Audition de M. Serge Mostura, directeur du centre de crise du ministère des affaires étrangères et européennes
La séance est ouverte à dix heures trente.
Soyez le bienvenu, monsieur Mostura. Vous occupez, depuis décembre 2008, le poste de directeur du Centre de crise du ministère des affaires étrangères et européennes qui existe, sous cette forme, depuis juillet 2008. Un certain nombre de mes collègues et moi-même étions allés visiter les nouvelles installations du Centre à l'automne 2008, quelque temps donc avant que vous ne preniez vos fonctions.
Comme tous les Français, nous entendons parler de ce centre régulièrement, chaque fois qu'une crise importante éclate quelque part dans le monde, et c'est, hélas, très fréquent. La mission du Centre en matière de gestion des situations de crise est alors mise en avant, en particulier pour prêter assistance à nos compatriotes se trouvant dans les pays touchés. Cette mission est essentielle mais elle n'est pas la seule dont le Centre de crise est chargé, comme vous allez nous l'expliquer.
Je vais donc vous donner la parole pour que vous présentiez les missions du Centre et que vous dressiez un bilan de ses trois premières années d'existence. Mes collègues vous poseront ensuite des questions.
Je commencerai par revenir sur les objectifs qui ont sous-tendu la création du Centre de crise. Je présenterai ensuite un rapide bilan d'activité de la structure autour de quatre thèmes : les grandes crises de l'année 2011, les situations individuelles – il s'agit essentiellement des affaires otages –, le travail d'information et de prévention du Centre, et, enfin, le volet humanitaire de notre action.
L'objectif général qui a présidé à la création du Centre de crise était celui de la professionnalisation. Cette structure n'est pas sans antécédent : on fait de la gestion de crise depuis longtemps mais cela passait par l'intermédiaire de cellules de crise. En regroupant au sein d'une même structure toutes les personnes s'occupant de la crise, l'idée était que des habitudes allaient se créer, habitudes desquelles se dégageraient des méthodes puis des procédures et des règles. C'est ainsi qu'on atteint l'objectif de professionnalisation, avec un centre permanent par opposition à des cellules de crise ponctuelles. Le Centre utilise toujours des cellules de crise, mais c'est lui qui les met en place et qui les contrôle avec ses propres procédures.
Le Centre de crise a trois grandes missions. Il est tout d'abord l'instrument de gestion de crise du Quai d'Orsay. Cette mission est modeste mais utile car elle a amélioré la lisibilité de la gestion des crises et son efficacité. Cela consiste par exemple à organiser des réunions interministérielles, le mandat du Centre étant interministériel, et à rédiger des synthèses à partir d'éléments venus de différents services. C'est ensuite veiller à la bonne exécution des décisions prises lors de ces réunions. Depuis la rentrée, nous avons ainsi organisé vingt et une réunions interministérielles de crise dont huit portant uniquement sur la Syrie. Ces réunions permettent d'échanger des informations et, surtout, de préparer des plans et, le cas échéant, de prendre des décisions.
Nous avons par ailleurs deux missions de spécialité dans le registre des crises de toutes natures. Nous avons la charge de la sécurité des Français à l'étranger : les Français résidant qui sont entre 1,5 et 2 millions, et les Français de passage pour raisons touristiques, professionnelles ou autres dont le nombre s'élève, chaque année, à environ 14 millions.
Nous avons enfin la responsabilité de la gestion des crises humanitaires : nous sommes le service d'action humanitaire du Quai d'Orsay.
La structure elle-même est une direction, rattachée directement au ministre pour des raisons opérationnelles. Elle compte cinquante-six agents et est organisée en deux sous-directions : le Centre de situation et les Opérations d'urgence. La première fait de la veille vingt-quatre heures sur vingt-quatre ainsi que de l'analyse et de la planification pour préparer les réponses aux crises. La seconde traite les affaires de disparition et d'otages, et, d'autre part, met en place et conduit, si nécessaire, les missions d'urgence à l'étranger et les cellules de crise à Paris. Il y a enfin une petite cellule administrative et logistique car nous gérons des stocks, notamment à des fins humanitaires – tentes et matériels humanitaires divers. Nous avons également un très gros travail en matière d'affrètement d'avions chaque fois qu'il nous faut transporter des Français ou acheminer une aide.
J'en viens au bilan de l'activité 2011. Un mot d'abord sur les grandes crises de l'année 2011 : la séquence des printemps arabes, qui n'est pas achevée, la Côte d'Ivoire, le Japon, la Corne de l'Afrique dans le domaine humanitaire. Du point de vue du Centre, ces crises ont deux caractéristiques. Premièrement, elles sont complexes, c'est-à-dire qu'elles mélangent plusieurs aspects : politique, militaire, consulaire – à savoir intéressant la sécurité des Français et des ressortissants européens –, humanitaire. Dans le cas du Japon, nous sommes même allés plus loin puisque nous avons piloté une opération de sécurité civile, envoyé une aide humanitaire mais également coordonné l'envoi d'une assistance technique dans le domaine nucléaire. Le Centre a en effet vocation à organiser ce type de coordination qui n'était pas assurée jusqu'à présent.
