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La séance

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Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

L'audition débute à neuf heures dix.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous recevons ce matin Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF. Vous avez, madame, l'expérience des dossiers d'aménagement et de transports urbains, que vous avez acquise d'abord sur le terrain, en qualité d'ingénieur, puis au sein de cabinets ministériels et à la tête des services de la région.

Nous avons entendu, hier, M. Jean-Paul Huchon, président de la région et du conseil d'administration du STIF, puis MM. Roger Karoutchi et François Kalfon, qui président respectivement les commissions des Finances et des Transports du conseil régional. Nous avons ensuite eu le plaisir de recueillir l'expérience de maires représentatifs de la diversité de la région par leur appartenance politique, la localisation géographique – en Petite ou en Grande couronne – et les conditions de la desserte par le RER de leur commune. Auparavant, nous avions notamment entendu les présidents de la RATP et de la SNCF, ainsi que M. Dumont-Fouya, président du Comité des partenaires des transports publics, le CPTP, instance consultative auprès du STIF.

Votre audition, madame, complétera utilement notre information. Nous souhaitons connaître aussi précisément que possible les engagements financiers du STIF pour la remise à niveau et la « désaturation » du RER. Comment les travaux sont-ils programmés et, au préalable, hiérarchisés en fonction des urgences et de ce qu'il est possible de faire ? Selon vous, la SNCF, la RATP et Réseau ferré de France (RFF) parviennent-ils à définir des programmes d'investissement cohérents ? Le STIF a-t-il été contraint de jouer les arbitres le cas échéant ? Dispose-t-il des moyens de faire valoir son point de vue dans ce domaine essentiel ? Pourriez-vous illustrer votre propos à l'aide d'exemples significatifs ? La capacité d'expertise autonome du STIF est un enjeu essentiel du débat, qu'il s'agisse de déterminer des programmes d'investissement, de suivre les travaux ou de passer des contrats pour acquérir de nouveaux matériels ou en assurer la maintenance.

En Île-de-France, plus que dans d'autres régions, l'État prend des décisions qui engagent les finances régionales. De ce fait, il est difficile à la région de faire valoir ses priorités et de conduire librement sa politique en matière de transports. Les projets du Grand Paris font ainsi craindre à certains que les perspectives à court et à moyen terme ne soient négligées. Quel est votre sentiment sur ce point, qu'il s'agisse des projets, de l'ingénierie ou de la sécurisation des financements ?

Enfin, la commission d'enquête a identifié un problème de gouvernance interne au réseau du RER. Sur les lignes A et B, exploitées conjointement par la RATP et par la SNCF, l'unité de commandement opérationnel s'impose. C'est une question de bon sens ! Les présidents de la RATP et de la SNCF nous ont même fait à ce sujet des promesses dont nous comptons bien nous assurer qu'elles seront tenues. Parce que c'est le concret qui nous importe, nous aimerions également connaître votre sentiment sur ce point. Selon vous, cette unification des responsabilités peut-elle voir le jour à court terme ? Quels sont les obstacles à lever ? Les intéressés sont-ils vraiment de bonne volonté ?

Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, Mme Sophie Mougard prête serment.

PermalienSophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, STIF

Le RER transporte 3,6 millions de voyageurs par jour. Ce chiffre, que vous avez souvent entendu, mérite toutefois d'être rappelé. Il donne la mesure du problème mais recouvre des disparités selon les lignes. Plus d'un million de voyageurs empruntent chaque jour la ligne A, qui concentre à elle seule 25% des trafics RER et Transilien. Vient ensuite la ligne B, où circulent 900 000 personnes par jour et où la fréquentation a augmenté de 35% en dix ans. Constatant l'inégale répartition de cette augmentation entre le week-end, où elle atteint 50%, et les jours ouvrables, où elle n'est que de 20%, le STIF a adapté l'offre à cette variation de l'usage des transports selon les « temps de la vie ». Le RER C transporte 500 000 voyageurs par jour et ce chiffre a augmenté de 2,5 % par an au cours des dernières années. C'est la ligne sur laquelle la desserte est la plus complexe, mais la mise en service du Tram Train entre Massy et Évry, une réalisation pilotée par le STIF, devrait contribuer à la simplifier. La ligne D transporte 550 000 passagers par jour. Cette ligne, qui relève exclusivement de la SNCF, est très fréquentée et le trafic de voyageurs y a crû de 40% au cours des huit dernières années. Enfin, la ligne E qui est la plus jeune et la plus courte – mais nous travaillons à la prolonger – transporte chaque jour 310 000 voyageurs.

Notre constat est triple. Premièrement, le réseau s'est chargé. Il continue de se charger alors même que les infrastructures n'ont pas été adaptées ni modernisées et que les investissements de capacité nécessaires n'ont pas été réalisés. Deuxièmement, le parc de matériel roulant a besoin d'être renouvelé ou rénové, et il est « tendu », c'est-à-dire que les réserves d'exploitation et de maintenance dont disposent les opérateurs sont souvent insuffisantes. Troisièmement, la desserte n'a guère été adaptée à l'évolution des territoires ; le STIF est souvent sollicité à ce sujet.

En ce qui concerne les infrastructures, au lendemain de la décentralisation, nous avons demandé un audit spécifique dans le prolongement du rapport Rivier, audit national réalisé en 2005 par l'École polytechnique fédérale de Lausanne. Nous avons souhaité y associer Réseau ferré de France (RFF) pour nous assurer que le gestionnaire des infrastructures en partagerait les conclusions. Il en est ressorti que le programme de renouvellement du réseau accusait un retard et que, pour pallier les irrégularités liées aux infrastructures, il fallait réduire non seulement le nombre d'incidents à la source, en remédiant à leur vétusté, mais réduire aussi le nombre de trains dont chaque incident compromettait par ricochet la régularité. Cela suppose que l'exploitation du réseau bénéficie d'outils performants utilisant des technologies modernes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'outil que RFF doit développer est la commande centralisée du réseau, la CCR. Il convenait également de mobiliser des ressources de maintenance et de régénération du réseau en quantité suffisante. Enfin, l'audit suggérait fortement un plan de maintenance renforcé pour certaines installations, grâce à un référentiel de maintenance fondé sur des critères plus exigeants que le référentiel de maintenance national.

