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La séance

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Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

L'audition débute à dix-huit heures cinquante-cinq.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La question de la sécurité dans les transports en commun a retenu de longue date l'attention de nos concitoyens. Notre Commission d'enquête se devait donc de s'y intéresser, au même titre qu'à la régularité du service, à la propreté des trains ou au confort général des usagers.

Les pouvoirs publics se sont préoccupés très tôt du sujet en créant, dès 1846, une police des chemins de fer. Depuis lors, le réseau a considérablement évolué, notamment en Île-de-France : chaque jour, 3,6 millions de voyageurs prennent le RER. Rapportées à ce nombre, les statistiques sur les faits délictueux pourraient paraître modestes. La réalité est autre : nombreux sont les usagers à se plaindre d'un climat général parfois pesant, à parler de faits dont ils ont été victimes ou témoins, ou que leur ont relatés les médias ou leur entourage.

Voyager en sécurité est un droit pour tous. La sécurité comme la sûreté du transport constituent les toutes premières obligations des opérateurs vis-à-vis des voyageurs. Elles sont inscrites dans le contrat de transport.

La tâche est particulièrement difficile. Les opérateurs ont été amenés à créer en leur sein des services spécialisés : la Surveillance générale, la SUGE, à la SNCF et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, à la RATP. À elle seule, la SUGE compte 2 400 agents dont plus de 50% sont affectés en Île-de-France. Les membres de ces deux services sont armés ; ils sont d'ailleurs individuellement agréés par le parquet et assermentés en justice.

L'époque où certains contestaient le rôle et les missions de ces services spécialisés étant heureusement révolue. Vous comprendrez, monsieur le préfet de police, que l'articulation de leur travail avec celui des policiers placés directement sous votre autorité intéresse la commission.

Vous voudrez bien nous expliquer également les conditions d'intervention et les modes d'action de vos fonctionnaires sur le réseau du RER, qui se déploie en majeure partie dans le champ de la compétence territoriale de la préfecture de police. La sécurité des gares et de leur environnement immédiat est-elle à l'origine de difficultés particulières, s'agissant notamment du RER ?

Enfin, l'action et la coordination des différents intervenants en matière de sécurité se heurtent-elles à certains « butoirs », que des initiatives législatives, réglementaires ou simplement matérielles – je pense à des moyens radio ou à des postes de commandement encore plus performants – seraient susceptibles de lever ? En dépit de la spécificité de chaque grand réseau, avez-vous trouvé des solutions efficaces en confrontant l'expérience de la préfecture de police avec des pratiques mises en oeuvre à Londres, à New York ou dans d'autres métropoles ?

Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, M. Michel Gaudin prête serment.

PermalienMichel Gaudin, préfet de police de Paris

Il est évident que le travail que nous devons accomplir pour assurer la sécurité de nos concitoyens dans les réseaux ferrés franciliens est lié à la notion de bassin de délinquance et à la notion d'agglomération. Mais nous n'avons pas eu à attendre le 14 septembre 2009, date de naissance de la police d'agglomération à Paris et dans les trois départements de la Petite couronne. En effet, le Service régional de police des transports – SRPT – a été créé en 2003 par le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Nicolas Sarkozy. Auparavant, le dispositif de sécurité publique déployé dans les transports par la police nationale et par la gendarmerie était totalement segmenté et la compétence des fonctionnaires se limitait en général au département, ce qui pouvait entraîner des situations ubuesques.

Le contexte francilien est bien particulier. Sur 2,2% du territoire national se concentrent là 18% de la population, soit 11 600 000 habitants. Dix millions de voyageurs circulent quotidiennement sur les différents réseaux de la région : 5 millions dans le métro ; 1 700 000 sur le réseau RATP du RER et 2 500 000 sur le réseau SNCF Transilien. Nous devons surveiller 449 gares SNCF, 66 gares RER RATP, 300 stations de métro, 5790 rames RATP et quelque 5 000 trains SNCF.

Je souhaiterais maintenant faire le point sur les chiffres de la délinquance au cours des dix dernières années, depuis la création du Service régional de police des transports. Ce sera l'occasion, monsieur le président, d'apporter certaines nuances sur le degré d'inquiétude de nos concitoyens. En effet, même si nous n'avons pas réglé tous les problèmes, nous avons beaucoup progressé dans notre lutte contre la délinquance, alors même que le nombre des voyageurs a considérablement augmenté, passant de sept millions, a la fin des années 90, à dix millions de voyageurs par jour – ce qui ne pose pas que des problèmes de sécurité.

