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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Séance du 20 décembre 2011 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bâtiment
  • chantier
  • mixité

La séance

Source

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de M. Michel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment (UNECB) et de Mme Odette Repellin, chef du département « formation » de la Fédération française du bâtiment (FFB).

L'audition débute à seize heures vingt.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Madame, Monsieur, je vous remercie de votre présence.

Depuis le début de la législature, nous avons auditionné les représentants de professions traditionnellement peu féminisées, comme celles des pilotes de ligne, des commissaires de police ou des gendarmes. Qu'en est-il du bâtiment ? Il y a dix ans, les femmes n'y étaient pas nombreuses. Lorsque j'étais vice-présidente de la région Lorraine chargée des lycées, je me suis aperçue que les jeunes filles avaient du mal à intégrer certaines filières. Nous aimerions donc vous interroger sur l'évolution de la présence des femmes dans les métiers du bâtiment.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Je suis entrepreneur de carrelage dans la Vienne – société Batisol – et président de l'Union nationale des entreprises céramistes du bâtiment, chargé par Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) du développement de la mixité.

Cette fédération regroupe 57 000 entreprises, dont 42 000 de moins de dix salariés. Elle réalise deux tiers des 123 milliards d'euros de la production annuelle de la profession et emploie deux tiers des effectifs du bâtiment.

Les missions de la FFB sont les suivantes : la défense des intérêts des entreprises ; l'expertise pour le réseau des 96 fédérations départementales, des 27 fédérations régionales et des 31 unions et syndicats de métiers, auxquels adhèrent les entreprises ; la promotion de l'image de la profession, de ses métiers et des ses entreprises.

Le secteur du bâtiment réalise 60 000 embauches par an, quelle que soit la conjoncture, pour remplacer les salariés qui partent en retraite et ceux qui quittent le secteur. Les besoins se font sentir à tous les niveaux de qualification, de la production à l'encadrement de chantier, mais varient selon les métiers et les territoires – tous ne sont pas touchés de la même manière par la crise économique. On dénombre 180 000 jeunes en formation, du CAP au master.

Les femmes dans le bâtiment représentaient, en 2009, 11 % des salariés : 1,6 % des ouvriers, 47,1 % des employés et techniciens et 15 % des cadres. Ce sont 10 000 femmes qui suivent une formation initiale : 4,8 % du CAP au BTS, 14 % en DUT et bac + 3,25 % en écoles d'ingénieurs BTP ; 3 500 sont en reconversion professionnelle à l'AFPA, soit 7,4 % des effectifs, dont 34 % dans la partie « Aménagements-finitions », soit davantage que dans le gros oeuvre et les corps d'État techniques.

En 2010, les femmes représentaient 8,9 % des salariés en formation continue, 11,5 % des salariés en contrat de professionnalisation, et 23 % des élèves de l'École supérieure des Jeunes dirigeants du bâtiment.

On constate que 27 % des PME-TPE ont une femme à leur tête, dont 24 % dans la construction. Enfin, un réseau de 88 groupes « femmes » s'est constitué à la FFB, dans les départements ou dans les régions, soit 3 000 femmes, dont 24 % de gérantes ou de cogérantes d'entreprise. Ces groupes discutent de leurs problèmes quotidiens – problèmes de gestion, problèmes sociaux, etc. C'est sur ces femmes que nous nous appuyons pour développer la mixité ; elles constituent en effet une partie de notre relais au niveau départemental.

Un de nos présidents, Christian Baffy, avait lancé en 2004 le pari de tripler les effectifs féminins au cours de son mandat de cinq ans. C'était un peu fou, mais des actions ont été lancées et la situation a évolué, principalement au niveau de l'encadrement et des ingénieurs.

Quelles actions la FFP a-t-elle menées en faveur du développement de la mixité ?

Elle a d'abord mené des actions de communication : nous veillons à représenter systématiquement des filles et des garçons sur toutes nos brochures ; nous féminisons tous les noms de métiers du bâtiment : maçonnes, carreleuses, solières, par exemple ; nous éditons des dépliants spécifiques à l'intention des collégiennes, des demandeuses d'emploi, des chefs d'entreprise et des partenaires publics pour montrer que les femmes sont présentes dans le bâtiment ; nous diffusons des témoignages d'apprenties, de femmes travaillant sur les chantiers, de chefs d'entreprise ayant embauché des femmes.