Soulignons-le, l'action du Centre de crise fait partie intégrante de l'action diplomatique de la France et du ministère des affaires étrangères. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de la Libye : dès avant le début des opérations, nous avons évacué des Français, mené les opérations d'assistance humanitaire en Tunisie et à Benghazi, pendant les bombardements. Notre première mission humanitaire a été l'occasion de prendre contact avec le CNT, nouvellement constitué. Et comme cela s'est très bien passé, nous avons ensuite envoyé un représentant à Benghazi. L'équipe humanitaire comprenait des agents de la santé, de la sécurité civile, des affaires étrangères, incluant notamment un diplomate chargé du contact avec les nouvelles autorités libyennes. Notre action s'est poursuivie après l'arrêt des combats, dans la phase dite de post-crise. Elle vise par exemple à renforcer les capacités des hôpitaux libyens, qui ont été très durement éprouvés pendant la guerre et qui n'ont quasiment plus de personnels aujourd'hui. Ce matin encore, nous avons décidé de faire venir en France treize blessés libyens pour des soins post-opératoires.
Deuxième grande caractéristique : ces crises ont donné lieu à des évacuations ou des rapatriements collectifs, le rapatriement visant à ramener des gens dans leur pays d'origine – le cas échéant, mais pas nécessairement, la France –, tandis que l'évacuation, comme cela s'est déroulé à Abidjan avec la force Licorne, consiste à mettre des Français en sécurité dans des pays périphériques. Cette année, nous avons transporté par des moyens d'État 7 500 personnes, dont 3 300 Français et 4 200 étrangers. S'agissant de ces derniers, je signale un bloc de 2 500 Égyptiens fuyant la Libye, que nous avons rapatriés, à la demande des autorités égyptiennes, de Djerba au Caire.
Le sujet actuel, en matière de grandes crises politiques, c'est la Syrie. Comme vous le savez, nous sommes en train de rétracter notre dispositif. Il avait d'ores et déjà été diminué de façon substantielle au début de l'été. Aujourd'hui, nous le divisons par deux : l'ambassade ne comprendra plus qu'une vingtaine de personnels dans les jours à venir et nous fermons plusieurs de nos implantations, tout le dispositif culturel, nos implantations consulaires en province – Alep, Lattaquié, etc. La situation n'est pas facile. Un peu moins de 3 000 Français se trouvent actuellement en Syrie : il s'agit à 93 % de binationaux voire de trinationaux, beaucoup étant franco-syro-libanais qui n'envisagent pas, même en cas de crise ouverte, de quitter le pays. Cela étant, nous leur demandons, de façon itérative, de quitter la Syrie, puisqu'ils le peuvent encore, par voie aérienne – trois vols Air France desservent par exemple Damas aujourd'hui.
Quelques remarques à présent sur ce que nous appelons les situations individuelles. Nous observons tout d'abord une fragilisation des touristes à l'étranger ; elle est liée à la baisse relative du coût du transport aérien. On voit ainsi partir pour des destinations lointaines et parfois peu sûres des personnes âgées, des personnes souffrant de troubles mentaux légers n'impliquant pas des mises sous tutelle ou curatelle, qui vont se trouver exposées à des sollicitations ou des situations tout à fait inhabituelles pour elles. Depuis le 1er janvier, nous avons été saisis de 180 signalements de disparition inquiétante à l'étranger. Dans leur immense majorité, ces cas se résolvent de façon positive en une semaine, quinze jours au grand maximum – cela nécessite cependant un énorme travail d'investigation. Quarante de ces affaires font l'objet de suites judiciaires : cela signifie qu'une enquête pour disparition inquiétante a été ouverte en France par un juge. Enfin, une demi-douzaine de cas s'est soldée, malheureusement, par des morts violentes. Je rappellerai l'assassinat de deux jeunes françaises en Argentine, d'une jeune femme en Malaisie, et le cas préoccupant d'un couple de retraités qui a disparu au Costa Rica depuis plus de deux mois.
Pour nous, l'année 2011, c'est très clairement le retour du terrorisme violent et l'augmentation du nombre des prises d'otages. L'attentat de Marrakech a ainsi fait huit morts. Nous avons organisé la cérémonie d'accueil des corps en France pour la présidence de la République. Et nous sommes, aujourd'hui encore, aux côtés des familles, que nous avons aidées à suivre le procès qui s'est déroulé à Marrakech en mettant à leur disposition plus de 300 billets d'avions. Vous le voyez, le travail du Centre va au-delà de la crise. Le suivi peut d'ailleurs se dérouler sur un temps parfois très long : nous travaillons ainsi encore sur le crash du vol AF 447 Rio-Paris. Aujourd'hui, les opérations de repêchage des corps sont terminées mais de nombreuses questions restent posées. Nous nous efforçons d'y répondre – un ambassadeur auprès des familles a même été nommé.
