que les policiers nationaux ou les gendarmes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai annoncé devant les policiers municipaux réunis à Nice que le Gouvernement participerait à hauteur de 50 % si les communes prenaient la décision de les équiper en gilets pare-balles.

Je ne peux en effet souscrire aux propos de l'un de vos collègues socialistes, présenté comme un expert en matière de sécurité, qui, il y a quelques jours, contestait fermement le fait que les policiers municipaux courent des risques identiques à ceux des policiers nationaux parce que, juridiquement, leur mission n'est pas la même.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Est-ce à dire qu'ils ont la même responsabilité que l'État ?

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Je lui rappelle simplement qu'il y a à peine plus d'un an, une policière municipale, Aurélie Fouquet, était tuée par balle à Villiers-sur-Marne.

Cela dit, comme leur nom l'indique, les policiers municipaux sont des agents territoriaux, même s'ils ne sont pas comme les autres. Leur chef, c'est donc le maire, qui fixe leurs missions et leur armement. L'État, pour sa part, se propose d'être un facilitateur, en accord avec l'Association des maires de France et les syndicats de policiers municipaux. Il compte réactiver la commission consultative, qui se réunira dès le mois de septembre. Elle traite des questions d'indemnité, des questions statutaires et des questions d'armement. Il propose au centre national de la fonction publique territoriale de renforcer ses concours grâce à des gendarmes et à des policiers qui pourront mieux former les policiers municipaux. Il propose aussi de nouvelles conventions de coordination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lequel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Renée Oget

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, le chômage des jeunes atteint un niveau dramatique : 22 %, contre 9 % pour le reste de la population active.

Face à cette réalité, quelle est votre politique ?

Vous souhaitez développer l'apprentissage en abaissant l'âge légal. C'est un véritable archaïsme. Vous relancez les contrats autonomie, qui ne sont pas efficaces et sontextrêmement coûteux.

Enfin, et c'est le plus symptomatique, vous vous en prenez aux missions locales, dispositif d'insertion sociale et professionnelle reconnu comme un opérateur performant ! Un rapport de l'inspection générale des finances reconnaît la qualité de leur travail.

Cette année, les missions locales ont perdu 51 millions d'euros de crédits d'État. Ce désengagement important entraîne la perte de 1 000 postes au sein des missions locales ! Ces réductions de personnels, ce sont les jeunes qui en pâtissent. Vous aviez promis le contraire.

La circulaire portant sur le conventionnement pluriannuel entre l'État et les missions locales remet en cause leur rôle d'accompagnement. De plus, les crédits alimentant le fonds d'insertion professionnelle pour l'emploi des jeunes, le FIPJ, de même que les aides financières pour la sécuration, pardon, la sécurisation…

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il faut apprendre à lire, madame !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Renée Oget

…des parcours des jeunes, sont significativement réduits.

Je vous cite le communiqué de presse du 7 février 2011 de l'Association régionale des missions locales de Bretagne intitulé « Sale coup pour les jeunes ». Il est, à cet égard, très explicite : « Les missions locales déplorent pour 2011 une baisse de 40 % des aides financières pour les jeunes sans appui ni ressources, et une baisse de financement de 20 % pour les projets d'aide à l'insertion. »

Comment garantir, dans ce cas, la…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la député, comme vous n'avez pas pu terminer votre question, ayant dépassé votre temps de parole, je vais vous dire quelle devait être la fin du communiqué : dans la région Bretagne, le budget était en augmentation de 2,2 % pour l'ensemble des missions locales. Quel dommage que vous n'ayez pas eu le temps de le dire ! Parce que c'est exactement la réalité des choses !

D'autre part, le budget a été voté par le Parlement. Il est exactement le même que l'an dernier. À cela doivent s'ajouter 30 millions d'euros décidés par les partenaires sociaux pour améliorer l'accompagnement des jeunes, et éviter notamment qu'ils se retrouvent dans une situation de décrochage. Il s'agit de ces jeunes qui s'engagent et qui ne restent pas. Les 30 millions d'euros en plus, ce sont les partenaires sociaux qui ont décidé de les mettre.

Quant au ministère de l'emploi, il a décidé de consacrer 3 millions d'euros supplémentaires destinés à financer des actions spécifiques.

Ce qui est vrai, c'est que nous avons quand même des questions à nous poser. Et, en général, les présidents des missions locales, qu'ils soient de droite ou de gauche, ne contestent pas ce point : on doit, dans toutes les missions locales, faire évoluer le taux d'insertion. Les taux d'insertion varient aujourd'hui, d'une mission locale à l'autre, de 18 à 62 %. Certes, la situation n'est pas la même selon que le périmètre d'une mission locale comprend une ZUS ou cinq ZUS, ce qui explique que les taux d'insertion diffèrent. Mais toujours est-il que l'on doit chercher à faire mieux, et par tous les moyens. Cela mérite quand même que l'on s'arrête un instant, pour voir comment on peut améliorer les choses.

Par ailleurs, vous avez formulé des critiques visant les contrats d'autonomie. Maurice Leroy et moi-même, nous ne les reprenons pas à notre compte. Si ces contrats apportent 15 000 solutions pour ramener les jeunes vers l'emploi, je prends ces 15 000 solutions pour ramener les jeunes vers l'emploi. Je suis pour un total pragmatisme. Nous nous appuierons aussi, bien évidemment, sur les contrats aidés, ainsi que sur les missions locales, dont les budgets sont confortés. Nous nous appuierons aussi sur les contrats d'autonomie, ainsi que sur l'apprentissage, en application de la loi qui a été votée à l'initiative de Gérard Cherpion. Car nous pensons également qu'il faut permettre aux jeunes de trouver leur place dans l'entreprise.

Voilà ce sur quoi nous nous engageons, nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes. J'y associe Camille de Rocca Serra.

Monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur le projet, porté par la Commission européenne, consistant à créer une catégorie de régions dites intermédiaires, dans le cadre de la politique de cohésion de l'Union européenne. (M. Jean Mallot s'exclame à plusieurs reprises.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Les collègues du groupe UMP ont été grossiers avec Mme Oget, tout à l'heure ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

La Commission européenne a en effet reconnu qu'il était aujourd'hui nécessaire de revoir le mode de fonctionnement d'une politique devenue complexe, et parfois illisible.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vous qui êtes un malotru, monsieur Mallot !

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Face aux défis imposés par les élargissements successifs, les situations très diversifiées d'une Europe à vingt-sept, la crise économique, et aujourd'hui le nécessaire contrôle des dépenses publiques, la politique de cohésion doit s'adapter.

Dans ce cadre, la mise en place d'une catégorie de régions dites intermédiaires offrirait aux régions européennes dont le PIB est compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire un traitement spécifique.

Le débat au Parlement européen illustre parfaitement combien cette question demeure au coeur des préoccupations. Le 8 juin 2011, lors de l'examen du rapport de Salvador Garriga Polledo sur le budget de l'Union européenne, les députés européens ont pu manifester leur soutien à l'instauration de cette catégorie de régions. (M. Jean Mallot s'exclame derechef.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

Dans quelques jours, ils seront amenés à voter le rapport de Markus Pieper, qui traite justement de l'avenir de la politique de cohésion.

Johannes Hahn, commissaire européen chargé de la politique régionale, a récemment confirmé (M. Jean Mallot s'exclame à plusieurs reprises)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Mallot, vous allez avoir un rappel à l'ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sauveur Gandolfi-Scheit

…qu'il était important d'offrir à ces régions les moyens de poursuivre leur développement.

La France est concernée, puisque dix régions pourraient en bénéficier, comme la Corse, par exemple.

Soucieux de défendre l'idéal européen dont la France est héritière…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Je suis heureux de vous répondre dans cette ambiance studieuse, monsieur le député Gandolfi-Scheit.

Vous avez posé une question qui porte sur la politique de cohésion. (Brouhaha.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Cette politique de cohésion, à laquelle la France est très attachée, et sur laquelle mon collègue Philippe Richert et moi-même nous sommes investis, elle nous tient à coeur pour une raison simple : c'est l'Europe concrète, celle qui est dans les territoires.

Quelle est la position de la France ? Les négociations qui sont en cours portent sur trois points. (Exclamations sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Du calme, chers collègues ! Poursuivez, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Tout d'abord, s'agissant du budget européen, nous défendons la nécessité de faire en sorte qu'il ne dérive pas à la hausse, à un moment où tous nos efforts sont centrés autour de la maîtrise de nos dépenses publiques.

Deuxièmement, nous ne voulons pas de la moindre remise en cause de la politique agricole commune. Avec Bruno Le Maire, il est hors de question que nous acceptions que, d'une manière ou d'une autre, la PAC soit atteinte.

Enfin, si les efforts de l'Europe en matière de politique de cohésion ont pu bénéficier à des régions qui ont ainsi rattrapé la moyenne européenne grâce, alors des économies ont pu être dégagées. Si ces économies peuvent nous permettre de redéployer ces aides, et si celles-ci peuvent bénéficier à des régions françaises, qu'il s'agisse de la Corse ou de toute autre région de la République française, nous serons bien évidemment très attentifs à ce que l'Europe reste présente dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Politique de cohésion de l'Union européenne

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (nos 3452 et 3532).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons été très surpris de voir arriver cette réforme qui n'est pas le fruit des propositions qui étaient examinées depuis longtemps par diverses commissions mais purement et simplement d'une lubie du Président de la République, qui a décidé de nous proposer un texte en deux volets : un volet sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et un volet concernant la justice des mineurs.

Malheureusement, ces deux volets ne sont en aucune façon à même de régler la crise sans précédent que traverse la justice dans notre pays. Notre justice est exsangue, en crise, au bord de la banqueroute. Or, pour lutter contre la récidive, le Gouvernement, un jour, nous propose des remises de peine dans la loi pénitentiaire et, un autre jour, privilégie, au contraire, la sortie sèche de prison et la rétention de sûreté.

Ce texte sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale va d'abord créer de la confusion en allongeant les délais de jugement et en compliquant la répartition entre les différentes juridictions, puisqu'il y aura un tribunal correctionnel classique, un tribunal citoyen, une cour d'assises normale, une cour d'assises simplifiée, des juges d'application des peines, un tribunal citoyen d'application des peines.

S'agissant du rôle des citoyens assesseurs, nous avions l'habitude de voir des citoyens intervenir dans la justice, et d'ailleurs, très souvent, leur rôle était plutôt positif. En l'espèce, on remplace des personnes qui participaient à la justice en étant intéressées et concernées par des citoyens tirés au sort, qui n'auront qu'une connaissance très floue de ce sur quoi ils seront amenés à juger et qui interviendront très rapidement, sans avoir le temps de se mettre au courant.

De plus, cette réforme va coûter cher : 30 millions d'euros seront gaspillés au lieu de financer les emplois de magistrats et d'éducateurs dont notre justice a besoin.

Paradoxalement, cette réforme va en outre éloigner les citoyens de la justice. Aux assises, les jurés avaient leur place : dans la procédure orale, ils avaient le temps d'entendre ce qui se passait. Le tribunal correctionnel, qui juge dix à quinze affaires par audience, est manifestement mal adapté pour accueillir des citoyens assesseurs qui ne sont pas formés. Alors que les magistrats s'appuient sur les éléments techniques des dossiers pour juger en matière correctionnelle, les citoyens n'en auront pas connaissance.

On prétend qu'on va réformer la cour d'assises pour lutter contre la correctionnalisation. Mais, en réalité, il n'en est rien car la correctionnalisation est d'abord un problème de moyens et le premier résultat de ce texte est de diminuer drastiquement le nombre de jurés puisque ceux-ci vont passer de six ou douze à trois ou six, ce qui est surprenant au regard de l'objet déclaré du texte.

S'agissant de la justice des mineurs, la catastrophe est encore plus redoutable car ce volet est inconstitutionnel. En effet, depuis 1912 et plus encore depuis 1945, notre pays avait décidé que les mineurs délinquants devaient être jugés par un juge spécifique, selon une procédure spéciale, pour essayer de les remettre dans le droit chemin avant de les punir.

Dans sa décision remarquable d'août 2002, le Conseil constitutionnel avait considéré qu'il s'agissait d'un principe à valeur constitutionnelle, je la cite : « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ». En créant une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, vous réintégrez une mesure de la LOPPSI 2 qui a été censurée par le Conseil constitutionnel il y a peu de temps.

Vous faites le choix d'un traitement qui réduit l'écart entre la justice pour les enfants et la justice pour les adultes. Vous choisissez un mode d'enfermement toujours plus précoce et toujours plus long, essayant de calquer notre justice pour les mineurs sur celle qui est en application aux États-unis. Vous revenez ainsi sur l'un des acquis les plus importants du Conseil National de la Résistance.

Vous nous proposez une réforme compliquée pour juger à peu près 600 mineurs – c'était le nombre des mineurs jugés l'année dernière en état de récidive légale de plus de seize ans.

Vous faites de surcroît l'impasse sur la primo-délinquance en procédant à un recours accru aux centres éducatifs fermés – qui pouvaient être un bon outil pour accueillir des mineurs en proie à de lourdes difficultés – sans régler la question de la sortie du CEF. Il aurait été préférable d'accroître les moyens de la PJJ.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Comme il était écrit dans l'ordonnance de 1945, la France n'est pas assez riche d'enfants pour avoir le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. Par conséquent, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de nos débats, nous retenons, pour notre part, que ce projet de loi d'affichage est inutile, dangereux et impropre à résoudre les difficultés de notre système judiciaire. Bref, c'est un mauvais texte, qui intervient à un mauvais moment, la magistrature française n'ayant jamais connu pareil malaise.

Inutile, cette réforme, que personne dans le monde judiciaire ne réclamait, ne réglera rien, la question centrale des moyens réels dont dispose la justice n'étant pas au coeur du projet de loi. Ce sont en réalité des considérations électoralistes qui, à moins d'un an de la présidentielle, expliquent la présentation en urgence d'un texte élaboré à la hâte et sans aucune concertation, un texte imprégné à la fois de cette défiance maintenant constante de l'exécutif à l'égard des magistrats et de la volonté de lutter contre le laxisme supposé des juges.

Dangereux, ce projet de loi instaure une justice à deux vitesses en correctionnelle : celle comportant des citoyens assesseurs pour les délits qui émeuvent l'opinion et celle constituée des seuls magistrats, chargés de juger, entre autres, les délits économiques et financiers qui, selon le Gouvernement, ne troubleraient pas « la tranquillité des Français ». Les délits seront ainsi jugés par des formations différentes, en fonction de la nature des faits et non du quantum de la peine encourue, ce qui pose assurément la question du respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi.

Les modalités retenues pour la mise en place de ces citoyens assesseurs entraîneront immanquablement une procédure plus lourde et plus lente, qui risque tout simplement de faire exploser le système judiciaire.

Si la création d'une cour d'assises simplifiée a heureusement été abandonnée, le paradoxe reste flagrant entre l'objectif affiché d'une plus grande participation des citoyens et la réduction du nombre de jurés des cours d'assises, un nouveau dispositif qui ne permettra en aucune manière de résoudre le problème de la correctionnalisation qui, faute de moyens, résulte de l'encombrement des tribunaux.

Dangereux encore, car, malgré les dénégations affables de M. le garde des sceaux, ce texte ouvre une brèche gravissime au regard de la spécificité constitutionnelle et conventionnelle de la justice des mineurs en achevant la déconstruction de l'ordonnance de 1945.

La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, véritable juridiction d'exception pour les seize - dix-huit ans, est une nouvelle tentative d'aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs et de parvenir à un abaissement déguisé de la majorité pénale.

La procédure de comparution, sans saisine préalable du juge des enfants, le recours accru au placement en centre éducatif fermé des délinquants de moins de seize ans, l'assignation à résidence sous surveillance électronique mobile des mineurs de treize ans, l'instauration d'un dossier unique de personnalité sous le contrôle du parquet sont autant de mesures inspirées de l'idéologie sécuritaire, alors que l'essentiel est ailleurs.

Comme tous les professionnels, dans leur diversité, l'ont dit haut et fort, en particulier jeudi dernier lors du rassemblement organisé devant notre assemblée, ce n'est pas d'une énième réforme dont ils ont besoin, mais de moyens en personnels, en temps, en places disponibles dans des structures, en possibilités d'insertion professionnelle. Là est l'urgence et ce texte n'y répond pas non plus.

C'est pour toutes ces raisons que les députés du groupe GDR sont résolument opposés à ce projet de loi. C'est pour ces raisons qu'ils invitent l'Assemblée à le rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et certains bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le garde des sceaux, les députés du Nouveau Centre voteront votre texte. Nous n'avons pas la même vision que celle qui vient d'être exprimée par notre collègue Dolez. Cette réforme n'est pas un texte contre les magistrats mais un texte qui va réconcilier nos concitoyens avec la justice.