La délinquance a baissé dans les transports comme elle a baissé dans toute l'agglomération parisienne. Je dois toutefois reconnaître que l'accroissement de la surface couverte par le SRPT complique parfois les comparaisons. Ainsi, une réforme de 2007 - applicable en 2008 – a confié à ce service, outre les lignes et les trains, les gares, ce qui a évidemment fait monter les chiffres de la délinquance. D'autre part, l'année 2010 a été particulièrement difficile puisque l'on a alors enregistré de nombreux vols avec violence, liés notamment à l'arrivée des smartphones de nouvelle génération – et souvent répertoriés comme tels pour des questions d'assurance. Mais, depuis, la tendance s'est inversée.

Comment se caractérise la délinquance sur les réseaux ferroviaires ?

Il s'agit à 70% d'une délinquance dite acquisitive, c'est-à-dire de vols. Pour moitié - 53% –, ce sont des vols à la tire ou des vols simples et la proportion est pratiquement inchangée par rapport à 2002, où ils comptaient pour 51%. En revanche, les vols avec violence ont représenté, pour cette dernière année 2011, 17,86 % du total de la délinquance alors qu'en 2002, ils n'en représentaient que 10%du total.

Le nombre des atteintes dont sont victimes les agents des transporteurs – outrages, actes de violence et de rébellion – est stable, avec 2% du total des infractions relevées. Il en est de même des violences commises à l'encontre des particuliers, avec 3% du total. Malgré tout, nous avons enregistré l'année dernière une petite augmentation des actes hostiles subis par les agents de la RATP et de la SNCF.

Enfin, la part des IRAS ou infractions révélées par l'action des services – et pas seulement constatées – est relativement stable, de l'ordre de 15%.

Venant après des années de baisse de la délinquance, l'année 2010 avait nourri nos inquiétudes. Mais en 2011, la situation a évolué favorablement : pour l'agglomération, c'est-à-dire Paris et les départements de la Petite couronne, nous avons enregistré une baisse de 3,69% des actes de délinquance, et même de 6,59% à Paris, ce qui est d'autant plus appréciable que c'est là que se produisent près de la moitié des faits – 46,84% exactement. Nous sommes moins efficaces dans la Grande couronne. Même si la délinquance y est moins importante en valeur absolue, avec seulement 27% des faits enregistrés, elle y a progressé de 16,75%.

De ce fait, l'année se termine sur une augmentation de la délinquance de 1%, mais le constat de cette évolution très contrastée entre le centre de Paris et la Petite couronne, d'une part, et la Grande couronne, d'autre part, nous amène évidemment à réorganiser quelque peu notre dispositif. Il ne faut cependant pas oublier que nous avons désormais compétence, au-delà des limites de la région Île-de-France, sur les « bouts de ligne ».

L'année dernière, nous avons donc fait porter l'effort sur les vols avec violence, parmi lesquels les vols de téléphones portables occupaient une grande place puisqu'ils comptaient pour 70% des objets volés, dont 43% pour les seuls iPhones. Depuis, la Brigade anti-criminalité a interpellé 2 684 auteurs de vols à la tire ou avec violence, soit 27% de plus qu'en 2010. L'unité d'appui au réseau a, quant à elle, procédé à l'interpellation de 245 auteurs de ce type d'agressions acquisitives. Le résultat final est que les vols avec violence ont baissé de 7,67% en 2011. Nous n'en sommes pas totalement satisfaits, mais nous avons su inverser la tendance. Nous pourrons bien évidemment fournir à votre commission tous les détails qu'elle souhaitera.

Je voudrais présenter maintenant la structuration du dispositif, c'est-à-dire l'organisation spécifique de ce qui est devenu, dans le cadre de la police d'agglomération, la sous direction régionale de la police des transports, depuis 2003 organe de commandement opérationnel unique de la sécurité dans les réseaux de transport d'Île-de-France.

Cette sous direction, qui est sous la responsabilité de M. Rivayrand, dispose d'une autorité fonctionnelle sur les quatre directions territoriales de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, mais aussi sur les quatre directions départementales de la sécurité publique – DDSP – de la Grande couronne, sur les quatre groupements de gendarmerie départementale et sur les deux services de sécurité des transporteurs : le GPSR pour la RATP et la SUGE pour la SNCF.

