Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Séance du 5 octobre 2011 à 18h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dexia
  • emprunt
  • fixé
  • hôpital
  • structuré

La séance

Source

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Cette table ronde sera consacrée aux emprunts structurés souscrits par les établissements hospitaliers, sur lesquels la Cour des comptes a attiré l'attention dans son rapport public de 2009, consacré aux risques pris par les collectivités territoriales et les établissements publics en matière d'emprunts.

Nous accueillons donc M. Frédéric Boiron, président de l'Association des directeurs d'hôpital et directeur du CHU de Saint-Étienne ; M. André Bury, directeur du centre hospitalier de Saint-Dizier ; M. Dominique Perrier, directeur du centre hospitalier de Decazeville ; M. Philippe Collange, directeur du centre hospitalier spécialisé de Sevrey ; M. Pierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon ; et M. André-Gwenael Pors, directeur général du centre hospitalier d'Ajaccio.

MM. Frédéric Boiron, André Bury, Dominique Perrier, Philippe Collange, Pierre-Charles Pons, André-Gwenael Pors prêtent successivement serment.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Je voudrais avant tout comprendre comment les hôpitaux ont été amenés à souscrire des emprunts structurés. Qui a décidé ? Le conseil de surveillance ou les autorités de tutelle ont-ils été consultés ? Qui a négocié avec les banques ? Avez-vous fait appel à des conseils ? Qu'est-ce que ce type d'emprunt a « rapporté » à la gestion des hôpitaux ? Voilà toutes ces questions que je me pose en tant que président, depuis dix ans, du conseil d'administration d'un hôpital.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Pourriez-vous préciser le montant de vos emprunts structurés ? Et la proportion qu'ils représentent dans l'endettement total ?

PermalienFrédéric Boiron, président de l'Association des directeurs d'hôpital

Le CHU de Saint-Étienne a un encours de dette de 297 millions d'euros, pour un budget de fonctionnement de 470 millions. Aujourd'hui, 55 % de l'endettement est à taux sécurisé, et 45 % est constitué de produits dits toxiques, soit 150 millions d'euros environ. Pour en sortir, il faudrait verser pratiquement 160 millions d'euros, ce qui n'est pas à notre portée. Ces emprunts ont tous été souscrits en quelques années auprès d'un seul établissement, Dexia, qui a fortement incité le CHU à s'engager dans cette voie.

Pourquoi avoir agi ainsi ? Pour plusieurs raisons, la première étant d'abaisser les charges financières à court terme à un moment où l'établissement finançait sa reconstruction, en quasi-totalité par emprunt. Plusieurs entités anciennes, voire vétustes, ont été regroupées sur un seul site, pour répondre aux besoins de l'ensemble de la Loire en matière de santé publique. Au moyen de ces crédits devenus toxiques et très préoccupants, le CHU a pu aplanir ses charges immédiatement, pour un montant que nous estimons à 10 ou 11 millions sur la période de bonification des taux, qu'il faut rapporter à ce qu'il faudrait payer pour sécuriser ces produits, ou au dérapage potentiel qui nous menace. D'ores et déjà, notre taux d'intérêt moyen progresse.

Le souci de minimiser les charges s'est combiné avec celui d'élargir les possibilités d'investir. Nous, directeurs d'hôpital, devons d'abord et avant tout nous préoccuper de mettre des soins à disposition de la population. Nous ne sommes pas des traders, nous sommes des femmes et des hommes de service public. Peut-être avons-nous aussi le tort de faire confiance aux partenaires qui ont une coloration « publique », ou qui la revendiquent. Les hospitaliers y sont sensibles, car ils sont attachés à certaines valeurs. Sans qu'il s'agisse de faire le procès de quiconque, certains partenaires financiers ont entretenu l'ambiguïté vis-à-vis des hôpitaux, et même de certaines collectivités.