Je rappellerai l'affaire tragique de Niamey : les deux jeunes Français enlevés par AQMI au début de l'année ont malheureusement été tués dans les combats menés pour tenter de les libérer. Vous avez sans doute en tête l'enlèvement récent de Marie Dedieu, cette femme tétraplégique que des pirates somaliens sont venus capturer dans sa maison de Lamu, sur la côte du Kenya. Quelque dix jours auparavant, le Tribal Kat, un voilier navigant dans les eaux du Yémen avec à son bord un couple de Français avait été arraisonné par des pirates. L'homme a été tué pendant l'assaut. Mais, grâce au dispositif Atalante, nous avons réussi à intercepter les pirates qui tentaient de rejoindre la Somalie avec la femme.
Toutes ces affaires, qui ont occupé la une des médias, sont représentatives du climat de violence de l'année 2011. Hier encore, une jeune Française a été enlevée au Yémen : alors qu'elle organisait une distribution de nourriture dans le sud du pays pour le compte du CICR, elle a été retenue par une tribu locale qui souhaite obtenir la libération d'un fils de cheik accusé d'avoir intercepté un camion qui livrait du gaz dans la région. À ce stade et compte tenu des informations dont nous disposons, il ne s'agit pas d'un enlèvement à caractère politique. Cela étant, nous comptabilisons les Français détenus contre leur gré en dehors de toute procédure administrative et judiciaire.
Cette année, nous avons donc dénombré dix-neuf enlèvements dans le cadre de quatorze affaires, plusieurs Français pouvant être enlevés simultanément. Le bilan est le suivant : six Français sont décédés, trois ont été relâchés contre des rançons payées par les familles, en Haïti et en Amérique centrale où s'est développée la pratique de l'enlèvement exprès à caractère quasiment commercial. Enfin, neuf Français ont été libérés ou ont pu échapper à leurs ravisseurs. Aujourd'hui, six Français sont encore détenus en otage : la jeune femme au Yémen, un agent des services en Somalie et quatre au Sahel.
J'en arrive au troisième thème d'activité du Centre de crise, l'information et la prévention. Si ces actions sont moins visibles, elles consomment beaucoup de temps au quotidien. Nous maintenons ainsi 169 plans de sécurité complets, qui permettent de réagir en cas de crise à l'étranger. Certains pays font l'objet de plans simplifiés, tels les États-Unis ou de nombreux pays européens où nous nous appuyons sur les autorités locales.
Je m'attarderai sur deux sujets. Tout d'abord, sur le site informatique relevant du Centre de crise, Conseils aux voyageurs, qui a été consulté plus de six millions de fois en un an. C'est un des sites les plus consultés de l'administration française. Nous maintenons 188 fiches géographiques, par pays ou groupes de pays, et vingt et une fiches thématiques sur des points très divers – santé, risques liés à la circulation… Le site bénéficie d'environ 1 000 actualisations par an. Je le souligne car, dans la logique de professionnalisation mentionnée au début de mon propos, nous avons accompli un pas important cet été : ce site a en effet été qualifié ISO 9001 par l'AFNOR. C'est une des toutes premières fois qu'un site d'une administration centrale de l'État reçoit un label de qualité. C'est important pour les agences de voyages avec lesquelles nous travaillons et qui, elles-mêmes, ont souvent des normes de qualité, et parce que, compte tenu de la judiciarisation des moeurs, il n'est pas exclu qu'un jour des recours soient déposés sur la base de conseils que nous avons donnés, que nous aurions omis de donner ou qui auraient été mal donnés. Il importe donc de montrer qu'il y a une vraie garantie de sérieux dans l'élaboration de ces conseils.
L'autre point sur lequel je souhaite m'arrêter concerne le Sahel. De façon très générale, nous avons entrepris un gros travail de sensibilisation auprès de tous ceux qui résident dans cette région ou qui s'y rendent, à un titre ou à un autre : les touristes, les associations, les ONG… S'agissant des entreprises, vingt-cinq travaillent actuellement dans les trois pays du Sahel, dont seize en zone orange, soit en zone à risques, et neuf en zone rouge, soit en zone à risques absolus où nous déconseillons formellement à quiconque de se rendre. Ces neuf entreprises sont autorisées à travailler en zone rouge sur la base d'un plan de sécurité qu'elles ont présenté au Centre de crise, qui a donné son accord, une fois recueilli l'avis de toutes les administrations intéressées. La première et principale entreprise concernée par ce dispositif est AREVA. L'examen du plan de sécurité d'AREVA, le plan Milan, a duré six mois avec des missions sur place.
J'en viens enfin au volet humanitaire des travaux du Centre de crise. Nous procédons à des interventions directes, fréquentes mais sous la ligne de visibilité des médias. S'agissant ainsi des tremblements de terre dans la province de Van, en Turquie, nous avons répondu à la sollicitation des autorités turques en envoyant à chaque fois 300 tentes aux standards ONU, qui permettent d'héberger chacune une quinzaine de personnes. Notre action est limitée en volume mais elle est très rapide.