Pour autant, je pense, comme mon collègue, que cette réforme nécessitera des moyens et je voudrais, avec mes collègues du Nouveau Centre, appeler une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur la nécessité de créer des postes de magistrats et de greffiers, de redonner confiance dans la justice, de conforter les magistrats dans leur noble mission.

Je salue la volonté du Gouvernement à travers ce projet de loi de veiller à lutter contre la correctionnalisation d'un certain nombre d'affaires criminelles. Trop de victimes ont été par le passé meurtries de voir des crimes sexuels passer seulement en correctionnelle. Il était temps de mettre fin à cette procédure.

Enfin, le Gouvernement a choisi l'expérimentation. C'est une bonne chose car ce texte soulève diverses questions.

Voilà pour l'introduction des jurys populaires.

Concernant la réforme du code de procédure pénale et de la législation sur les mineurs, notre collègue Yvan Lachaud, particulièrement investi sur ces questions puisque mandaté par le Président de la République pour rédiger un rapport, a exprimé le point de vue des députés du Nouveau Centre. Je tiens à saluer le travail remarquable qu'il a réalisé. Les amendements qui ont été adoptés à son initiative pour responsabiliser les parents qui sont appelés à être auditionnés lorsque les enfants sont entendus par le juge constituent une avancée.

Monsieur le garde des sceaux, c'est en nous appuyant sur ces éléments qui vont améliorer la confiance dans la justice, réformer avec efficacité notre code de procédure pénale, qu'avec mes collègues du Nouveau Centre, nous vous apportons notre soutien. Cette confiance n'est pas sous conditions. En effet, vous avez apporté des éléments de réponse très concrets à nos préoccupations notamment sur les moyens. Nous votons donc en confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

À entendre les collègues du parti socialiste et du groupe GDR, j'ai le sentiment que notre opposition excelle essentiellement dans l'excès. Leurs propos ne sont vraiment pas le reflet de la qualité du débat que nous avons eu toute la semaine dernière sur ce texte extrêmement important, qui participe à un souci d'efficacité de la justice, qui repose tout simplement sur le bon sens et qui est complètement en phase avec ce qu'attendent nos concitoyens.

Trois objectifs essentiels motivent ce texte : accroître la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, lutter contre la correctionnalisation des crimes en améliorant le fonctionnement des assises, adapter la justice pénale des mineurs eu égard à la montée incontestable de la délinquance des mineurs à laquelle nous voulons apporter une réponse efficace et sereine.

Au Sénat comme à l'Assemblée, le Parlement s'est pleinement mobilisé sur ce texte, par l'adoption de plusieurs mesures qui sont venues enrichir la version initiale du texte.

Un large consensus s'est dégagé quant à la mise en place de jurys composés de citoyens assesseurs aux côtés des magistrats professionnels en correctionnelle et au stade de l'application des peines. Par cet acte, qui n'est en aucune manière un acte de défiance mais un acte de civisme, nos concitoyens pourront pleinement prendre conscience du fonctionnement de l'institution judiciaire, en mesurer sa complexité et consacrer le sens des responsabilités des professionnels qui la servent, sens des responsabilités qui n'est absolument pas remis en question dans ce texte.

De plus, le Gouvernement a fait un choix important en optant pour l'expérimentation. Avant le terme de celle-ci, le Parlement aura l'occasion d'évaluer sa mise en oeuvre et de prendre, le cas échéant, des mesures d'ajustement.

Autre volet important du texte, qui justifie également que nous lui apportions notre soutien : la lutte contre la correctionnalisation des crimes. Chacun en effet ne peut qu'être choqué de voir perdurer sur le territoire national une inégalité de traitement entre les faits de délinquance criminalisés et ceux qui sont correctionnalisés. La loi que nous votons aujourd'hui devra nous permettre de réduire le nombre de correctionnalisations.

Enfin, le dernier volet de ce projet de loi concerne l'adaptation de la justice des mineurs aux évolutions de notre société. C'est une décision de bon sens. Loin d'être inconstitutionnelles, les mesures élaborées par le Gouvernement, le Parlement et notre rapporteur sont parfaitement en phase avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. le garde des sceaux a d'ores et déjà annoncé également que des moyens supplémentaires seront mis en oeuvre pour assurer l'exécution des charges nouvelles engendrées par la réforme : 263 postes de magistrats et de greffiers vont ainsi être créés.

Le texte qui nous est soumis est donc porteur de véritables avancées ; il améliore notre système pénal et crée une justice plus réactive, plus ouverte, mieux comprise. Pour toutes ces raisons, nous le voterons sans réserves. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 506

Nombre de suffrages exprimés 496

Majorité absolue 249

Pour l'adoption 298

Contre 198

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Christophe Lagarde.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (nos 3539, 3558).

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

À l'occasion de la deuxième conférence sur le déficit, le 20 mai 2010, le Président de la République a souligné la nécessité de changer notre façon de piloter nos finances publiques. Il en va, nous le savons tous, de l'avenir de notre modèle social et de la maîtrise de notre destin.

L'idée selon laquelle il faudrait discipliner nos façons d'agir et mieux organiser nos méthodes a été reprise de nombreuses fois, aussi bien en France qu'à l'étranger. L'OCDE et le Fonds monétaire international ont ainsi salué dans de récentes études la pertinence de la démarche entreprise par le Gouvernement français, nous invitant à la renforcer en soulignant, comme l'a fait le FMI dans son rapport du 15 juin dernier, que l'adoption d'un principe d'équilibre des finances publiques serait « un signal positif fort quant à l'engagement de la France sur le long terme pour la soutenabilité des finances publiques ».

À ce stade de la discussion parlementaire, dix articles ont été adoptés en des termes identiques par les deux assemblées. En particulier, les lois-cadres d'équilibre des finances publiques et le programme de stabilité font l'objet d'un très large consensus que je tiens à saluer.

Certains points restent encore en débat, notamment ce qu'il est convenu d'appeler le « monopole fiscal », sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

Force est d'abord de constater que l'Assemblée nationale et le Sénat s'accordent sur l'une des innovations majeures du projet de loi constitutionnelle, le coeur de ce projet, les lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

En créant ce nouvel outil, le projet instaure une programmation plus rigoureuse et plus contraignante de nos finances publiques, que les assemblées ont d'ailleurs renforcée.

Lors de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a ainsi précisé le dispositif proposé par le Gouvernement afin, selon les termes du président Warsmann, de « donner plus de substance à la définition constitutionnelle des lois-cadres ». Elles couvriront une période d'au moins trois ans et fixeront pour chaque année un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles en recettes qui s'imposeront aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Le texte, ainsi enrichi par l'Assemblée nationale, précise notamment que la conformité des lois financières annuelles aux dispositions impératives de la loi-cadre fera l'objet d'un contrôle de plein droit du Conseil constitutionnel, contrôle qui s'ajoutera au contrôle de droit commun exercé le cas échéant par rapport aux autres éléments du bloc de constitutionnalité, sur saisine des parlementaires ou des autres autorités publiques mentionnées à l'article 61 de la Constitution.

Vous l'avez souligné, monsieur le président Warsmann, ce dispositif permettra au Conseil constitutionnel de contrôler de manière effective que les écarts éventuellement constatés, lors de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, par rapport aux objectifs fixés par la loi-cadre, seront compensés d'une année sur l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est très important !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ainsi défini, le principe de rattrapage, que votre assemblée a souhaité inscrire expressément dans le texte, introduit une souplesse dans le dispositif, tout en garantissant le respect, sur la période couverte, des plafonds de dépenses et des seuils de recettes.

L'inscription dans la Constitution de l'examen par le Parlement du programme de stabilité européen fait aussi l'objet d'un large consensus.

Poursuivant l'engagement pris dans la loi de programmation des finances publiques pour 2011-2014, le texte prévoit que le projet de programme de stabilité sera obligatoirement adressé par le Gouvernement aux assemblées, deux semaines au moins avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne. Le dispositif s'inscrit dans la droite ligne de la révision du 23 juillet 2008 qui a renforcé le Parlement, singulièrement en matière internationale et européenne.

Si les lois-cadres et l'information sur le programme de stabilité font consensus, les modalités de mise en oeuvre du monopole fiscal, qui constituent le troisième volet du projet, demeurent en débat.

Tant le Sénat que l'Assemblée nationale approuvent la nécessité de mieux maîtriser la création de mesures fiscales ou de cotisations sociales afin de garantir une approche plus stratégique et plus cohérente de notre politique de prélèvements obligatoires. Toutefois, les mécanismes retenus par les deux assemblées restent, à ce stade de la discussion, différents.

La question du monopole est, depuis le début du débat parlementaire, le point qui suscite le plus de questions, non pas tant dans son principe qu'au regard de ses conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Comment allez-vous vous en sortir ? Vous voici bien embêtés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il a d'abord été critiqué sous l'angle de la restriction du droit d'initiative des parlementaires et de l'équilibre des pouvoirs. À cet égard le malentendu a, je le crois, été dissipé. Par ce dispositif, ce sont, en effet, à la fois le Gouvernement et le Parlement qui s'obligent à une discipline plus rigoureuse sur les « niches » fiscales et sociales. Le Gouvernement se voit ainsi dans l'impossibilité de créer, supprimer ou réformer des prélèvements obligatoires par voie d'ordonnance.

L'objectif n'est certainement pas de remettre en cause les droits du Parlement, mais au contraire de l'impliquer pleinement dans le redressement de nos finances publiques.

Le Sénat a toutefois préféré substituer au monopole un mécanisme de validation a posteriori par les lois de finance ou de financement de la sécurité sociale, des mesures relatives au prélèvement obligatoire adoptées dans les lois ordinaires.

Or, en dépit des mérites de cette solution, le Gouvernement est convaincu que le monopole sera mieux à même de réduire la dispersion des mesures fiscales et des cotisations sociales, poursuivant et consolidant l'effort que nous avons engagé, Gouvernement et Parlement, depuis plusieurs mois déjà. C'est pourquoi il donnera un avis favorable aux amendements du président Warsmann.

M. François Baroin reviendra sur ce point essentiel.

Chacun a pleinement conscience que le texte qui vous est soumis vise à préserver l'indépendance économique et financière de notre pays et notre capacité d'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le problème, ce sont essentiellement les déficits !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Muet, il y a tellement longtemps que votre parti est responsable des déficits dans ce pays que vous êtes sûrement l'un des meilleurs spécialistes en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous avez la mémoire courte ! La seule fois où le déficit est passé sous la barre des 2 %, la gauche était au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Chers collègues, laissez le garde des sceaux poursuivre puisque vous aurez, notamment au travers d'une motion de procédure, tout le loisir de dire ce que vous pensez du texte.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

M. Muet est là depuis toujours : il faut bien reconnaître qu'il est largement responsable de l'état de nos finances publiques. Je comprends qu'il en soit un peu gêné.

Reprenons : ce texte dépasse largement le débat budgétaire et financier. C'est notre modèle social qui est en jeu et à ce titre, le constituant est pleinement dans son rôle en s'emparant du débat.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Tout à fait, et c'est bien la raison pour laquelle vous devriez voter ce texte.

La Constitution, en effet, ne se limite pas à organiser le fonctionnement de nos institutions, elle est aussi l'expression du pacte social.

Nous sommes d'ores et déjà parvenus à un consensus sur des points absolument majeurs. Je ne doute pas que sur le monopole fiscal, nous parviendrons à déterminer ensemble une solution équilibrée.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Êtes-vous le futur ministre des finances ? Donnez-nous un scoop !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous avez déjà eu l'occasion, il y a un peu plus d'un mois, de débattre du projet de révision constitutionnelle que le Gouvernement souhaite faire adopter. Les lignes directrices de ce texte vous sont désormais connues.

Permettez-moi simplement de vous rappeler que, par l'intermédiaire de cette révision constitutionnelle, notre objectif est de faire évoluer en profondeur la gouvernance des finances publiques. Nous voulons que l'exécutif, en liaison avec le Parlement, soit contraint de définir une stratégie de finances publiques précise afin de mieux appréhender la mesure de l'impact budgétaire de ses politiques publiques.

Ces engagements, nous les tenons depuis l'été 2010, notamment par le vote d'une loi de programmation des finances publiques et par l'adoption d'une circulaire prévoyant le monopole fiscal des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement souhaite à présent consolider définitivement ces avancées en les inscrivant dans notre Constitution, afin de rendre pleinement effectif l'objectif d'équilibre des comptes publics prévu à son article 34. Je remercie le rapporteur général pour les précieux conseils qu'il prodigue au Gouvernement à l'occasion des débats financiers tenus devant votre assemblée.

Avant de vous présenter brièvement les principaux points que nous devons examiner aujourd'hui, je voudrais réitérer mes remerciements à la commission des lois, au président Warsmann, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances pour le travail remarquable qu'elles ont accompli, ainsi qu'à tous les parlementaires qui ont pris une part active au cours des débats en première lecture.

Les deux assemblées ont globalement soutenu les aspects du projet de révision constitutionnelle qui concernent les lois-cadres d'équilibre des finances publiques et le programme de stabilité.

À l'issue de la première lecture, dix articles ont été adoptés en termes identiques par les deux assemblées. Le Gouvernement se félicite que la représentation nationale partage le constat de l'urgence qui s'attache à ce projet de révision et s'accorde sur les moyens proposés pour marquer une inflexion vertueuse dans la gouvernance de nos finances publiques.

En effet, la fixation d'un objectif de moyen terme d'équilibre des finances publiques, par l'intermédiaire des lois-cadres, ainsi que la plus grande implication du Parlement, grâce notamment à la nouvelle procédure dite du « semestre européen », sont des aspects du projet de loi qui ont recueilli un large consensus. Ce sont des avancées significatives dans l'engagement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens.

Les modifications opérées par le Parlement sur le volet de la loi qui concerne les lois-cadres portent essentiellement sur leurs modalités de contrôle. En ce qui concerne le nouveau calendrier budgétaire, les amendements que vous avez adoptés portent essentiellement sur les délais de transmission du projet de programme de stabilité ainsi que des modalités de son examen.

La question du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale a, pour sa part, fait l'objet de débats plus approfondis, plus féconds, plus toniques, aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat.

Je veux souligner le fait que le Gouvernement demeure très attaché à ce principe de bonne gestion,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

mais que nous sommes également soucieux de préserver l'initiative parlementaire en matière de recettes fiscales et sociales.

La question du monopole a été largement débattue en commission, et nous nous sommes accordés sur son principe, ce qui était un pas important. Je remercie en particulier M. Jean-Luc Warsmann pour les différentes modifications qu'il a proposées en vue d'aménager notre dispositif tout en restant fidèle à son esprit.

Comme vous le savez, ce point de notre projet de révision constitutionnelle a très largement été remanié en première lecture au Sénat pour évoluer en un mécanisme d'approbation a posteriori des mesures de prélèvements obligatoires en lois financières. Il me semble que cette séparation n'est pas opérante.

J'ai eu l'occasion de le dire au Sénat, le Gouvernement était défavorable à cette mesure pour deux raisons. Soit le second débat en loi de finances est une pure formalité de ratification et le progrès par rapport à la situation actuelle serait alors très limité, puisque les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale tirent déjà les conséquences des lois adoptées dans l'année sur les recettes de l'État et de la sécurité sociale.

Soit ce second débat conduit à reprendre en profondeur le travail déjà accompli par le législateur quelques mois ou semaines plus tôt, ce qui ne peut que dénaturer les travaux du Parlement réalisés au cours de l'année.

Par ailleurs, cette mesure me paraît faire peser un risque fort sur la sécurité juridique des mesures fiscales. On se retrouverait ainsi avec des mesures qui auraient été votées mais qui ne pourraient pas être appliquées puisqu'il faudrait les ratifier par un texte « balai », qui est tout simplement l'acte majeur de l'engagement du Parlement sur des perspectives, notamment en matière de réduction des déficits.

En conséquence, il me semble que cette solution est à la fois peu praticable et difficilement compréhensible.

En revanche, les amendements proposés par votre commission des lois vont dans le bon sens ; nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Je veux le dire à nouveau : cette réforme n'empêche nullement une évolution des pratiques. Ainsi, lorsque des réformes fiscales ou budgétaires importantes exigeront un débat parlementaire spécifique et prolongé, le Gouvernement pourra déposer un projet de loi financier ad hoc. Des exemples récents en attestent à l'instar du collectif dédié à la réforme de la fiscalité du patrimoine ou, dans un passé certes un peu plus lointain mais pas au point de s'être effacé de notre mémoire, à l'hiver dernier, lors de la réforme des retraites, des nombreuses mesures de nature sociale ou même fiscale qui ont été votées soit dans le projet de loi de finances, soit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La démonstration est donc faite que cette solution fonctionne. Elle est opérationnelle et permet d'atteindre tous les objectifs que le Gouvernement vous propose : l'inscription d'une règle d'or, la mise en place du monopole fiscal et social, la définition de lois-cadres pour succéder aux lois de programmation, et la transmission au Parlement des projets de programmes de stabilité européen.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'actualité nous rappelle chaque jour nos extrêmes difficultés pour résoudre le problème de la dette des pays européens. Elle nous rappelle aussi que la France, qui a accumulé les légèretés depuis les années 1980, doit maintenant s'atteler prioritairement à remettre en ordre ses finances publiques.

