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Intervention de Sophie Mougard

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h00
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, STIF :

Le RER transporte 3,6 millions de voyageurs par jour. Ce chiffre, que vous avez souvent entendu, mérite toutefois d'être rappelé. Il donne la mesure du problème mais recouvre des disparités selon les lignes. Plus d'un million de voyageurs empruntent chaque jour la ligne A, qui concentre à elle seule 25% des trafics RER et Transilien. Vient ensuite la ligne B, où circulent 900 000 personnes par jour et où la fréquentation a augmenté de 35% en dix ans. Constatant l'inégale répartition de cette augmentation entre le week-end, où elle atteint 50%, et les jours ouvrables, où elle n'est que de 20%, le STIF a adapté l'offre à cette variation de l'usage des transports selon les « temps de la vie ». Le RER C transporte 500 000 voyageurs par jour et ce chiffre a augmenté de 2,5 % par an au cours des dernières années. C'est la ligne sur laquelle la desserte est la plus complexe, mais la mise en service du Tram Train entre Massy et Évry, une réalisation pilotée par le STIF, devrait contribuer à la simplifier. La ligne D transporte 550 000 passagers par jour. Cette ligne, qui relève exclusivement de la SNCF, est très fréquentée et le trafic de voyageurs y a crû de 40% au cours des huit dernières années. Enfin, la ligne E qui est la plus jeune et la plus courte – mais nous travaillons à la prolonger – transporte chaque jour 310 000 voyageurs.

Notre constat est triple. Premièrement, le réseau s'est chargé. Il continue de se charger alors même que les infrastructures n'ont pas été adaptées ni modernisées et que les investissements de capacité nécessaires n'ont pas été réalisés. Deuxièmement, le parc de matériel roulant a besoin d'être renouvelé ou rénové, et il est « tendu », c'est-à-dire que les réserves d'exploitation et de maintenance dont disposent les opérateurs sont souvent insuffisantes. Troisièmement, la desserte n'a guère été adaptée à l'évolution des territoires ; le STIF est souvent sollicité à ce sujet.

En ce qui concerne les infrastructures, au lendemain de la décentralisation, nous avons demandé un audit spécifique dans le prolongement du rapport Rivier, audit national réalisé en 2005 par l'École polytechnique fédérale de Lausanne. Nous avons souhaité y associer Réseau ferré de France (RFF) pour nous assurer que le gestionnaire des infrastructures en partagerait les conclusions. Il en est ressorti que le programme de renouvellement du réseau accusait un retard et que, pour pallier les irrégularités liées aux infrastructures, il fallait réduire non seulement le nombre d'incidents à la source, en remédiant à leur vétusté, mais réduire aussi le nombre de trains dont chaque incident compromettait par ricochet la régularité. Cela suppose que l'exploitation du réseau bénéficie d'outils performants utilisant des technologies modernes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'outil que RFF doit développer est la commande centralisée du réseau, la CCR. Il convenait également de mobiliser des ressources de maintenance et de régénération du réseau en quantité suffisante. Enfin, l'audit suggérait fortement un plan de maintenance renforcé pour certaines installations, grâce à un référentiel de maintenance fondé sur des critères plus exigeants que le référentiel de maintenance national.

Forts de ces résultats, nous avons conclu avec RFF une convention de partenariat pour la période 2009-2012 qui sensibilise notre partenaire au suivi de la régularité dépendant de l'infrastructure et l'invite à rendre le réseau plus robuste donc à en moderniser l'exploitation en zone dense. Cette convention permet en outre de définir des programmes pluriannuels d'investissement adaptés, notamment, aux besoins de renouvellement et à l'exigence d'amélioration de la qualité de service. RFF s'est ainsi engagé auprès du STIF à porter de 700 millions à un milliard d'euros les investissements concernant l'infrastructure en Île-de-France par rapport à la période précédente. Il s'est également engagé à consacrer à l'Île-de-France toute la capacité d'autofinancement qu'il dégage grâce aux péages que lui verse le STIF via la SNCF et qui était auparavant redéployée en fonction des besoins sur l'ensemble du réseau national. Rappelons que ces péages ne représentent pas moins de 680 millions d'euros par an et que le STIF est la seule autorité organisatrice de transports à qui l'arrêté ministériel définissant le barème des péages au niveau national facture « le coût complet » des infrastructures, c'est-à-dire, outre le coût de l'usage, les investissements de renouvellement, de capacité et de modernisation nécessaires.