Elle regroupe aujourd'hui 1 369 fonctionnaires : un état-major de 14 fonctionnaires et un service à vocation régionale : la Brigade des réseaux ferrés – BRF – de 1 355 policiers. Cette BRF est structurée en trois départements : la sécurisation générale, l'investigation judiciaire et la police des gares parisiennes qui, comme je l'ai dit, a été rattachée au SRPT en 2008 alors qu'elle était auparavant de la responsabilité des commissariats territorialement compétents.

Avec l'investigation judiciaire, nous disposons d'un outil qui nous permet de prendre en charge l'instruction judiciaire du dossier, quel que soit le lieu de constatation de l'infraction.

Au cours de l'été, le ministre nous a demandé de renforcer le SRPT de 300 fonctionnaires. Nous y avons donc affecté 111 fonctionnaires actifs de la police nationale, gradés ou gardiens, et 100 adjoints de sécurité que nous avons recrutés dans le courant de l'année, ainsi qu'un escadron de la gendarmerie mobile qui nous a été dédié pour cette mission hors de notre enveloppe régionale ; il constitue une aide permanente, qui nous permet d'avoir 14 patrouilles quotidiennes supplémentaires sur le terrain

La Brigade des réseaux ferrés a accru en 2011 sa présence et sa visibilité, avec 126 patrouilles par jour – 94 de la BRF et 32 des forces de renfort –, soit sept patrouilles de plus qu'en 2010. Nous pouvons ainsi couvrir tous les jours 912 gares et 813 trains, contre respectivement 880 et 606 en 2010.

Pour la coordination avec les exploitants, nous disposons d'un pôle opérationnel régional « Transport » à la salle d'information et de commandement (SIC) de la Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), pôle qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Ce pôle, implanté dans l'Île de la Cité, est relié aux salles de commandement de la RATP et de la SNCF, qui sont situées respectivement à la Maison de la RATP et à la Gare du Nord.

Nous sommes également en liaison avec les centres d'information et de commandement des quatre directions départementales de la sécurité publique, avec les centres opérationnels de la gendarmerie et avec le centre du Service national de la police ferroviaire.

Nous avons enfin beaucoup progressé dans le travail en commun avec le GPSR et la SUGE, avec lesquels nous sommes en contact permanent.

Sur le fondement de textes adoptés l'année dernière, notre compétence a été prolongée au-delà des limites territoriales de la région Île-de-France, et étendue à cinq « bouts de ligne » sensibles : jusqu'à Creil et Beauvais sur les lignes TER Paris Nord ; jusqu'à Dreux sur la ligne TER Paris Montparnasse ; jusqu'à Vernon sur la ligne TER Paris Saint-Lazare ; jusqu'à Malesherbes, dans le Loiret, sur la ligne D du RER. Les opérations de sécurisation des gares et des trains sont donc préparées avec les exploitants sur ces nouveaux sites.

Les horaires de présence ont également été étendus, grâce à la sécurisation nocturne des réseaux qui est assuré par la BRF.

Je terminerai sur un sujet pour nous essentiel en raison des progrès dont il ouvre la possibilité : la vidéoprotection.

Nous avons travaillé sur cette question de façon très coordonnée avec la SNCF et la RATP. À l'heure actuelle, la RATP dispose de 8 000 caméras, avec possibilité de renvoi d'images et enregistrement de 72 heures – 5 300 dans le métro, 2 000 dans les stations du RER A et 800 dans celles du RER B. La SNCF dispose pour l'heure de 5 300 caméras, utilisées dans les mêmes conditions. Le pôle opérationnel régional « Transport » de la SICDSPAP, qu'il serait d'ailleurs intéressant de vous présenter, dispose des retours d'images et peut visualiser simultanément huit écrans RATP et huit écrans SNCF. Je précise que l'on peut diffuser quarante images simultanément avec cinq pupitres SNCF.

Je tiens à insister sur le caractère opérationnel de cette vidéoprotection, qui peut être utilisée par la justice a posteriori, c'est-à-dire lorsque des méfaits ont été commis. Au cours des dernières années, les services de police, qu'il s'agisse de la police judiciaire ou de la DSPAP, ont de plus en plus souvent demandé l'accès aux images pour identifier les auteurs de délits. En 2008, nous avons compté 3 044 réquisitions ; en 2009, 5 705 ; en 2010, 7 015 et l'année dernière, 7 672 : ce qui traduit une véritable explosion !