Je le dis avec d'autant plus de force que la commission des lois a exprimé la même opinion de manière très régulière au cours de cette législature. Je pense notamment au rapport d'information adopté par la commission en octobre 2009 intitulé Finances publiques : la France au pied du mur. Je rappelle également les positions unanimes de la commission à propos de la dette sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Dans cette logique, la commission des lois soutient évidemment la démarche du Gouvernement et ce projet de loi constitutionnelle.

À l'issue des travaux du Sénat, dix articles du texte ont été adoptés en termes identiques et sept articles restent en discussion. Le projet de loi constitutionnel comporte trois dispositifs principaux.

Le premier concerne l'examen par le Parlement des programmes de stabilité envoyés chaque année à la Commission européenne. Il s'agit de mieux associer le Parlement à la nouvelle procédure dite du « semestre européen ».

L'Assemblée a enrichi cette procédure en première lecture. Ainsi, le programme de stabilité sera examiné pour avis en commission puis, à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, un débat et un vote auront lieu en séance publique. Son passage par le Sénat a fait évoluer le texte dans le même esprit. À mon sens, le texte qui nous a été transmis ne pose pas de difficultés. Je propose en conséquence que nous l'adoptions sans le modifier.

Le deuxième dispositif essentiel vise à créer des lois-cadres d'équilibre des finances publiques qui seront le coeur de la réforme.

Sur ce sujet, nous avions considérablement enrichi le texte en première lecture car il nous semblait que le renvoi presque systématique à la loi organique pour la définition de ces lois-cadres n'était pas la bonne solution. Nous avions ainsi défini un système de « tunnel » : les lois-cadres devront fixer un maximum de dépenses et un minimum de recettes qui s'imposeront aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. J'estime qu'il s'agit d'une bonne mesure. Il a également été prévu qu'elles couvrent une durée minimale de trois ans.

Nous avions aussi introduit une disposition pour lutter contre les dérapages. Pour ma part, je suis convaincu qu'il s'agit d'une mesure indispensable. On ne peut pas demander au Parlement de voter des lois-cadres abstraites et, si un dérapage est constaté ultérieurement – les recettes peuvent être très inférieures aux prévisions ou les dépenses très supérieures –, nous contenter de regarder la dette augmenter sans qu'il ne se passe rien. Nous avons à juste titre posé un principe : en cas de dérapage par rapport au fameux tunnel, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale qui suivent devront mobiliser les financements ou les économies nécessaires pour les absorber. On ne peut pas renvoyer cette question avec la désinvolture des décennies passées vers une dette à la charge des générations futures.

Finalement, à l'issue des travaux du Sénat, le texte qui nous est soumis en matière de lois-cadres n'est pas très éloigné de celui adopté par l'Assemblée. Deux points principaux me semblent toutefois demander un ajustement avant que nous les adoptions.

Il s'agit, d'une part, de la possibilité de la fongibilité. Fidèles au souhait du Gouvernement en la matière, nous avions préservé cette possibilité. Si lors de l'exécution d'une loi de finances, un gouvernement constate qu'il a enregistré des dépenses supérieures au maximum prévu tout en disposant de recettes supérieures au minimum prévu, il faut que le tunnel puisse être déplacé en conséquence. Cela donnera une marge de manoeuvre dont le passé nous a montré l'utilité en cas de variation de la conjoncture. Le texte du Sénat pourrait empêcher cette fongibilité : il est souhaitable de la rendre possible.

Un ajustement est, d'autre part, nécessaire en ce qui l'obligation introduite au Sénat de soumettre les projets de loi-cadre à une commission spéciale, composée à parité de membres des commissions des finances et des affaires sociales. Il me semble que cela va à l'encontre de ce que nous avons voté lors de la précédente révision constitutionnelle. J'estime que le règlement de nos assemblées permet déjà de mettre en place des commissions spéciales. Ce dispositif rigide ne me semble donc pas indispensable.

J'en viens au « monopole », troisième élément essentiel du texte. Le Sénat a adopté un dispositif différent du nôtre quant au contenu des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas qu'il soit plus protecteur des droits du Parlement. Je suis en revanche convaincu qu'il en résulterait une grande insécurité juridique. En effet, les parlementaires pourraient voter dans n'importe quel texte législatif une disposition fiscale ou de financement de la sécurité sociale, mais celle-ci demeurerait, en quelque sorte, en suspension : elle n'entrerait pas véritablement dans le droit positif. Nul ne saurait quand cela serait le cas ou même si cela se produirait. Il s'agirait d'une sorte de loi molle, d'une loi-résolution puisque, pour s'appliquer, elle devrait être autorisée par la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale suivante.

L'Assemblée nationale a déjà rejeté ce dispositif à deux reprises. Je ne pense pas qu'il doive recueillir notre assentiment lors de cette troisième tentative. Aussi la commission des lois a-t-elle opté pour un dispositif très proche de celui que l'Assemblée avait retenu en première lecture.

Mes chers collègues, pour ce qui concerne l'ensemble de réforme, je vous invite à suivre la commission des lois et, sous réserve de quelques amendements, à voter en faveur de ce projet de loi constitutionnelle équilibré.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous savez bien qu'il n'ira pas plus loin !

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, chers collègues, j'ai l'honneur de défendre une motion de rejet préalable sur le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis.

Si nous utilisons parfois les motions de procédure pour pouvoir présenter nos arguments, il me semble que, sur ce texte, la motion de rejet préalable prend tout son sens. Elle est en effet particulièrement opportune car de nombreuses raisons devraient nous pousser à nous en tenir là, à arrêter l'examen de ce texte et à ne pas aller plus loin dans ce qui ressemble de plus en plus à une mascarade.

En fait, ce texte est désormais virtuel et il n'a plus aucune chance d'aboutir. Nous allons faire semblant comme vous venez de le faire, messieurs les ministres, avec un sérieux qui vous honore, ou comme le président de la commission l'a fait également. Vous débattez sur des points de détail, vous évoquez telle ou telle modification adoptée au Sénat alors que vous savez parfaitement que ce texte n'a aucun avenir. Finalement, nous vous rendrions service en faisant adopter cette motion de rejet préalable qui interromprait nos débats.

Sur le fond, il ne doit y avoir aucune ambiguïté : les écologistes ont toujours eu la volonté de trouver sur le temps long un équilibre des finances publiques. Cette position ne répond pas à un dogme du zéro déficit ou du zéro dette. Ainsi, il nous semble logique, au cours de périodes économiquement difficiles, qu'un soutien de l'État se traduise par un endettement et un déficit qui permettent de financer des investissements durables, qui seront amortis dans le temps et qui permettront de générer des économies, des recettes et un développement du pays. En revanche, le principe de responsabilité à l'égard des générations futures nous amène à penser qu'il n'est pas soutenable de creuser les déficits à l'infini et de faire exploser la dette comme le fait la majorité depuis quatre ans avec une grande constance.

Votre réforme suscite toutefois plusieurs objections.

La première concerne les conditions dans lesquelles ce texte a été élaboré. Elles sont contestables, pour ne pas dire plus.

Tout le monde sait parfaitement, même si vous n'en avez pas parlé, que cette réforme est issue de négociations laborieuses avec une partie de la majorité, notamment le groupe Nouveau Centre. Au passage, je constate que les membres de ce groupe parlementaire ne sont pas très nombreux. Chers collègues, alors que vous avez la paternité de cette réforme, vous êtes deux sur bancs de votre groupe. C'est assez étonnant ! Cela dit, les députés sont également très peu nombreux sur les autres bancs de la majorité : cela vaut sans doute aveu quant à l'avenir de ce texte.

On sait que ce texte est issu d'une espèce d'accord. Il fallait faire un geste à l'égard du groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il est vrai qu'il n'a pas obtenu grand-chose depuis quatre ans et qu'à la fin de la législature, on pouvait enfin lui « donner satisfaction », le temps de quelques échanges à l'Assemblée et au Sénat – puisqu'il n'est évidemment pas question d'aller plus loin, j'y reviendrai.

Je trouve assez choquant que vous proposiez ainsi de triturer la Constitution – triturer me semble être le mot juste, il n'y en a pas d'autre – pour de petits arrangements entre partis politiques à l'approche de l'élection présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Mach

Chez vos amis, cela ne se passe pas du tout comme cela !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je ne sais pas si vous cherchez à dissuader la candidature de tel ou tel ou si vous tentez plutôt de diviser ce groupe parlementaire – même s'il n'est pas très grand.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Chers collègues, vous pouvez vociférer, cela n'y changera rien. Mes objections vous gênent peut-être, elles sont néanmoins sérieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En tout cas, nous ne présentons pas un projet de révision constitutionnelle aussi inutile. Notre collègue René Dosière le qualifiait à juste titre en commission des lois « d'usine à gaz ». Nous avons un peu de respect pour la Constitution, et nous préférerions que l'on n'y touche pas de cette façon.

J'en viens à une deuxième objection qui s'adresse en particulier à M. le ministre des comptes publics, comme l'on dit maintenant. Pourquoi vouloir inscrire dans la Constitution exactement le contraire de ce que vous avez fait depuis quatre ans ? Quelle peut être votre crédibilité, celle du Gouvernement et de la majorité sur un tel projet ? Aucune : Nos finances publiques n'ont jamais été déséquilibrées.

Quelle est la crédibilité de votre démarche alors que l'on sait que le Congrès qui n'est toujours pas convoqué ne le sera pas ? Vous le savez comme moi, la date du 4 juillet avait été évoqué pour la réunion du Congrès à Versailles afin d'adopter ce projet de loi constitutionnelle. Or l'on sait d'ores et déjà qu'il n'aura pas lieu. Pourquoi ? Messieurs les ministres pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? si vous êtes sûrs que votre réforme est bonne, vous ne devriez pas hésiter ! Certes, vous pourriez toujours spéculer sur le résultat d'un vote à une majorité des trois cinquièmes, mais vous devriez prendre les Français à témoin en réunissant le Congrès. Ce n'est pas à l'ordre du jour, c'est pourquoi j'ai parlé tout à l'heure de mascarade et de texte virtuel.

Ma troisième objection concerne la judiciarisation de la politique. Nous sommes en désaccord profond avec cette tendance. Il est malheureusement fréquent d'assister à la judiciarisation de sujets qui sont d'abord et avant tout politiques. Notre opposition à ce projet de loi constitutionnelle est d'abord fondée sur cette idée que c'est la volonté politique, traduite en choix politiques décidés au Parlement, qui permettra d'atteindre l'équilibre des finances publiques ; ce n'est pas une modification de la Constitution.

En un mot, ce n'est pas en modifiant la Constitution que l'on parviendra à remplir les caisses de l'État et ce n'est pas en rendant le Conseil constitutionnel juge en dernier ressort de la constitutionnalité des budgets – ce qui est assez baroque du point de vue juridique – que l'on parviendra à l'équilibre budgétaire. Il s'agit, au mieux, d'une confusion des rôles, au pire, d'une illusion qui confine au mensonge. Cette tendance à vouloir tout judiciariser est, du reste, insupportable aux Français, qui y voient, à juste titre, une déresponsabilisation du politique, notamment du Président de la République, qui, après tant d'échecs en matière fiscale et budgétaire, souhaiterait, en fin de mandat, faire croire qu'ajouter de nombreux articles – au demeurant assez verbeux – à la Constitution lui permettra d'atteindre un objectif qu'il a manqué d'un point de vue politique.

Un précédent aurait dû vous inviter à la prudence, celui de l'article 40 de la Constitution. Je rappelle que cette disposition, qui figurait déjà dans la première version de notre Constitution, adoptée en 1958, vise à empêcher les parlementaires de déposer des amendements qui auraient pour conséquence d'alourdir les charges de l'État ou d'amoindrir ses recettes. Bien que cet article soit appliqué, de plus en plus durement d'ailleurs – Dieu sait si, en vertu de cette disposition, de nombreux amendements sont rejetés avant même d'être présentés en séance –, le Gouvernement a réussi par lui-même, au fil du temps et plus particulièrement ces quatre dernières années, à faire adopter des budgets en déséquilibre, alourdi les charges de l'État ou diminué ses recettes. On pourrait citer, à titre d'exemples, les divers cadeaux fiscaux de ces dernières années.

La quatrième objection tient au pouvoir d'appréciation que vous souhaitez conférer au Conseil constitutionnel. L'article 9, alinéa 5, de votre projet de loi constitutionnelle dispose en effet que « le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l'année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d'un exercice ». Cette disposition me paraît vraiment très grave. En effet, comment peut-on confier au Conseil constitutionnel – dont le rôle est de veiller à la constitutionnalité des lois – un pouvoir d'appréciation de l'équilibre des finances publiques ou de l'application de lois-cadres qui auront été votées une, deux ou trois années auparavant, en fonction d'objectifs économiques ? Mes chers collègues, vous qui savez que, lors de chaque examen d'un projet de loi de finances, nous débattons des hypothèses, ô combien incertaines, sur lesquelles est construit un budget – hypothèse de croissance, de rentrées fiscales –, comment pouvez-vous souhaiter confier au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation de ces critères ? C'est proprement incroyable et contraire à la conception que l'on se fait du juge constitutionnel. S'il fallait ne citer qu'un seul argument pour justifier le rejet de ce projet de loi constitutionnelle, ce serait celui-là.

J'en viens à ma cinquième objection : à force de présenter ce type de projets de loi constitutionnelle, le Gouvernement affaiblit la Constitution, car il la dénature en y mettant tout et n'importe quoi. Lors de nos débats en première lecture, M. Baroin m'a dit que c'était mon « côté gaulliste » qui m'amenait à défendre la Constitution de la Ve République. C'est un comble,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…car je ne me considère pas comme gaulliste. Au reste, je défends, non pas la Constitution de la Ve République, mais le principe selon lequel on ne peut pas inscrire n'importe quoi dans une Constitution. Au début de la Ve République, on avait ce souci : respectant le principe édicté par Montesquieu, on ne touchait à la Constitution que d'une main tremblante. Aujourd'hui, votre main tremble tellement que vous y inscrivez tout et son contraire ; c'est injustifiable.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pour conclure, je voudrais dire quelques mots du contexte dans lequel vous présentez ce projet de loi constitutionnelle.

D'autres l'ont dit avant moi, le contexte international inquiète légitimement nos concitoyens. On tente de leur « vendre » une sortie de crise, mais, quand on voit la situation de la Grèce, de l'Irlande, de l'Espagne, du Portugal ou de la Grande-Bretagne – même si l'on en parle moins –, on comprend que ce n'est pas d'une sortie de crise qu'il faudrait parler, mais plutôt des moyens d'éviter qu'elle ne se reproduise – la crise de la dette ne se limite pas, d'ailleurs, à la zone euro, puisqu'elle touche également les États-Unis d'Amérique. Nous devrions tirer les leçons de l'histoire récente : le Japon, qui a croulé sous les dettes dans les années 1990, n'est toujours pas sorti de cette crise et son économie a stagné en grande partie pour cette raison. Hélas ! la situation de la France est également dramatique en matière de déficits. Nous en avons parlé hier soir, lors de l'examen du projet de loi de règlement : la dette, qui atteindra 1 800 milliards à l'horizon 2012, représente plus de 82 % du produit intérieur brut, ce qui est particulièrement inquiétant.

S'agit-il pour autant d'une fatalité ? Nous ne le croyons pas : la situation de l'Allemagne nous enseigne que tout dépend de la volonté politique. Alors qu'elle avait de bonnes raisons de contracter des dettes pour financer la réunification, l'Allemagne présentait, en 2010, un déficit de 3,3 % du PIB, quand celui de la France atteignait 7,1 %. Il est vrai que nos voisins n'ont pas fait preuve de la même irresponsabilité politique en matière fiscale et budgétaire, qu'ils n'ont pas fait des cadeaux fiscaux aussi injustes qu'inefficaces : la défiscalisation des heures supplémentaires, les mesures concernant les successions, le bouclier fiscal et, maintenant, la suppression partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune pour un coût d'1,8 milliard d'euros, la baisse de la TVA applicable à la restauration, et j'en passe.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En conclusion, parce que nous croyons profondément que l'équilibre des finances publiques ne résultera pas d'une loi constitutionnelle d'affichage, mais bien d'un choix politique, nous vous invitons à voter cette motion de rejet préalable. Nous pourrons ainsi mettre un terme à ce débat, qui n'est qu'une mascarade qui n'a que trop duré. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous le voyons, M. Sarkozy et l'UMP découvrent, après neuf ans passés au gouvernement, le déficit des finances publiques, leur déficit ! Ainsi que nous le rappelait, il y a quelques jours, Didier Migaud pour la Cour des comptes, à peine un tiers seulement de ce déficit est imputable à la crise, les deux autres tiers étant dus à la politique menée par le Gouvernement, surtout depuis 2007. La crise a donc bon dos.