Deuxième constat : le parc de matériel est vieillissant et « tendu ». Le président Huchon a dû vous le dire, le STIF décentralisé a lancé, dès son installation, un important programme de renouvellement et de rénovation des matériels roulants. La première décision de principe a été prise en mai 2006 et la décision de financement en décembre 2006, pour 2,94 milliards d'euros aux conditions économiques de 2006. Il s'agit de déployer 172 rames de trains Franciliens sur les réseaux de Paris-Nord, de Paris-Saint-Lazare et de Paris-Est, ce qui permet d'affecter le matériel le plus récent, notamment les Z2N, à d'autres lignes, dont les lignes de RER. Vingt-quatre automotrices à grande capacité sont destinées au réseau Paris-Est, Paris-Provins et Paris-Meaux-La Ferté Milon. Trois cents rames automotrices Z2N qui circulent sur les lignes D et C du RER seront en outre rénovées en vertu de deux décisions successives du conseil du STIF, de même que les MI79 de la ligne B grâce à un programme de plus de 300 millions d'euros subventionné à 50% par le STIF. Enfin, le conseil du STIF a décidé d'investir 650 millions d'euros dans le remplacement des MS61 et des MI84 par le MI09, matériel à deux niveaux, sur la ligne A. Par ailleurs, le conseil du STIF a récemment approuvé le cahier des charges fonctionnel du futur matériel RER 2N – pour « deux niveaux » – NG – pour « nouvelle génération », destiné au prolongement de la ligne E mais aussi au RER D. L'objectif est qu'en 2016, tout le parc circulant sur le réseau Transilien soit constitué d'un matériel neuf ou rénové depuis peu. Le STIF a élaboré et soumis à son conseil un schéma directeur du matériel roulant ferroviaire qui assure la cohérence de ces différentes actions.

Troisième constat : les dessertes sont parfois mal adaptées aux besoins des territoires. Le STIF a décidé des renforcements de l'offre, par exemple à Cergy, notamment sur la ligne A du RER, ou en généralisant les rames doubles sur les lignes B et D pour tenir compte de la charge, y compris au cours des week-ends. Mais l'état des infrastructures et du parc en limite les effets. Il est donc apparu nécessaire de prévoir des actions à court, à moyen et à long terme afin de résoudre les problèmes d'infrastructure, de matériel roulant, d'exploitation – comment les trains sont-ils produits et comment le service est-il assuré ? – et d'adaptation de la desserte. C'est le principe du schéma directeur des RER. Il s'agit d'identifier et d'appliquer les mesures d'exploitation et les investissements à court, à moyen comme à long terme permettant d'améliorer la régularité et la qualité du service, sans oublier l'information des voyageurs, notamment lors de perturbations.

Je m'attarderai sur le cas de la ligne A avant d'évoquer plus brièvement les spécificités des autres lignes.

Sur la ligne A, la régularité s'est dégradée dès 2008. Le président du STIF a donc saisi en avril 2008 les présidents de la RATP et de la SNCF afin qu'ils lui soumettent d'urgence un programme d'amélioration permettant de restaurer la qualité de service prévue par le contrat qui les lie à l'autorité organisatrice. Trois éléments apparaissaient particulièrement nécessaires : le traitement des installations fixes, notamment au niveau du tronçon central, très chargé ; l'amélioration de l'exploitation commune de la ligne par la RATP et la SNCF ; la mise en oeuvre d'une meilleure information des voyageurs. De plus, le schéma directeur du matériel roulant, que je viens d'évoquer, tenait compte des besoins spécifiques de capacité du RER A, en prévoyant notamment de généraliser le matériel à deux niveaux.