La vidéoprotection est un outil très précieux. Je suppose que vous avez tous à l'esprit les affaires que nous avons élucidées grâce à elle. En quarante-huit heures, nous avons pu interpeller l'agresseur d'une dame à laquelle il avait arraché son iPhone et qui était tombée dans l'escalier. De la même façon, nous avons pu identifier deux « pousseurs », dont l'un opérait à La Défense.

Mais cet outil a trouvé une autre utilisation, encore plus intéressante, avec les « vidéopatrouilles » que nous avons mises en place depuis le mois de septembre dernier, notamment aux Halles, et à propos desquelles on peut parler d'une exploitation « proactive » de la vidéo : des policiers passent une heure derrière la caméra, puis partent faire leur patrouille et sont remplacés par des collègues. Nous avons affecté à ces « vidéopatrouilles » 1 041 fonctionnaires pour un volume de 7 816 heures et réalisé, depuis leur création, 2 031 arrestations qui ont été déterminantes pour confondre des individus qui s'étaient notamment livrés à des vols avec violence.

Si des membres de votre Commission le souhaitent, nous pourrons vous montrer comment fonctionne le dispositif des Halles, le même que celui qui a été mis en place dans l'Île de la Cité dans le cadre du Plan de vidéoprotection de Paris (PVPP) et qui a été inauguré par le Premier ministre, le 21 décembre 2011, en présence du maire de la capitale – là, avec seulement 143 caméras pour l'instant, nous avons pu procéder à plus de 200 interpellations. Nous constatons ainsi la démonstration de l'utilité de la vidéo, non pas pour remplacer les policiers, mais pour les rendre plus efficaces sur le terrain.

Je devrais sans doute ajouter, parmi nos nouvelles modalités de travail, la géolocalisation de nos patrouilles qui permet de guider rapidement celles-ci vers les lieux où elles seront les plus utiles.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Merci, monsieur le préfet, pour cette présentation. Nous souhaiterions maintenant aborder avec vous plusieurs questions.

La raison d'être de cette commission d'enquête est de se pencher sur la dégradation du service fourni aux Franciliens dans le RER. Les problèmes de sécurité participent évidemment à cette dégradation. Les statistiques permettent-elles d'apprécier l'incidence de la délinquance sur la régularité du trafic ? Les arrestations ont-elles amélioré la situation ? Existe-t-il une cartographie de la délinquance sur l'ensemble du réseau du RER ?

Vous avez évoqué l'ensemble des services de sécurité relevant de l'État comme ceux de la RATP et de la SNCF. Pourriez-vous nous donner des informations plus précises sur les compétences spécifiques des services de sécurité qui agissent sous l'autorité de tutelle du ministère, qu'il s'agisse de mettre en oeuvre les consignes de sécurité ou de mener des actions de répression et de prévention?

D'autre part, quelles sont les procédures à suivre pour la gestion de crise ? En cas de suicide ou de chute sur la voie par exemple, il faut respecter certaines étapes : arrêt d'urgence, intervention des services de sécurité, du Parquet, voire d'un médecin légiste et d'une entreprise funéraire. Comment les différents services pourraient-ils mieux se coordonner de manière à ne pas allonger au-delà du raisonnable les délais d'intervention ?

Vous l'aurez compris, monsieur le préfet, notre commission travaille avant tout dans un esprit pragmatique, refusant toute querelle idéologique même à l'approche d'échéances électorales. Il s'agit pour nous de déterminer, d'un point de vue strictement technique, les moyens de faciliter l'action des services compétents. Indiquez-nous les mesures, réglementaires ou législatives, qui vous paraissent utiles et nous en tiendrons compte dans nos préconisations.

PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Monsieur le préfet, nous mesurons les efforts considérables qui ont été consentis pour la sécurité dans les transports, à commencer par l'institution de la police d'agglomération qui a permis d'accroître les effectifs dans les départements de la Petite couronne. Cela dit, les agressions et les vols persistent. Dans les gares, où sévit le trafic de drogue, des bandes terrorisent les usagers. Tout toxicomane sait qu'il trouvera un dealer dans les gares terminus. Des altercations éclatent à l'occasion des ventes de drogue et perturbent la quiétude des passagers. Serait-il possible de placer des unités dans ces gares terminus, pour essayer d'endiguer cette délinquance ? Vous avez dit tout à l'heure que les commissariats n'étaient plus compétents pour intervenir à l'intérieur des gares, mais les bagarres et les agressions qui ont lieu là peuvent se prolonger à l'extérieur…

Vous nous avez dit également que le nombre des réquisitions avait explosé, pour dépasser aujourd'hui 7 000. Dès lors, ne pourrait-on envisager que la SNCF et la RATP signent une autorisation de réquisition permanente, comme celles qui, renouvelées chaque année, permettent à la police d'intervenir sans délai sur le domaine privé des bailleurs sociaux ?