Le Gouvernement et sa majorité souhaitent désormais se prémunir contre eux-mêmes en quelque sorte, en s'en remettant au Conseil constitutionnel. À cette fin, ils prévoient de construire des usines à gaz articulées les unes aux autres, dont on ne sait pas très bien comment elles fonctionneraient. Le débat à l'Assemblée et au Sénat a montré que le Gouvernement lui-même ne savait pas très bien comment s'en sortir. Doit-on conférer aux lois de finances et aux lois de financement le monopole des mesures financières budgétaires ? Il faudrait alors « éclater » les textes ou différer l'adoption des mesures financières. Ce dispositif complètement ingérable, que personne n'a su expliquer convenablement, doit être repoussé.

Il semble donc que le Gouvernement et sa majorité souhaitent enfin réduire les déficits qu'ils ont eux-mêmes creusés et reconstruire l'équilibre des finances publiques. Mais, au lieu de se lancer dans ces débats, le plus simple ne serait-il pas de laisser la Constitution tranquille – après tout, elle n'oblige personne à être irresponsable – et de prendre les bonnes décisions ? À cet égard, je rappelle que, dès le début de la législature, la fameuse loi TEPA a donné le ton, notamment la disposition, inscrite dès l'article 1er, qui vise à exonérer de cotisations sociales et à défiscaliser les heures supplémentaires. Cette disposition, qui coûte tout de même 4,5 milliards à l'État, financés par la dette, sans créer le moindre emploi, sert, à 99 %, à financer des heures supplémentaires déjà réalisées et n'apporte donc aucune valeur ajoutée à notre économie. Quant au fameux bouclier fiscal, il a coûté, depuis 2007, près de 3 milliards aux finances publiques.

S'agissant de la sécurité sociale, le projet de loi de financement pour 2009 – examiné, je le rappelle, après le déclenchement de la crise, en septembre 2008 : on savait à donc quoi s'en tenir – annonçait un déficit de 9 milliards avec une perspective de retour à l'équilibre en 2012. Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 annonçait 30 milliards de déficit par an, sans aucune perspective de retour à l'équilibre. Quant au projet de loi de financement pour 2011, il annonçait un déficit total des régimes obligatoires de 23 milliards d'euros – personne ne vous a obligé à le voter, chers collègues de la majorité – et prévoyait un déficit d'encore 17 milliards à l'horizon 2014. Lorsque l'on additionne les déficits annoncés d'ici à 2014 pour les branches maladie et famille notamment, on s'aperçoit que ce sont tout de même 45 milliards d'euros qui seront financés par la dette, c'est-à-dire par les générations futures.

Bref, le Gouvernement et sa majorité préfèrent créer des usines à gaz ingérables, plutôt que de se pencher sur leur propre politique et d'assumer leurs responsabilités. Ce projet de loi constitutionnelle n'est qu'une opération de communication politicienne destinée à nous faire oublier les turpitudes du Gouvernement et de sa majorité. C'est pourquoi nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur de Rugy, je suis quelque peu étonné par certains des cinq arguments que vous avez développés.

Tout d'abord, contrairement à ce que vous dites, ce texte est écologique. Il soulève en effet la question centrale – que les Verts posent à juste raison en matière environnementale – de la durabilité et de la soutenabilité des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous devriez donc, au contraire, vous réjouir que l'on inscrive dans la Constitution un principe qui les garantisse et permette ainsi aux majorités successives de disposer de marges de manoeuvre pour gérer le pays. Je m'étonne de votre attitude, car je croyais que vous feriez partie des gens intelligents qui, dans l'opposition, soutiennent cette mesure écologique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Mallot, il ne vous est pas interdit d'être intelligent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En dépit de mes efforts, je ne vous arriverai jamais à la cheville !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ensuite, vous soulevez le problème du contrôle par le Conseil constitutionnel des lois de finances et des lois de financement. Mais c'est extrêmement simple : le Conseil constitutionnel aura à vérifier si ces textes dérapent ou non par rapport à la loi de programmation des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Or, celle-ci n'a pas de valeur constitutionnelle et peut être modifiée par tout gouvernement. Simplement, il devra la modifier avant de faire voter la loi de finances initiale ou la loi de financement de la sécurité sociale qui dégradent le solde budgétaire. Il s'agit donc d'un contrôle objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous avez voté toutes les lois qui ont dégradé le solde !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Troisièmement, il s'agit effectivement d'une idée centriste, comme vous le dites, une idée que nous défendons depuis des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Au centre, nous sommes ouverts, nous ne pensons pas que ce sont toujours les mêmes qui ont raison contre les autres, qu'il y a d'un côté les gentils et de l'autre, les méchants !

Vous savez, monsieur de Rugy, nos collègues allemands ne sont pas plus bêtes que nous, et quand les démocrates chrétiens, les sociaux-démocrates et les libéraux se mettent d'accord sur une réforme constitutionnelle bien plus dure que le texte que je vous invite à voter, prévoyant notamment de plafonner le déficit à 0,35 % du produit intérieur brut à partir de 2016…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Absolument ! Nous aurons l'occasion d'en reparler !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…ce qui représenterait, pour la France, 7 milliards d'euros de déficit, alors que nous en sommes déjà à 93 milliards d'euros de déficit –, cela devrait nous faire réfléchir ! Cela devrait nous inciter à ouvrir les fenêtres pour regarder ce qui se fait ailleurs et nous inspirer, le cas échéant, des bonnes idées mises en oeuvre par les autres grandes démocraties européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Enfin, irons-nous à Versailles ? Mais comme le Président de la République l'a dit, monsieur de Rugy, c'est lui qui prendra la décision sur ce point ! Pour ma part, comme je le redirai dans la discussion générale, j'espère bien que nous irons à Versailles et que chacun pourra s'expliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous pourrez ainsi expliquer, monsieur de Rugy, pourquoi vous refusez une mesure de bon sens et, de surcroît, écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, un observateur qui aurait quitté la France en 2001 et qui reviendrait au moment de cette discussion penserait que la majorité au pouvoir depuis bientôt dix ans a dû gérer les finances publiques de notre pays de façon remarquable, pour prétendre aujourd'hui inscrire dans la Constitution des règles de gestion budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il aurait du mal à imaginer que c'est cette même majorité qui, en l'espace de dix ans, aura doublé la dette de notre pays, cumulé sept années de déficit excessif sur dix et qui, dès la première année de son arrivée au pouvoir, en 2002, aura fait repasser la dette de notre pays au-dessus de 60 %, avant de la porter à 86 % du PIB en 2012, selon vos propres prévisions.

Il est vrai qu'en matière de discours sur la réduction des déficits, vous êtes sans rivaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En septembre 2007, lors d'un déplacement en Corse, François Fillon déclarait : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. Cela ne peut pas durer ».

Pourtant, qu'avait fait ce même Premier ministre deux mois auparavant, en juillet 2007 ? Il avait fait voter par sa majorité la loi TEPA, comprenant un paquet fiscal de 10 milliards d'euros, alors même qu'il savait pertinemment que la France était, sinon en faillite, du moins dans une situation de déséquilibre budgétaire qui aurait déjà dû conduire à une politique de réduction des déficits.

Et qu'allait faire ce même Premier ministre un mois plus tard, en octobre 2007 ? Présenter un budget comportant un déficit prévisionnel des finances publiques pour 2008 presque aussi élevé que celui de l'année précédente. On a pu vérifier, un an plus tard, lors de l'examen de la loi de règlement, que le déficit avait augmenté d'un point de PIB par rapport à ce qui avait été annoncé, pour s'établir à 3,3 %.

La France a ainsi abordé la crise en étant déjà en déficit excessif, alors que tous les autres pays européens avaient mis à profit la période de croissance pour réduire le leur. L'Allemagne – que vous adorez citer, mes chers collègues de la majorité –, qui affichait pourtant en 2005 un déficit excessif, plus élevé que celui de la France, l'avait même ramené à zéro en 2008. Évidemment, quand on aborde la crise avec un déficit nul, il est beaucoup plus facile de maintenir ce déficit sous les 3 % – malheureusement, ce n'est pas le cas de la France.

Que fit la majorité après ce discours ? Elle ne cessa de multiplier, durant quatre ans, les cadeaux fiscaux à crédit offerts aux plus fortunés de nos concitoyens.

Il faut tout de même un sacré culot au Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…qui a laissé exploser la dette et les déficits dans des proportions inédites depuis 1945, pour oser dire, comme hier, que « pour ceux qui auront l'idée de revenir sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de revenir sur la réforme des retraites ou de refuser une règle d'or qui obligera tous les gouvernements à prévoir un budget en équilibre, ce sera l'explosion de la dette, l'explosion des déficits. »

Mais l'explosion de la dette et des déficits, c'est vous, mes chers collègues ! C'est ce que vous faites depuis dix ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…et la crise n'y est pas pour grand-chose ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La Cour des comptes est un observatoire indépendant, qui nous fournit des données objectives. Elle souligne que, sur le déficit de 140 milliards d'euros de l'année 2010, 40 milliards seulement résultent de la crise, les 100 autres milliards d'euros constituant un déficit structurel. C'est dire que sans la crise, le déficit des finances publiques atteindrait tout de même 100 milliards d'euros, ce qui ne s'est jamais vu depuis 1945 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour atteindre un tel résultat, il faut vraiment le faire exprès ! C'est à se demander si vous n'aviez pas fait un pari !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En dix ans de majorité de droite, la dette aura doublé, passant de moins de 900 milliards d'euros à l'été 2002 à environ 1 800 milliards d'euros à l'été 2012, selon les prévisions de Bercy. La dette a augmenté de 360 milliards d'euros sous le Président Chirac et de 560 milliards d'euros sous le Président Sarkozy. Même si on enlève les 100 milliards d'euros de dette résultant de la crise – pour reprendre les évaluations effectuées par tous les instituts ainsi que la Cour des comptes –, les années Sarkozy resteront marquées par une augmentation historique de la dette, avec 460 milliards d'euros en cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Et que dire de cette politique absurde de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…dont la Cour de comptes rappelle, dans son rapport, qu'il faudrait huit années de cette politique pour atteindre le coût annuel de la baisse de la TVA dans la restauration ! En une seule journée d'annonce, le Président de la République aura augmenté, en 2009, le déficit structurel de notre pays d'un montant équivalent à l'application pendant huit ans du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Et il voudrait aujourd'hui nous faire croire qu'abandonner cette politique ferait exploser la dette ! Un peu de sérieux, monsieur le Président !

Le ministre du budget nous disait hier, avec son talent habituel, que le déficit serait ramené à 2 % du PIB en 2014. J'ai cherché en quelle année un gouvernement de droite avait réussi à réduire un déficit à moins de 2 % du PIB. Bien sûr, on se souvient de Raymond Barre, qui avait pratiquement réduit le déficit à zéro,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce qui vous a permis ensuite de faire beaucoup de bêtises !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…mais depuis, en trente ans, jamais un gouvernement de droite n'est parvenu à faire passer le déficit en dessous de 2 % ! Les seuls gouvernements à y être parvenus étaient de gauche : je veux parler des gouvernements Rocard et Jospin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Ils étaient tellement bons qu'ils ont été réélus !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Croyez-vous qu'une quelconque règle budgétaire aurait empêché vos dérives ? Vous démontrez vous-mêmes qu'il ne sert à rien d'inscrire de telles règles dans la loi. Un article de la loi organique prévoyait que tout nouveau transfert de dette à la CADES devait être accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse, pour ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous avez remis ce principe en cause pour reprendre les déficits sociaux accumulés de 2008 à 2011, ce qui a conduit à un allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il en est allé de même pour la règle de compensation de toute nouvelle dépense fiscale, enterrée sitôt qu'adoptée avec la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.

Idem pour la norme de dépense, allègrement violée avec les 34 milliards du grand emprunt dans la loi de finances pour 2010, comme nous le disions hier lors de l'examen de la loi de règlement. Que dire, enfin, de la règle consistant à affecter toutes les recettes nouvelles à la réduction du déficit ? Lors de l'examen, hier, de la loi de règlement, le rapporteur général du budget expliquait que les 10 milliards d'euros de recettes nouvelles avaient été aussitôt affectés à des dépenses nouvelles.

Voilà un gouvernement qui n'aura respecté aucune des règles de bonne gestion budgétaire – ni la limite des 3 % de déficit, ni le maximum de 60 % de dette, ni les nombreuses règles qu'il a lui-même fait voter – et qui tente aujourd'hui de faire oublier sa gestion calamiteuse des finances publiques de notre pays par une opération politicienne. La prétendue règle d'or n'est qu'une façade pour faire oublier la chape de plomb que vous avez placée sur les finances de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Qu'apporterait cette règle, quand on sait que l'essentiel des dérives ne résulte pas des lois de finances initiales, mais de leur exécution, c'est-à-dire des lois de règlement ?

Quant au choix de réserver les modifications fiscales et sociales aux seules lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, qu'avait utilement amendé le Sénat, le rapporteur l'a fait rétablir en commission des lois, alors même qu'il sait que 85 % des déficits résultent des lois de finances initiales et que pour les 15 % restants, c'est généralement le Gouvernement qui est responsable de l'essentiel des dérives. Tout cela, on le voit bien, n'a pas de sens. Il s'agit d'un simple habillage destiné à faire oublier votre responsabilité écrasante dans la dérive des déficits. Vous essayez tout simplement d'acheter pour demain une vertu budgétaire que vous n'avez jamais pratiquée !

Ces trente dernières années, la gauche et la droite ont gouverné chacune durant quinze ans. Au cours des quinze années pendant lesquelles la gauche a gouverné, la France n'a dépassé le critère des 3 % de déficit que pendant trois années et la dette est toujours restée inférieure à 60 % du PIB – même lorsqu'il a fallu, à l'été 1997, reprendre une dette de plus de 60 % laissée par le gouvernement de droite qui précédait. À l'inverse, au cours des quinze années pendant lesquelles la droite a gouverné, notre pays a connu douze années de déficit excessif, c'est-à-dire supérieur à 3 % du PIB. Quant à la dette, elle a toujours été supérieure à 60 % du PIB depuis 2002 et, selon vos propres prévisions, elle devrait atteindre 86 % du PIB en 2012.

Mes chers collègues, la conclusion est claire, et je pense que nos concitoyens la tireront d'eux-mêmes en 2012. Pour réduire la dette et les déficits, il n'est pas nécessaire de changer la Constitution : il faut changer de majorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Je ne surprendrai personne en disant que nous voterons la motion de procédure défendue par Pierre-Alain Muet. Notre position s'explique simplement.

Ce texte est un texte d'affichage, de communication – de campagne électorale, pourrait-on dire. Votre objectif est évident : vous voulez piéger l'opposition en nous mettant sur le dos le refus d'une pseudo-règle d'or d'équilibre des finances publiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…alors que vous-mêmes avez été incapables de maintenir un équilibre des finances publiques depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007.

Oui, cette loi est un texte d'affichage, et c'est tellement vrai que vous ne l'appliquerez pas vous-mêmes. Vous auriez pu décider de la mettre en oeuvre dès à présent – mieux vaut tard que jamais, et nous nous serions félicités de voir une année de bonne gestion clôturer ce quinquennat, après quatre années de mauvaise gestion…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…mais au lieu de cela, vous avez décidé de reporter l'application de votre réforme à la période suivant les élections de 2012.

Enfin, nous aurions pu évaluer, à l'aune des mesures que vous préconisez dans cette règle d'équilibre des finances publiques, les réformes que vous avez fait adopter depuis 2007. Là encore, le bilan aurait été cruel pour vous, car aucune de ces réformes n'aurait franchi l'épreuve des règles que vous prétendez instaurer aujourd'hui.

Preuve en est que la règle, adoptée en 2006 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances, affectant toute recette supplémentaire à la réduction du déficit, a été violée en 2010 puisque le surplus de TVA n'a pas été affecté à cette réduction. De même, l'obligation de gager les nouvelles dépenses fiscales n'a pas été respectée : 2,5 milliards d'euros n'ont pas été gagés en 2010. Enfin, s'agissant des normes de croissance des dépenses, la Cour des comptes vient d'annoncer que plus de 7 milliards d'euros ont été débudgétisés. Quant à la CADES, qui devait s'éteindre en 2021, vous l'avez prolongée. Sans parler du siphonage du fonds de réserve des retraites, siphonage que nous avons déjà dénoncé dans cet hémicycle et dans d'autres enceintes.

