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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 28 juin 2011 à 15h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons été très surpris de voir arriver cette réforme qui n'est pas le fruit des propositions qui étaient examinées depuis longtemps par diverses commissions mais purement et simplement d'une lubie du Président de la République, qui a décidé de nous proposer un texte en deux volets : un volet sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et un volet concernant la justice des mineurs.

Malheureusement, ces deux volets ne sont en aucune façon à même de régler la crise sans précédent que traverse la justice dans notre pays. Notre justice est exsangue, en crise, au bord de la banqueroute. Or, pour lutter contre la récidive, le Gouvernement, un jour, nous propose des remises de peine dans la loi pénitentiaire et, un autre jour, privilégie, au contraire, la sortie sèche de prison et la rétention de sûreté.

Ce texte sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale va d'abord créer de la confusion en allongeant les délais de jugement et en compliquant la répartition entre les différentes juridictions, puisqu'il y aura un tribunal correctionnel classique, un tribunal citoyen, une cour d'assises normale, une cour d'assises simplifiée, des juges d'application des peines, un tribunal citoyen d'application des peines.

S'agissant du rôle des citoyens assesseurs, nous avions l'habitude de voir des citoyens intervenir dans la justice, et d'ailleurs, très souvent, leur rôle était plutôt positif. En l'espèce, on remplace des personnes qui participaient à la justice en étant intéressées et concernées par des citoyens tirés au sort, qui n'auront qu'une connaissance très floue de ce sur quoi ils seront amenés à juger et qui interviendront très rapidement, sans avoir le temps de se mettre au courant.

De plus, cette réforme va coûter cher : 30 millions d'euros seront gaspillés au lieu de financer les emplois de magistrats et d'éducateurs dont notre justice a besoin.

Paradoxalement, cette réforme va en outre éloigner les citoyens de la justice. Aux assises, les jurés avaient leur place : dans la procédure orale, ils avaient le temps d'entendre ce qui se passait. Le tribunal correctionnel, qui juge dix à quinze affaires par audience, est manifestement mal adapté pour accueillir des citoyens assesseurs qui ne sont pas formés. Alors que les magistrats s'appuient sur les éléments techniques des dossiers pour juger en matière correctionnelle, les citoyens n'en auront pas connaissance.

On prétend qu'on va réformer la cour d'assises pour lutter contre la correctionnalisation. Mais, en réalité, il n'en est rien car la correctionnalisation est d'abord un problème de moyens et le premier résultat de ce texte est de diminuer drastiquement le nombre de jurés puisque ceux-ci vont passer de six ou douze à trois ou six, ce qui est surprenant au regard de l'objet déclaré du texte.

S'agissant de la justice des mineurs, la catastrophe est encore plus redoutable car ce volet est inconstitutionnel. En effet, depuis 1912 et plus encore depuis 1945, notre pays avait décidé que les mineurs délinquants devaient être jugés par un juge spécifique, selon une procédure spéciale, pour essayer de les remettre dans le droit chemin avant de les punir.

Dans sa décision remarquable d'août 2002, le Conseil constitutionnel avait considéré qu'il s'agissait d'un principe à valeur constitutionnelle, je la cite : « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ». En créant une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, vous réintégrez une mesure de la LOPPSI 2 qui a été censurée par le Conseil constitutionnel il y a peu de temps.

Vous faites le choix d'un traitement qui réduit l'écart entre la justice pour les enfants et la justice pour les adultes. Vous choisissez un mode d'enfermement toujours plus précoce et toujours plus long, essayant de calquer notre justice pour les mineurs sur celle qui est en application aux États-unis. Vous revenez ainsi sur l'un des acquis les plus importants du Conseil National de la Résistance.

Vous nous proposez une réforme compliquée pour juger à peu près 600 mineurs – c'était le nombre des mineurs jugés l'année dernière en état de récidive légale de plus de seize ans.

Vous faites de surcroît l'impasse sur la primo-délinquance en procédant à un recours accru aux centres éducatifs fermés – qui pouvaient être un bon outil pour accueillir des mineurs en proie à de lourdes difficultés – sans régler la question de la sortie du CEF. Il aurait été préférable d'accroître les moyens de la PJJ.

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