Forts de ces résultats, nous avons conclu avec RFF une convention de partenariat pour la période 2009-2012 qui sensibilise notre partenaire au suivi de la régularité dépendant de l'infrastructure et l'invite à rendre le réseau plus robuste donc à en moderniser l'exploitation en zone dense. Cette convention permet en outre de définir des programmes pluriannuels d'investissement adaptés, notamment, aux besoins de renouvellement et à l'exigence d'amélioration de la qualité de service. RFF s'est ainsi engagé auprès du STIF à porter de 700 millions à un milliard d'euros les investissements concernant l'infrastructure en Île-de-France par rapport à la période précédente. Il s'est également engagé à consacrer à l'Île-de-France toute la capacité d'autofinancement qu'il dégage grâce aux péages que lui verse le STIF via la SNCF et qui était auparavant redéployée en fonction des besoins sur l'ensemble du réseau national. Rappelons que ces péages ne représentent pas moins de 680 millions d'euros par an et que le STIF est la seule autorité organisatrice de transports à qui l'arrêté ministériel définissant le barème des péages au niveau national facture « le coût complet » des infrastructures, c'est-à-dire, outre le coût de l'usage, les investissements de renouvellement, de capacité et de modernisation nécessaires.

Deuxième constat : le parc de matériel est vieillissant et « tendu ». Le président Huchon a dû vous le dire, le STIF décentralisé a lancé, dès son installation, un important programme de renouvellement et de rénovation des matériels roulants. La première décision de principe a été prise en mai 2006 et la décision de financement en décembre 2006, pour 2,94 milliards d'euros aux conditions économiques de 2006. Il s'agit de déployer 172 rames de trains Franciliens sur les réseaux de Paris-Nord, de Paris-Saint-Lazare et de Paris-Est, ce qui permet d'affecter le matériel le plus récent, notamment les Z2N, à d'autres lignes, dont les lignes de RER. Vingt-quatre automotrices à grande capacité sont destinées au réseau Paris-Est, Paris-Provins et Paris-Meaux-La Ferté Milon. Trois cents rames automotrices Z2N qui circulent sur les lignes D et C du RER seront en outre rénovées en vertu de deux décisions successives du conseil du STIF, de même que les MI79 de la ligne B grâce à un programme de plus de 300 millions d'euros subventionné à 50% par le STIF. Enfin, le conseil du STIF a décidé d'investir 650 millions d'euros dans le remplacement des MS61 et des MI84 par le MI09, matériel à deux niveaux, sur la ligne A. Par ailleurs, le conseil du STIF a récemment approuvé le cahier des charges fonctionnel du futur matériel RER 2N – pour « deux niveaux » – NG – pour « nouvelle génération », destiné au prolongement de la ligne E mais aussi au RER D. L'objectif est qu'en 2016, tout le parc circulant sur le réseau Transilien soit constitué d'un matériel neuf ou rénové depuis peu. Le STIF a élaboré et soumis à son conseil un schéma directeur du matériel roulant ferroviaire qui assure la cohérence de ces différentes actions.

Troisième constat : les dessertes sont parfois mal adaptées aux besoins des territoires. Le STIF a décidé des renforcements de l'offre, par exemple à Cergy, notamment sur la ligne A du RER, ou en généralisant les rames doubles sur les lignes B et D pour tenir compte de la charge, y compris au cours des week-ends. Mais l'état des infrastructures et du parc en limite les effets. Il est donc apparu nécessaire de prévoir des actions à court, à moyen et à long terme afin de résoudre les problèmes d'infrastructure, de matériel roulant, d'exploitation – comment les trains sont-ils produits et comment le service est-il assuré ? – et d'adaptation de la desserte. C'est le principe du schéma directeur des RER. Il s'agit d'identifier et d'appliquer les mesures d'exploitation et les investissements à court, à moyen comme à long terme permettant d'améliorer la régularité et la qualité du service, sans oublier l'information des voyageurs, notamment lors de perturbations.

Je m'attarderai sur le cas de la ligne A avant d'évoquer plus brièvement les spécificités des autres lignes.

Sur la ligne A, la régularité s'est dégradée dès 2008. Le président du STIF a donc saisi en avril 2008 les présidents de la RATP et de la SNCF afin qu'ils lui soumettent d'urgence un programme d'amélioration permettant de restaurer la qualité de service prévue par le contrat qui les lie à l'autorité organisatrice. Trois éléments apparaissaient particulièrement nécessaires : le traitement des installations fixes, notamment au niveau du tronçon central, très chargé ; l'amélioration de l'exploitation commune de la ligne par la RATP et la SNCF ; la mise en oeuvre d'une meilleure information des voyageurs. De plus, le schéma directeur du matériel roulant, que je viens d'évoquer, tenait compte des besoins spécifiques de capacité du RER A, en prévoyant notamment de généraliser le matériel à deux niveaux.

L'une de nos préoccupations est le nombre de trains qui circulent à l'heure de pointe dans le tronçon central. Car ce qui fait la capacité de la ligne, c'est non seulement la capacité unitaire de chaque train mais le nombre de trains que l'on parvient à faire passer dans un laps de temps donné. À cet égard, en réponse à la demande du STIF, la RATP a recouru dès 2008 à plusieurs mesures d'exploitation qui ont permis de porter, à la fin de cette même année, de vingt-quatre à vingt-sept le nombre de trains empruntant le tronçon central à l'heure de pointe. Cela montre que si d'importants investissements sont nécessaires, les opérateurs doivent également être particulièrement attentifs aux conditions d'exploitation. En l'espèce, il s'agissait de renforcer les effectifs des agents d'encadrement, d'affecter des secouristes à Châtelet et Gare de Lyon, d'anticiper la préparation des trains à quatre heures trente du matin ou de mettre en place à Nation un train de réserve que l'on peut « injecter » en sus dans le tronçon central pour décharger les quais saturés, de sorte que les trains suivants rattrapent en partie le retard pris.

À moyen terme, le STIF a demandé à la RATP d'engager des études sur les différentes mesures susceptibles d'alimenter le schéma directeur du RER A. La RATP, la SNCF et RFF ont réalisé à cette fin un « dossier d'émergence » financé par le STIF et constitué d'études de préfaisabilité fondées sur un bilan complet des dysfonctionnements et des principales difficultés de la ligne. Trois grandes difficultés structurelles s'en dégagent : une desserte inadaptée et des infrastructures insuffisamment performantes sur la branche de Marne-la-Vallée, celle où la fréquentation a le plus augmenté ; un tronçon central qui concentre 60% du trafic, ce qui exclut d'y résoudre un problème dans un train et ne fait qu'aggraver les difficultés de la ligne ; enfin, une exploitation trop rigide des branches de Cergy et Poissy, due notamment à leur convergence dans des conditions très contraignantes entre Houilles Carrières et Nanterre Préfecture, où diverses circulations se partagent les voies. S'y ajoutent deux difficultés plus générales : l'hétérogénéité du matériel roulant et le fait que la supervision conjointe de la RATP et de la SNCF n'est pas assez centralisée.

Au cours des 565 journées qui se sont écoulées entre février 2008 et novembre 2010, 24,3 trains en moyenne sont passés à Châtelet-Les Halles à l'heure de pointe du matin et 25,6 à l'heure de pointe du soir, alors que l'outil de pilotage SACEM – Système d'aide à la conduite, à l'exploitation et à la maintenance – utilisé dans le tronçon central permet en théorie d'en faire circuler 30. Il faut une heure dix au lieu d'une heure pour faire passer ces 30 trains, d'où les problèmes de capacité de la ligne. Ce chiffre met en évidence une difficulté d'exploitation, plus aiguë le matin.