Nous ne pouvons pas soutenir une réforme d'affichage dont le Gouvernement n'a pas respecté les principes dans les quatre années qui précèdent, et que vous-même n'appliquerez pas dans l'année qui vous reste. Nous ne nous laisserons pas enfermer dans ce piège que vous tendez à l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pierre-Alain Muet a bien rappelé les faits et les chiffres. Il a eu raison parce que la démonstration est implacable.

Je tiens à dire à notre collègue Charles-Amédée de Courson, qui a cru pouvoir se livrer à une appréciation sur notre intelligence, que j'en appelle à mon tour à la sienne…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ça va être difficile : la barre est haute ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…puisqu'il prétend, en tant que centriste, écouter autant ce qui vient de la gauche que ce qui vient de la droite : s'il a bien écouté la défense de la motion de renvoi en commission, il aura noté qu'en la matière, ce qui vient de la gauche est tout de même beaucoup plus efficace que ce qui vient de la droite. C'est beaucoup plus du côté de la volonté politique qu'il faut chercher une solution pour atteindre l'équilibre des finances publiques que du côté de textes d'affichage.

Je veux aussi dire un mot sur les conséquences de cette irresponsabilité budgétaire et fiscale que Pierre-Alain Muet a bien pointée, irresponsabilité à l'oeuvre depuis quatre ans, après l'avoir déjà été sous d'autres gouvernements et majorités de droite.

On sait bien que les conséquences économiques peuvent être terribles demain, on le voit en Grèce et dans d'autres pays : l'une des premières conséquences, c'est l'augmentation en flèche des taux d'intérêt. À ce moment-là, en France, la charge de la dette, déjà très lourde puisqu'elle a augmenté de 7,7 % en 2010, serait un véritable boulet dans notre budget, et en plus, deuxième conséquence, elle étoufferait notre économie.

Il y a surtout un risque social, mais vous menez sans doute cette politique sciemment car vous voulez maintenir une pression sociale extrêmement forte. En effet, vous savez que la suite logique d'une telle irresponsabilité, c'est qu'un jour ou l'autre, il faut bien payer la facture, et c'est à l'ensemble des ménages que vous la présentez, avec un matraquage fiscal et des coupes claires dans le budget de l'État. Quand on ne cesse de désarmer l'État en le privant de ses moyens d'agir, d'investir mais aussi de fonctionner, un jour arrive où l'on est obligé de tailler dans son budget. Ce sont l'ensemble des Français qui en paieront les conséquences sociales en termes de service public et de protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mes chers collègues, je suis toujours très étonné de l'amnésie de Pierre-Alain Muet : la question n'est pas de savoir comment a été géré le pays, mais de savoir si cette réforme constitutionnelle aidera les gouvernements successifs à redresser la situation des finances publiques françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

La question est de savoir si on a besoin d'une telle loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est le cri du coeur de notre collègue ! Mais bien sûr que l'on en a besoin, monsieur Vergnier ! Pourquoi nos collègues socialistes sont-ils les seuls en Europe à défendre de telles thèses ? Je croyais pourtant qu'ils appartenaient à l'internationale socialiste et qu'ils se concertaient de temps en temps avec leurs amis sociaux-démocrates allemands. Ce sont eux, au pouvoir, qui ont poussé à la réforme reprise dans ce projet de loi constitutionnelle. Comment pouvez-vous nous expliquer, mes chers collègues, que vous êtes en concertation avec eux tout en étant en totale rupture sur ce sujet ? Quant à vos collègues travaillistes britanniques, ils ne sont tout de même pas plus bêtes que vous. Ouvrez donc les yeux.

Monsieur Muet, vous ne voulez pas répondre à la question de fond : faut-il un outil constitutionnel pour aider les gouvernements successifs à être sérieux et raisonnables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La réponse est clairement oui, mais vous, vous dites clairement non parce que vous pensez que les trois fois où vos amis ont été au pouvoir, ils ont été raisonnables. Or, parce que je fus et suis toujours barriste (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je vous rappelle que mon ami Barre, Premier ministre pendant cinq ans, a redressé les finances publiques alors qu'on était en pleine crise, et que les comptes publics étaient équilibrés quand vos amis sont arrivés au pouvoir. Vous-même l'avez reconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Qu'ont-ils fait d'un tel redressement ? En moins de deux ans, ils ont dégradé la meilleure situation de tous les pays européens pour aboutir à une calamité qui les a obligés à dévaluer, puis a amené M. Fabius au pouvoir pour essayer de limiter les dégâts. Ce fut le premier acte.

Deuxième acte : l'épisode Rocard. Il est arrivé à Matignon alors que nous étions en cycle haut, et il a tout dilapidé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rappelez-vous quel était le niveau du déficit en 1993 : 6,3 % du produit intérieur brut, le taux le plus élevé depuis quarante ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur de Courson, je vous rappelle que vous aurez dix minutes, au cours de la discussion générale, pour poursuivre votre intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Troisième et dernier acte : M. Jospin. Pouvez-vous me rappeler, monsieur Muet, dans quel état était les finances publiques en 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous en venons à la discussion générale. Mes chers collègues, je vous prie de tenir les délais qui vous sont impartis.

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le déficit de notre pays n'a jamais été inférieur à 1,5 % de la richesse produite durant l'année et aucun budget de l'État n'a été voté à l'équilibre. Les budgets de la sécurité sociale sont en déséquilibre depuis plus de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas vrai ! La sécu a été excédentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Le total des dettes publiques de notre pays dépasse 1 600 milliards d'euros. La crise que nous avons traversée a aggravé fortement la situation et nous oblige aujourd'hui à davantage de responsabilité afin d'assainir nos finances publiques. C'est à quoi s'attache la majorité. Mes chers collègues de l'opposition, j'ai entendu M. Mallot, M. de Rugy et M. Muet nous dire que nous découvrons les déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Non, mais nous, nous agissons. Et je vous invite, mes chers collègues, à agir également. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est votre politique qui a fabriqué les déficits !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Vous n'êtes pas aux affaires, mais au moins proposez des mesures dans vos projets. Or quand on lit le projet du parti socialiste, celui des écologistes, celui du parti communiste ou mélenchoniste, il n'y a rien ! rien sur la dépense publique ! rien sur l'assainissement des finances publiques ! Et la dépense reprend ses droits. Pour paraphraser M. Muet : quel culot !

La première de nos responsabilités, c'est de penser aux générations futures en limitant la charge qui leur est sans cesse transférée. Mais plutôt que de rechercher des coupables, il nous faut agir, à tous les niveaux de gouvernance dans notre pays. L'inscription d'une règle d'équilibre des finances publiques dans notre Constitution est une nécessité et relève du bon sens. C'est le moment de modifier notre approche et notre manière de traiter les questions budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Le projet de loi constitutionnelle propose d'inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions visant à réformer la gouvernance de nos finances publiques, suite notamment aux travaux du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, et à l'image de ce qui existe dans d'autres pays, comme par exemple en Allemagne.

Il s'agit tout d'abord de créer un instrument juridique nouveau, les lois-cadres d'équilibre des finances publiques, qui auront pour objectif d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Ces dispositions permettront de voter une date de retour à l'équilibre et d'établir en cohérence avec cet objectif l'effort à réaliser sur une période fixée à au moins trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Avez-vous besoin d'une loi pour cela ? Ne pouvez-vous pas le décider tout seuls ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

La création des lois-cadres est une mesure extrêmement positive puisque celles-ci permettront à un certain nombre de dispositions de s'imposer aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel pouvant ainsi sanctionner une loi de finances qui ne respecterait pas la trajectoire définie. Jean-Luc Warsmann l'a souligné lors de l'examen de ce texte en première lecture : il est important d'inscrire dans la Constitution les planchers de recettes et les plafonds de dépenses car dès lors qu'ils seront opposables, le Conseil constitutionnel pourra exercer un contrôle des lois-cadres sur la base de données objectives.

Nous nous sommes posé, en première lecture, la question de leur élaboration, qui peut donner lieu à imprécision. À la suite de leur examen, le Gouvernement devra prendre les mesures nécessaires, soit en trouvant des économies, soit en trouvant des recettes supplémentaires, pour revenir dans le tunnel défini par les objectifs de dépenses et de recettes. L'amendement que nous avons voté, à l'initiative de la commission des lois, permettra une certaine souplesse par rapport à la fongibilité : des recettes supérieures aux prévisions permettront d'accéder à une plus grande marge de manoeuvre ; inversement, si la recette est moindre que prévu, il faudra recadrer à l'évidence les dépenses.

Mais il est également nécessaire que l'on puisse modifier une loi-cadre dans l'hypothèse d'une crise majeure comme nous en avons connue une tout récemment. Cette modification doit rester exceptionnelle, mais elle doit être possible.

La deuxième série de dispositions vise à assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale dans le domaine de la fiscalité et dans celui des recettes de la sécurité sociale.

La question du monopole pose un problème évident touchant à l'initiative parlementaire, ce qui a suscité de la part de toutes les commissions des réactions bien compréhensibles. Le refus du dépôt de tout amendement de nature fiscale par les députés est trop strict et limite sans aucun doute l'initiative parlementaire. L'amendement proposé par le président de la commission des lois, que nous avons adopté en première lecture, est un bon compromis. Il propose de modifier l'article 41 de la Constitution afin de prévoir très concrètement la manière dont le monopole s'appliquera. Le Gouvernement ou le président de notre assemblée pourront ainsi, à tout moment, opposer l'irrecevabilité à une disposition qui ne respectera pas l'équilibre général défini par la loi-cadre. Cela donnera la possibilité au député qui le souhaite de déposer une proposition de loi incluant une disposition fiscale ou sociale, sachant qu'une telle disposition ne prospérera pas si elle ne respecte pas le principe du rassemblement de la loi fiscale et sociale, Cette solution, mes chers collègues, garantit le droit d'initiative des parlementaires car ceux-ci pourront formaliser leur proposition de loi. Mais pour qu'une disposition fiscale soit discutée, elle devra être redéposée sous forme d'amendement à un projet de loi de finances ou bien à un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce compromis, sur lequel le Sénat est d'ailleurs revenu, est une solution équilibrée qui va dans le sens de nos débats tout en préservant l'initiative parlementaire et la cohérence du projet de loi constitutionnelle.

Enfin, le troisième grand objectif de ce texte concerne l'inscription dans la Constitution du principe d'une transmission systématique au Parlement des programmes de stabilité, avant qu'ils ne soient adressés à la Commission européenne conformément au pacte de stabilité et de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

On ne peut que se féliciter du consensus qui s'est dégagé entre la commission des lois, la commission des finances et celle des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ainsi qu'avec le Sénat, non seulement sur la transmission systématique des programmes de stabilité au Parlement, mais également sur le principe d'un débat, puis d'un vote en commission, sur lesdits programmes. La possibilité d'un débat et d'un vote en séance publique, à l'initiative du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, que nous avons adoptée en première lecture va, là aussi, dans la bonne direction.

Notre collègue Gilles Carrez le rappelait en première lecture : notre trajectoire budgétaire a cheminé parallèlement à celle de l'Allemagne depuis vingt ans, en particulier après la mise en place de l'euro, et nous avons connu globalement des évolutions analogues. Or depuis la crise financière, nous avons commencé à diverger. L'Allemagne a pris ses responsabilités en réformant sa Constitution pour y inscrire une règle drastique dotée d'une date intangible de retour à l'équilibre : 0,35 point de déficit maximum à l'horizon 2016. C'est ce qu'a évoqué notre estimable collègue, M. de Courson. Il est donc impératif que nous prenions également des dispositions similaires, en tenant compte des spécificités propres à notre pays.

Au final, ce texte inscrit dans la Constitution des pratiques plus vertueuses avec un équilibre entre contrainte et souplesse. La contrainte, c'est que les lois-cadres disposeront d'une primauté sur les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, par le biais d'un plancher de recettes et d'un plafond de dépenses. La souplesse, c'est que ces lois-cadres pourront être révisées.

Enfin, ce texte, que l'on peut qualifier de règle d'or des finances publiques, renforce la crédibilité de notre pays et donne un signal positif à nos partenaires étrangers.

Il est donc important que l'ensemble des groupes politiques – et donc ceux de l'opposition – s'accordent sur ce qui me semble être l'intérêt supérieur de notre pays et s'entendent donc pour voter cette réforme indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Leurs oppositions seraient incompréhensibles. Je ne peux croire à une pareille extrémité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ira-t-on à Versailles, monsieur le ministre ? C'est la première question que j'ai envie de vous poser.

La réponse dépend du Président de la République, pas de nous. Pourtant, nous avons passé de nombreuses heures dans cet hémicycle – et ce n'est pas fini – à débattre d'un sujet dont nous ne sommes pas sûrs de l'aboutissement, de sa mise aux voix au Congrès à Versailles. Cela me paraît relever d'une politique de gribouille.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Certains orateurs ont déjà souligné que la vertu ne se décrète pas mais qu'elle se mérite, mon cher collègue, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…après avoir énuméré le nombre de fois où vos gouvernements ont violé les règles qu'ils avaient eux-mêmes édictées.

Un point me taraude : le déficit et la dette ne se sont pas créés de façon inopinée. Avec Mme Lagarde, vous avez, monsieur le ministre, organisé patiemment le transfert d'une grande partie de la dette privée sur la dette publique.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

C'est surtout la crise qui a fait cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous prétendez avoir sauvé les banques à grands coups de milliards, lorsqu'elles se sont trouvées face à leurs engagements malheureux sur les subprimes. En volant au secours de ces banques, vous avez bien opéré un transfert de dettes privées sur la dette publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous recommencez la même manoeuvre avec les différents plans de soutien à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal ou à l'Irlande. Non qu'il ne faille pas aller au secours de ces pays, mais il s'agirait de mettre les banques – y compris françaises – à contribution. Sans entrer dans les détails probablement un peu confidentiels, nous apprenions ce matin que les engagements des banques françaises sur la dette grecque ne sont pas négligeables.

Lorsque vous substituez des engagements privés par des engagements publics sur la Grèce, vous transférez bien une charge sur les générations futures de notre pays puisque vous n'avez d'autre moyen de financement que le recours à l'endettement.

Venons-en aux milliards d'économies que vous prétendez tirer de la RGPP, argument que vous faites valoir à Bruxelles pour contribuer à faire croire que la situation va s'améliorer. Vous ne parlez que des millions d'économies réalisées grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire partant en retraite sur deux.

Outre qu'elles mettent à mal les services publics comme nous l'avons déjà abondamment expliqué, ces économies ne sont pas à la hauteur des chiffres que vous affichez. Prenons un seul exemple tiré non pas d'un journal d'extrême gauche ou d'un rapport interne au parti socialiste, mais du rapport de Gilles Carrez, rapporteur général du budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Dans le rapport qui nous a été remis à la fin de la semaine dernière, il écrit que dans l'éducation nationale, un secteur qui touche tous les Français, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant en retraite sur deux produit une économie nette de 200 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

À 100 000 euros près, 200 millions d'euros, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est huit fois moins que le montant des dépenses engendrées par la réduction de la TVA sur la restauration. Je ne sais pas si cette dernière mesure a permis des réductions de prix, mais elle n'a pas touché tous les Français comme les fermetures de classes issues de ces prétendues économies.

Pour conclure, j'évoquerai ce sparadrap qui vous colle aux doigts, monsieur le ministre : cette loi sur le monopole aux lois de finances ou aux lois de finances rectificatives de toute décision de nature fiscale. Enfin, mes chers collègues, vous êtes bien empêtrés dans cette affaire ! Vous ne savez plus comment vous en sortir !

L'amendement de notre collègue Jean-Luc Warsmann revient à dire que le Gouvernement ou le président de l'Assemblée nationale aura droit de vie et de mort sur tout amendement ou sur toute proposition de loi d'initiative parlementaire. En fait, le Gouvernement ou le président de l'Assemblée nationale pourra s'opposer à toute mesure fiscale contenue dans un amendement ou dans une proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est insensé ! Il n'y a plus de Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Si c'est cela la coproduction législative, mes chers collègues, je pense qu'il vaut mieux rejeter ce texte que nous n'adopterons pas ici au Palais Bourbon et encore moins au Congrès à Versailles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, rendu public mercredi dernier, le département des affaires économiques et sociales de l'ONU estimait que « les gouvernements doivent réagir avec prudence en faveur de la consolidation budgétaire et l'adoption de mesures d'austérité s'ils ne veulent pas risquer d'interrompre le redressement de leur économie ».