Un mot sur le budget de l'action humanitaire française. Le budget du fonds humanitaire d'urgence que gère le Centre de crise est de 8,5 millions. Or cette année, nous avons dépensé 34,5 millions dont 25 millions pour la seule corne de l'Afrique. Vous l'aurez compris, nous avons des ouvertures de crédits complémentaires en cours d'année pour répondre aux grandes crises. Cette situation n'est toutefois pas complètement satisfaisante car elle empêche toute prévision. Cela étant, quand le besoin est là, nous savons trouver les crédits pour y répondre.
Les crédits humanitaires de la France représentent environ 1 % de l'aide publique au développement, soit 85 millions d'euros. Le Centre souhaite y voir un peu plus clair l'an prochain. Pour les États-Unis ou le Royaume-Uni, l'aide humanitaire est un pourcentage de l'aide publique au développement. En France, la logique est résultative : à la fin de l'année, on compte ce qu'on a donné pour une action humanitaire et on le ramène au montant de l'APD. Comme les points de vue peuvent être divergents en matière d'humanitaire ou de crédits d'urgence, le résultat est un peu instable. Selon les critères retenus aujourd'hui, on est entre 74 et 85 millions. Nous allons nous efforcer d'avoir une meilleure appréhension de la situation.
Nous avons enfin une mission « doctrinale ». À ce titre, je signale que la semaine dernière, nous avons organisé une conférence nationale humanitaire qui a rassemblé toutes les grandes ONG humanitaires françaises, avec 271 participants. La conférence a été ouverte par M. de Raincourt, fermée par M. Juppé et nous avons entendu, entre autres, Mme Georgieva, la commissaire européenne aux affaires humanitaires et à la réponse aux crises. Le ministre a souhaité que nous nous engagions dans la rédaction d'un document de stratégie humanitaire français qui serait préparé avec les organisations non gouvernementales. En 2007, les chefs d'État et de Gouvernement réunis à Bruxelles ont adopté un document dénommé Consensus humanitaire européen. C'est un recueil de principes et de modalités s'imposant aux Vingt-sept. Ce consensus prévoit notamment que chaque État membre de l'Union européenne doit, dans un délai de trois ou quatre ans, présenter une stratégie nationale. M. Juppé souhaite que la stratégie française soit élaborée non pas simplement par l'administration mais en collaboration avec les ONG, les collectivités territoriales, et tous ceux qui s'intéressent à l'action humanitaire de la France. Nous devrions rendre ce document au printemps.
Je conclurai en soulignant que l'efficacité du Centre est d'ores et déjà reconnue, comme en atteste le relevé d'observations provisoires de la Cour des comptes. Cette structure, qui n'a que trois ans et demi, a cependant besoin de consolidation. C'est le cas s'agissant notamment du statut du personnel. Les agents du Centre de crise travaillent beaucoup : le pointage horaire fait apparaître qu'en période de croisière, l'agent ordinaire travaille entre quarante et cinquante heures par semaine et qu'en période de crise, il dépasse facilement les quatre-vingt-dix heures. Nous préparons donc un décret dérogatoire qui portera l'obligation de service hebdomadaire de travail à un maximum de soixante-cinq heures et qui prévoira une rémunération correspondante. Pour l'instant, nous ne bénéficions que des primes générales du Quai d'Orsay, à des taux certes majorés aussi souvent que possible mais qui ne rémunèrent pas les heures supplémentaires effectuées par les agents du Centre.
L'effort de consolidation doit également porter sur le volet européen. La France est très favorable à l'idée d'une responsabilité consulaire au sens large des États membres vis-à-vis de l'ensemble des ressortissants européens. Il y a quelques années, nous avions mis en place avec les Britanniques le concept d'État pilote : en cas d'évacuation, c'est l'État le mieux représenté dans le pays concerné qui doit gérer la sécurité de l'ensemble des ressortissants européens. Aujourd'hui, la France est État pilote dans douze des vingt-huit pays soumis à ce régime ; nous jouons ce rôle dans des pays importants, où de nombreux ressortissants européens sont installés, tel le Maroc, et non pas seulement dans des pays qui comptent peu de ressortissants européens.
L'Europe avance : une directive sur la protection consulaire est en préparation. Elle vise à asseoir juridiquement les obligations résultant du traité de Lisbonne et notamment celle faite désormais aux ambassades des pays européens à l'étranger de traiter, comme leurs propres nationaux, les ressortissants des autres États européens présents dans le pays mais qui n'auraient pas d'ambassade ou de consulat. Nous soutenons la démarche sur le principe mais il ne faut pas se cacher qu'il y aura des difficultés au quotidien. Notre réseau diplomatique étant sous tension, inclure des centaines ou des milliers de personnes supplémentaires dans nos plans de sécurité représente un effort très considérable. Nous réfléchissons donc à l'idée de donner un rôle plus important aux représentations de l'Union européenne dans le domaine consulaire. Mais cela n'est pas facile du fait de l'opposition de certains États et notamment du Royaume-Uni.