Par ailleurs, comme le président et bien des personnes autour de moi considèrent qu'il est plus facile à un chef d'entreprise homme de parler à ses collègues pour faire passer le message, c'est un homme qui est chargé, à la FFB, du développement de la mixité, nous informons les chefs d'entreprise sur les initiatives de leurs collègues et sur les outils de l'égalité, dont les contrats de mixité.

En outre, nous organisons chaque année des manifestations sur le territoire lors de la Journée de la femme. Nous trouvons des occasions pour valoriser un chantier, un métier ou une jeune fille dont le parcours mérite d'être distingué, en utilisant les relais médiatiques - FR 3 lorsque c'est possible. Nous soutenons certaines actions, souvent en partenariat avec les délégations régionales ou départementales aux droits des femmes.

En 2008, nous avons lancé, par le biais des fédérations, les premiers trophées « Bâtir au féminin ». Les entreprises qui le souhaitent décrivent leurs expériences en matière de travail féminin, aussi bien sur chantier que dans l'encadrement ou l'apprentissage. C'est pour nous le moyen de connaître ce qui se fait sur les territoires, et qui est parfois très étonnant. C'est aussi l'occasion de récompenser les entreprises qui ont mené des actions intéressantes, innovantes et valorisantes, et de diffuser ces actions, lesquelles pourront servir de modèle à l'ensemble des entrepreneurs.

Enfin, en septembre 2009, nous avons signé l'accord collectif national sur l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. Les principaux engagements étaient les suivants : information sur les métiers en direction des jeunes et des prescripteurs ; objectif de 12 % de femmes dans les effectifs à la fin de 2012 ; information des entreprises sur les outils existants ; amélioration des conditions de vie et de travail sur chantier ; élaboration d'outils statistiques pour mesurer les éventuels écarts de salaires. En ce domaine, nous rencontrons des difficultés : nous ne pouvons nous appuyer que sur les cotisations de la caisse de congés, et les chiffres dont nous disposons ne sont pas suffisamment précis. Par exemple, la catégorie des ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) regroupe aussi bien des salariés employés à des tâches administratives, lesquelles occupent de nombreuses femmes, que des salariés qui font de l'encadrement ou qui travaillent sur chantier.

Dernier engagement : le rappel des mesures concernant la grossesse, la parentalité et l'égalité salariale. Je souligne, car ce n'est pas très connu, que les salaires de tous ceux qui travaillent sur chantier – y compris le chef de chantier – sont négociés au niveau régional, sur toute la France. Des grilles de salaires, très précises et très contraignantes, ne faisant pas mention du sexe, fixent un salaire minimum qui s'applique aux femmes comme aux hommes. Ce n'est pas le cas dans toutes les branches professionnelles.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

On ne peut pas aller au-dessous d'un minimum, mais on peut aller au-dessus. Rien n'empêche de mieux rémunérer les hommes que les femmes.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

C'est bien sûr techniquement possible, et sans doute la situation n'est-elle pas meilleure dans le bâtiment que dans le reste de la société. Mais nous avons au moins fait l'effort de communiquer et de dire que l'égalité entre les femmes et les hommes passait par l'évolution de la carrière et par le salaire.

PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

Dans le bâtiment, les salaires d'embauche sont très bas et il n'est pas possible de les baisser davantage. Le palier minimum est donc forcément le même pour les femmes et les hommes.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Ces cinq ou dix dernières années, dans le bâtiment, les salaires ont beaucoup évolué, en particulier les salaires de base et les salaires de chantier.

PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

Je connais un peu la situation : mon mari dirige une entreprise du bâtiment. Êtes-vous à même d'établir des comparatifs entre les salaires des femmes et des hommes, par métier, à qualification égale et pour une même ancienneté ?

PermalienOdette Repellin, chef du département « formation » de la Fédération française du bâtiment, FFB

Nous avons mené une enquête auprès de nos caisses de congés, mais il est très difficile de faire des comparaisons poste par poste. Cela dit, depuis les dernières lois sur l'égalité professionnelle, les entreprises sont obligées de mettre au point des plans d'action sur l'égalité femmes-hommes. Nous leur avons d'ailleurs transmis un « mode d'emploi », ce qui implique, de leur part, de réunir un certain nombre d'éléments précis, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Je voudrais souligner que les femmes qui se reconvertissent dans le bâtiment trouvent que les salaires sont tout à fait corrects par rapport à ce qu'elles ont pu connaître dans d'autres secteurs d'activité.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