À rebours de ces recommandations, tardives mais sages, le Chef de l'État a rappelé vendredi dernier son attachement à graver dans le marbre de nos institutions les règles d'orthodoxie budgétaire dictées par la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le propos n'est pas neuf. Déjà en 2008, dans son discours de Toulon, Nicolas Sarkozy expliquait : « Quand on veut dire la vérité aux Français, il faut la leur dire jusqu'au bout, et la vérité c'est que l'État ne peut pas indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par l'emprunt. Il faut bien un jour payer ses dettes. »

François Fillon avait lui aussi donné le ton un an plus tôt en affirmant : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. Je suis à la tête d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique. Je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer. »

Derrière leur apparent bon sens, ces formules ne visaient en réalité qu'à préparer l'opinion publique à la politique d'austérité actuellement à l'oeuvre dans la plupart des pays de l'Union.

Pour le reste en effet, force est de constater que l'actuel Gouvernement n'a jamais respecté ses engagements en termes de réduction des déficits. Ceux-ci n'ont cessé au contraire de s'aggraver, fruit de votre gestion calamiteuse des deniers publics depuis 2002.

Le Gouvernement et sa majorité – UMP et Nouveau Centre – ne cessent pourtant de nous expliquer que le principal problème serait le niveau trop élevé des dépenses publiques en France, lequel est supérieur de sept points à la moyenne des pays de l'OCDE.

Mais quel est à cet égard le bilan du Gouvernement ? La croisade idéologique contre l'État et les services publics conduite au travers de la révision générale des politiques publiques et la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite n'a pas eu d'effets majeurs en termes d'économie : sept milliards d'euros d'économies en cinq ans représentent un montant dérisoire au regard des cadeaux fiscaux faramineux consentis au cours de la même période.

Mais cette politique a considérablement dégradé la vie de nos concitoyens. Le Premier président de la Cour des comptes nous en fournissait un exemple la semaine dernière : la réduction de la TVA dans la restauration représente un coût annuel pour les finances publiques équivalant à huit ans de politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Premier problème dont souffre notre pays : le nombre et le poids colossal des cadeaux fiscaux ; les niches fiscales représentent au bas mot un manque à gagner annuel de 75 milliards d'euros pour les recettes de l'État. S'y ajoutent les déséquilibres et l'injustice de son système fiscal, que vous avez tordu dans le sens de la dégressivité au bénéfice des plus favorisés ou des plus grandes entreprises.

Il n'est pas acceptable que les PME soient plus taxées que les grandes entreprises, que les plus fortunés acquittent un taux moyen d'imposition réel de 33 %, par le jeu des niches fiscales, alors que ce taux est de 47 % pour la majorité de nos concitoyens.

Vos largesses fiscales sans pertinence économique ont plombé les comptes publics. Voilà la réalité. L'État a perdu 100 à 120 milliards d'euros de recettes en dix ans. Les baisses d'impôts en sont responsables pour les deux tiers.

Vous ne nous proposez rien d'autre que de persister dans la voie de la multiplication de ces cadeaux à fonds perdus. Nous en avons l'illustration avec la décision récente de réduire l'ISF de moitié pour un coût global de deux milliards d'euros.

En dix ans de politique de droite, votre politique, le montant de la dette publique a été multiplié par deux, passant de 900 milliards d'euros à 1 800 milliards d'euros et probablement encore davantage fin 2012. Le déficit structurel, c'est-à-dire exception faite de la conjoncture et de la crise, a suivi la même trajectoire, passant de 2 % en 2002 à 5 % en 2010.

À chaque nouveau gaspillage d'argent public dans les cadeaux fiscaux, vous en appelez à de nouvelles économies du côté des dépenses, au risque d'entraîner notre pays dans une spirale de récession. Car, en réduisant le montant des dépenses publiques, ce sont nos services publics, l'investissement public, nos équipements, notre réseau de transport, notre système éducatif que vous mettez en péril.

Votre stratégie est en réalité d'appauvrir toujours plus l'État et désormais les collectivités locales, de réduire le périmètre de l'action publique et de la protection sociale, au nom de la sacro-sainte course à la compétitivité. Cette course folle n'a d'autre but que la création de valeur pour l'actionnaire et la spéculation et qui n'a que mépris pour l'intérêt général ou le respect des principes démocratiques fondamentaux.

Votre projet de loi constitutionnelle n'a d'autre finalité que de mettre en conformité notre politique budgétaire avec les critères de convergence définis par Bruxelles. Il prend place dans une stratégie d'ensemble, celle définie dans le cadre du « Pacte pour l'euro plus », signé en mars dernier. Ce pacte vise à faire la promotion à l'échelle européenne d'un ensemble de mesures inspirées par l'ordolibéralisme allemand.

C'est ainsi que ce pacte prévoit un contrôle préalable de la Commission européenne sur les lois de finances, avant leur examen par les parlements nationaux, et des pénalités financières pour les États qui ne respecteraient pas les critères de convergence. C'est ainsi que sont, en outre, prévus un encadrement drastique des salaires et des négociations salariales, le développement de la flexisécurité pour accroître la productivité, la réduction des charges fiscales sur les entreprises, l'adaptation de l'âge de départ en retraite à l'espérance de vie, l'encadrement des dépenses de soins et de protection sociale en fonction de la démographie et du niveau d'endettement.

Ce n'est pas l'assainissement de nos finances publiques qui est au coeur de votre projet mais la mise sous tutelle de nos finances publiques et de nos comptes sociaux, au mépris de la souveraineté du peuple.

Les pouvoirs exorbitants que votre texte confère au Conseil constitutionnel, érigé en garant de l'orthodoxie budgétaire, comme l'organisation du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui va priver en pratique les parlementaires du peu de pouvoir d'initiative qui leur reste, sont symptomatiques de la volonté de passer outre l'expression de la volonté populaire. De la même manière, vous refusez d'ailleurs de soumettre le présent texte à référendum.

Selon l'heureuse formule de notre collègue Thierry Foucaud au Sénat, vous voulez faire des parlementaires les « enfants de choeur de la grand-messe de l'austérité » et de nos concitoyens les spectateurs impuissants de la soumission du débat parlementaire et des choix budgétaires aux calculs technocratiques des partisans de la fuite en avant dans la concurrence fiscale et sociale.

Nous estimons pour notre part que l'assainissement nécessaire de nos finances publiques, si nous voulons en particulier prévenir tout emballement de la dette publique, passe en priorité par une refonte globale de la fiscalité. Aujourd'hui, l'urgence nous paraît être de rétablir la progressivité de l'impôt, d'opérer une refonte de l'impôt sur le revenu, qui a perdu la moitié de son rendement en vingt ans, de rétablir l'ISF en en élargissant l'assiette et en en augmentant le taux afin de lui faire jouer pleinement son rôle redistributif, de taxer le capital au même taux que les revenus du travail, de moduler l'imposition des entreprises et les cotisations patronales en fonction de l'orientation des bénéfices réalisés, selon que l'entreprise privilégie le versement de dividendes ou l'emploi stable, les salaires, l'investissement et la formation. Ces réformes permettraient d'engranger des dizaines de milliards d'euros et de favoriser une nouvelle répartition des richesses entre le capital et le travail.

La réduction du déficit public doit résulter d'une volonté politique, mais, en enfermant la discussion budgétaire dans un carcan, votre texte a vocation à la bâillonner, et c'est pourquoi nous confirmons notre hostilité de principe et de fond à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de réforme constitutionnelle que nous examinons à nouveau aujourd'hui doit permettre de fixer un cadre budgétaire pluriannuel et encourager les majorités successives à s'y conformer rigoureusement. Quand on connaît la situation dégradée des finances publiques, dont il était encore question hier soir dans cet hémicycle au sujet des perspectives pour 2012, on sait qu'il est urgent que nous nous dotions d'une règle budgétaire contraignante.

Notre groupe votera en faveur de ce projet de loi constitutionnelle, car non seulement il marque un vrai tournant dans notre vie budgétaire et parlementaire, mais les centristes en revendiquent la paternité. Il y a dix ans, à l'occasion de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, le groupe UDF avait en effet proposé d'inscrire la règle d'or dans un texte à valeur constitutionnelle, mais il n'avait pas été suivi. Dès le début de la présente législature, en janvier 2008, le groupe Nouveau Centre a déposé une proposition de loi constitutionnelle relative au retour à l'équilibre des finances publiques : elle n'a pas été adoptée. Enfin, le texte d'aujourd'hui est la traduction législative d'une promesse figurant dans la plateforme électorale de la majorité présidentielle lors des élections législatives de 2007. Je cite ce texte, rédigé à la demande des centristes : « Il nous sera alors possible d'inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la “règle d'or” selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement. » On pourrait dire, symétriquement, qu'il faut un équilibre de fonctionnement.

Il faut tendre vers un fédéralisme européen en matière budgétaire, et c'est ce que propose ce texte. L'intervention du Parlement dans la procédure dite du « semestre européen » est une avancée importante, car elle confirme l'idée que l'on ne fera pas progresser la construction européenne sans y associer l'ensemble des acteurs, au premier rang desquels figurent les Parlements nationaux. En la matière, nous ne pouvons être une vulgaire chambre d'enregistrement balançant entre les décisions du Gouvernement et les réponses de Bruxelles.

Désormais, à l'initiative du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, le projet de programme de stabilité fera l'objet d'un débat et d'un vote en séance publique. En clair, il s'agit de systématiser la procédure prévue à l'article 50-1 de la Constitution. Pour le groupe Nouveau Centre, qui avait déposé un amendement en ce sens en première lecture, il s'agit d'un progrès incontestable.

Cependant, monsieur le ministre, certaines dispositions sont à préciser. En effet, l'objectif, souhaité par les centristes, d'un équilibre de fonctionnement pour le budget de l'État, pour celui de la sécurité sociale et pour celui des collectivités territoriales, correspond à un déficit très faible, de l'ordre de moins de 1 %. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, nous sommes en avance sur les Länder allemands, puisque l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales dispose d'ores et déjà que « le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre ». Du reste, le déficit des collectivités territoriales est très faible, puisqu'il représente à peine 0,2 % du produit intérieur brut.

Quant au budget de la sécurité sociale, l'équilibre de fonctionnement doit être total, puisque l'ensemble des dépenses sont des dépenses de fonctionnement.

Pour le budget de l'État, l'application du principe que nous défendons – pas de déficit de fonctionnement – fait qu'il ne reste que 20 milliards d'investissements, en comptant large, c'est-à-dire en comptant les subventions d'investissement.

Si vous faites la somme de ces trois éléments – zéro pour la sécurité sociale, 3 à 4 milliards d'euros pour les collectivités territoriales et 20 milliards d'investissement de l'État –, vous obtenez 25 milliards, soit 1 ou 1,2 % du produit intérieur brut. Pour le budget de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, ce niveau est encore nettement supérieur à celui fixé dans la Constitution allemande, puisqu'il est de 0,35 %.

La question du monopole des lois financières reste en suspens. En première lecture, à l'Assemblée nationale, a été trouvé un compromis qui consiste à renforcer le mécanisme de contrôle de l'article 41 de la Constitution relatif à la protection du domaine réglementaire pour faire respecter le monopole conféré aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Le Gouvernement ou le président de l'assemblée concernée aurait la possibilité, à tout moment de la procédure législative, de soulever l'irrecevabilité pour méconnaissance du domaine des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. En cas de désaccord entre ces deux autorités, le Conseil constitutionnel serait saisi pour trancher le différend.

Ce compromis était raisonnable. La solution entérinée par le Sénat, à savoir un système de ratification des dispositions fiscales, est intenable. Comment voulez-vous qu'une assemblée annule dans une loi de financement de la sécurité sociale ou une loi de finances initiale, des dispositions votées par elle-même quelques mois plus tôt dans un texte qui n'était ni une loi de finances initiale ni une loi de financement de la sécurité sociale ? Nous préconisons, pour notre part, de revenir au texte du compromis de l'Assemblée nationale.

Enfin, il faut convoquer le Congrès. Étant donné l'urgence où nous sommes de nous doter d'une règle opposable inscrite dans la Constitution, le groupe Nouveau Centre souhaite que le Président de la République soumette la réforme au Parlement réuni en Congrès à Versailles en vertu de l'article 89 de la Constitution. Car, ne nous y trompons pas, cette réforme concerne l'ensemble des formations politiques appelées à gouverner de façon responsable.

Aussi, j'en appelle à la lucidité de nos collègues de l'opposition – ou en tout cas d'une minorité d'entre eux –, car chacun sait que nous ne disposons pas des trois cinquièmes des suffrages : nous en sommes à 57 ou à 58 %, et il nous manquerait une vingtaine de voix. Il n'est pas exclu qu'un certain nombre de nos collègues sérieux et responsables de l'opposition se joignent à nous, et nous nous honorerions en votant très largement une telle réforme constitutionnelle. Il en va de notre crédibilité à l'égard de nos partenaires européens. Il en va aussi de la pérennité de la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le projet de loi que vous nous proposez est à l'évidence une opération électoraliste.

En effet, vous avez fait preuve d'une irresponsabilité flagrante dans la gestion de comptes publics depuis 2002, avec une accélération depuis 2007. Or, aujourd'hui, sous la pression des marchés et des agences de notation, le Président de la République vous demande d'inscrire dans la Constitution des règles contraignantes de gestion, pas contraignantes pour vous mais contraignantes pour les gouvernements à venir. Pour que votre proposition fût crédible, il eût fallu les respecter au cours des dernières années !

De plus, ces règles existent déjà : le traité de Maastricht, l'article 20 de la loi organique relative au financement de la sécurité sociale ou encore la règle de compensation de toute nouvelle dépense fiscale. Las, vous avez allègrement transgressé toutes ces règles les unes après les autres. Entre les deux lectures du texte, vous n'avez d'ailleurs pas hésité, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011, à relever le seuil d'assujettissement à l'ISF et à abandonner deux milliards d'euros de recettes, la contrepartie de ces mesures étant pour le moins aléatoire.

Le dernier rapport de la Cour des comptes, publié la semaine dernière, présente un bilan cruel de votre gestion et confirme les inquiétudes qu'inspirent les finances publiques de notre pays et l'avenir de la protection sociales de nos concitoyens. En son temps, votre prédécesseur, M. Woerth, que j'interrogeais lors des questions d'actualité, m'avait répondu qu'il n'était pas d'accord avec les conclusions de la Cour des comptes.

Dans son nouveau rapport, la Cour confirme les analyses précédentes et stigmatise votre gestion.

L'aggravation du déficit structurel et l'explosion de la dette, c'est vous ! En effet, le déficit structurel est passé de 3,7 % du PIB en 2007 à 4,6 % en 2009, pour atteindre 4,9 % en 2010 hors effet du plan de relance. Cette aggravation est due pour les deux tiers à votre gestion et non à la crise.

Après s'être timidement réjouie de la maîtrise des dépenses publiques en 2010, la Cour signale que « la norme de croissance zéro du volume des dépenses n'a en réalité pas été respectée, malgré les charges d'intérêts inférieures aux prévisions ».

De plus, l'impact du ralentissement des dépenses, représentant 0,5 % du PIB, a presque été compensé par des baisses d'impôts qui représentent 0,4 % du PIB. Le facteur essentiel qui explique ce ralentissement est la diminution de 1,9 % des dépenses publiques locales ; cela représente effectivement les deux tiers de la baisse. Or ce sont ces collectivités qui ont subi à plusieurs reprises les critiques du Président de la République et de sa majorité pour une gestion jugée irresponsable.

La conclusion de la Cour des comptes est que « l'effort structurel a été quasiment nul en 2010 ».

La Cour compare les résultats de notre pays à ceux de nos voisins européens et aux pays de l'OCDE. Le constat est accablant : dans la plupart des pays, la reprise économique a permis de réaliser des résultats meilleurs que les prévisions grâce à une augmentation des recettes. Ce n'est pas le cas chez nous. Les cadeaux fiscaux destinés aux plus riches qui se succèdent entraînent, pour notre pays, un déficit structurel supérieur a la moyenne européenne, et la comparaison avec nos amis allemands est encore plus édifiante.

La Cour vous met en garde et dénonce votre gestion qui pourrait nous entraîner dans la spirale négative que connaissent la Grèce, l'Irlande et le Portugal.