L'une de nos préoccupations est le nombre de trains qui circulent à l'heure de pointe dans le tronçon central. Car ce qui fait la capacité de la ligne, c'est non seulement la capacité unitaire de chaque train mais le nombre de trains que l'on parvient à faire passer dans un laps de temps donné. À cet égard, en réponse à la demande du STIF, la RATP a recouru dès 2008 à plusieurs mesures d'exploitation qui ont permis de porter, à la fin de cette même année, de vingt-quatre à vingt-sept le nombre de trains empruntant le tronçon central à l'heure de pointe. Cela montre que si d'importants investissements sont nécessaires, les opérateurs doivent également être particulièrement attentifs aux conditions d'exploitation. En l'espèce, il s'agissait de renforcer les effectifs des agents d'encadrement, d'affecter des secouristes à Châtelet et Gare de Lyon, d'anticiper la préparation des trains à quatre heures trente du matin ou de mettre en place à Nation un train de réserve que l'on peut « injecter » en sus dans le tronçon central pour décharger les quais saturés, de sorte que les trains suivants rattrapent en partie le retard pris.

À moyen terme, le STIF a demandé à la RATP d'engager des études sur les différentes mesures susceptibles d'alimenter le schéma directeur du RER A. La RATP, la SNCF et RFF ont réalisé à cette fin un « dossier d'émergence » financé par le STIF et constitué d'études de préfaisabilité fondées sur un bilan complet des dysfonctionnements et des principales difficultés de la ligne. Trois grandes difficultés structurelles s'en dégagent : une desserte inadaptée et des infrastructures insuffisamment performantes sur la branche de Marne-la-Vallée, celle où la fréquentation a le plus augmenté ; un tronçon central qui concentre 60% du trafic, ce qui exclut d'y résoudre un problème dans un train et ne fait qu'aggraver les difficultés de la ligne ; enfin, une exploitation trop rigide des branches de Cergy et Poissy, due notamment à leur convergence dans des conditions très contraignantes entre Houilles Carrières et Nanterre Préfecture, où diverses circulations se partagent les voies. S'y ajoutent deux difficultés plus générales : l'hétérogénéité du matériel roulant et le fait que la supervision conjointe de la RATP et de la SNCF n'est pas assez centralisée.

Au cours des 565 journées qui se sont écoulées entre février 2008 et novembre 2010, 24,3 trains en moyenne sont passés à Châtelet-Les Halles à l'heure de pointe du matin et 25,6 à l'heure de pointe du soir, alors que l'outil de pilotage SACEM – Système d'aide à la conduite, à l'exploitation et à la maintenance – utilisé dans le tronçon central permet en théorie d'en faire circuler 30. Il faut une heure dix au lieu d'une heure pour faire passer ces 30 trains, d'où les problèmes de capacité de la ligne. Ce chiffre met en évidence une difficulté d'exploitation, plus aiguë le matin.

L'élaboration du schéma directeur implique de réfléchir aux conditions de performance de la ligne – en particulier à l'heure de pointe – et de gestion des situations dégradées ou perturbées ; à l'adéquation de l'offre aux besoins des voyageurs par l'adaptation de la desserte ; enfin, à l'homogénéisation du service aux voyageurs et à l'unification de l'exploitation. Notre objectif est de nous appuyer sur ces études réalisées par les opérateurs pour présenter, à la fin du premier trimestre 2012, un schéma directeur aux associations d'usagers, aux élus concernés, par l'intermédiaire des commissions de suivi, enfin au conseil du STIF, instance décisionnelle.

Quelques orientations se dessinent dès à présent. La capacité de la ligne sera accrue. La standardisation du matériel roulant grâce à la généralisation du MI09 va permettre de mener des actions d'amélioration. En ce qui concerne les conditions d'exploitation du tronçon central, les opérateurs étudient à notre demande les bénéfices de l'automatisation. Enfin, des portes palières seraient installées afin de réguler les flux entre le quai et le train dans les stations.

Il s'agit en deuxième lieu de supprimer les points fragiles. On étudie ainsi le recours à des infrastructures de retournement des trains au terminus à Chessy, à Cergy et à La Varenne, afin de résorber les retards en réinjectant plus rapidement ces trains sur la ligne ; mais aussi dans le tronçon central, à Gare de Lyon, Étoile, La Défense, Nanterre Université ou Val de Fontenay. S'y ajoutent des infrastructures liées au fonctionnement des branches : l'accès au garage de Torcy et l'extension de l'outil SACEM jusqu'à Neuilly-Plaisance. La RATP, la SNCF et RFF doivent étudier la faisabilité de ces travaux et nous en préciser le coût ainsi que les délais envisageable de réalisation.

Enfin, il s'agit d'améliorer l'exploitation commune de la ligne par les opérateurs, ce qui nécessite d'améliorer les interfaces opérationnelles et de réfléchir à ce qu'implique l'unification de l'exploitation, en étudiant la faisabilité d'un centre de commandement unique ainsi que la suppression de la relève des conducteurs à Nanterre.

Nous invitons en outre les opérateurs à réformer profondément la gestion des perturbations en donnant aux voyageurs une place centrale. Nous souhaitons ainsi inscrire une action nouvelle dans les contrats actuellement négociés avec eux, en nous fondant sur l'expérience des incidents dont nous font part les représentants des voyageurs, auprès desquels nous plaçons un élu, administrateur du STIF. Notre objectif est d'identifier des propositions concrètes, véritablement novatrices, de sorte que les voyageurs, loin de se sentir livrés à eux-mêmes, participent à un diagnostic en commun. Ils nous ont fait part de leurs premières expériences, dont le compte rendu a été mis en ligne sur le site du STIF.

Il s'agit notamment d'étudier le renforcement et le perfectionnement des systèmes d'annonce sonore et visuelle, l'amélioration de la gestion des flux de voyageurs dans les grandes gares et la préparation anticipée de scénarios de perturbation communs aux opérateurs, maîtrisés par les exploitants et compris par les voyageurs. Lors de la commission de suivi du schéma directeur, nous avons aussi évoqué la propreté des gares et des trains, qui engage non seulement la qualité du service, mais également le respect dû aux voyageurs.

Enfin, pour adapter l'offre aux besoins des voyageurs, nous avons demandé aux opérateurs d'étudier des modifications de la desserte pour prolonger certaines missions ou généraliser certains arrêts.

Le prolongement du RER E à l'ouest permettra de décharger d'environ 12 % le tronçon central du RER A à l'horizon 2020. Nous devons aussi adapter les pôles d'échange à la charge pour que les voyageurs effectuent leur correspondance dans les meilleures conditions, comme nous le faisons à Châtelet-Les Halles, à Nanterre Université et à Noisy-le-Grand. Abstraction faite du financement de ces grands pôles dans le cadre des contrats de plan entre l'État et la région, le montant investi par le STIF dans l'adaptation des pôles d'échange, toutes lignes de RER confondues, a été multiplié par huit entre la période 2000-2005 et la période 2006-2011, passant de 40 à 300 millions d'euros.

La ligne B a la particularité d'être exploitée par trois opérateurs, pour moitié par la RATP et pour moitié par la SNCF et RFF. Sa fréquentation a beaucoup augmenté et son tronçon central est lui aussi très chargé, surtout la partie commune avec la ligne D – le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord. La partie nord de la ligne a fait l'objet dès 2003 du schéma directeur « RER B Nord + ». Les investissements sur les infrastructures doivent permettre de dédier deux voies au RER B, ce qui débouchera sur une « métroisation » de la desserte en proche couronne : même origine, même destination et même desserte omnibus pour toutes les missions. Cela devrait considérablement améliorer la régularité. Le STIF a également décidé d'investir dans la rénovation du matériel roulant. Au total, près de 260 millions d'euros sont consacrés à l'infrastructure. Mais le taux de régularité de la ligne reste très faible. Les voyageurs s'en plaignent beaucoup et les associations d'usagers ont dû souvent en faire état auprès de vous. Une deuxième étape est rendue nécessaire par l'augmentation du trafic et par le projet de réseau Grand Paris Express, destiné à s'entrelacer au RER B.