De fait, l'évolution des salaires que l'on constate dans le bâtiment ne se retrouve pas dans d'autres secteurs, comme ceux de la restauration ou de l'hôtellerie. Je me souviens que, lorsque l'on a construit le centre commercial des Cordeliers, au centre de Poitiers, les entreprises se plaignaient de ne pas pouvoir recruter suffisamment d'ouvriers sur le chantier. Cela était dû aux conditions de travail et de salaire. Depuis, la Fédération a fait un gros effort de sensibilisation auprès de ses adhérents, et la situation a évolué dans le bon sens. Ce ne fut pas le cas dans d'autres secteurs, qui ont toujours du mal à recruter ou à conserver leurs salariés, lesquels rêvent de changer de place.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Il y a une revalorisation certaine des métiers du bâtiment. Si les salaires de base n'y sont pas élevés, comme vous l'avez remarqué, les perspectives d'évolution de carrière y sont meilleures que dans de nombreux secteurs de l'industrie. J'ai embauché une femme de chez Amor, une entreprise de confection de prêt-à-porter de Châtellerault qui avait fermé. Après quinze ans passés dans la haute couture, cette femme gagnait un SMIC augmenté de 5 %. Elle a suivi une formation pour travailler dans les revêtements de sol et touche aujourd'hui un salaire décent. Si elle était restée dans la haute couture, elle gagnerait toujours le SMIC plus 5 %. Dans le bâtiment, les marges de progression sont conséquentes. Sans compter des avantages sociaux qui n'existent pas dans d'autres secteurs.

Certaines actions d'entreprises sont illustrées et valorisées : la constitution d'équipes mixtes sur les chantiers ; la répartition des tâches selon les qualités de chacun ; la réorganisation du travail. Nos métiers sont parfois difficiles et usants. Pourtant, les pratiques, parce qu'elles sont ancestrales, ont du mal à évoluer : c'est presque un acte de bravoure que de porter des charges lourdes ! Mais quand les femmes arrivent dans une entreprise, on aménage les postes de travail, et cette amélioration de l'ergonomie bénéficie à tous.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

C'est ce que j'ai appris de mon mari, qui a été ingénieur sécurité chez PSA.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le poids des sacs de ciment a été divisé par deux.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

La tradition, dans nos entreprises, était de transporter dans les chantiers des rouleaux de moquette de 250 ou 300 kilos. Maintenant, on prend les mesures sur le chantier, on découpe la moquette en morceaux et on transporte les morceaux pliés.

PermalienOdette Repellin, chef du département « formation » de la Fédération française du bâtiment, FFB

En outre, les femmes ménagent plus leur corps que les hommes qui, parce qu'ils sont des hommes, travaillent « en force ». Un chef d'entreprise m'a raconté que depuis qu'il y avait une femme dans son atelier de métallerie, les hommes observaient sa manière de faire, pour s'en inspirer. Les femmes ne travaillent pas de la même façon que les hommes…

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Des entreprises ont investi, pour remplacer les manutentions par des machines ou des engins de levage, pour acquérir un outillage plus adapté et modifier les conditionnements, qu'il s'agisse de paquets de carrelages, de sacs de colle à carrelage ou de ciment. Aujourd'hui, les sacs de colle à carrelage ne pèsent plus que 15 kilos ; ils contiennent des sables allégés, mais les performances sont équivalentes.

Des entreprises ont également adapté les vêtements, qui ne conviennent pas toujours aux morphologies féminines et ne sont pas très esthétiques – des vêtements plus attrayants sont valorisants. Elles ont parfois aménagé les horaires pour tenir compte des enfants : c'est surtout le cas dans les métiers de la finition, qui autorisent davantage de souplesse.

Enfin, certaines grandes entreprises ont mis en place une formationcoaching pour la progression de la carrière, destinée aux femmes. Celles-ci n'ont pas toujours la même ambition que les hommes, et il faut les amener à avancer au même rythme.

PermalienOdette Repellin, chef du département « formation » de la Fédération française du bâtiment, FFB

Ce sont là des exemples que nous avons tirés des dossiers des trophées « Bâtir au féminin ». Le dernier vient de chez Pertuy Construction, une filiale de Bouygues, implantée à Nancy. Cette formationcoaching est un moyen d'inciter les femmes à briser le plafond de verre. C'est une action intéressante, parce que les femmes se brident parfois elles-mêmes.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

J'en viens à l'influence des femmes sur les pratiques.