Cette évolution et cette situation qui diverge de celle de nos voisins européens sont le fruit de vos nombreuses niches fiscales et sociales. La Cour émet des doutes à propos de leur efficacité économique et en termes d'emploi. Elle souligne des coûts exorbitants eu égard aux résultats et cite, entre autres, l'exonération d'impôt et de cotisations sociales des heures supplémentaires, le plafond des réductions sur l'aide à la personne et certaines aides à l'embauche dans le secteur marchand. Elle demande la remise à plat de l'ensemble des dépenses fiscales liées à la mission « Travail et emploi ». Rappelons que les niches fiscales et sociales représentent aux environs de 140 milliards d'euros de pertes de recettes par an pour l'État. Monsieur le ministre, la responsabilité du Gouvernement dans une dégradation de nos finances publiques qui met en difficulté notre économie et l'ensemble de nos concitoyens est avérée.

En ce qui concerne l'opportunité de ce projet de loi constitutionnel, la Cour précise ceci dans sa conclusion générale : « La réduction du déficit structurel ne viendra pas seulement des règles mais aussi de réformes d'une ampleur suffisante et poursuivies dans la durée. Elle est possible si la répartition des efforts est adéquate entre l'action sur les dépenses et les augmentations de recettes. »

Ce n'est pas d'une loi d'affichage supplémentaire que nous avons besoin, c'est d'une volonté politique, d'une gestion cohérente et d'une répartition équitable des richesses.

Nous ne pouvons adhérer à ce texte qui vise à substituer à cette volonté politique des règles contraignantes dont vous vous êtes exemptés. Vous comprendrez que nous ne voterons pas ce texte de circonstance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout contribue à faire ressortir le caractère incongru de ce texte. Tout d'abord, l'objectif prioritaire à atteindre, ce n'est pas la règle d'or, c'est un déficit qui ne soit pas supérieur à 2,5 % ou 3 % du produit intérieur brut. C'est la règle du pacte de stabilité, et, comme l'a rappelé hier le rapporteur général, c'est à ce niveau de 2,5 % à 3 % du PIB que l'endettement cesse de croître, car cela correspond à l'annuité de remboursement de la dette. Il est vrai qu'il faudrait, dans la période actuelle, descendre au-dessous de ce seuil, mais c'est pour des raisons de circonstances, ce n'est pas pour des raisons de principe.

Au regard de cette réalité, la règle d'or que vous prétendez imposer relève au mieux de l'idéologie et au pire de l'opportunisme. Elle est dangereuse dans son principe parce qu'elle enlève toute souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je me souviens que, lorsque nous avons débattu de la révision de la Constitution au printemps de l'année 2008, M. de Courson et ses amis idéologues voulaient déjà nous imposer la règle d'or. Si nous avions voté cela, que se serait-il passé quelques mois plus tard face à la crise ? (Protestations sur les bancs du groupe NC.) Il aurait sans doute fallu réviser à nouveau la Constitution pour être capable de répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous êtes un idéologue, monsieur de Courson !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ensuite, cette réforme présente quand même un aspect opportuniste. Il est étrange de faire voter ce texte en fin de législature alors que cette règle n'a jamais été respectée au cours des quatre années précédentes, y compris avant la crise ; la Cour des comptes l'a récemment démontré.

Il y a aussi l'affirmation gênante d'une posture nationale qui relativise notre engagement européen. Quel est, en effet, l'objectif prioritaire ? Est-ce le pacte de stabilité ou est-ce la règle d'or ?

Enfin, il y a l'accumulation d'un certain nombre de règles complexes, l'empilage des lois d'encadrement des finances publiques, avec un contrôle du Conseil constitutionnel dont personne ne peut prévoir jusqu'où il s'étendra. Ce sera laissé au bon vouloir des membres du Conseil constitutionnel et, s'il y a des financiers parmi eux, on peut s'attendre à un contrôle très étendu.

Il y a aussi la limitation de l'initiative financière des parlementaires, une sorte de « super-article 40 », pour laquelle, nonobstant les efforts des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, nous ne trouvons pas de solution véritablement satisfaisante.

Monsieur le ministre, ce byzantinisme forcené est un peu, malheureusement, le signe de la décadence de nos institutions sous ce quinquennat.

Ce qui s'impose, c'est, en réalité, une démarche d'une autre nature. Tout d'abord, comment retrouver l'équilibre de nos finances publiques ? C'est d'abord une affaire de détermination politique. Si on a cette détermination politique, on l'a ; si on ne l'a pas, on ne peut pas la remplacer par des ersatz de volontarisme tels que la règle d'or que vous voulez nous imposer. L'autre question est : comment renforcer la cohésion au sein de l'Union européenne ? On s'y emploie peut-être un peu tardivement avec le semestre européen.

Je crois, monsieur le ministre, que la raison l'emportera dans cette affaire, car vous ne trouverez pas la majorité nécessaire pour faire adopter ce texte inutile, absurde et finalement dangereux. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Mon rappel au règlement sera très bref. Je fais simplement remarquer que, pour un projet de loi constitutionnelle, prétendument important pour le Président de la République, il n'y a strictement personne sur les bancs de la droite. C'est quand même assez surprenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Certes, nous retrouverons, je le pense, nos collègues pour voter, mais si ce projet de loi était important, il me semble qu'il serait quand même normal qu'il y ait quelques représentants de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, mes chers collègues, hors collègues de l'UMP, sauf à parler de ceux qui nous regardent à la télévision dans leur bureau, en entendant tout à l'heure M. le ministre présenter à nouveau ce projet de loi constitutionnelle destiné à confier au Conseil constitutionnel la gestion des finances publiques, en entendant décrire par vous-même, monsieur le ministre, et, il y a quelques jours, devant nos commissions des finances et des affaires sociales, par le Premier président de la Cour des comptes, également par nos rapporteurs de la majorité Carrez et Bur, l'état calamiteux desdites finances publiques de la France et la taille abyssale de nos déficits, en entendant les uns et les autres, à droite, prodiguer leurs conseils et prendre de bonnes résolutions, voire des engagements, sans cesse renouvelés, sans cesse reportés, des engagements revolving en quelque sorte, en vous entendant donc, je me posais une question : mais qui donc gouverne la France depuis neuf ans ? Quelle politique économique, budgétaire, sociale, financière a bien pu conduire à cette situation terrible ? Comment se fait-il que des hommes et des femmes, aussi lucides, aussi compétents, aussi intelligents, comme M. de Courson, n'aient rien fait, depuis si longtemps, pour redresser une telle situation ?

En réalité, en présentant cette révision constitutionnelle, vous cherchez à vous protéger de vous-mêmes. Après des années d'abus de substances interdites dommageables pour votre santé et, surtout, pour celle de la France, vous avez décidé d'arrêter. Pour cela, vous voulez confier les clés de la cave au Conseil constitutionnel. Ne serait-il pas plus simple d'agir concrètement ?

Si vous voulez enfin adopter un mode de gestion responsable des finances publiques, commencez par revenir sur vos erreurs passées, et veillez à ne pas en commettre de nouvelles. Au chapitre des erreurs passées, je n'en mentionnerai qu'une : la défiscalisation et exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, que tous les économistes sérieux, notamment ceux du Conseil d'analyse économique, dans une note très récente, ainsi que le Conseil des prélèvements obligatoires, critiquent vigoureusement et vous demandent de supprimer. Quand même, subventionner, avec un coût pour les finances publiques de plus de 4,5 milliards d'euros, plus de 700 millions d'heures supplémentaires déjà effectuées, et qui le seraient de toute façon, les subventionner avec les effets néfastes sur le taux de chômage que l'on sait, avant la crise, pendant la crise et en sortie du crise, alors même que l'heure supplémentaire est, par nature, la plus rentable pour l'entreprise, et financer cette mesure par la dette… vous faites très fort ! Si la Grèce, dont on parle beaucoup, avait fait cela il y a quatre ou cinq ans, je n'ose imaginer les sarcasmes que l'on entendrait aujourd'hui à son égard, dans votre bouche, monsieur le ministre, ou dans celle de M. Sarkozy.

Il y a mieux, ou pire. En lisant votre projet de révision constitutionnelle, on peut se dire : « Ils ont enfin compris ! » Eh bien, non ! Le premier texte que vous nous avez présenté à la suite de celui-ci, c'est le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2011, dont l'objet principal est d'instituer la prime Sarkozy dite – improprement – « mille euros ». Vous savez, c'est cette loterie où personne ne gagne.

Or que nous annonce ce projet de loi, première traduction du monopole dont vous parlez ? Tout d'abord, il apporte une confirmation : en dehors de la branche vieillesse, dont les déficits, après dilapidation du Fonds de réserve des retraites, ont été transférés par anticipation à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – bonjour, les générations futures ! –, les déficits cumulés des trois autres branches, dont, essentiellement, la maladie et la famille, atteindront 45 milliards d'euros à la fin de l'année 2014. Vous ne dites rien du financement de ce solde, qui n'est d'ailleurs que provisoire, puisque vos prévisions n'annoncent aucune perspective de retour à l'équilibre des régimes sociaux, jamais. Re-bonjour, la dette ! Re-bonjour les générations futures !

Ce même PLFRSS, dans son exposé des motifs, confirme votre volonté affichée de réduire les niches sociales. Soit. Mais que fait-il concrètement ? Il en crée une nouvelle ! Dans les entreprises ayant versé des dividendes en augmentation sur les deux derniers exercices, une négociation sociale pourra aboutir au versement d'une prime exceptionnelle, dont le montant n'est pas garanti, mais dont une caractéristique est sûre : elle sera exonérée de cotisations sociales et assujettie seulement à la CSG, à la CRDS et au forfait social : le manque à gagner est garanti pour les finances publiques !

Il est vrai que la seule obligation pour les entreprises concernées est la conduite d'une négociation qui peut ne pas aboutir. Il y a longtemps que les salariés ont perdu leurs illusions, eux qui savent que leur pouvoir d'achat dépend de leur salaire, non d'un hypothétique pourboire.

Au bout du compte, à travers cette illustration de votre politique, votre projet de révision constitutionnelle apparaît pour ce qu'il est : de la poudre aux yeux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord répondre à l'interpellation de Charles-Amédée de Courson, même s'il est sorti de cet hémicycle, sur la question suivante : faut-il une règle de gestion des finances publiques ?

S'il fallait une règle, la fin est déjà dans les moyens. Par conséquent, la règle aurait dû être définie par la méthode pour y parvenir. Mais en l'occurrence, la méthode péchait. Lorsque la LOLF – la loi organique relative aux lois de finances – a été élaborée, il y avait eu trente-deux échecs. Une concertation transpartisane s'était engagée entre la majorité et l'opposition de l'époque, à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui avait permis de faire avancer les choses et de débloquer une situation qui n'avait que trop duré.

S'il fallait une règle d'équilibre des finances publiques, il eût fallu pour le moins que l'opposition soit associée à sa préparation. Or il n'en a rien été. Le rapport Camdessus, puis la commission parlementaire, ont été quasiment monocolores.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Au sein de la mission Camdessus, siégeaient des membres de l'UMP et du Nouveau Centre, ainsi que le président de la commission des finances, mais « ès qualités », non en tant que membre de l'opposition. En outre, les préconisations du rapport Camdessus ne sont pas celles qui ont été reprises ici et qui ont servi de base à l'élaboration du projet de loi. Il y avait donc un problème de méthode.

S'agissant ensuite de l'association du Parlement, on l'a vu avec la navette, l'ensemble du travail fait au Sénat en première lecture est aujourd'hui totalement remis en cause, et notamment l'interrogation lourde que nous avions déjà portée ici en première lecture sur le monopole des lois de finances et des lois de financements de la sécurité sociale, qui prive les parlementaires d'une initiative importante. Je le répète, il y a, dans la méthode, un problème qui nous empêche de parvenir à une réforme pourtant nécessaire.

Sur le fond, faut-il une réforme faite de règles d'or pour gérer les finances publiques ? La Cour des comptes a rappelé qu'elle considérait que c'était utile pour éviter certaines dérives et fixer un horizon de moyen à long terme. Toutefois, cela ne suffira pas à assurer le redressement des comptes publics qui viendra seulement de réformes de grande ampleur. Elle a aussi noté – nous l'avons rappelé plusieurs fois – que l'existence de nombreuses règles n'a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises, en particulier au cours des dernières années – j'en ai donné des exemples tout à l'heure.

Malheureusement, le débat d'aujourd'hui ne s'adresse ni aux Français ni à nos assemblées. Monsieur le ministre, je comprends votre préoccupation : il s'agit de rassurer les agences de notation et d'assurer à la France le maintien de sa note AAA en compensant, par une sorte de corset constitutionnel, les dérives constatées dans les finances publiques au cours des dernières années – je pense à notre déficit abyssal et à notre inquiétant niveau d'endettement.

Même si nous allions à Versailles et que la réforme soit adoptée, elle serait insuffisante pour rassurer durablement les agences de notation et garantir la pérennité de notre bonne note, puisque les chiffres apporteraient une contradiction flagrante aux grands principes affirmés dans cette règle. Grands principes qui, d'ailleurs, ont été violés, tous mes collègues l'ont rappelé, qu'il s'agisse de l'affectation des surplus de recettes à la réduction du déficit, de la nécessité de gager toutes les nouvelles dépenses fiscales ou de la CADES. Tous ces grands principes qui préexistaient, de même que la révision constitutionnelle de 2008 permettant d'inscrire dans l'article 34 de la Constitution la possibilité pour le Conseil constitutionnel de se saisir des sujets de finances publiques, toutes ces règles qui ont déjà été transgressées, pourraient l'être à l'avenir, même s'il existait une sorte de règle d'or sur l'équilibre des finances publiques. Ce serait pire encore, puisque nous aurions alors fait la démonstration de notre incapacité définitive à bien gérer nos finances publiques.

Ce n'est pas par l'affirmation de grands principes et de grandes vertus que l'on permettra à la France de sortir de la dégradation de ses finances publiques, mais par une autre politique qui créera les conditions d'une nouvelle croissance, à travers une meilleure politique de l'emploi et une meilleure politique industrielle. C'est le chemin que nous voulons tracer en 2012 et c'est là que se tiendra ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rodet

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avec le retour du projet de loi à l'Assemblée nationale après la lecture au Sénat, les choses n'ont pas beaucoup avancé. On pourrait même dire qu'elles sont devenues plus difficiles pour le Gouvernement. L'absence du rapporteur général du budget, Gilles Carrez, est un indice significatif, d'autant que le président de la commission des finances, notre collègue Jérôme Cahuzac, lui, est bien présent.

Les doutes et les interrogations subsistent et, au Sénat comme ici, en première lecture, des voix se sont fait entendre – bien au-delà de la gauche – pour souligner le risque de mettre en cause les droits du Parlement. Les membres du Gouvernement ont glissé dans leurs réponses qu'il s'agissait « d'impliquer pleinement le législateur dans la maîtrise des finances publiques. »

Dans les débats, on a beaucoup parlé de la Constitution, et notamment des articles 34, 40, et 41. Ce qui a fait dire au garde des sceaux, à la tribune du Sénat, que cette réforme constitutionnelle était d'un « style très particulier »

Toujours au Sénat, le rapporteur de la commission des lois a pris soin de préciser que l'encadrement budgétaire ne visait pas les collectivités locales, mais plutôt le Gouvernement. Il fallait que cela fût dit.

Est-il bien réaliste en effet de chercher le secours du droit pour surmonter votre impuissance à juguler l'emballement de la dette ? Monsieur le ministre du budget, vous nous avez dit qu'il fallait graver dans le marbre la stabilité budgétaire. Mais l'équilibre des finances publiques est déjà un objectif constitutionnel selon l'article 34 originel. Alors, ce n'est pas en instaurant une nouvelle hiérarchie des lois financières que l'on trouvera le remède aux graves déséquilibres qui affectent nos comptes publics.

Cette discipline exigeante et même exorbitante dont vous vous faites les défenseurs semble contenir aussi des assouplissements très discrets puisque, dès la première lecture, on a évoqué la possibilité de tenir compte des « variations de la conjoncture ».

Cette multiplication des normes masque mal l'incapacité du Gouvernement à concilier pouvoir fiscal et devoir d'équilibre budgétaire. La Constitution ne peut pas se substituer à la volonté politique ni comporter des règles techniques d'équilibre. Même abritées par la loi suprême, ces règles sont-elles intangibles dans le temps ? Les verrous institutionnels les plus implacables peuvent sauter : pensons simplement à l'allongement de la durée de vie de la CADES…

Les larges convergences observées par notre collègue Warsmann, rapporteur du texte, sont plus apparentes que réelles. Entre la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée nationale, on devine un hiatus et même une vraie divergence. Faut-il en conclure que, pour les parlementaires de la majorité des deux chambres, la vérité se situe en deçà du boulevard Raspail et l'erreur au-delà, ou l'inverse ? La question est posée. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

À l'UMP, il n'y a pas d'intervenants, cela ne les intéresse pas ! Ils ne doivent pas être fiers de leur texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps passe, mais rien ne change. Je pourrais reprendre les propos que j'ai tenus ici le 4 mai dernier et vous dire que ce projet de loi constitutionnelle, même modifié par le Sénat, reste inutile et dangereux.