Qui fait le choix de l'endettement ? Depuis 2005, c'est le directeur. Auparavant, la décision était soumise à une délibération du conseil d'administration. Aujourd'hui, cette compétence appartient au chef d'établissement, mais après une strate de contrôles et de vérifications, notamment par le biais de la procédure budgétaire. Le plan global de financement pluriannuel – le PGFP – retrace les stratégies d'endettement. Après, il remonte aux autorités sanitaires et il est transmis au Trésor. Si, juridiquement, c'est le chef d'établissement qui décide, c'est avec les instances de pilotage. Ensuite, les documents sont soumis à approbation formelle ou au contrôle de légalité a posteriori.

Avec un mois de recul – depuis ma nomination en tant que directeur général à Saint-Étienne –, il m'apparaît que la relation avec les banques est déséquilibrée, et je le dis aussi au nom de l'Association des directeurs d'hôpital. Les établissements bancaires ont des capacités d'expertise et d'ingénierie financières que nous n'avons pas, ni n'aurons jamais individuellement. Nous avons d'ailleurs du mal à imaginer que la capacité d'un hôpital à offrir des soins à la population puisse dépendre des choix d'un trader, qui, dans une salle des marchés fort éloignée, joue des sommes d'argent pour optimiser son profit à court terme. Nous sommes là très loin de nos valeurs. Il est donc indispensable que les hôpitaux s'associent des compétences. L'un des élus présents tout à l'heure a cité Finance Active, qui intervient beaucoup dans les hôpitaux. Si elle doit continuer, il faudrait s'assurer durablement qu'aucun actionnaire futur ne puisse peser sur ses choix, de façon à garantir l'indépendance de son conseil, a fortiori si elle doit, telle une agence de notation, apprécier nos décisions financières. Avec mon collègue du CHU de Dijon, nous pensons à la possibilité, quand se mettent en place des communautés de territoire, d'introduire dans les structures communes une cellule d'expertise financière pour mutualiser cette compétence, ce qui ne doit pas empêcher de faire appel à des cabinets extérieurs.

Pourquoi ces emprunts ont-ils été choisis ? Sans vouloir, ni pouvoir, parler à la place de mes prédécesseurs, il m'apparaît que ces décisions ont été prises en faisant, peut-être parfois imprudemment, le pari d'un gain financier. Il était une époque où tout le monde, y compris les autorités publiques, nous encourageait à financer nos investissements par emprunt. Le plan Hôpital 2007 en est un exemple. Il répondait à un incontestable besoin de modernisation, mais il incitait les gestionnaires à rechercher les meilleures solutions possibles à l'aune de la rentabilité immédiate, auprès d'établissements financiers qui vantaient avec aplomb la sécurité de leurs produits. C'est dans ce contexte que les choix ont été faits.

Mais, aujourd'hui, ce qui prouve une réactivité assez forte, 100 % des emprunts souscrits par les hôpitaux sont classés 1A, ou quasiment, c'est-à-dire sans risque, et très majoritairement à taux fixe. Ainsi, 80 % du stock de dette sont sains.

PermalienAndré Bury, directeur du centre hospitalier de Saint-Dizier

Le centre hospitalier de Saint-Dizier a reconstruit l'hôpital – bâtiments et équipements – pour un montant total de 100 millions d'euros, toutes dépenses confondues. Pour financer pareil investissement, l'établissement s'est endetté à hauteur de 60 millions d'euros environ, entre fin décembre 2006 et mars 2007, avec une consolidation de ses emprunts au 30 juin 2008. Par la suite, nous avons encore souscrit deux emprunts à taux fixe, de respectivement 3 millions et 2,1 millions, si bien que le total des emprunts est de 64 757 000 euros, la différence avec le montant de l'opération correspondant à de l'autofinancement.