On observe, et c'est indéniable, un meilleur respect des règles d'hygiène et de sécurité. Un chantier n'est pas toujours d'une grande propreté. Lorsqu'il y a des femmes, il faut doubler certains bâtiments et les blocs sanitaires – ce qui peut d'ailleurs constituer un frein – et surtout s'assurer de leur entretien. Les femmes n'hésitent pas, lors des réunions de chantier hebdomadaires, à prendre l'architecte à témoin du non respect de règles d'hygiène (sur les sanitaires notamment) ou de sécurité : tout le monde est d'abord mal à l'aise, puis tout revient dans l'ordre. Les hommes auraient plus de difficulté que les femmes à exiger la même chose de la hiérarchie du chantier.

Des solidarités renaissent sur les chantiers. Cela se vérifie au niveau du partage des tâches et au moment de l'approvisionnement. Quand les hommes sont entre eux, chacun doit se débrouiller, fatigué ou pas. Quand il y a des femmes, chacun est plus attentif, le comportement est plus policé. Les rapports entre les différents corps d'État, plombiers, maçons, plâtriers, etc, sont moins vifs et plus consensuels, malgré des plannings toujours un peu serrés : les femmes adoucissent les angles. Les conditions de travail s'améliorent et l'ambiance change. Les premières femmes qui ont travaillé dans le bâtiment étaient des architectes. Je me souviens que leur arrivée avait radicalement modifié les réunions de chantier, qu'il s'agisse du vocabulaire ou de la façon de se tenir et de parler, entre autres.

Enfin, les femmes ont une attitude plus commerciale. Elles sont très appréciées dans les petites entreprises de finition qui travaillent chez les particuliers. Leur présence est favorable à l'image de marque de l'entreprise. La clientèle est satisfaite, voire rassurée.

Examinons maintenant ce que les femmes apprécient dans le bâtiment.

D'abord, le travail est concret et durable. Les tâches sont variées, que ce soit chez le particulier ou sur les gros chantiers. Il faut savoir faire face aux aléas, et donc faire preuve d'ingéniosité et d'initiative, d'autant que la hiérarchie n'est pas nécessairement présente. Alors que, dans l'industrie, tout est organisé, dans le bâtiment, les ouvriers sont entre eux, ils doivent s'adapter, réfléchir et partager.

Les femmes apprécient les horaires pratiqués dans le bâtiment, qui sont la plupart du temps réguliers et compatibles avec une vie personnelle, ainsi que les salaires et les avantages sociaux.

Dans le bâtiment, on découvre et on apprend en permanence. Il est possible de progresser rapidement, nous l'avons déjà dit. C'est un travail en équipe, qui permet d'évoluer dans une ambiance conviviale et directe.

Il y a des entreprises partout, dans presque toutes les communes. Enfin, les métiers du bâtiment sont reconnus. En revanche, quand on travaille dans une industrie, par exemple chez Valeo, l'équipementier automobile, à Châtellerault, il n'est pas très valorisant de dire que l'on assemble des pièces sur une chaîne.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Dans le bâtiment, les techniques, les matériaux et le savoir faire évoluent rapidement. Mais les professionnels ont parfois du mal à suivre : ainsi aujourd'hui, le chauffagiste qui installe une pompe à chaleur doit également avoir des compétences de frigoriste. En outre, femmes ou hommes, ces professionnels sont devenus des prescripteurs : ils doivent conseiller les clients, ce qui est très compliqué. N'oublions pas que 80 % de nos bâtiments sont anciens et qu'il va falloir les rénover.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Vous avez raison d'évoquer ces problèmes. Le particulier n'attend pas qu'on lui installe une chaudière de telle capacité ou de telle puissance, mais que sa consommation d'énergie, de gaz ou de fioul, ne dépasse pas un certain niveau. L'entrepreneur n'a plus d'obligation de moyens : il a une obligation de résultat, ce qui est une révolution. Cela dit, comme le montrent de nombreuses enquêtes, les femmes sont très attirées par l'amélioration de l'habitat, les économies d'énergie et la prise en compte de l'environnement.

À ce propos, la FFB a lancé un label les « Pros de la performance énergétique », avec tout un cycle de formations – les formations FEE Bat (formation aux économies d'énergie des entreprises et artisans du bâtiment) – lesquelles obligent les entrepreneurs à travailler entre eux. Lorsque l'on rénove une maison, on ne peut pas installer une pompe à chaleur sans remplacer les fenêtres ni refaire l'isolation. Le professionnel qui propose cette pompe à chaleur devra s'entendre avec d'autres professionnels pour faire une offre commune, qui aboutira à améliorer la performance énergétique de la maison. Chaque métier, pris isolément, n'est rien. Les entrepreneurs sont donc obligés de s'entendre, ce qui est une grande nouveauté.