Une révision constitutionnelle n'est pas la réponse adaptée à la dégradation de nos finances publiques et nos territoires ne seront pas mieux protégés. Les collectivités territoriales les moins favorisées ne seront pas mieux aidées. Pis encore, vous les fragiliserez davantage.

Cependant, un constat est à mettre à votre actif : vous recherchez toujours l'adhésion des Français pour légitimer l'effort supplémentaire que vous leur demandez. Le problème, c'est que vous sollicitez toujours les mêmes. Vous pouvez avoir de bonnes idées, mais l'application que vous en faites, après le passage au filtre de l'Élysée, n'aboutit pas aux effets d'annonce du départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Je pense au bouclier fiscal et à l'ISF, par exemple, qui ont parfaitement illustré les contradictions que vous avez énoncées.

Vous essayez encore aujourd'hui de vêtir votre réforme d'habits vertueux pour dissimuler la politique d'injustice fiscale et sociale qui est la vôtre. Vous dessaisissez un peu plus le constituant de la réalité de son pouvoir ; vous privez les parlementaires de leur droit d'initiative législative au profit du Gouvernement ; vous bâillonnez les commissions, car leurs nombreuses mises en garde ne servent à rien. Et si parfois quelques membres courageux de votre majorité se hasardent à émettre un vote qui ne vous convient pas, vous reprenez très vite les choses en mains.

Une préoccupation, que je partage avec tous mes collègues qui travaillent pour leur territoire, doit encore une fois être dénoncée : je veux parler du devenir des textes relatifs aux collectivités territoriales qui ont une incidence budgétaire en termes de recettes ou de charges fiscales. L'Assemblée aura toujours ses prérogatives. Qu'en sera-t-il du Sénat ? Comment le Conseil constitutionnel pourra-t-il contrôler la légalité des textes ?

Lors de l'exposé de la motion d'exception d'irrecevabilité au Sénat par Mme Borvo Cohen-Seat, quelques questions essentielles ont été posées qui n'ont toujours pas reçu de réponse satisfaisante. Peut-on imaginer, avec votre dispositif constitutionnel, que le Conseil constitutionnel, qui a compétence liée, annule une décision prise par un gouvernement face à une crise ? Quelle réponse pouvez-vous nous donner sur ce point ? Peut-on sérieusement interdire à une majorité par les lois-cadres de trois ans minimum, peut-être davantage, d'adapter sa politique financière et fiscale aux conditions du moment ? Est-ce le Conseil constitutionnel, organe non élu démocratiquement, qui en décidera ? Peut-on sérieusement penser que si le peuple français, dans sa légitimité, décide de changer de majorité parce qu'il désavoue la précédente, il va accepter la camisole financière européenne qui empêchera la nouvelle majorité de faire quoi que ce soit ?

Compte tenu de toutes ces interrogations, il me semble que ce projet de loi constitutionnelle n'est qu'un rideau de fumée destiné à masquer la réalité de vos résultats et de vos échecs politiques. Vous cherchez toujours des responsables ailleurs, mais c'est vous qui êtes responsables de la situation actuelle. Et d'ailleurs, si des mesures prises antérieurement ne vous convenaient pas et coûtaient cher, comme vous l'avez dit, pourquoi diable ne les avez-vous pas abrogées ?

Vous avez choisi un chemin pour redresser les comptes publics. Vous avez raison, car il fallait en choisir un. Mais il n'y a aucune surprise dans les choix que vous faites. Accordez-nous le droit de penser et de dire que ce que vous faites aura des effets désastreux sur les plus fragiles. Vous rassurez les actionnaires, les banques – que vous avez tant aidées, sans contrepartie – et les agences de notation. Malheur aux plus faibles, à celles des collectivités les plus fragiles qui ne géreront plus que le quotidien, sans espoir de développement, et qui sacrifieront l'investissement au fonctionnement. Mais que deviendront l'économie locale, et les entreprises que nous soutenons depuis si longtemps ? RGPP, rationalisation, centralisation, transfert de charges aux collectivités : par tous ces ingrédients, la condamnation à perpétuité est annoncée ! Que dire de l'emploi et du pouvoir d'achat tellement indispensables pour une relance dynamique ? Le pouvoir d'achat a été sacrifié durant ce quinquennat. Vous savez que votre modèle ne guérira que partiellement le mal. Vous serrez alors le garrot toujours plus fort. Il vous faut vous appuyer, pour cela, sur un artifice législatif qui vous sert d'alibi. Comprenez que nous ne pouvons pas vous accompagner sur le chemin que vous voulez tracer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant les articles du projet de loi constitutionnelle sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je me suis inscrit sur l'article pour rappeler ce que fut la méthode censée présider à la genèse de ce texte. Une commission fut constituée, présidée par M. Camdessus, personnalité présentée comme qualifiée et compétente. Elle fut composée de directeurs des principales administrations des services de l'État en charge de la dépense publique. Quatre parlementaires furent conviés à y travailler : les présidents des commissions des finances des deux assemblées et les deux rapporteurs généraux. Je me permets de rappeler cette composition pour indiquer que la représentation nationale, si elle fut symboliquement et formellement associée à cette genèse, ne le fut finalement que marginalement, et ce d'autant plus que le texte adopté au Sénat, à l'initiative de Jean Arthuis et de Philippe Marini, sera, je le crois, en grande partie modifié par des amendements présentés soit par le rapporteur, soit par le Gouvernement. Je tiens, en effet, à préciser que, dans cette enceinte, cela a été noté, le rapporteur général est absent, et que la commission des finances a renoncé à se saisir pour avis de ce texte, considérant l'incompréhension qui semble être apparue entre ceux qui veulent une règle d'or et ceux qui ont travaillé en espérant de bonne foi doter nos institutions d'une règle utile et répondant à l'intérêt général. Les quatre parlementaires qui ont travaillé sur ce texte ne se retrouvent pas – et c'est peu dire – dans celui qui s'annonce. Et, bien que je ne souhaite pas m'exprimer à sa place, c'est probablement la raison pour laquelle le rapporteur général n'est pas ici. C'est en tout cas pourquoi je suis à ma place, dans cet hémicycle, et non au banc de la commission.

Je crains qu'une occasion n'ait été manquée faute de méthode et d'esprit d'ouverture. Ainsi, la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, exemple le plus cité, ne fut, finalement, imitée en rien. Cette initiative avait été, je le rappelle, d'origine parlementaire. Les deux chambres y furent étroitement associées par le biais d'une commission spéciale. Responsables de l'Assemblée nationale et du Sénat y ont conjointement travaillé pendant deux mandatures pour aboutir in fine à un consensus qui, si je peux me permettre cette expression, a pris le temps de sa construction. Rien de tel avec le présent texte, puisque c'est, en vérité, une volonté présidentielle affichée d'emblée quant au résultat, un artifice s'agissant de la méthode de travail et un résultat correspondant à la décision initiale et certainement pas aux travaux effectués.

Cette occasion manquée est donc regrettable. En effet, l'adoption d'une règle aurait, à coup sûr, permis à notre pays d'avoir une position plus confortable dans la crise presque continue de la zone euro que nous traversons. Je crains qu'une telle occasion ne se représente pas avant longtemps. Je le regrette, mais j'espère qu'avec le temps, les travaux effectués dans le cadre de cette commission pourront être utiles à une majorité future quelle qu'elle soit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 7 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Notre amendement vise à supprimer l'article 1er qui crée les fameuses « lois-cadres d'équilibre des finances publiques », lesquelles ont, rappelons-le, vocation à se substituer aux actuelles lois de programmation des finances publiques. Nous estimons, en effet, que le principe même de la loi-cadre porte atteinte aux droits du Parlement. Comment accepter qu'un vote engage le Parlement pour trois, quatre, cinq ou dix ans ? C'est inacceptable sur le plan des principes, car il s'agit d'une nouvelle atteinte aux droits du Parlement et au droit d'initiative parlementaire. Avec ce type de mesure nous quittons le terrain du « parlementarisme rationalisé » pour entrer dans l'ère du parlementarisme technocratisé et du parlementarisme muselé.

C'est inacceptable sur le plan des principes démocratiques, ensuite, puisqu'une majorité pourra influencer, encadrer et corseter les choix d'une nouvelle majorité qui tiendrait pourtant sa légitimité du suffrage universel.

C'est une aberration économique, enfin, car ces lois-cadres d'équilibre, trop rigides pour permettre d'ajuster les choix économiques à la conjoncture, se fondent sur une définition elle-même trop rigide de la notion d'équilibre qui tient dogmatiquement pour une hérésie l'idée même de programmes de relance par l'investissement. Nous ne pouvons, évidemment, souscrire à ce type d'approche du pilotage des politiques économiques.

(L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je l'ai présenté tout à l'heure, monsieur le président.

(L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cet amendement, de moindre portée, tend à porter de trois à quatre ans la période que couvriront les lois de programmation des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le texte de la commission prévoit « au moins » trois ans. Il laisse, par conséquent, suffisamment de liberté et de souplesse.

La commission a donc donné un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Défavorable.

(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 13 .

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est un amendement important. Nous le rappelons à temps et à contretemps, nous sommes favorables à un équilibre de fonctionnement. L'endettement se justifie pour financer des investissements, mais pas le fonctionnement. C'est ce que l'on appelle la règle d'or. Cette règle de bon sens permettra à la sécurité sociale d'atteindre l'équilibre total. Elle existe déjà pour les collectivités territoriales. Il ne reste plus qu'à l'appliquer à l'État, dont le budget connaît un déficit de 20 milliards au maximum, correspondant au coût des investissements.

(L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cet amendement a pour but de rétablir le principe de fongibilité.

(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le Sénat a supprimé l'article 2 bis.

Je suis saisi d'un amendement n° 3 , tendant à rétablir cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cet amendement propose, en effet, de revenir au texte de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Avis favorable, sous la réserve de l'adoption d'un amendement gouvernemental qui sera examiné ultérieurement.

(L'amendement n° 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 4 , tendant à supprimer l'article 3 bis.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Sagesse !

(L'amendement n° 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 10 , tendant à supprimer l'article 9.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

J'ai présenté cet amendement en première lecture. Je peux de nouveau le soutenir, puisque l'article 9 est mis en discussion.

Cet amendement concerne les modalités de saisine du Conseil constitutionnel. Soit, celui-ci, limité à un rôle notarial, se contente de vérifier si les lois qui lui sont soumises comprennent bien les indicateurs économiques : croissance, parité du dollar et de l'euro, inflation, prix du baril, que sais-je encore ! Il mérite, à mon sens, mieux que cette fonction de contrôle notarial ; même si les notaires ont une véritable importance dans notre pays, la mission confiée, à l'époque, par le constituant au Conseil constitutionnel était sans doute d'une autre nature. Soit, le Conseil constitutionnel vérifie que les hypothèses économiques sur lesquelles le budget et les lois-cadres sont fondés sont réalistes. Il me semble, alors, que ce serait outrepasser le rôle déjà essentiel que la Constitution lui confère avec l'accord de tous et à la satisfaction générale, même si cette satisfaction se manifeste au gré des alternances politiques. C'est, en effet, d'un côté ou de l'autre de l'hémicycle que le Conseil peut être critiqué, selon les décisions qu'il rend.

Je suggère donc de supprimer cet article, afin de laisser au Conseil constitutionnel le rôle qui est le sien et d'éviter de lui confier une mission qui ne serait pas à la hauteur de ses prérogatives, ou qui excèderait largement sa légitimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le contrôle par le Conseil constitutionnel fait évidemment partie de l'équilibre général du texte. Je précise que les dispositions de cet article ont été en partie adoptées, en première lecture, par l'Assemblée à l'initiative de la commission des finances. Donc avis défavorable sur cet amendement de suppression présenté par M. Cahuzac.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Même avis.

(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le Sénat a introduit un renvoi à une loi organique destiné à prévoir ou encadrer les décisions du Conseil constitutionnel. Cela ne me semble absolument pas nécessaire. Nous demandons donc, par cet amendement, la suppression de la dernière phrase de l'alinéa 4.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Sagesse.

(L'amendement n° 5 est adopté.)

(L'article 9, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le Sénat a supprimé l'article 9 bis.

Je suis saisi d'un amendement n° 14 , tendant à rétablir cet article.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Défendu !

(L'amendement n° 14 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 8 , tendant à supprimer l'article 11.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'article 11 modifie l'article 72-2 de la Constitution, afin de réserver aux lois de finances le soin de régir les dispositions fiscales relatives aux collectivités locales. En conférant aux lois de finances l'exclusivité en matière de ressources des collectivités locales, cet article porte, selon nous, gravement atteinte au principe d'autonomie de ces mêmes collectivités. Cette mise sous tutelle participe d'une stratégie visant à étendre aux collectivités locales les règles de maîtrise budgétaire qui ont sciemment contribué à l'assèchement des comptes publics et sociaux. Non seulement vous commettez ainsi une injustice, les collectivités locales n'étant pas en cause dans l'aggravation des déficits, puisqu'elles sont, je le rappelle, en excédent structurel, mais vous tentez de faire payer aux collectivités locales et, à travers elle, à nos concitoyens confrontés à la dégradation de leurs services publics, la facture de votre politique.

Il est, à nos yeux, essentiel de préserver l'autonomie des collectivités locales qui sont le premier investisseur public et un atout de poids pour le développement économique de nos territoires. Elles n'ont nul besoin de la cure d'austérité que vous tentez de leur imposer en les incluant dans votre dispositif.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous discutions hier de la loi de règlement. Selon la Cour des comptes, le déficit structurel des finances publiques, 100 milliards d'euros, cinq points de PIB, est dû uniquement à l'État. Les collectivités locales sont en excédent structurel.

Il y a une conclusion à en tirer : c'est que la réduction des déficits est l'affaire de l'État. Les collectivités locales ne sont en rien concernées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cet article, c'est un moyen de plus pour le Gouvernement de se défausser sur les collectivités territoriales d'une responsabilité qui lui incombe à lui seul. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cet article ne vise pas du tout les collectivités locales. Il prévoit simplement que certaines dispositions seront en loi de finances et non dans d'autres lois. Cela n'a rien à voir avec une mise en accusation des finances locales.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est le rétablissement du texte adopté par l'Assemblée en première lecture.

(L'amendement n° 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 12, je suis saisi d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cet amendement reprend le souhait de M. de Courson, de faire correspondre fidèlement la période couverte par le programme de stabilité transmis par les autorités françaises aux autorités communautaires et la période couverte par la loi-cadre. Comment imaginer, en effet, une quelconque articulation entre les deux, qui est nécessaire, si la période couverte par le programme de stabilité diffère de celle qui est couverte par la loi-cadre ?

Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Je persiste à penser que les réponses qui ont été apportées ne sont pas satisfaisantes. Si le Gouvernement souhaite vraiment réunir le Congrès à Versailles pour faire adopter cette nouvelle règle de finances publiques, il devra peut-être apporter des réponses un peu convaincantes à la situation insatisfaisante qui prévaudrait si le texte était adopté en l'état.

La période couverte par le programme de stabilité transmis à Bruxelles est une chose, celle qui est couverte par la loi-cadre en est une autre. Comment envisager une quelconque cohérence dans les politiques publiques menées en matière de finances publiques si les deux périodes ne correspondent pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Défavorable.

La conséquence de cet amendement serait de rendre systématique le vote tous les ans par le Parlement d'une loi-cadre pluriannuelle.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Quel serait l'intérêt de changer systématiquement tous les ans une loi pluriannuelle ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Un programme de stabilité est transmis tous les ans. Si j'en crois votre argumentation, monsieur Warsmann, quel est l'intérêt d'en transmettre un tous les ans s'il s'agit de le modifier ? Dans ce cas, indiquons clairement que nous transmettons un programme de stabilité pour une période donnée et que nous n'en transmettons pas d'autre tant que cette période n'est pas échue. L'argument que vous m'opposez selon lequel il ne faut pas adopter une loi-cadre tous les ans au motif qu'on risquerait de la modifier signifie donc, si je vous comprends bien, que transmettre un programme de stabilité tous les ans ne sert rigoureusement à rien puisque ce serait le même. Or nous savons qu'il n'en est rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela n'a rien de contradictoire. Une loi-cadre, ce sont des dispositions obligatoires qui fixent des dépenses maximales et des recettes minimales, un tunnel en quelque sorte. Un programme de stabilité, ce n'est pas du tout la même logique. Il n'y a pas de logique, je le répète, à voter une loi-cadre avec des dispositions obligatoires et à la changer tous les ans. Ce n'est plus une loi-cadre pluriannuelle.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 12 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion du projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ;

Discussion du projet de loi relatif aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;

Discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Discussion du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma