Je suis entrepreneur de carrelage dans la Vienne – société Batisol – et président de l'Union nationale des entreprises céramistes du bâtiment, chargé par Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) du développement de la mixité.
Cette fédération regroupe 57 000 entreprises, dont 42 000 de moins de dix salariés. Elle réalise deux tiers des 123 milliards d'euros de la production annuelle de la profession et emploie deux tiers des effectifs du bâtiment.
Les missions de la FFB sont les suivantes : la défense des intérêts des entreprises ; l'expertise pour le réseau des 96 fédérations départementales, des 27 fédérations régionales et des 31 unions et syndicats de métiers, auxquels adhèrent les entreprises ; la promotion de l'image de la profession, de ses métiers et des ses entreprises.
Le secteur du bâtiment réalise 60 000 embauches par an, quelle que soit la conjoncture, pour remplacer les salariés qui partent en retraite et ceux qui quittent le secteur. Les besoins se font sentir à tous les niveaux de qualification, de la production à l'encadrement de chantier, mais varient selon les métiers et les territoires – tous ne sont pas touchés de la même manière par la crise économique. On dénombre 180 000 jeunes en formation, du CAP au master.
Les femmes dans le bâtiment représentaient, en 2009, 11 % des salariés : 1,6 % des ouvriers, 47,1 % des employés et techniciens et 15 % des cadres. Ce sont 10 000 femmes qui suivent une formation initiale : 4,8 % du CAP au BTS, 14 % en DUT et bac + 3,25 % en écoles d'ingénieurs BTP ; 3 500 sont en reconversion professionnelle à l'AFPA, soit 7,4 % des effectifs, dont 34 % dans la partie « Aménagements-finitions », soit davantage que dans le gros oeuvre et les corps d'État techniques.
En 2010, les femmes représentaient 8,9 % des salariés en formation continue, 11,5 % des salariés en contrat de professionnalisation, et 23 % des élèves de l'École supérieure des Jeunes dirigeants du bâtiment.
On constate que 27 % des PME-TPE ont une femme à leur tête, dont 24 % dans la construction. Enfin, un réseau de 88 groupes « femmes » s'est constitué à la FFB, dans les départements ou dans les régions, soit 3 000 femmes, dont 24 % de gérantes ou de cogérantes d'entreprise. Ces groupes discutent de leurs problèmes quotidiens – problèmes de gestion, problèmes sociaux, etc. C'est sur ces femmes que nous nous appuyons pour développer la mixité ; elles constituent en effet une partie de notre relais au niveau départemental.
Un de nos présidents, Christian Baffy, avait lancé en 2004 le pari de tripler les effectifs féminins au cours de son mandat de cinq ans. C'était un peu fou, mais des actions ont été lancées et la situation a évolué, principalement au niveau de l'encadrement et des ingénieurs.
Quelles actions la FFP a-t-elle menées en faveur du développement de la mixité ?
Elle a d'abord mené des actions de communication : nous veillons à représenter systématiquement des filles et des garçons sur toutes nos brochures ; nous féminisons tous les noms de métiers du bâtiment : maçonnes, carreleuses, solières, par exemple ; nous éditons des dépliants spécifiques à l'intention des collégiennes, des demandeuses d'emploi, des chefs d'entreprise et des partenaires publics pour montrer que les femmes sont présentes dans le bâtiment ; nous diffusons des témoignages d'apprenties, de femmes travaillant sur les chantiers, de chefs d'entreprise ayant embauché des femmes.
Par ailleurs, comme le président et bien des personnes autour de moi considèrent qu'il est plus facile à un chef d'entreprise homme de parler à ses collègues pour faire passer le message, c'est un homme qui est chargé, à la FFB, du développement de la mixité, nous informons les chefs d'entreprise sur les initiatives de leurs collègues et sur les outils de l'égalité, dont les contrats de mixité.
En outre, nous organisons chaque année des manifestations sur le territoire lors de la Journée de la femme. Nous trouvons des occasions pour valoriser un chantier, un métier ou une jeune fille dont le parcours mérite d'être distingué, en utilisant les relais médiatiques - FR 3 lorsque c'est possible. Nous soutenons certaines actions, souvent en partenariat avec les délégations régionales ou départementales aux droits des femmes.
En 2008, nous avons lancé, par le biais des fédérations, les premiers trophées « Bâtir au féminin ». Les entreprises qui le souhaitent décrivent leurs expériences en matière de travail féminin, aussi bien sur chantier que dans l'encadrement ou l'apprentissage. C'est pour nous le moyen de connaître ce qui se fait sur les territoires, et qui est parfois très étonnant. C'est aussi l'occasion de récompenser les entreprises qui ont mené des actions intéressantes, innovantes et valorisantes, et de diffuser ces actions, lesquelles pourront servir de modèle à l'ensemble des entrepreneurs.
Enfin, en septembre 2009, nous avons signé l'accord collectif national sur l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. Les principaux engagements étaient les suivants : information sur les métiers en direction des jeunes et des prescripteurs ; objectif de 12 % de femmes dans les effectifs à la fin de 2012 ; information des entreprises sur les outils existants ; amélioration des conditions de vie et de travail sur chantier ; élaboration d'outils statistiques pour mesurer les éventuels écarts de salaires. En ce domaine, nous rencontrons des difficultés : nous ne pouvons nous appuyer que sur les cotisations de la caisse de congés, et les chiffres dont nous disposons ne sont pas suffisamment précis. Par exemple, la catégorie des ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) regroupe aussi bien des salariés employés à des tâches administratives, lesquelles occupent de nombreuses femmes, que des salariés qui font de l'encadrement ou qui travaillent sur chantier.
Dernier engagement : le rappel des mesures concernant la grossesse, la parentalité et l'égalité salariale. Je souligne, car ce n'est pas très connu, que les salaires de tous ceux qui travaillent sur chantier – y compris le chef de chantier – sont négociés au niveau régional, sur toute la France. Des grilles de salaires, très précises et très contraignantes, ne faisant pas mention du sexe, fixent un salaire minimum qui s'applique aux femmes comme aux hommes. Ce n'est pas le cas dans toutes les branches professionnelles.