Monsieur le directeur, nul ne doute que le Centre de crise est aujourd'hui un organe indispensable. Ma première observation porte sur le Sahel. À la lecture du rapport sur la sécurité des Français de l'étranger, je note que le Tchad et le Burkina ne figurent ni en zone rouge ni en zone orange. Considérez-vous que ces deux pays soient exempts de tout risque ? Par ailleurs, en cas de drame humain, un assassinat par exemple, le Centre gère-t-il l'état psychologique des familles en période de post-crise ?
Vous avez évoqué le dispositif de sécurité nécessaire dans les zones à risques. Avec Henri Plagnol, nous travaillons sur un rapport relatif à la présence d'AQMI et à la sécurité au Sahel. J'appelle votre attention sur les conséquences de décisions prises sans nuance depuis Paris et qui placent quasiment des pays entiers en zone rouge ou orange. C'est un handicap majeur pour les pays concernés, en l'occurrence le Mali, la Mauritanie et le Niger. Les trois chefs d'État que nous avons rencontrés nous l'ont dit expressément. Le Président du Mali l'a souligné lui-même dans un discours qu'il a prononcé au musée du Quai Branly. Nous sommes allés trop loin.
L'équivalent du Centre de crise existe-t-il dans d'autres pays européens ? Vous avez parlé de réseau diplomatique et de réseau consulaire : les pays européens concernés travaillent-ils avec vous ? Font-ils directement appel à vous en cas de catastrophes ou de crises graves ? Si tel est le cas, vous rémunèrent-ils ?
S'il y a d'autres centres du même type en Europe, ces centres travaillent-ils en coopération sur le terrain ?
Les compagnies d'aviation vous aident-elles à faire connaître le système Ariane ? S'agissant du volet humanitaire, fournissez-vous des kits de soins d'urgence aux hôpitaux ou dans les zones particulièrement touchées en cas de crise grave ?
Monsieur Terrot, nous surveillons l'arc de crise qui va, grosso modo, de la Mauritanie à l'Asie centrale. S'agissant du Sahel, nous sommes dans la logique que nous avons baptisée « Sahel plus ». Nous regardons le Tchad, le Burkina, le Sénégal mais aussi le Nigéria. Nous avons ainsi constaté récemment des liens entre la secte boko haram et AQMI. Ces pays passent donc pour partie en zone rouge. Quant au suivi psychologique post-crise, il est assuré en général par la CUMPF, la cellule d'urgence médico-psychologique française, qui est en quelque sorte le SAMU de l'esprit. Encore faut-il que les personnes soient d'accord pour recevoir cette assistance, ce qui n'est pas toujours le cas, malheureusement.
Monsieur Loncle, nous ne sommes pas passés de façon binaire de zones à risques à des zones rouges. L'évolution de la cartographie des risques sur le Sahel sur deux ou trois ans est tout à fait frappante : si nous passions les cartes successives à vitesse accélérée, nous aurions l'impression d'un rideau qui descend, le rideau orange chassant le rideau vert et étant lui-même progressivement remplacé par un rideau rouge. Les décisions n'ont pas été prises en un jour : elles sont le fruit de réflexion et ont été expliquées aux autorités locales en plein accord avec les ambassadeurs. Bien conscients des problèmes que vous signalez, nous essayons néanmoins d'aider les entreprises à travailler dans ces zones en leur demandant de mettre en place des plans de sécurité. Enfin, notre logique de sécurité des ressortissants français n'est pas aveugle. C'est encore moins une logique de désertion : il ne s'agit pas de laisser la place à AQMI. Nous essayons donc d'apporter aux États concernés une assistance en matière de développement et de renforcement de leurs forces de sécurité. Bref, nous sommes conscients de la problématique au Sahel, et si la sécurité est une priorité, ce n'est pas le seul paramètre de notre raisonnement.
Madame Colot, oui, bien sûr, d'autres pays disposent également de centre de crise, plus ou moins développé, et nous avons des liens étroits avec eux. C'est le cas avec les centres britannique, italien, belge. Lors des événements d'Abidjan, nous avons ainsi transporté des agents consulaires britanniques et belges. Nous travaillons également en concertation très étroite avec les Américains et les Britanniques en matière de conseil aux voyageurs puisque ce sont les deux seuls pays avec la France à maintenir un réseau à dimension mondiale et donc à disposer de toutes sortes d'informations.
S'agissant de la rémunération de nos prestations, des mécanismes existent : nous pouvons encaisser par exemple le prix d'un billet d'avion lorsque nous évacuons un ressortissant européen, mais également bénéficier de subventions de la Commission européenne. Certes, c'est appréciable mais cela ne modifie pas de façon significative notre équilibre budgétaire. En revanche, si l'on nous demande d'inclure dans nos plans de sécurité des milliers de ressortissants européens, les choses seront très différentes. Nous serions alors dans une autre logique : il s'agirait non plus de rémunérations mais de l'emploi d'un fonctionnaire à temps plein, soit quarante ans de carrière… Bref, il faudrait un ETP et pas quelques euros de remboursement.