L'élaboration du schéma directeur implique de réfléchir aux conditions de performance de la ligne – en particulier à l'heure de pointe – et de gestion des situations dégradées ou perturbées ; à l'adéquation de l'offre aux besoins des voyageurs par l'adaptation de la desserte ; enfin, à l'homogénéisation du service aux voyageurs et à l'unification de l'exploitation. Notre objectif est de nous appuyer sur ces études réalisées par les opérateurs pour présenter, à la fin du premier trimestre 2012, un schéma directeur aux associations d'usagers, aux élus concernés, par l'intermédiaire des commissions de suivi, enfin au conseil du STIF, instance décisionnelle.

Quelques orientations se dessinent dès à présent. La capacité de la ligne sera accrue. La standardisation du matériel roulant grâce à la généralisation du MI09 va permettre de mener des actions d'amélioration. En ce qui concerne les conditions d'exploitation du tronçon central, les opérateurs étudient à notre demande les bénéfices de l'automatisation. Enfin, des portes palières seraient installées afin de réguler les flux entre le quai et le train dans les stations.

Il s'agit en deuxième lieu de supprimer les points fragiles. On étudie ainsi le recours à des infrastructures de retournement des trains au terminus à Chessy, à Cergy et à La Varenne, afin de résorber les retards en réinjectant plus rapidement ces trains sur la ligne ; mais aussi dans le tronçon central, à Gare de Lyon, Étoile, La Défense, Nanterre Université ou Val de Fontenay. S'y ajoutent des infrastructures liées au fonctionnement des branches : l'accès au garage de Torcy et l'extension de l'outil SACEM jusqu'à Neuilly-Plaisance. La RATP, la SNCF et RFF doivent étudier la faisabilité de ces travaux et nous en préciser le coût ainsi que les délais envisageable de réalisation.

Enfin, il s'agit d'améliorer l'exploitation commune de la ligne par les opérateurs, ce qui nécessite d'améliorer les interfaces opérationnelles et de réfléchir à ce qu'implique l'unification de l'exploitation, en étudiant la faisabilité d'un centre de commandement unique ainsi que la suppression de la relève des conducteurs à Nanterre.

Nous invitons en outre les opérateurs à réformer profondément la gestion des perturbations en donnant aux voyageurs une place centrale. Nous souhaitons ainsi inscrire une action nouvelle dans les contrats actuellement négociés avec eux, en nous fondant sur l'expérience des incidents dont nous font part les représentants des voyageurs, auprès desquels nous plaçons un élu, administrateur du STIF. Notre objectif est d'identifier des propositions concrètes, véritablement novatrices, de sorte que les voyageurs, loin de se sentir livrés à eux-mêmes, participent à un diagnostic en commun. Ils nous ont fait part de leurs premières expériences, dont le compte rendu a été mis en ligne sur le site du STIF.

Il s'agit notamment d'étudier le renforcement et le perfectionnement des systèmes d'annonce sonore et visuelle, l'amélioration de la gestion des flux de voyageurs dans les grandes gares et la préparation anticipée de scénarios de perturbation communs aux opérateurs, maîtrisés par les exploitants et compris par les voyageurs. Lors de la commission de suivi du schéma directeur, nous avons aussi évoqué la propreté des gares et des trains, qui engage non seulement la qualité du service, mais également le respect dû aux voyageurs.

Enfin, pour adapter l'offre aux besoins des voyageurs, nous avons demandé aux opérateurs d'étudier des modifications de la desserte pour prolonger certaines missions ou généraliser certains arrêts.

Le prolongement du RER E à l'ouest permettra de décharger d'environ 12 % le tronçon central du RER A à l'horizon 2020. Nous devons aussi adapter les pôles d'échange à la charge pour que les voyageurs effectuent leur correspondance dans les meilleures conditions, comme nous le faisons à Châtelet-Les Halles, à Nanterre Université et à Noisy-le-Grand. Abstraction faite du financement de ces grands pôles dans le cadre des contrats de plan entre l'État et la région, le montant investi par le STIF dans l'adaptation des pôles d'échange, toutes lignes de RER confondues, a été multiplié par huit entre la période 2000-2005 et la période 2006-2011, passant de 40 à 300 millions d'euros.

La ligne B a la particularité d'être exploitée par trois opérateurs, pour moitié par la RATP et pour moitié par la SNCF et RFF. Sa fréquentation a beaucoup augmenté et son tronçon central est lui aussi très chargé, surtout la partie commune avec la ligne D – le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. La partie nord de la ligne a fait l'objet dès 2003 du schéma directeur « RER B Nord + ». Les investissements sur les infrastructures doivent permettre de dédier deux voies au RER B, ce qui débouchera sur une « métroisation » de la desserte en proche couronne : même origine, même destination et même desserte omnibus pour toutes les missions. Cela devrait considérablement améliorer la régularité. Le STIF a également décidé d'investir dans la rénovation du matériel roulant. Au total, près de 260 millions d'euros sont consacrés à l'infrastructure. Mais le taux de régularité de la ligne reste très faible. Les voyageurs s'en plaignent beaucoup et les associations d'usagers ont dû souvent en faire état auprès de vous. Une deuxième étape est rendue nécessaire par l'augmentation du trafic et par le projet de réseau Grand Paris Express, destiné à s'entrelacer au RER B.

Monsieur le président, vous avez évoqué l'unification du pilotage. La première étape de l'unification est due au STIF, qui a souhaité inscrire la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord dans les contrats conclus avec la RATP et la SNCF en 2008. L'échéance – juillet 2008 – était ambitieuse ; le chantier a duré plus longtemps, les opérateurs ayant dû mener un dialogue social difficile, former les agents et définir des normes de sécurité communes. La mesure n'a été effective qu'en novembre 2009. Nous avons en outre tenu à inscrire dans les contrats signés en 2008 un indicateur de ponctualité des voyageurs – et non de régularité des trains – qui permet de connaître le pourcentage de voyageurs dont le retard à l'arrivée ne dépasse pas cinq minutes. La RATP et la SNCF en sont coresponsables.