Monsieur le président, vous avez évoqué l'unification du pilotage. La première étape de l'unification est due au STIF, qui a souhaité inscrire la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord dans les contrats conclus avec la RATP et la SNCF en 2008. L'échéance – juillet 2008 – était ambitieuse ; le chantier a duré plus longtemps, les opérateurs ayant dû mener un dialogue social difficile, former les agents et définir des normes de sécurité communes. La mesure n'a été effective qu'en novembre 2009. Nous avons en outre tenu à inscrire dans les contrats signés en 2008 un indicateur de ponctualité des voyageurs – et non de régularité des trains – qui permet de connaître le pourcentage de voyageurs dont le retard à l'arrivée ne dépasse pas cinq minutes. La RATP et la SNCF en sont coresponsables.

La seconde étape est l'instauration d'un pilotage unique de la ligne : le centre unique RER B, ou « CUB ». Aujourd'hui, l'exploitation – gestion des circulations, plan de transport, information des voyageurs, gestion des incidents – est supervisée par plusieurs entités : pour la RATP, un poste de commande centralisé (PCC) ; pour la SNCF, un centre opérationnel Transilien (COT) ; pour RFF, un centre opérationnel pour la gestion des circulations (COPC) situé à Paris Nord et qui communique avec les agents des différents postes d'aiguillage, lesquels dépendent de la Direction des circulations ferroviaires, indépendante au sein de la SNCF. La réunion de ces acteurs dans un seul et même lieu de supervision est un enjeu majeur. Le STIF a rappelé aux trois opérateurs, dès février 2011, qu'il souhaitait atteindre cet objectif dans les meilleurs délais. On nous objecte que, dans le contexte d'ouverture à la concurrence, RFF ne peut entretenir de lien privilégié avec une entreprise ferroviaire en particulier. Cet argument trouve ses limites dès lors que 99,9% des lignes concernées relèvent de l'entreprise ferroviaire visée, ce qui sera le cas lorsque le RER B bénéficiera de deux voies dédiées sur le tronçon nord. Une solution se dessine, que M. Pepy a pu évoquer ici et que M. du Mesnil vous confirmera peut-être : RFF pourrait déléguer sa compétence à la SNCF pour ce qui concerne la gestion des circulations et de l'infrastructure. La SNCF partageant un centre unique avec la RATP, la ligne serait dès lors dotée d'un seul lieu de pilotage.

Sur la ligne C, la ponctualité s'est très fortement dégradée en 2010, notamment parce que la part des causes d'irrégularité liées à l'infrastructure a doublé. Au vieillissement des infrastructures s'est ajouté l'accident de Choisy-le-Roi. Nous avions proposé, en juillet 2009, au conseil du STIF un schéma directeur du RER C où sont répertoriées les difficultés d'une ligne qui mêle circulations lentes et rapides et multiplie les points de connexion entre les deux. Outre l'usure de son infrastructure, notamment des signalisations, la ligne C se caractérise également par la mixité des circulations – RER, TER, fret. Le STIF a décidé plusieurs investissements en conséquence.

Un mot sur les délais de réalisation des études et des travaux en question. Dès 2003, le STIF avait identifié plusieurs investissements nécessaires sur la ligne C, parmi lesquels la rénovation du poste d'aiguillage et de régulation – le PAR – des Invalides, dont les représentants des associations d'usagers vous ont peut-être parlé. Les études ont pris beaucoup de temps et le nouveau PAR n'a pas été livré avant 2011. Fort heureusement, les délais ne sont pas toujours aussi longs, mais j'appelle votre attention sur le fait que les opérateurs doivent consacrer tous les moyens nécessaires, en maîtrise d'ouvrage et en maîtrise d'oeuvre, aux opérations complexes qu'implique le schéma directeur, afin que les études progressent et que les travaux puissent s'engager. C'est l'enjeu principal du schéma directeur du RER C depuis que le président du conseil régional qui préside le conseil du STIF et la ministre des transports, Mme Kosciusko-Morizet, ont signé une convention spécifique « Transports » qui ne consacre pas moins de 260 millions d'euros au schéma directeur. En effet, il faut que les études soient suffisamment avancées pour que cette somme puisse être investie d'ici à la fin de l'année 2013.