Enfin, plutôt que de vidéoprotection, je préfère pour ma part parler de vidéosurveillance à propos des dispositifs dont sont notamment équipées toutes les nouvelles rames du RER A, dans la mesure où il s'agit en effet de surprendre les faits de délinquance. Interpellez-vous les auteurs des agressions que vous découvrez sur les écrans ? Comment intervenez-vous ? Dans quels délais ?

PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Les conducteurs ont dénoncé l'alourdissement des procédures à respecter en cas d'accident, notamment en cas de suicide. D'après eux, alors qu'il était possible de remettre le réseau en marche au bout d'une heure, il arrive maintenant qu'il faille attendre jusqu'à trois ou quatre heures. Il faut bien entendu respecter les procédures et déterminer par exemple si l'on est vraiment face à une situation de suicide, mais le trafic, déjà très tendu, est totalement paralysé, au grand dam de passagers qui ne savent pas de quoi il retourne.

Pourriez-vous nous donner des indications sur le type et sur le nombre d'interventions sur le réseau effectuées par les pompiers, à l'intérieur de la Petite couronne ? Avez-vous à cet égard des suggestions d'amélioration ?

Enfin, je suppose que l'auteur d'un acte de délinquance est rarement pourvu d'un titre de transport. Les dispositions prises par les opérateurs pour éviter que certains ne voyagent sans billet, ou sans ticket, vous paraissent-elles suffisantes ? Autant limiter le nombre de ceux qui n'ont rien à faire sur le réseau et qui risquent d'y poser des problèmes !

PermalienPhoto de François Pupponi

Certaines opérations de contrôle, lorsqu'elles sont importantes, s'accompagnent d'un déploiement massif de forces de l'ordre. Certes, il convient d'assurer la sécurité des contrôleurs qui sont malheureusement parfois agressés par les personnes qui ont pris le train sans billet. Mais ces opérations sont compliquées à mener et il est parfois nécessaire d'arrêter le train en gare pour faire descendre les récalcitrants, ce qui se traduit par des retards.

À l'inverse, lorsque la SNCF décide d'organiser un contrôle dans une gare du RER, les honnêtes citoyens qui paient leur ticket ont le sentiment d'être pris en otages dans une gare « bunkerisée » – dans celle de Sarcelles par exemple, toutes les issues sont alors bloquées, sauf une où se massent une cinquantaine d'agents, de contrôleurs et de policiers. D'abord, je ne suis pas sûr que les normes de sécurité soient respectées et il me paraît dangereux de fermer ainsi, d'autorité, une gare. Ensuite, le caractère massif et quelque peu agressif de l'opération peut avoir des conséquences psychologiques négatives. Quel est votre avis sur le sujet ?

Enfin, les collectivités locales installent souvent leur propre vidéoprotection autour des gares, mais sans qu'il y ait une coordination avec la SNCF. Imaginez qu'un agresseur soit filmé par la caméra du quai, puis qu'il sorte dans la rue et soit filmé par la caméra de la collectivité locale. Ne pourrait-on pas faire en sorte, au moins dans les gares où les agressions sont les plus fréquentes, que les policiers puissent avoir accès à ces deux séries d'images ?

PermalienMichel Gaudin, préfet de police de Paris

Monsieur le rapporteur, il est évident que, lorsque nous intervenons, nous pouvons être à l'origine d'embarras et de retards : il est parfois nécessaire de bloquer un train pour procéder à des interpellations. Cependant, je ne crois pas que nos actions affectent beaucoup la régularité du trafic.