Monsieur Salles, oui, il existe des formes de coopération entre les centres de crise. Avec la Commission et le service diplomatique européen à Bruxelles, nous effectuons parfois des exercices conjoints. Cela a été le cas sous présidence française. Il y a en outre un flot permanent d'échanges d'informations.
Madame Bourragué, Ariane permet en effet, sur une base volontaire, d'enregistrer un voyage à l'étranger. Après avoir communiqué votre nom, votre numéro de téléphone, votre destination, le nom de ceux qui vous accompagnent et un contact en France, vous aurez la garantie d'être contacté en cas de crise, pour autant que votre téléphone portable fonctionne. Ce dispositif est un beau succès : 17 000 personnes se sont inscrites en cinq mois. Nous l'avons utilisé quatorze fois pour signaler des tremblements de terre, des typhons, des attentats. Nous avons en outre le plein soutien des professions intéressées : les compagnies aériennes, le syndicat de l'aviation marchande, les tour-opérateurs. Alors que ceux-ci révisent actuellement leur charte, le responsable du CETO, le syndicat national des tour-opérateurs, m'a indiqué qu'il souhaitait précisément faire figurer dans ce document que les bons tour-opérateurs devaient inscrire leurs voyageurs sur Ariane. Le bel effort que nous avons fait pour faire connaître ce dispositif a d'ailleurs porté ses fruits : hier soir, j'ai pu vérifier en effet que la première référence qui sort lorsqu'on tape Ariane sur Google est la nôtre. Il y a pourtant des tas de choses qui s'appellent Ariane…
Sur l'utilisation des kits sanitaires, nous allons encore progresser grâce à une convention passée avec l'EPRUS. Cet établissement public dépendant du ministère de la santé va s'engager, contre paiement évidemment, à préparer pour nous des kits de médicaments d'urgence que nous pourrons livrer à l'étranger. Il y a des kits personnels mais aussi des kits dont le poids de base est de cinq tonnes.
Il est toujours difficile de mettre en place un nouveau service dans une administration. Les missions du Centre de crise semblent se développer mais jusqu'où vont ses compétences ? La multiplication des crises peut certes donner l'occasion d'intervenir au Centre. Je n'ai cependant pas le sentiment que ses règles d'intervention soient clairement établies. Cela correspond plus à du cas par cas. Qu'en pensez-vous ? J'avais pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport que vous aviez fait pour Les Cahiers du Quai d'Orsay, voilà quinze mois environ. En conclusion, vous aviez fort justement posé la question de savoir s'il s'agissait d'un nouveau modèle ou d'une exception. Êtes-vous aujourd'hui en mesure de répondre à cette question ?
Parlementaires en voyage au Mali, nous avons été mis en difficulté par le flottement de l'administration française. Au moment même ou le Président de la République rencontrait le Président du Mali à Copenhague et évoquait le problème d'AQMI, le Premier ministre malien nous invitait à nous rendre dans la zone rouge du Mali. Or le Quai d'Orsay ne nous a pas donné de directive très claire sur la conduite à tenir. Certes, cette affaire est mineure. Mais vous avez dit que l'unité de la communication était essentielle. Bien sûr, l'immédiateté de l'information déjoue parfois les meilleures structures. Quelle place occupe vraiment le Centre ? En période de crise, n'est-ce pas tout le Quai d'Orsay qui se retrouve sous tension ?
Monsieur le directeur, certaines des informations que vous utilisez viennent-elles de la DGSE ? Avez- vous vos propres moyens de renseignement ?
J'ai eu malheureusement l'occasion de suivre une des opérations que vous avez évoquée, celle concernant la jeune femme décédée en Malaisie, qui était un agent territorial de ma commune. Je tiens à saluer le travail de tous les membres du Centre de crise d'autant que, par le biais d'internet, des informations, non officielles, communiquées en permanence à la famille, compliquaient leur tâche.
Vous avez été en poste en Égypte. Aujourd'hui, Le Caire connaît des troubles très graves. Vous occupez-vous de cette question ? Intervenez-vous au Soudan, qui est quasiment au bord de l'explosion à nouveau ?
Le fonds de concours que vous avez créé est-il rattaché au fonds d'urgence humanitaire ? Cela permettrait aux collectivités territoriales d'acheminer leurs dons financiers aux populations victimes d'une catastrophe. Ce fonds est-il suffisamment connu ? Fonctionne-t-il bien ? Quels avantages présentent cette formule ? Laisse-t-elle une marge de liberté suffisante aux collectivités afin de leur permettre de cibler leur aide en fonction de leurs priorités ?
Monsieur Janquin, les missions du Centre de crise sont très claires : sa vocation généraliste consiste à organiser, en cas de crise, le travail du cabinet et des autres directions du Quai d'Orsay ; de façon plus spécifique, il gère la sécurité des Français et les crises humanitaires. Par le passé, il a pu advenir qu'on demande plus de choses au Centre. Lorsque j'ai pris mes fonctions, un agent du service rédigeait ainsi un bulletin sur la crise économique. Aujourd'hui, nos actions sont dans le cadre : nous faisons nous-mêmes et nous faisons faire, c'est la logique du Centre de crise. Avec cinquante-six agents, nous nous situons entre la direction ANMO et celle d'Afrique. Nos cellules de crise sont composées d'agents d'autres directions du Quai d'Orsay, d'agents venus d'autres administrations et, parfois, de représentants des ONG ou du secteur privé. Nous ne faisons pas lorsque nous n'avons pas les compétences requises.
S'agit-il d'un nouveau modèle ou d'une exception ? Le temps ayant passé, je serais tenté de dire que nous sommes plutôt dans l'ordre du nouveau modèle. La commissaire européenne chargée de la gestion des crises à Bruxelles, Mme Georgieva, a d'ailleurs réformé son service en s'inspirant de l'organisation du Centre de crise, qui regroupe dans la même structure la gestion des crises consulaires intéressant la sécurité des ressortissants et des crises humanitaires. Les Britanniques sont également en train de se rapprocher de notre modèle.
S'agissant de ce que vous avez appelé un flottement de l'administration au Mali, j'ai un souvenir assez précis. Il faut distinguer flottement et temps mis à donner une réponse. On ne peut pas dire tout de go à un parlementaire en mission : n'y allez pas ! Il faut prendre le temps de la réflexion et de l'analyse. En l'occurrence, nous avons eu une discussion approfondie avec notre ambassade. Tout le Quai d'Orsay n'est pas en crise et le Centre de crise n'est sûrement pas tout le Quai d'Orsay. Notre travail, modeste et utile, consiste à organiser les choses. Tel n'était pas véritablement le cas auparavant. Sur nos missions en propre, nul ne nous dispute la compétence.
Monsieur Guibal, l'origine des informations est très diverse. Nous utilisons effectivement des informations de la DGSE. L'alerte que nous avions lancée au Mali était précisément liée à une information que nous avait passée la DGSE. Sur la Malaisie, votre description est très fidèle mais je n'aurai pas la même appréciation que vous. Oui, les gens parlent : le policier malais auquel le journaliste donnera un petit billet fournira des informations, qui seront vraies ou fausses. En tout état de cause, elles seront mises en ligne sur internet. La maman de la malheureuse jeune femme savait à quoi s'en tenir et nous lui avions expliqué que nous l'appellerions chaque fois que nous aurions des informations avérées. Dans un univers où l'information paraît immédiate, c'est un élément de complication mais c'est aussi tout le sens et tout l'intérêt du travail d'accompagnement des familles des victimes.
Je le sais. Ce point est au coeur de notre problématique. Les familles d'otage deviennent souvent spécialistes de la région concernée. Nous avons pu le constater encore lors de l'enlèvement d'Hervé Ghesquière et de Stéphane Taponier. Dans un monde où il faut, non pas rechercher l'information, mais la sélectionner et en tirer les conséquences, l'action du Centre de crise prend tout son sens. Nous avons un rôle de transformateur. Nous l'exerçons pour les autorités de l'État et pour les familles. Mais, encore une fois, on ne peut pas tout savoir tout le temps et immédiatement.
Madame Aurillac, oui, j'ai été en poste en Égypte et je suis avec beaucoup d'attention la situation actuelle qui est effectivement très préoccupante. Du point de vue de la sécurité des personnes, il y a un an encore, ce pays était un exemple entre tous. Aujourd'hui, au-delà des manifestations, on constate une élévation du niveau général de l'insécurité. C'est problématique pour nos compatriotes installés là-bas, pour les touristes, pour l'économie égyptienne car la ressource touristique diminue, et pour nos entreprises qui réfléchissent à deux fois avant de s'engager dans un pays où il y a en outre un fort risque d'instabilité politique. Nous suivons la situation très étroitement.
S'agissant du Soudan, la problématique est essentiellement humanitaire. À une exception près, il n'y a plus d'ONG française dans cette région. En cas de difficulté, nous dépêcherons une aide humanitaire et nous débloquerons des crédits pour financer des opérations. Le Soudan fait partie des pays que nous qualifions à veille renforcée.
Monsieur Souchet, le fonds de concours rattaché au fonds d'urgence humanitaire fonctionne bien. Ce fonds est conçu comme un instrument de service public : il n'est pas question de lever des fonds qui pourraient aller à d'autres organisations comme les ONG ou la Fondation de France. Il s'agit d'avoir un instrument financier permettant de recueillir des contributions qui ne trouvent pas à être versées ailleurs. Le tremblement de terre en Haïti, il y a deux ans, a suscité beaucoup d'émotion. Nombre de communes ont souhaité faire des versements, 100, 150, 350 euros. Or il ne s'est trouvé personne pour accepter de prendre en compte ces dons dont le traitement représentait beaucoup de travail administratif. Ils étaient en outre assortis d'exigences de comptes rendus très importantes. Le fonds de concours a été activé et nous avons pris en charge ces milliers de contributions. Ces sommes, comme le veut la logique des fonds de concours, doivent être employées conformément à l'intention de ceux qui les ont versées. Ce n'est pas toujours simple. En l'espèce, le fonds a été géré par un comité où étaient représentés la Fondation de France, des ONG, divers représentants de l'administration et des associations de maires et d'élus territoriaux. Nous avons ainsi identifié cinq ou six projets qui ont bénéficié des fonds recueillis.