La seconde étape est l'instauration d'un pilotage unique de la ligne : le centre unique RER B, ou « CUB ». Aujourd'hui, l'exploitation – gestion des circulations, plan de transport, information des voyageurs, gestion des incidents – est supervisée par plusieurs entités : pour la RATP, un poste de commande centralisé (PCC) ; pour la SNCF, un centre opérationnel Transilien (COT) ; pour RFF, un centre opérationnel pour la gestion des circulations (COPC) situé à Paris Nord et qui communique avec les agents des différents postes d'aiguillage, lesquels dépendent de la Direction des circulations ferroviaires, indépendante au sein de la SNCF. La réunion de ces acteurs dans un seul et même lieu de supervision est un enjeu majeur. Le STIF a rappelé aux trois opérateurs, dès février 2011, qu'il souhaitait atteindre cet objectif dans les meilleurs délais. On nous objecte que, dans le contexte d'ouverture à la concurrence, RFF ne peut entretenir de lien privilégié avec une entreprise ferroviaire en particulier. Cet argument trouve ses limites dès lors que 99,9% des lignes concernées relèvent de l'entreprise ferroviaire visée, ce qui sera le cas lorsque le RER B bénéficiera de deux voies dédiées sur le tronçon nord. Une solution se dessine, que M. Pepy a pu évoquer ici et que M. du Mesnil vous confirmera peut-être : RFF pourrait déléguer sa compétence à la SNCF pour ce qui concerne la gestion des circulations et de l'infrastructure. La SNCF partageant un centre unique avec la RATP, la ligne serait dès lors dotée d'un seul lieu de pilotage.

Sur la ligne C, la ponctualité s'est très fortement dégradée en 2010, notamment parce que la part des causes d'irrégularité liées à l'infrastructure a doublé. Au vieillissement des infrastructures s'est ajouté l'accident de Choisy-le-Roi. Nous avions proposé, en juillet 2009, au conseil du STIF un schéma directeur du RER C où sont répertoriées les difficultés d'une ligne qui mêle circulations lentes et rapides et multiplie les points de connexion entre les deux. Outre l'usure de son infrastructure, notamment des signalisations, la ligne C se caractérise également par la mixité des circulations – RER, TER, fret. Le STIF a décidé plusieurs investissements en conséquence.

Un mot sur les délais de réalisation des études et des travaux en question. Dès 2003, le STIF avait identifié plusieurs investissements nécessaires sur la ligne C, parmi lesquels la rénovation du poste d'aiguillage et de régulation – le PAR – des Invalides, dont les représentants des associations d'usagers vous ont peut-être parlé. Les études ont pris beaucoup de temps et le nouveau PAR n'a pas été livré avant 2011. Fort heureusement, les délais ne sont pas toujours aussi longs, mais j'appelle votre attention sur le fait que les opérateurs doivent consacrer tous les moyens nécessaires, en maîtrise d'ouvrage et en maîtrise d'oeuvre, aux opérations complexes qu'implique le schéma directeur, afin que les études progressent et que les travaux puissent s'engager. C'est l'enjeu principal du schéma directeur du RER C depuis que le président du conseil régional qui préside le conseil du STIF et la ministre des transports, Mme Kosciusko-Morizet, ont signé une convention spécifique « Transports » qui ne consacre pas moins de 260 millions d'euros au schéma directeur. En effet, il faut que les études soient suffisamment avancées pour que cette somme puisse être investie d'ici à la fin de l'année 2013.

Ces délais doivent nous inciter à nous interroger dès aujourd'hui sur la manière de résoudre à long terme les problèmes de circulation et de mixité. Nous avons donc demandé à RFF et à la SNCF d'étudier la création de nouvelles voies pour le RER C entre Juvisy et Paris : c'est ce que l'on a coutume d'appeler le « sextuplement » des voies, de manière impropre puisqu'il s'agit en réalité de passer de quatre à six voies.

La ligne D est structurellement fragile, avec des conflits de circulation à Corbeil-Essonnes, des terminus et des installations en ligne qui ne laissent pas assez de marge de manoeuvre aux opérateurs, et des missions très longues qui partagent les voies avec le RER B dans le fameux tunnel, mais aussi avec les TER et avec le fret au sud de Villeneuve-Saint-Georges. Nous avons commandé un audit indépendant pour tenter de comprendre la très forte augmentation des dysfonctionnements liés au matériel roulant en 2010. Il est apparu que l'on n'avait pas systématisé le dispositif d'anti-enrayage sur les essieux des Z2N de la ligne, contrairement à ce que l'on avait fait sur la ligne C. Or cet équivalent de l'ABS des véhicules automobiles évite que la présence de feuilles sur la voie ne fasse patiner les essieux, entraînant une perte d'adhérence et un fluage qui obligent à remettre les rames en maintenance et à changer les bogies. Le STIF a donc décidé sans tarder de subventionner à hauteur de 10 millions d'euros son installation sur tous les Z2N de la ligne. L'audit a également montré la nécessité de nouvelles mesures d'encadrement et d'organisation des ateliers de maintenance, ainsi que de moyens supplémentaires.

Le schéma directeur de la ligne D prévoit 120 millions d'euros d'investissements d'ici à 2014 pour réaliser d'importantes opérations sur les infrastructures, auxquelles s'ajoute la rénovation du matériel roulant. Le STIF s'est efforcé avec les opérateurs de donner un peu de souplesse à un parc très tendu, sans pouvoir apporter de solution miracle. Ainsi, les MI84, remplacés par les MI09 sur la ligne A, pourraient être réaffectés en partie sur la ligne B, mais aussi, à titre transitoire, sur d'autres lignes. Nous avons également demandé à la SNCF de se rapprocher de la région Nord-Pas de Calais, qui utilise six Z2N proches de ceux qui circulent en Île-de-France. Naturellement, cette région, elle aussi confrontée à une augmentation du trafic, ne nous les céderait pas sans les avoir remplacés par des TER de type Regio 2N ou 2N NG. Mais la piste mérite d'être creusée. Nous attendons les résultats de cette démarche. Enfin, nous avons demandé à la SNCF de prévoir, dans l'appel d'offres qu'elle va lancer pour les RER 2N NG, un dimensionnement large du marché, avec des tranches optionnelles qu'elle pourrait lever rapidement pour développer le parc.

Sur cette ligne, l'enjeu à moyen et à long terme est le doublement du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, car ce n'est qu'en séparant les lignes B et D que l'on en sécurisera durablement l'exploitation. Nous avons donc confié à RFF une étude de faisabilité que nous finançons et dont nous attendons les conclusions pour la fin 2012.