Vous m'avez interrogé sur la prévention des actes délictueux. Cela m'amène à évoquer le phénomène des bandes. Nous nous félicitons que les graves événements de 2007 ne se soient pas reproduits. Cette question est l'une de nos préoccupations dans le cadre du plan « Drogues », du plan « Itinérants » et du plan « Bandes », dont est chargé le SRPT. En effet, les bandes les plus connues opèrent dans les gares, comme à la Gare du Nord. Elles sont en voie de disparition à la Gare du Nord ou au Châtelet. J'ai le sentiment que notre action a été efficace : alors que nous avions répertorié environ 80 de ces bandes en 2008-2009, nous n'en comptions plus que 36 l'année dernière. Si elles sont à l'origine d'actes de délinquance, elles génèrent surtout un sentiment d'insécurité, ne serait-ce qu'en raison de l'attitude de leurs membres.

Ces phénomènes de bandes sont donc pris en charge par le SRPT. Les systèmes de vidéoprotection peuvent nous aider à évaluer la situation – et si nous employons ce terme plutôt que celui de « vidéosurveillance », monsieur Benisti, car c'est celui qui figure dans le texte de la loi que Mme Alliot-Marie a fait voter. Quoi qu'il en soit, à certains moments « de haute intensité », comme à la Saint-Sylvestre ou au cours de la Fête de la musique, nous arrivons à disperser ces bandes avant que la situation ne dégénère.

S'agissant de la gestion de crise, je distinguerai les cas très graves, comme celui des attentats, auxquels nous essayons de nous préparer, notamment en organisant des exercices avec les opérateurs, des cas tels que les accidents graves de voyageurs, qui se sont produits 199 fois en 2010 et 219 fois en 2011 – ils sont en général répartis à peu près à égalité entre la SNCF et la RATP, l'an dernier faisant exception. Il s'agit le plus souvent de suicides. Dans ce cas, le train est bloqué. M. Guillaume Pepy, le président de la SNCF, m'a signalé que les interventions de la justice étaient relativement longues. Certes, nous n'avons pas autorité sur les procureurs mais j'essaierai d'évoquer avec les intéressés ce sujet sensible qui a été plusieurs fois évoqué devant moi, dans le cadre des bonnes relations entre justice et police.

Les vols de cuivre et de câbles ont également entraîné des blocages du trafic au cours de la période récente, en dépit du travail engagé avec la SNCF et la RATP pour combattre ces délits dont on connaît évidemment les responsables.

Pour combattre les phénomènes de deal dans les gares terminus, nous souhaiterions disposer de relais. De fait, notre système, qui est centralisé, montre ses limites, surtout depuis que notre compétence a été étendue aux « bouts de ligne ». Nous avons déjà commencé à aller dans le sens d'une certaine déconcentration. À la gare de Saint-Denis, où s'étaient établis des vendeurs de crack en provenance du 18e arrondissement, nous avons ainsi créé un pôle et cette présence a été, je le crois, efficace. Dans le cadre de la police d'agglomération, nous avons maintenu le dispositif spécifique qui existait dans le Val-de-Marne. Nous souhaitons également installer un relais à La Défense, dès que nous disposerons des locaux nécessaires ce qui devrait pouvoir être possible. Nous donc envisageons de poursuivre cette évolution, surtout si notre compétence est élargie à d'autres portions de lignes éloignées de Paris. Cela aurait d'ailleurs l'avantage de permettre à certains de nos fonctionnaires, qui habitent eux-mêmes très loin, de faire moins de chemin pour prendre leur service.

On ne peut tout à fait assimiler, monsieur Bénisti, les réquisitions permanentes qui permettent à la police d'aller là où elle veut dans le domaine des offices HLM et les réquisitions judiciaires dont je parlais, qui interviennent à propos de dossiers précis : la justice, saisie d'une agression, nous demande d'aller chercher les images correspondantes.

Je vous signale aussi que, jusqu'à présent, peu de rames sont équipées de systèmes vidéo. Et lorsqu'elles le sont, à ma connaissance, nous n'avons pas le report des images. Donc, quand on nous signale aujourd'hui, par l'intermédiaire du contrôleur ou d'une patrouille, que quelqu'un a été victime d'une agression dans une rame, le train est immédiatement arrêté, ce qui entraîne les difficultés que nous dénonciez. Mais ce n'est là que la situation actuelle : il va de soi que, lorsque les wagons seront systématiquement équipés de caméras comme il est prévu, nous aurons à revoir nos modalités d'intervention.

Monsieur Calméjane, je crois vous avoir répondu s'agissant des accidents graves. Quant aux interventions de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), je ne peux vous en fournir le nombre car je ne dispose pas ici de ces données, mais je vais le demander.