Sur l'encours de 64 millions, 61,4 % sont des emprunts classés 1A ou 1B, 24,7 % 3E et 13,9 % 6F, c'est-à-dire hors charte Gissler. Les deux emprunts classés 3E sont respectivement de 9 millions et de 7 millions. Le premier, de 9 millions a été souscrit auprès de Dexia, sur trente ans. Il comprend trois périodes : les deux premières années à un taux fixe très avantageux – 2,99 % – alors qu'un taux fixe sur trente ans aurait coûté autour de 4 % ; les quinze années suivantes, le taux est indexé sur les CMS – swaps de maturité constante – à 1 an et à 30 ans. Tant que le CMS 1 an reste inférieur au CMS 30 ans, nous bénéficions du taux de 2,99 %. C'est toujours le cas aujourd'hui mais, au moment de la crise des subprimes, il y a eu 111 jours de dépassement, ce qui aurait signifié pour nous, si nous avions été dans cette phase de l'emprunt, un taux de 5,63 %, et le surcoût annuel pour 365 jours de dépassement aurait été de 225 000 euros, ce qui représente un risque modéré. Pour les treize dernières années, ce sera de nouveau le taux fixe de 2,99 %. Le second prêt, classé 3E, était de 7 millions d'euros, sur quinze ans, et a été consenti par la Caisse d'épargne. Après deux ans à taux fixe – 3,09 % –, la rémunération est indexée sur le CMS 10 ans et 1 an. À ce jour, nous en sommes toujours à 3,09 %. À supposer que l'écart entre le CMS 10 ans et le CMS 2 ans atteigne 0,2 point, le taux serait de 7,5 %. Ainsi, sur la base du capital restant dû, soit environ 5,9 millions, le surcoût s'élèverait à 262 000 euros.

Enfin, l'emprunt classé 6F a été contracté auprès de la Caisse d'épargne. Il comporte deux périodes : la première à taux fixe – 3,05 % – sur quinze ans, c'est-à-dire jusqu'en 2023 ; la seconde à taux variable, en fonction de taux de change dollarfranc suisse. Si celui-ci tombe en dessous de 0,98 CHF, la formule, en retenant le cours le plus bas atteint le 10 août dernier, donnerait un taux de 20,17 %. Si l'on retient toutes les périodes où le taux de change a été inférieur à 0,98 depuis le 29 septembre 2010, date où le plancher a été crevé, le taux moyen sur la période eût été de 7,87 % au lieu de 3,05 %. Mais, pour l'instant, le taux est fixe jusqu'en 2023.

Nous avons panaché les différents types d'emprunt auprès de trois organismes bancaires pour limiter les risques sur une période donnée. Ainsi, jusqu'en 2023, nous ne sommes exposés que sur 24 % de l'encours. Ce n'est qu'ensuite que l'emprunt de 9 millions, classé 6F, portera un taux variable, étant entendu que le capital restant dû à ce moment ne sera plus que de 5,4 millions et que la dette actuelle aura diminué des deux tiers, ce qui se ressentira sur les intérêts. Aujourd'hui, nous payons 2 millions d'intérêts par an ; nous n'en serons plus, en 2023, qu'à 850 000 euros. Si nous devions alors acquitter un taux moyen de 7,9 %, le surcoût serait de l'ordre de 259 000 euros. Le panachage auquel nous avons procédé permet de lisser les risques.

Depuis ma prise de fonction en 2008, nous avons renégocié un prêt qui est passé de 3E à 1B. Renégocier actuellement l'emprunt toxique, indexé sur l'évolution du taux de change USDCHF serait extrêmement difficile. Il faudra s'entourer des conseils avisés d'un analyste financier car, dans un établissement aussi petit que le nôtre, nous ne disposons pas en interne des ressources nécessaires. C'est pourquoi nous ne pouvons que souscrire à l'idée de mettre en place, au niveau régional ou autre, une cellule d'ingénierie partagée, d'autant que les services du Trésor n'étaient pas, à l'époque, très au fait des prêts structurés. Depuis, le personnel a été formé.

Pourquoi avoir eu recours à des emprunts structurés ? Comme le disait M. Boiron, nous étions dans une logique d'optimisation des frais financiers. Contracter un prêt à taux bonifié constituait un avantage à court terme.

La décision d'emprunter incombe, depuis 2005, au directeur qui en informe le directoire et le conseil de surveillance. La présentation du plan global de financement pluriannuel est l'occasion de préciser les montants, les taux et les durées, mais sans aller au-delà. Il faut souligner l'asymétrie entre le prêteur et l'emprunteur qui ne dispose ni de la formation, ni de l'information nécessaire lors de la négociation ou de la renégociation. Le suivi des prêts structurés nécessite une veille quotidienne que nous ne sommes pas en mesure d'assurer. D'où la nécessité de mettre en place un dispositif de mutualisation des compétences pour pouvoir réagir rapidement.