Le prolongement de la ligne E à l'ouest, qui ne représente pas moins de 3,2 milliards d'euros, doit contribuer à « désaturer » la ligne A et à améliorer l'accès des habitants du Mantois et des Mureaux aux emplois de La Défense. Pour concevoir ce prolongement, on a tiré les leçons des difficultés rencontrées sur les autres lignes. Ainsi, on a prévu un recouvrement des trains dans le tronçon central mais aussi, de façon systématique, un retournement de toutes les missions à Évangile d'un côté et à Nanterre-La Folie de l'autre, ce qui évitera qu'une irrégularité ne se propage d'est en ouest et réciproquement. La future gare Rosa Parks, qui devrait être mise en service en 2015 et qui représente à elle seule un investissement de 116 millions d'euros, est un autre exemple des pôles d'échange précédemment évoqués. Une autre avancée importante est la mise à l'étude par la SNCF et RFF d'une plateforme commune, avec le nouveau système NExT de signalisation et de pilotage de l'exploitation. Nous sommes attentifs aux fonctionnalités de ce système et à son apport potentiel à la robustesse, à la régularité et à la capacité de la ligne, mais aussi au type de supervision qu'il autorise, forts des leçons du RER A où, je l'ai dit, les difficultés structurelles entravent les possibilités théoriquement offertes par le SACEM. Ainsi, comment le dispositif NexT utilisé dans le tronçon central s'articulera-t-il aux outils de pilotage globaux – la CCR, mais aussi les outils de signalisation employés sur les branches ? Enfin, pour avoir une vision d'ensemble de l'exploitation de la ligne et anticiper les difficultés, le STIF a demandé aux opérateurs une étude du schéma de secteur du RER E Est. On sait par exemple que le pont de Nogent est un point critique. Autant profiter de l'occasion pour traiter ensemble les différents problèmes.

Qu'en est-il de la régularité dans les nouveaux contrats ? Les contrats signés en 2008 ont fait notablement progresser le suivi de la ponctualité des voyageurs puisque nous avons fondé les incitations financières de la RATP et de la SNCF sur cet indicateur. Nous avons obtenu une « déglobalisation » du suivi par ligne : en lieu et place de sept sous-réseaux et d'un indicateur pour l'ensemble du métro ; le suivi porte désormais sur quarante-cinq axes, s'étend à la ponctualité des voyageurs et est assorti d'une incitation. Les contrats ont également consacré la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord sur la ligne B et intégré la coresponsabilité des opérateurs. Pour Transilien, SNCF et RFF sont coresponsables. Nombre de nouveaux indicateurs de la qualité de service ont été introduits, qui déterminent un dispositif de bonus et de malus. Au total, l'enveloppe incitative est passée d'une vingtaine de millions d'euros à près de 48 millions pour les deux opérateurs réunis.

Aux yeux du STIF, et sans préjuger des résultats de la négociation en cours, les prochains contrats devraient insister encore davantage sur la régularité et la ponctualité des voyageurs, qui devraient représenter 50 à 60% de l'enveloppe des incitations. La ponctualité des voyageurs devrait faire l'objet d'un suivi sur toute la ligne, mais aussi sur les branches. La suppression d'un train est déjà prise en considération au titre du retard : d'une part, l'offre n'est pas assurée ; d'autre part, une pénalité s'applique si, de ce fait, l'objectif de ponctualité n'est pas atteint. Mais nous voulons aller plus loin en dissuadant spécifiquement les exploitants de supprimer des trains, car cela pénalise particulièrement les voyageurs selon les associations d'usagers que nous rencontrons au sein des comités de ligne ou lors de réunions bilatérales.

Nous souhaitons également que le dispositif d'incitation tienne compte de l'enquête sur la perception des voyageurs intégrée aux contrats qui viennent d'arriver à échéance – de l'évolution plutôt que des valeurs absolues, d'ailleurs, et ce même s'il convient d' « objectiver » les données recueillies. Nous voulons en outre mettre l'accent sur l'information des voyageurs lors des perturbations, en tenant compte de la manière dont ils en perçoivent l'amélioration le cas échéant. S'y ajoutent la propreté et l'accessibilité.

Nous comptons naturellement maintenir nos lieux de rencontre et d'échange avec les voyageurs, qu'il s'agisse des comités de ligne, des réunions publiques consacrées aux projets – près de quarante-cinq en 2011 – ou des retours d'expérience liés à un incident, sans oublier un dispositif nouveau au sein duquel nous souhaitons prendre le relais de la RATP : les « témoins de ligne », en lien avec la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, la FNAUT.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Merci, madame, de la qualité de cet exposé. J'aimerais vous demander des précisions sur plusieurs points.

Il s'agit tout d'abord de la déclaration de saturation qui permet de donner la priorité aux voyageurs. On le sait, RFF attribue les sillons sans faire de différence entre les modes de transport – fret ou transport de voyageurs, en TER ou en TGV, par exemple. Or, dans l'agglomération parisienne – Petite et Grande couronne –, il est impératif de donner la priorité aux voyageurs. En effet, comme l'ont dit avant vous plusieurs des personnes que nous avons auditionnées, nous devons gérer la pénurie sur un réseau vieillissant en attendant que la relance de l'investissement porte ses fruits. Dans ce contexte, la rationalisation de l'attribution des sillons permettrait de dégager des marges de manoeuvre.

Deuxièmement, vous avez évoqué les indicateurs de qualité, auxquels la commission d'enquête est particulièrement attentive, raison pour laquelle elle a commencé ses travaux par une Table ronde réunissant des associations d'usagers. Au-delà de la volonté, partagée par tous les parlementaires, de placer les voyageurs au centre du système, dans quelle mesure les usagers pourraient-ils être associés non seulement à l'élaboration des critères, mais aussi à leur évaluation ?

Troisièmement, le STIF semble se heurter comme la Cour des comptes à une certaine opacité des opérateurs, qu'il s'agisse de la RATP, de la SNCF ou de RFF, qui a quelque peu déçu les espoirs que l'on plaçait en lui. À ce propos, j'ai rappelé hier à MM. Huchon, Kalfon et Karoutchi, qui se sont montrés très intéressés, les pouvoirs de saisine sur pièces et sur place dévolus à une commission d'enquête. Je vous confirme que nous sommes à votre disposition pour vous aider à obtenir des documents propres à nourrir une analyse socio-économique pertinente.

La loi du 8 décembre 2009 dite « ORTF » permet une maîtrise d'ouvrage partagée entre le STIF et la RATP. Avez-vous progressé sur ce point ?

Vous avez également évoqué la longueur excessive des lignes. A-t-on étudié précisément la pertinence et les bénéfices d'une desserte avec ruptures de charge, solution préconisée par notre collègue Guy Malherbe ? Plutôt que des plates-formes de retournement, auxquelles des contraintes topographiques peuvent faire obstacle, a-t-on envisagé d'installer des motrices à l'avant et à l'arrière des trains ?

Quel est l'état de votre réflexion sur l'harmonisation des procédures et la standardisation des réglementations, dont les variations d'un transporteur à l'autre nuisent à la rationalisation du système ?

Enfin, à propos des projets inscrits dans les schémas directeurs, vous avez mentionné les expertises que vous confiez aux opérateurs « historiques ». Ne faudrait-il pas envisager des expertises entièrement indépendantes ?

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je signale que lundi 30 au matin, nous nous rendrons sur la ligne B du RER – qui était ralentie ce matin par une panne de matériel à Saint-Michel –, nous verrons notamment le centre opérationnel de Denfert-Rochereau.