Nous voulions vous faire, concernant le contrôle des titres de transport, une proposition qui, je dois le dire, ne recueille pas l'assentiment des organisations syndicales. Les policiers regrettent de ne pouvoir effectuer de tels contrôles, car ce serait un moyen de lutter contre des incivilités qui, bien que ne constituant pas des délits, n'en sont pas moins insupportables à beaucoup. Sur ce point, la situation qu'on observe dans les transports n'est pas différente de celle que l'on vit aujourd'hui dans la rue, notamment à Paris. Devant de tels actes, le policier se trouve démuni, mais il pourrait au moins contrôler le titre de transport.

Monsieur Pupponi, vous nous avez parlé des opérations « massives » de contrôle. Les contrôles sont bien sûr nécessaires, mais là encore, tout est question d'équilibre et de discernement. Il m'est difficile de vous répondre plus avant, sauf à pratiquer une certaine langue de bois.

En revanche, je vous ferai une réponse plus complète s'agissant de la coordination avec les communes pour l'exploitation des images vidéo. Nous proposons aux maires de passer avec nous des conventions, pour éviter de nous trouver dans une situation qui ne serait pas harmonieuse entre Paris et la Petite couronne. C'est la police nationale – en l'occurrence la préfecture de police, qui pilote le dispositif même si elle a bénéficié de l'appui de la mairie – elle aura le contrôle sur les 1 300 caméras de Paris, mais celles de la Petite couronne sont la plupart du temps dans la main des communes, qui ne font pas toujours « basculer » leurs images. Ainsi, quand nous nous sommes rendus à Saint-Denis avec le ministre, le maire ne s'est pas montré favorable à ce partage. Certes, les élus sont libres de leurs choix mais il est très important pour nous d'établir une jonction entre les systèmes vidéo communaux et ceux des gares, sur lesquelles le SRPT a maintenant compétence. La conclusion de conventions pourrait être la solution.

Je souhaiterais en dernier lieu vous faire part de quelques propositions.

Il s'agirait d'abord, de renforcer la coordination avec les services territoriaux, et donc avec les polices municipales. Cela pourrait passer par l'élaboration de conventions types « transports » – celles que je viens d'évoquer.

Ensuite, il conviendrait d'anticiper les problèmes de sécurité qui se poseront dans le cadre du Grand Paris. On nous annonce des gares gigantesques, qui abriteront des centres commerciaux et culturels. Or nous sommes un certain nombre à considérer que la prévention situationnelle n'est pas assez prise en compte dans notre pays – le décret d'application de la loi de 1995 n'a d'ailleurs été pris… qu'en août 2007 ! Je m'en suis entretenu avec le directeur de cabinet de M. Christian Blanc, puis avec MM. André Santini et Maurice Leroy, et nous avons maintenant détaché un commissaire auprès de la Société du Grand Paris (SGP) afin d'amorcer ce travail.

Je me suis rendu dimanche dernier sur la dalle des Olympiades : du point de vue architectural, le site est peut-être beau mais il est très compliqué d'y assurer la sécurité. Je ne saurais donc trop insister sur la nécessité de procéder à des études de sécurité dans le cadre du projet du Grand Paris.

Il serait utile, d'autre part, de développer la vidéo embarquée et, comme je l'ai dit, d'avoir un meilleur partage des retours d'images.

Nous tenons également que soient bien délimitées la zone ferroviaire à protéger et la zone ouverte au grand public sur le réseau. En effet, le contrôle de la détention de billets – qui pourrait être un peu renforcé – me paraît important.

Nous souhaiterions en outre qu'on réfléchisse à l'obligation d'être pourvu d'un titre d'identité quand on se trouve dans une zone de transport. Cela éviterait que des personnes qui ont négligé de s'en munir soient emmenées au poste de police.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous aimerions pouvoir verbaliser le défaut de titre de transport.

Lorsque nous avions travaillé dans le cadre du programme national avec le ministère, la préfecture de police avait proposé – sur le modèle en quelque sorte de l'interdiction administrative de stade – qu'on interdise l'accès au réseau aux personnes qui, à de multiples reprises, se seraient comportées de façon inacceptable. Nous regrettons, à ce propos, que les dispositifs judiciaires d'interdiction de séjour, par exemple dans une gare, qui sont pourtant prévus par le code pénal, ne soient pratiquement jamais appliqués par les tribunaux.