Nous avons constitué des provisions au compte 158-4 « Autres provisions pour frais financiers », mais d'un montant modeste : 621 000 euros. Si tous les risques se réalisaient, elles ne suffiraient sans doute pas, ce qui nous amène au débat qui va nous occuper dans les années à venir, celui de la certification des comptes. Il va falloir s'entourer d'avis éclairés, que nous n'avons pas en interne.

PermalienDominique Perrier, directeur du centre hospitalier de Decazeville

Les prêts structurés ont été souscrits par l'hôpital de Decazeville en 2007, dans le cadre d'une gestion active de la dette et le souci d'un retour à l'équilibre des comptes. Les deux prêts incriminés ont été renégociés en 2011.

Le premier, le plus préoccupant, est hors charte car il est indexé sur le taux de change eurofranc suisse. Au 31 décembre 2011, l'encours sera de 2,6 millions d'euros, soit 38 % de la dette de l'hôpital qui est de 6,9 millions. Le second, classé 3E selon la nomenclature Gissler, est indexé sur le CMS 30 ans et le CMS 2 ans.

Faute de solution, le premier emprunt devrait entraîner, à compter du 1er mars, un surcoût de 240 000 euros. Le second est assorti, jusqu'en 2013, d'un taux fixe de 4,47 % qui, pour l'instant, évolue bien. Nous envisageons cependant de le racheter, l'indemnité réclamée, de l'ordre de 300 000 euros, pouvant être financée. Cela nous ferait faire des économies en frais financiers parce qu'il nous est proposé un prêt de 3,60 %.

Ces prêts ont permis de réaliser, sur trois ans, des économies qui tournent autour de 85 000 euros, mais elles sont dérisoires eu égard au risque auquel nous expose l'indexation sur le cours de change eurofranc suisse.

Le processus de décision est le même qu'ailleurs. Dans un établissement de la taille de celui de Decazeville, il y a deux autres cadres de direction et le directeur s'occupe directement des questions financières. Nous n'avons pas fait appel à un conseil financier car nous considérions que la banque avait une mission de conseil. Je regrette qu'elle ne l'ait pas exercée entièrement et nous avons des documents qui présentent le produit sans décrire les risques assortis, et le vantent comme « bien fondé au niveau historique et porteur d'économies ».

Depuis, nous avons recours à un conseil financier, et pris l'attache d'un avocat pour étudier l'emprunt à taux indexé sur le cours du franc suisse. Nous avons aussi constitué dans le budget une provision pour risque de l'ordre de 350 000 euros.

La solution réside dans une mutualisation des compétences au niveau des communautés hospitalières de territoire, pour suppléer les banques dans leur rôle de conseil.

PermalienPhilippe Collange, directeur du centre hospitalier spécialisé de Sevrey, Saône-et-Loire

L'hôpital de Sevrey est un établissement psychiatrique. Il a donc la particularité d'en être resté à un budget reposant sur la dotation globale de financement, c'est-à-dire qu'il n'a aucun moyen d'action sur ses recettes. La dotation annuelle qui nous est versée par l'Agence régionale de santé représente 90 % de nos ressources, et toute augmentation des taux d'intérêt déséquilibre immédiatement notre budget. L'Agence est notre seul recours.

L'encours de prêts est modeste – 6,6 millions – et comporte un emprunt de 2 550 000 euros, dit TOFIX DUAL dollarfranc suisse, qui a été proposé à mon prédécesseur en juin 2007. Il n'était pas destiné à construire un service nouveau – il aurait mieux valu car la situation serait sans doute moins problématique – mais à se substituer à un autre emprunt, OVERTEC celui-là. Il s'agissait d'une sorte d'opération de cavalerie. Le nouvel emprunt a eu le mérite d'offrir à court terme – comme toujours – une solution moins onéreuse et un allongement de la durée d'amortissement de quinze à vingt ans. L'hôpital est abrité dans des locaux qui ont quarante ans d'âge et, n'ayant que très peu investi, il dispose de ressources d'amortissement très faibles. Dès lors, réduire les annuités de remboursement avait l'avantage de donner un peu de marge.