Comment les chefs d'entreprise, de leur côté, réagissent-ils à la mixité ? Ils considèrent qu'elle apporte une nouvelle dynamique et une nouvelle performance à l'entreprise, dont nous vous avons donné des exemples. Cela les incite à recruter en fonction de la compétence, et non du genre. Ainsi, certains métiers ont construit des tests de méthodes de recrutement par simulation (MRS) avec Pôle Emploi. Il s'agit de mesurer les aptitudes aux gestes professionnels, à travers des tests de similitude des gestes du métier. Ne sont pris en compte ni l'âge, ni le sexe, ni la corpulence, entre autres. Ces tests permettent de procéder à des recrutements sans a priori, ou avec beaucoup moins d'a priori. Ils sont également utilisables pour des reconversions.

Les chefs d'entreprise soulignent la motivation des femmes, qui visent à l'excellence. Lorsque celles-ci arrivent dans des métiers plutôt masculins, elles sont toujours plus motivées et font monter le niveau de l'entreprise.

La mixité – et plus généralement la diversité – est un facteur d'attractivité pour d'autres candidatures féminines ou masculines. Le rendement et la qualité du travail sont identiques – avec un plus pour les finitions. On l'a déjà remarqué, les femmes ont des qualités de communication appréciées par les clients et leur présence contribue à l'amélioration des conditions de travail.

Enfin, la mixité donne une image positive de l'entreprise, et du bâtiment en général. C'est ce qui avait motivé les présidents Christian Baffy et Didier Ridoret. Il faut donc continuer dans cette voie, même si quelques freins subsistent, malgré tout, à l'emploi des femmes dans le bâtiment.

L'installation de blocs sanitaires séparés femmeshommes double le prix des équipements, ce qui est onéreux, surtout pour les très petites entreprises et pour les plus petits chantiers.

Même si le secteur s'est mécanisé, le port de charges lourdes peut constituer un handicap. Il en est de même des conditionnements de certains matériaux et de l'outillage, qui ont encore besoin d'être adaptés. En outre, les vêtements ne sont pas toujours très attractifs pour les femmes.

La maternité, enfin, est un problème récurrent dans toutes les entreprises. Les congés ne sont pas plus longs qu'ailleurs, mais les produits chimiques utilisés dans certains métiers exigent que l'on prenne des précautions. Et dans un secteur d'hommes, il n'y a jamais d'arrêt de travail pour maternité. Lorsque l'on veut embaucher des femmes, le fait qu'elles doivent s'arrêter pendant leur congé de maternité constituent un frein. Pourtant, il faut bien des cotisants pour financer les retraites, notamment celles des chefs d'entreprise qui ont tous plus de cinquante ans !

En conclusion, les mentalités ont évolué positivement dans le bâtiment, bien que ce secteur se soit féminisé un peu plus tard que les autres.

Aujourd'hui, dans l'encadrement et au niveau des ingénieurs, le pourcentage de femmes est relativement élevé. Mais celles-ci ne représentent que 1,6 % des effectifs sur les chantiers. C'est à cet égard qu'il convient de faire des progrès.

Nous travaillons donc avec les écoles, les collèges et les lycées professionnels. Nous essayons également de toucher les fédérations de parents d'élèves. Mais nous devons lutter contre leurs préjugés et contre ceux de l'Éducation nationale. Ce sera assez lent, d'autant que la récession économique ne facilite pas les choses.

PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

Avez-vous une idée du pourcentage de femmes par corps de métier ? J'imagine qu'il y en a moins dans le gros oeuvre que dans les finitions ou dans les aménagements : électricité, revêtement, plomberie ou carrelage.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

En fait, il y a relativement peu de femmes dans l'électricité ou dans la plomberie. Je ne connais pas les pourcentages par corps de métier, mais je connais les tendances.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Au CFA d'apprentissage du bâtiment de la Vienne, on ne compte que 3 % de filles – dont aucune dans la charpente et la couverture. Il y a encore beaucoup de préjugés !

PermalienOdile Repellin

Dans le secteur de la peinture, il y a énormément de filles, voire presque trop dans certains CFA car, après la formation, il faut leur assurer des débouchés.