PermalienPhoto de Guy Malherbe

Merci, madame, pour la qualité de cet exposé très complet.

L'interopérabilité a été maintes fois évoquée ici même. Il apparaît que l'opérateur unique, idéalement préférable, reste inenvisageable en pratique, pour diverses raisons. En revanche, on évolue vers des postes de commandement uniques ou unifiés qui devraient améliorer la gestion des lignes. D'autre part, on a évoqué la possibilité d'affecter un seul opérateur à chaque ligne – la SNCF au RER B et la RATP au RER A, par exemple. Qu'en pensez-vous ?

Le tunnel de Châtelet-Les Halles est un autre problème important et récurrent. Les études sont lancées. On parle pour sa réalisation d'un à deux milliards d'euros, voire davantage ! En outre, les études prennent du temps. Les travaux, à supposer qu'ils soient jugés réalisables, seront longs. Dans l'intervalle, le problème va s'aggraver. Selon certains spécialistes, seuls 1% des voyageurs traversent Paris du nord au sud ou vice versa. Dès lors, ne serait-il pas moins cher et plus rapide de couper les lignes B et D en deux tronçons nord et sud, avec des retournements ?

La ligne C est, elle aussi, très chargée, notamment sur son tronçon central. Même si elles ne seraient pas très agréables, des ruptures de charge aux portes de Paris, complétées par des navettes intra-muros, n'amélioreraient-elles pas la desserte de la capitale en évitant que les irrégularités ne se propagent d'un bout à l'autre de la ligne ?

Certes, le trafic va être allégé par le Tram Train entre Massy et Évry, qui permettra de couper une tentacule de la pieuvre et d'améliorer la circulation en provenance de Versailles, sur un tronçon où, comme vous l'avez dit, des feuilles tombées à Bièvres peuvent faire patiner les trains. Pourriez-vous nous préciser le calendrier de mise en service du Tram Train ? Je sais que le projet progresse pour avoir participé à la commission de suivi.

La réalisation du schéma directeur de la ligne C du RER est actuellement gelée. L'association des élus de cette ligne, que je préside, n'a aucune information sur l'évolution de la réflexion à ce sujet. Qu'en est-il ? Ne serait-il pas temps de réunir le comité de ligne pour l'informer des moyens envisagés pour sortir de cette impasse et mettre fin au moratoire ?

Le contrat État-région prévoyant une enveloppe de 300 millions d'euros consacrée à l'amélioration de la ligne C, des travaux seront réalisés qui concerneront le noeud ferroviaire de Brétigny, une voie de retournement sur la Gare d'Austerlitz et l'électrification, ainsi que le « sextuplement » des voies entre Juvisy et Paris. Mais ce tronçon est également concerné par le projet de ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand, dite POCL, et les calendriers d'achèvement des deux programmes diffèrent grandement. Comment se fera la coordination ?

Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'évolution prévisible de la tarification ? Envisagez-vous une seule zone en Île-de-France, ou plutôt deux ?

Nous voyons passer dans nos gares des TER des régions Centre et Nord-Pas-de-Calais, qui ne s'arrêtent pas. Des négociations sont-elles en cours avec elles pour obtenir que ces TER prennent des voyageurs dans les gares d'Île-de-France, ce qui améliorerait la desserte de la grande banlieue ?

L'hypothèse du rachat de rames à la région Nord-Pas-de-Calais avait déjà été évoquée devant moi. Pourriez-vous préciser les conditions auxquelles l'opération se conclurait ? J'ai cru comprendre que la cession pourrait se faire rapidement et peut être même pour un prix avantageux.

Le fait que les entreprises travaillent désormais à flux tendus n'est pas sans incidence sur l'organisation des transports en Île-de-France : comme leur activité dépend de la livraison des pièces alimentant les chaînes de production, les convois de fret doivent eux aussi arriver impérativement à l'heure sous peine de pénalité. Dans ce contexte, comment négociez-vous avec RFF et la SNCF pour que la répartition des sillons entre les trains de voyageurs et les trains de fret soit la meilleure possible ?

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

En ma qualité de député de la ville nouvelle de Cergy, je suis particulièrement intéressé par la qualité du fonctionnement de la branche de Cergy de la ligne A du RER. Or, élu de cette circonscription depuis dix ans, je n'ai jamais reçu autant de courriers de protestation faisant état d'un service devenu calamiteux - comme vous l'avez exposé, madame. Vous avez expliqué que le tronçon central forme un goulet d'étranglement et vous avez mentionné des pistes de réflexion intéressantes dont l'application permettrait d'améliorer la situation – mais à quel terme ? Quand peut-on s'attendre à constater une amélioration sur la ligne A du RER et singulièrement sur la branche desservant Cergy ? Ma circonscription, la plus grande de France, connaît une urbanisation galopante dont résulte l'augmentation continue du trafic ferroviaire. Dans ces conditions, peut-on vraiment s'attendre à ce que le service, actuellement déplorable, s'améliore durablement ? Cergy compte quatre gares de RER ; je sais que de plus en plus d'usagers des transports s'obligent à partir d'abord vers le terminus de la ligne, Cergy-le-Haut, au nord de l'agglomération, pour être sûrs de trouver une place assise jusqu'à Paris… Je ne sais si la généralisation des rames à deux niveaux suffira à régler le problème ; l'évolution au cours des années à venir ne laisse pas de m'inquiéter.

Enfin, la situation de la ligne H n'a pas été commentée. Pourtant, ses usagers subissent en permanence retards et suppressions de trains. La branche desservant Luzarches a été modernisée, mais qu'en est-il de la branche desservant Persan ?

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Quelle appréciation portez-vous sur les moyens dévolus au STIF – qu'il s'agisse de ses moyens en personnel ou de ses capacités d'expertise indépendante face à des opérateurs amplement dotés –, et sur ses pouvoirs de contrainte vis-à-vis des opérateurs en cas de désaccord ?

En votre qualité d'autorité organisatrice des transports en Île-de-France, vous semble-t-il envisageable que, la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) ayant transféré à la RATP la propriété des infrastructures utiles à l'exploitation de son réseau, les collectivités territoriales soient à l'avenir directement gestionnaires des infrastructures de transport ?

Vous avez évoqué une éventuelle délégation de compétences de RFF à la SNCF sur le réseau francilien. Ce serait une étape importante mais, outre cela, ne faudrait-il concevoir une instance permettant des échanges entre l'autorité organisatrice de transport, des représentants de l'État et les parties concernées ?

On peut se féliciter que la ligne A du RER ait été dotée de rames à deux niveaux, mais quel sera le gain réel de cette évolution pour les usagers si, dans le même temps, les infrastructures ne sont pas améliorées ni les gares rénovées, et si la réflexion sur les temps d'échange n'a pas été approfondie ?