Le bilan est globalement positif pour nous. Il nous faut cependant résoudre une petite difficulté que la Cour des comptes a d'ailleurs signalée, sans nous l'imputer : techniquement, ce fonds de concours est destiné à l'urgence humanitaire or on nous demandait de soutenir des projets durables – en l'occurrence une école d'infirmières. J'ai dû expliquer pourquoi nous avions décidé de mener de telles actions. L'argent envoyé par les communes nous est parvenu sur une période de six mois : on était donc sorti de l'urgence absolue en Haïti et il fallait trouver un autre emploi aux fonds récoltés.
S'agissant du Japon, nous n'avons pas activé le fonds de concours, ce qui était peut-être une erreur. Nombre d'entreprises françaises ont en effet souhaité verser une aide aux Japonais : elles l'ont fait auprès de la Croix rouge japonaise mais, aujourd'hui, elles ne savent pas ce qu'elles ont financé. Le fonds de concours aurait pu servir en quelque sorte de salle d'attente et nous aurions pu financer plus tard des projets mieux identifiés. Il faudra tenir compte de cette leçon.
Je m'interroge sur la mise en cause de la responsabilité de nos concitoyens qui restent sourds aux mises en garde. Or les moyens de l'État mis en oeuvre pour leur porter secours sont souvent importants. Une réflexion visant à faire en sorte de les mettre devant leurs responsabilités est-elle menée ?
S'agissant des zones à risques, il devrait être possible d'avoir une sorte d'échelle de Richter du risque beaucoup plus fine. Il est très différent de naviguer au large des côtes de Somalie et d'aller faire du tourisme en Tunisie. Aucun touriste n'est jamais mort à cause d'une révolution. Certes, j'étais à cent mètres du lieu où la bombe a explosé à Marrakech mais le risque que j'ai encouru était minime. Il ne faut pas faire peur aux gens : il est en revanche indispensable de mettre l'accent sur l'irresponsabilité. Les compagnies d'assurance devront également tenir compte de cette échelle du risque. Quant au Quai d'Orsay, il devra sortir de la logique du parapluie. Il faut travailler sur la finesse de l'analyse et de la définition des zones géographiques, et développer la notion de responsabilité.
La prise d'otages coûte cher humainement et financièrement. C'est souvent la déliquescence de l'État qui les favorise. Dans le cadre de ces politiques d'aide au développement, la France ne doit-elle pas agir en faveur du renforcement de l'État-nation ?
Monsieur Myard, depuis l'année dernière, une loi permet à l'État de réclamer le remboursement des frais de secours lorsqu'un Français a pris des risques inconsidérés. Cet outil a au moins eu un impact en termes pédagogiques : le message de la responsabilité est passé. On pourrait également imaginer que la personne soit tenue d'effectuer quinze jours de travail d'intérêt général.
Monsieur Boucheron, vos propos rejoignent une réflexion que nous menons afin d'établir une meilleure gradation des risques. Cela étant, il faut faire une différence entre notre analyse et le discours public. Avec, chaque année, plus de six millions de consultations du site Conseils aux voyageurs, nous sommes tenus en effet d'avoir un langage simple.
Sur les cartes Conseils aux voyageurs, nous avons supprimé la couleur verte qui pouvait laisser croire que tout allait bien. L'absence de rouge ou d'orange ne dispense pas de lire très attentivement les conseils qui sont donnés. L'analyse des risques est établie dans le détail pour chaque pays. Il peut s'agir parfois de risques routiers – mauvais entretien des routes, absence d'éclairage…Voilà pour la version publique. En interne, nous menons un raisonnement plus « mathématique » et qui vise à établir une échelle plus fine. À ce stade, nous n'envisageons pas de communiquer au grand public le résultat de ces travaux. Nous craignons en effet qu'il ne suscite des confusions.
Monsieur Labaune, vous avez raison : c'est dans les États en crise, en déliquescence qu'on trouve les risques sécuritaires les plus grands. La France s'efforce d'aider ces États par son action aux Nations unies, par le biais des aides bilatérales ou multilatérales structurées. Au Sahel, nous travaillons ainsi sur le renforcement des capacités sécuritaires des États de la région. Notre approche est sécuritaire en ce sens que notre objectif est la sécurité des Français. Aucun autre élément n'est pris en considération lorsque nous modifions une fiche Conseils aux voyageurs. Cela étant, nous savons que cette action aura une incidence dans le domaine politique. À l'inverse, notre action sécuritaire ne peut être consolidée que par des mesures plus générales, par exemple politiques ou économiques de soutien aux États en difficulté.
Merci, monsieur le directeur, pour cet exposé très clair et pour le rôle que vous assumez.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.