Ces délais doivent nous inciter à nous interroger dès aujourd'hui sur la manière de résoudre à long terme les problèmes de circulation et de mixité. Nous avons donc demandé à RFF et à la SNCF d'étudier la création de nouvelles voies pour le RER C entre Juvisy et Paris : c'est ce que l'on a coutume d'appeler le « sextuplement » des voies, de manière impropre puisqu'il s'agit en réalité de passer de quatre à six voies.

La ligne D est structurellement fragile, avec des conflits de circulation à Corbeil-Essonnes, des terminus et des installations en ligne qui ne laissent pas assez de marge de manoeuvre aux opérateurs, et des missions très longues qui partagent les voies avec le RER B dans le fameux tunnel, mais aussi avec les TER et avec le fret au sud de Villeneuve-Saint-Georges. Nous avons commandé un audit indépendant pour tenter de comprendre la très forte augmentation des dysfonctionnements liés au matériel roulant en 2010. Il est apparu que l'on n'avait pas systématisé le dispositif d'anti-enrayage sur les essieux des Z2N de la ligne, contrairement à ce que l'on avait fait sur la ligne C. Or cet équivalent de l'ABS des véhicules automobiles évite que la présence de feuilles sur la voie ne fasse patiner les essieux, entraînant une perte d'adhérence et un fluage qui obligent à remettre les rames en maintenance et à changer les bogies. Le STIF a donc décidé sans tarder de subventionner à hauteur de 10 millions d'euros son installation sur tous les Z2N de la ligne. L'audit a également montré la nécessité de nouvelles mesures d'encadrement et d'organisation des ateliers de maintenance, ainsi que de moyens supplémentaires.

Le schéma directeur de la ligne D prévoit 120 millions d'euros d'investissements d'ici à 2014 pour réaliser d'importantes opérations sur les infrastructures, auxquelles s'ajoute la rénovation du matériel roulant. Le STIF s'est efforcé avec les opérateurs de donner un peu de souplesse à un parc très tendu, sans pouvoir apporter de solution miracle. Ainsi, les MI84, remplacés par les MI09 sur la ligne A, pourraient être réaffectés en partie sur la ligne B, mais aussi, à titre transitoire, sur d'autres lignes. Nous avons également demandé à la SNCF de se rapprocher de la région Nord-Pas de Calais, qui utilise six Z2N proches de ceux qui circulent en Île-de-France. Naturellement, cette région, elle aussi confrontée à une augmentation du trafic, ne nous les céderait pas sans les avoir remplacés par des TER de type Regio 2N ou 2N NG. Mais la piste mérite d'être creusée. Nous attendons les résultats de cette démarche. Enfin, nous avons demandé à la SNCF de prévoir, dans l'appel d'offres qu'elle va lancer pour les RER 2N NG, un dimensionnement large du marché, avec des tranches optionnelles qu'elle pourrait lever rapidement pour développer le parc.

Sur cette ligne, l'enjeu à moyen et à long terme est le doublement du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, car ce n'est qu'en séparant les lignes B et D que l'on en sécurisera durablement l'exploitation. Nous avons donc confié à RFF une étude de faisabilité que nous finançons et dont nous attendons les conclusions pour la fin 2012.