Chacun attend l'entrée en fonction du centre de commandement unique de la ligne B du RER. Dans l'intervalle, pouvez-vous nous dire plus précisément comment le STIF a été mis au courant par les opérateurs des problèmes d'organisation du service que posait la découverte d'amiante dans certaines rames de cette ligne ? À ma connaissance, plusieurs semaines se sont écoulées entre cette découverte et l'application d'un processus spécifique. Qu'en est-il ? Le STIF a-t-il pu peser sur la réorganisation de la ligne et l'information des passagers ?

Souhaiteriez-vous voir les financements du STIF sécurisés comme le sont ceux de la Société du Grand Paris (SGP) ? Le STIF a-t-il réfléchi à un mécanisme qui permettrait d'assurer le financement nécessaire aux lignes du RER à l'avenir ?

Nous vous avons entendue énumérer les projets du STIF pour les lignes A à E du réseau francilien. En supposant garantis le financement et la volonté politique qui permettront à ces projets d'aboutir, quelles améliorations les usagers pourraient-ils constater dans les cinq ans à venir ?

PermalienSophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, STIF

Nous portons bien entendu une attention particulière au déblocage des financements destinés tant à l'amélioration du réseau existant qu'à l'ensemble des autres projets définis dans le contrat entre l'État et la région pour améliorer l'offre de transport. En participant aux travaux de la commission réunie sous l'autorité de M. le rapporteur général Gilles Carrez et qui visait à trouver un équilibre entre l'amélioration de l'existant et la construction de la nouvelle rocade maintenant dénommée Grand Paris Express, nous avions identifié des ressources importantes qui visaient à financer l'ensemble. Puis la loi de finances rectificative pour 2010 a fléché des ressources fiscales vers la réalisation du réseau de transport du Grand Paris, pour lequel le STIF exercera la maîtrise d'ouvrage de la ligne Orange. Mais le financement de la remise à niveau de l'existant continuera de dépendre des capacités budgétaires de l'État et des collectivités locales et, étant donné leur situation budgétaire respective, nous ne sommes pas sans quelques inquiétudes.

M. Gilles Carrez avait eu à coeur de tenir compte des dépenses d'exploitation et des dépenses de matériel roulant qui pèsent sur le STIF. Il avait envisagé pour cela de mobiliser plusieurs ressources dont celles issues du « versement transport » (VT). Mais nous attendons encore la publication du décret instituant le « rezonage » du versement transport sur l'ensemble de la zone agglomérée au sens de l'INSEE, au taux rehaussé de 1,7%. Le montant atteint de la sorte ne sera pas tout à fait celui que M. Carrez jugeait nécessaire, mais c'est un premier pas indispensable, sachant que le coût d'exploitation annuel du projet Grand Paris Express et des améliorations attendues sera de quelque 1,7 milliard d'euros. Seule la sécurisation des flux peut garantir au STIF la visibilité pluriannuelle qui lui est nécessaire.

Vous m'avez interrogée sur les moyens et l'expertise du STIF. Le syndicat a bénéficié du large soutien des collectivités qui le financent, permettant que ses ressources humaines soient renforcées. Il compte aujourd'hui 350 postes. Son conseil a statué récemment sur la nécessité de renforts importants pour exercer la maîtrise d'ouvrage de la ligne Orange et le suivi du projet Grand Paris Express.

Nous disposons aussi d'importants moyens d'expertise indépendants et nous procédons à des audits réguliers qui nous permettent de porter un regard critique sur les propositions des opérateurs. Ils concernent des sujets multiples : le coût du prolongement de la ligne E du RER à l'Ouest, les recettes annexes de la RATP, les conditions dans lesquelles la SNCF facture au STIF l'utilisation des TER qui s'arrêtent en Île-de-France, l'état du matériel roulant sur la ligne D du RER, celui des infrastructures...

Le STIF a deux priorités. L'une est que les opérateurs explicitent les gains attendus des projets d'investissements qu'ils nous proposent, notamment en termes de régularité. L'autre, c'est l'intérêt socio-économique des projets. Nous enrichissons continûment nos modèles d'évaluation des gains rendus possibles par les projets qui nous sont soumis. Ainsi travaillons-nous en ce moment avec des universitaires pour mieux prendre en compte l'aspect « régularité » mais aussi le volet « confort » des projets de « désaturation » que nous portons, que ce soit l'arc Sud du Grand Paris Express ou le prolongement de la ligne E du RER. Quand, dans un tunnel, circule 1,4 million de voyageurs chaque jour, tout l'enjeu est de garantir la ponctualité des trains successifs – et s'il en va bien ainsi, le taux de rentabilité socio-économique interne explose. C'est dire tout l'intérêt d'études sur le tunnel envisagé entre la gare Saint-Lazare et La Défense pour prolonger la ligne E du RER.

Il serait compliqué de dédier à un opérateur la ligne Cergy-Poissy qui relève du réseau ferré national (RFN) et qui est imbriquée dans d'autres circulations que la seule ligne A du RER. En revanche, c'est sans doute possible pour la ligne E du RER à l'horizon 2020, le préalable indispensable étant que toutes les circulations aient été refondues pour séparer l'exploitation du réseau RER et celle du réseau ferré national. Dans l'intervalle, l'urgence est que tous les acteurs soient réunis dans un centre de commandement commun.

Je ne m'appesantirai pas sur le dialogue social, dont je ne doute pas que le président de la Région et les présidents de la SNCF et de la RATP vous ont dit toute l'importance qu'ils y attachent.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Au cours des auditions antérieures, des allusions répétées ont été faites à la pesanteur de la technostructure, qui rend le passage à l'acte laborieux. De quel pouvoir d'injonction dispose le STIF ? La primauté du politique sur le technocratique parvient-elle à s'exercer ?

PermalienSophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, STIF

La décentralisation du STIF lui a donné une légitimité réelle. Elle nous a notamment permis d'obtenir la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord. Il y a fallu une ferme volonté politique, qui s'est appuyée sur la simulation que nous avions faite – en association avec RFF, la SNCF et la RATP pour éviter les querelles d'experts – des gains pour les voyageurs que l'on obtiendrait par ce biais. La primauté du politique a ainsi été démontrée : depuis des années, les acteurs des transports évoquaient cette suppression, mais les opérateurs minimisaient l'intérêt de l'interopérabilité.

L'attribution des sillons n'intéresse pas directement le STIF : sont en jeu les relations entre RFF et les entreprise ferroviaires. Un « document de référence du réseau » rédigé par RFF décrit le processus d'allocation des capacités d'infrastructure aux demandeurs de sillons. Le paragraphe 4.4.3 de ce document traite des « lignes saturées » en ces termes : « Une ligne est déclarée saturée par Réseau ferré de France quand des demandes de sillons réguliers pour circuler au moins une fois par semaine sur la durée de l'horaire de service, hormis cause travaux, n'ont pu donner lieu à attribution de sillons, à l'issue de la procédure de coordination et de réclamation. Cette déclaration est adressée au ministre chargé des transports, publiée par Réseau ferré de France sur son site Internet et communiquée à toutes les parties intéressées.