Nous envisageons par ailleurs de nous rapprocher de nos collègues de la justice pour que les Parquets donnent des instructions en sorte que les personnes qui passent leur temps dans le métro, et que l'on peut repérer trente ou quarante fois dans la journée, ne viennent pas perturber les voyageurs. Je pense à ces bandes inquiétantes, dont les membres sont généralement dépourvus de titre de transport.

En dernier lieu, nous avons formulé une demande auprès des opérateurs : maintenant que nous avons les images, nous voudrions avoir aussi le son. Les exploitants ne le souhaitent pas, mais peut-être pourriez-vous nous appuyer afin que nous soyons autorisés à faire des annonces : par exemple, lorsque des personnes fument dans le métro, nous signalerions que c'est interdit et que nous allons devoir intervenir.

Nous vous communiquerons ces propositions, destinées à améliorer la sécurité de nos concitoyens qui, dans leur immense majorité, ne souhaitent que pouvoir se rendre tranquillement à leur travail sans être importunés par quelques catégories d'individus, peu nombreux mais responsables de graves perturbations.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le préfet de police, dans le cas d'un accident grave de voyageur, notamment d'un suicide, les opérateurs nous ont dit que le réseau était bloqué pendant deux heures environ. Cela peut être imputable à des lenteurs de vos collègues de la justice et, en outre, il convient d'observer un « délai de décence », après un décès, avant de faire redémarrer le RER, mais ne serait-il pas possible de dispenser une formation particulière aux officiers de police judiciaire, si ce n'est pas déjà le cas ?

D'autre part, on nous a expliqué que, lorsqu'un accident se produisait sur une voie, toutes se trouvaient bloquées. Quel est le dispositif mis en place sur le réseau RER, sur des voies qui ne sont pas forcément dédiées ?

PermalienMichel Gaudin, préfet de police de Paris

M. Guillaume Pepy a souvent soulevé ces questions lors de nos rencontres. Puisque vous les évoquez à votre tour, je vais proposer au procureur d'organiser une réunion pour essayer de définir une sorte de modus operandi. D'une certaine façon, nous rencontrons les mêmes difficultés avec les accidents de la circulation, qui sont à l'origine d'embouteillages considérables, ne serait-ce que parce que nous ne pouvons faire enlever rapidement les véhicules.

PermalienChristian Sonrier, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne

Nous avons travaillé pendant plusieurs années, sous l'autorité des procureurs généraux, notamment avec celui de Versailles, à l'élaboration d'un protocole. En effet, en cas d'accident, interviennent pour la justice le substitut du procureur, pour la police un officier de police judiciaire et pour les transporteurs des techniciens. Pour ce qui nous concerne, nous avons commencé à assurer une permanence le matin et en soirée, aux heures de pointe : des OPJ sont pré positionnés dans des commissariats, souvent ceux des chefs de district. Ils sont donc immédiatement opérationnels et, une fois sur place, tout en sauvegardant les traces et indices nécessaires à l'enquête, ils peuvent par exemple, parce que le procureur les y a autorisés sous certaines conditions, décider de faire déplacer les corps – normalement, seul un médecin peut déclarer que quelqu'un est mort, même si le décès est évident. Ces dispositions permettent de ne pas bloquer toutes les voies et de permettre aux trains d'avancer, ne serait-ce qu'à petite vitesse.

Vous avez demandé, monsieur le président, si nous formions les OPJ à ce genre de situation. Nous faisons ce que nous appelons de la « sensibilisation » : régulièrement, nous envoyons nos enquêteurs à Saint-Lazare pour qu'ils constatent, dans le poste de commandement de l'opérateur, l'incidence que peut avoir le blocage d'une voie, qui immobilise des dizaines et des centaines de milliers de voyageurs. Si l'on peut maintenir la circulation, même à très faible vitesse, les risques de thrombose s'en trouvent notablement réduits.

Nous nous préoccupons donc de ces problèmes. Nous procédons même à une évaluation, que nous pourrons mettre à votre disposition. Par exemple, à la SNCF Saint-Lazare, nous sommes notés en fonction de notre capacité à limiter notre durée d'intervention.

L'audition prend fin à vingt heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mercredi 1er février 2012 à 19 heures

Présents. - M. Jacques Alain Bénisti, M. Patrice Calméjane, M. Daniel Goldberg, Mme Annick Lepetit, M. Pierre Morange, M. François Pupponi

Excusés. - M. François Asensi, M. Axel Poniatowski