Le prolongement de la ligne E à l'ouest, qui ne représente pas moins de 3,2 milliards d'euros, doit contribuer à « désaturer » la ligne A et à améliorer l'accès des habitants du Mantois et des Mureaux aux emplois de La Défense. Pour concevoir ce prolongement, on a tiré les leçons des difficultés rencontrées sur les autres lignes. Ainsi, on a prévu un recouvrement des trains dans le tronçon central mais aussi, de façon systématique, un retournement de toutes les missions à Évangile d'un côté et à Nanterre-La Folie de l'autre, ce qui évitera qu'une irrégularité ne se propage d'est en ouest et réciproquement. La future gare Rosa Parks, qui devrait être mise en service en 2015 et qui représente à elle seule un investissement de 116 millions d'euros, est un autre exemple des pôles d'échange précédemment évoqués. Une autre avancée importante est la mise à l'étude par la SNCF et RFF d'une plateforme commune, avec le nouveau système NExT de signalisation et de pilotage de l'exploitation. Nous sommes attentifs aux fonctionnalités de ce système et à son apport potentiel à la robustesse, à la régularité et à la capacité de la ligne, mais aussi au type de supervision qu'il autorise, forts des leçons du RER A où, je l'ai dit, les difficultés structurelles entravent les possibilités théoriquement offertes par le SACEM. Ainsi, comment le dispositif NexT utilisé dans le tronçon central s'articulera-t-il aux outils de pilotage globaux – la CCR, mais aussi les outils de signalisation employés sur les branches ? Enfin, pour avoir une vision d'ensemble de l'exploitation de la ligne et anticiper les difficultés, le STIF a demandé aux opérateurs une étude du schéma de secteur du RER E Est. On sait par exemple que le pont de Nogent est un point critique. Autant profiter de l'occasion pour traiter ensemble les différents problèmes.

Qu'en est-il de la régularité dans les nouveaux contrats ? Les contrats signés en 2008 ont fait notablement progresser le suivi de la ponctualité des voyageurs puisque nous avons fondé les incitations financières de la RATP et de la SNCF sur cet indicateur. Nous avons obtenu une « déglobalisation » du suivi par ligne : en lieu et place de sept sous-réseaux et d'un indicateur pour l'ensemble du métro ; le suivi porte désormais sur quarante-cinq axes, s'étend à la ponctualité des voyageurs et est assorti d'une incitation. Les contrats ont également consacré la suppression de la relève des conducteurs en Gare du Nord sur la ligne B et intégré la coresponsabilité des opérateurs. Pour Transilien, SNCF et RFF sont coresponsables. Nombre de nouveaux indicateurs de la qualité de service ont été introduits, qui déterminent un dispositif de bonus et de malus. Au total, l'enveloppe incitative est passée d'une vingtaine de millions d'euros à près de 48 millions pour les deux opérateurs réunis.

Aux yeux du STIF, et sans préjuger des résultats de la négociation en cours, les prochains contrats devraient insister encore davantage sur la régularité et la ponctualité des voyageurs, qui devraient représenter 50 à 60% de l'enveloppe des incitations. La ponctualité des voyageurs devrait faire l'objet d'un suivi sur toute la ligne, mais aussi sur les branches. La suppression d'un train est déjà prise en considération au titre du retard : d'une part, l'offre n'est pas assurée ; d'autre part, une pénalité s'applique si, de ce fait, l'objectif de ponctualité n'est pas atteint. Mais nous voulons aller plus loin en dissuadant spécifiquement les exploitants de supprimer des trains, car cela pénalise particulièrement les voyageurs selon les associations d'usagers que nous rencontrons au sein des comités de ligne ou lors de réunions bilatérales.

Nous souhaitons également que le dispositif d'incitation tienne compte de l'enquête sur la perception des voyageurs intégrée aux contrats qui viennent d'arriver à échéance – de l'évolution plutôt que des valeurs absolues, d'ailleurs, et ce même s'il convient d' « objectiver » les données recueillies. Nous voulons en outre mettre l'accent sur l'information des voyageurs lors des perturbations, en tenant compte de la manière dont ils en perçoivent l'amélioration le cas échéant. S'y ajoutent la propreté et l'accessibilité.

Nous comptons naturellement maintenir nos lieux de rencontre et d'échange avec les voyageurs, qu'il s'agisse des comités de ligne, des réunions publiques consacrées aux projets – près de quarante-cinq en 2011 – ou des retours d'expérience liés à un incident, sans oublier un dispositif nouveau au sein duquel nous souhaitons prendre le relais de la RATP : les « témoins de ligne », en lien avec la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, la FNAUT.

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