Dans le secteur de la couverture, il y en a moins : ce sont plutôt des filles d'artisans, qui connaissent déjà le métier mais qui passent un CAP pour être reconnues vis-à-vis des clients ou de leurs pairs. Certaines ont des niveaux de formation initiale assez élevés et, après avoir passé leur CAP, elles reprennent des entreprises.

Dans la maçonnerie, le pourcentage de filles n'est pas négligeable mais, dans l'électricité, il est très faible. Est-ce lié à l'aspect technique du métier ou à la peur de l'électricité ?

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Les apprentis ont-il des difficultés à trouver des entreprises ?

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Pas dans nos métiers.

PermalienOdile Repellin

Jusqu'à présent, sans doute à la suite des efforts que nous avons faits en matière de communication, les centres de formations étaient pleins. Mais nous avons observé récemment une petite baisse dans le recrutement, liée à la conjoncture.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Je trouve rassurant que, même dans vos métiers, on ait pris conscience que l'arrivée des femmes constituait un phénomène normal. De fait, le seul secteur qui semble avoir besoin d'être motivé, c'est l'Éducation nationale !

PermalienOdile Repellin

Il y a eu des progrès. L'option « Découverte professionnelle » a permis aux différents métiers d'entrer dans l'école. Nous avons lancé des actions, ouvert des chantiers, accueilli des enseignants et des conseillers d'orientation à l'occasion de l'opération « Un jour en entreprise ». Nous travaillons avec les professeurs de technologie, auxquels nous fournissons des ressources pédagogiques, en particulier dans le domaine du confort et de la domotique.

Il reste toutefois encore beaucoup à faire auprès des enseignants, comme auprès des parents d'élèves.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Devant tous nos chantiers, il est écrit « Interdit au public ». À moins de connaître quelqu'un qui y travaille, on ne voit donc pas ce qui s'y fait, ni si les conditions de travail y ont changé. Chacun reste sur ses clichés, et les clichés ont la vie dure. Nous devons, par conséquent, conduire un réel travail de communication pour faire connaître ce qui a évolué dans le bon sens.

PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

On ne connaît pas forcément les métiers du bâtiment. L'année dernière, dans ma commune, on a construit une école. Les enfants sont venus sur le chantier. Ils ont été intéressés et cela a déclenché des vocations.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Tous les ans, aux « coulisses du bâtiment », nous ouvrons aux collégiens et aux lycéens des chantiers, qui sont aménagés pour les recevoir. Le chef de chantier ou des conducteurs de travaux conduisent les groupes et leur fournissent des explications. C'est toujours très positif.

PermalienOdile Repellin

Voilà sept ans que nous avons lancé le « Concours Batissiel », qui s'adresse à des élèves des classes de cinquième et de troisième, quel que soit leur niveau ; ainsi, qu'à ceux des sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Les collégiens travaillent tout au long de l'année sur un projet qu'ils doivent défendre. Tous les ans, à la FFB, est organisée une remise des prix au niveau national.

Ce genre d'opération mériterait d'être davantage ouvert – à d'autres publics, à vous-mêmes, à des enseignants extérieurs ou à d'autres jeunes : c'est le moyen de donner une vision différente des métiers du bâtiment.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Votre propos est extrêmement instructif et rassurant : il remet en cause l'idée que j'avais pu me faire en 2004-2005. Les milieux professionnels sont attentifs aux questions liées aux femmes et à la mixité.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Il y a cinq ou six ans, mes collègues se plaignaient de ne pas trouver de personnel. Nous leur avons fait remarquer qu'ils auraient moins de problèmes de recrutement s'ils n'en écartaient pas la moitié des candidats potentiels, à savoir, les femmes. Mais, depuis le début de la crise économique, nous ne pouvons plus utiliser cet argument…

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Dans la restauration, il y a aussi bien des femmes que des hommes, mais on y rencontre aussi des problèmes de recrutement.

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

La restauration souffre encore d'un manque d'attractivité. Ce fut longtemps notre cas.

PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

Dans la restauration, les horaires sont très contraignants…

PermalienMichel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment

Et les rémunérations faibles, avec 15 ou 20 % de différence. Celui qui a la maîtrise d'un métier, dans le bâtiment, perçoit une rémunération qui lui permet de vivre correctement, de se construire une maison et de s'intégrer dans la société. Ce n'est pas le cas de tous les secteurs d'activité

L'audition s'achève à dix-sept heures vingt.