À partir de cette déclaration, Réseau ferré de France procède à l'attribution des capacités selon les priorités définies par le décret n° 2003-194. (…) Réseau ferré de France soumet au ministre chargé des transports, dans les six mois qui suivent la déclaration de saturation, un rapport qui rend compte des différentes causes de la saturation et propose des mesures propres à remédier à l'insuffisance des capacités constatées. Ce rapport est accompagné des observations éventuelles des entreprises ferroviaires utilisatrices de la ligne.

Dans les six mois qui suivent la présentation du rapport, Réseau ferré de France soumet à l'approbation du ministre chargé des transports un plan de renforcement des capacités (…) »

Le STIF transmet les demandes de sillons liées à l'offre qu'il souhaite développer à la SNCF, qui les adresse à son tour à RFF, puis fait part au STIF de ce qu'il est possible d'obtenir. Le reste ne nous est pas communiqué directement.

Le premier exemple de maîtrise d'ouvrage partagée entre le STIF et la RATP est celui du prolongement de la ligne 14 du métro jusqu'à la mairie de Saint-Ouen pour désengorger la ligne 13. L'enquête publique est en cours. Ce projet essentiel, qui met en jeu 1,2 milliard d'euros, avance conformément au calendrier fixé pour permettre la mise en service, en 2017, de ce qui sera le premier maillon du Grand Paris Express. Le STIF souhaite par ailleurs pouvoir exercer une maîtrise d'ouvrage directe, ce qui renforcera sa capacité à piloter la réalisation de projets de tramway ou de métro.

Les améliorations perceptibles à cinq ans seront essentiellement le matériel roulant pour la ligne A du RER. Mais je le répète, l'importance des moyens alloués par les opérateurs, dans la durée, à l'encadrement et à l'exploitation contribue immédiatement à améliorer les conditions de desserte de la ligne. Les nouvelles rames MI09 augmenteront les capacités de transport – encore que la capacité théorique de 4 voyageurs au m² ne puisse être atteinte en raison de l'espace dévolu aux escaliers. Se pose aussi la question de la maîtrise des temps d'échange en station – la montée et la descente des voyageurs. La marge de manoeuvre sur une ligne aussi chargée que la ligne A du RER est très limitée : le temps de battement doit être de 10 secondes à chaque arrêt. Or, avec les nouvelles rames, le temps d'échange augmente de 3 secondes et quelques dixièmes ; la généralisation des rames à deux niveaux va donc accroître d'un tiers le temps de battement. C'est pour nous un sujet de préoccupation et, c'est pourquoi, dans le cahier des charges relatif aux rames 2N NG, nous avons mis l'accent sur les temps d'échange, un élément déterminant de l'efficacité de l'exploitation.

Pour ce qui est du rôle des collectivités locales, le STIF a passé des contrats avec les entreprises privées qui opèrent des lignes d'autobus en Grande couronne, et il a signé des conventions de partenariat avec les collectivités locales qui participent le plus souvent au financement de ces lignes à hauteur de 10%. Cela nous permet de mieux participer au développement de l'offre et d'avoir un relais au plus près du terrain. Le conseil du STIF a approuvé une première convention de délégation de compétences en matière de transport routier de voyageurs aux quatre communautés d'agglomération du plateau de Saclay.

S'agissant de l'articulation des responsabilités respectives au regard du partage opéré par la loi dite « ORTF », une question se pose en effet pour le réseau de surface. En province, les autorités organisatrices de transport sont propriétaires des infrastructures des tramways et du matériel roulant. Elles mettent en concurrence l'attribution de délégations de service public sur le fondement de la loi Sapin et, une fois choisi le délégataire, elles mettent à sa disposition infrastructures et matériels roulants ; le délégataire étant chargé de l'exploitation et de la maintenance de l'ensemble. Pour l'Île-de-France, la loi « ORTF » a organisé métro et RER en instaurant un découpage entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur de transport. Nous sommes attentifs à avoir un seul contrat avec la RATP, et un seul interlocuteur. La nécessité d'une synergie dans l'exploitation d'une ligne est encore plus évidente quand il s'agit de lignes automatiques. Le STIF devant, aux termes de cette loi, procéder à une mise en concurrence en 2024 pour les autobus et en 2029 pour les tramways, il faudra déterminer comment il pourra rester maître de ce que le Règlement européen définit comme des « facilités essentielles », pour garantir l'application des dispositions voulues par le législateur.

M. Malherbe, parlant de la ligne C du RER, a évoqué l'hypothèse de ruptures de charge. Le projet de Tram Train entre Massy et Evry a été conçu en ce sens – réorganiser la desserte pour la rendre plus efficace. Nous observons toutefois que l'on nous a demandé en contrepartie de prolonger cette ligne jusqu'à Versailles, précisément pour éviter une rupture de charge… Il faut donc trouver le bon équilibre dans l'évolution des dessertes pour gagner en régularité sans pénaliser un trop grand nombre de voyageurs.

Nous ne souhaitons pas attendre la réalisation de la ligne POCL pour engager la mise à six voies du tronçon Juvisy-Paris. Les besoins étant évidents, des études doivent être engagées et la mutualisation avec le projet de ligne à grande vitesse est risquée. Nous souhaitons que l'essentiel, sinon la totalité, des capacités permises par les nouvelles infrastructures bénéficient à la ligne C du RER. Nous sommes intervenus en ce sens dans le débat public sur l'interconnexion sud des TGV.

Le « déverminage » du Francilien – autrement dit, le rodage des rames neuves – a été à ce point laborieux que le président du STIF a invité M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, à obliger l'industriel à mettre au point un plan d'urgence destiné à remédier aux pannes à répétition qui mettaient gravement en cause la fiabilité de ce matériel. Des pressions ont été exercées sur le constructeur, en complet accord entre le STIF et la SNCF. Il a en particulier été décidé que les nouvelles rames ne seraient pas réceptionnées aussi longtemps qu'un niveau de fonctionnement satisfaisant n'aurait pas été atteint. De plus, un avenant au contrat a été négocié pour prendre en compte le préjudice subi par la SNCF et la collectivité puisque, comme vous le savez, le président de la Région a décidé d'indemniser les voyageurs. De nouvelles pénalités ont été définies, et je crois pouvoir dire que les difficultés principales sont maintenant derrière nous. Le déploiement de ce matériel sur d'autres lignes donne satisfaction.

L'audition prend fin à dix heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du jeudi 26 janvier 2012 à 9 heures

Présents. - M. Gérard Gaudron, M. Daniel Goldberg, M. Guy Malherbe, M. Pierre Morange, M. Axel Poniatowski