Je n'étais pas là au moment des négociations, mais l'analyse des documents révèle une stratégie commerciale, s'apparentant à de la manipulation, puisqu'elle met en avant la sécurité pour mieux rassurer le client. Il s'agit tout au plus de lui donner le sentiment de devenir intelligent en invoquant des arguments de géopolitique qui le propulsent dans la sphère de la haute finance.

Avec Dexia, nous sommes dans une impasse totale. En mars 2009 – à l'époque, nous avions déjà recruté Finance Active –, nous avons eu un premier contact pour surveiller de très près le produit en question. À ma grande surprise, mes interlocuteurs ont convenu qu'il fallait le garder à l'oeil et ils nous ont proposé, pour sécuriser les intérêts, de passer à un emprunt indexé sur le taux de change eurofranc suisse. Déjà, la conjoncture incitait à la méfiance. Et les deux dernières réunions que nous avons eues avec eux n'ont rien donné. Ils admettent eux-mêmes n'avoir que très peu à concéder même si nos demandes leur paraissent maintenant légitimes. Ils admettent que la situation n'est pas normale pour un acteur à vocation sociale, mais le constat n'y change rien. On nous propose de payer une soulte de 1,9 million d'euros alors que le capital restant dû est de 2,55 millions. C'est infaisable. En outre, on ne connaît pas le mode de calcul puisque, d'après le contrat, ce sont les établissements bancaires auxquels Dexia est lié qui en fixent le montant. C'est ainsi que l'indemnité est passée en quelques mois de 1,4 million à 1,9 million. La proposition alternative me paraît aussi sujette à caution : sécuriser deux ans avec, au lieu de 4,30 %, 6 % la première année et 8 et quelques la seconde ; et rallonger de deux ans la durée d'amortissement à l'EURIBOR 12 mois. Je suis réticent parce que je ne voudrais pas tomber dans un nouveau piège et enrichir Dexia, d'autant que notre nouveau conseil financier, Riskedge de Lyon, estime la commission de Dexia pour ce nouvel emprunt à 120 000 euros. En outre, allonger la durée de remboursement revient, en réduisant l'amortissement en capital, à prendre des risques plus longtemps sur des sommes plus importantes.

Ayant l'impression de ne pas être compris, j'ai fait une dernière demande : sortir définitivement de l'emprunt. Des représentants de Dexia au niveau national sont venus à Sevrey le 14 septembre. Ils nous ont proposé de geler le coupon 2011 au niveau de celui de 2010 et de signer une convention de sortie, c'est-à-dire une convention d'objectif et de moyens pour sortir de l'emprunt. Elle stipule que l'hôpital fixe le taux auquel il veut sortir et le traitement de la pénalité. Ensuite, Dexia s'engage à mettre tous les moyens en oeuvre pendant la durée du contrat pour se conformer aux conditions de l'hôpital en fonction des conditions de marché. Nous ne signerons pas et nous leur avons envoyé ce matin une lettre les informant que les coupons resteront bloqués au taux de 5 et quelques pour cent. Sinon, nous irons en justice puisque nous n'avons pas d'autre moyen pour défendre nos intérêts.

L'hôpital de Sevrey est soumis à la même législation que les autres et le processus de décision est identique. Dès 2006, à cause de la dérive de l'emprunt OVERTEC, l'établissement était soumis à la procédure de budget administré, c'est-à-dire que le conseil d'administration avait refusé le budget qui était en déficit structurel de 1,8 million d'euros, et n'était bouclé que grâce à une enveloppe nationale du même montant. Dexia, qui disposait des comptes, savait dès le départ que la situation financière était totalement dégradée et que la décision qui a été prise n'était pas bonne.

Pour la suite, je suis d'accord avec une mutualisation à la fois des compétences et des moyens d'intervention, mais je penche surtout pour une interdiction claire, nette et précise de ce type d'emprunt, pour que la dette publique ne serve pas aux banques à spéculer.

PermalienPierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon

La question fondamentale, M. le rapporteur l'a posée : pourquoi les hôpitaux ont-ils fait appel à des emprunts structurés ?

Avant de répondre, il faut se souvenir du contexte. Le plan Hôpital 2007 était indispensable pour relancer, après quinze ans de stagnation, l'investissement hospitalier. Dans mon établissement, il y avait encore des chambres à trois lits avec les toilettes sur le palier. Le financement reposait d'abord sur l'emprunt, avec des aides de l'État à la contractualisation versées par l'intermédiaire des agences régionales pour compenser l'impact des frais financiers, et sur des subventions à travers le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés – FMESPP. Mais il s'est tari peu à peu. Ne restait plus que l'emprunt.

Nous avons été nombreux à avoir en même temps des besoins importants. Et comme il n'y a en France que trois entreprises qui savent construire un hôpital – Bouygues, Eiffage et Vinci –, les prix ont monté. Quand nous avons ouvert les plis, les offres affichaient entre 20 % et 25 % de plus que les sommes prévues initialement. En réalité, il n'y avait qu'une seule offre, l'autre pouvant être qualifiée « d'accompagnement ». Pour faire baisser un peu l'addition, nous avons négocié une avance qui a exigé un appel de fonds important. Et c'est à ce moment-là que le CHRU de Dijon a contracté deux emprunts hors charte Gissler, pour un montant total de 75 millions d'euros.

Le CHRU de Dijon avait, sur la période 2004-2012, un programme d'investissement de 400 millions d'euros destiné à construire un hôpital neuf regroupant les services de court séjour sur un site unique. La maternité a été rénovée, un plateau technique de biologie installé, ainsi qu'une plate-forme hospitalière d'approvisionnement et une stérilisation qui répond aux besoins non seulement du CHU mais aussi de l'ensemble des cliniques de Dijon. Nous avons donc été logiquement séduits par la perspective d'un taux d'intérêt de 1 %, valable jusqu'à l'année prochaine, d'autant que le retour sur investissement pour une opération aussi lourde n'est pas attendu avant cinq ans. Grâce à ces deux emprunts, et à un troisième qui est référencé dans la charte Gissler, nous aurons économisé entre 2007 et 2011 plus de 9,6 millions d'euros.

La décision était dans la main de la direction même si elle s'est entourée de conseil.

Au moment où sont apparus ces nouveaux emprunts, nous n'avions probablement pas les compétences en interne, mais, aujourd'hui, à Dijon, nous les avons. Il y a trois ans, nous avons recruté quelqu'un qui gère activement notre dette et exerce une veille continue sur les marchés financiers pour rechercher en permanence l'occasion de se désengager. Le capital initial des deux emprunts hors charte représentait 20 % de l'encours actuel, et 4 % aujourd'hui parce qu'ils ont été « désensibilisés » à hauteur de 60 millions. Il reste donc 15 millions de produits à risque.

Je suis bien conscient que le CHU a pu agir ainsi parce qu'il était engagé dans un programme d'investissement important et qu'il était vraisemblablement plus attractif que d'autres aux yeux des établissements bancaires. En quelques mots, j'insiste sur le fait que nous avons toujours joué la concurrence en sollicitant systématiquement plusieurs organismes bancaires. Dexia a joué le jeu du conseil, au moins depuis deux ou trois ans, en nous aidant à nous en sortir. Nous n'avons pas toujours accepté ses offres parce que, parfois, le remède était pire que le mal. Mais nos relations sont restées correctes.

En ce qui me concerne, je crois vain de vouloir désigner des coupables. La responsabilité est collective, même si les banquiers sont sans doute plus responsables que les autres. Pas plus que nous, les pouvoirs publics n'ont vu venir le danger. Les services du Trésor n'avaient sans doute pas non plus les compétences pour apprécier ces nouveaux produits.

Pour l'avenir, je reste attaché à l'autonomie de nos établissements. C'est à ce niveau qu'il faut chercher des solutions, en fixant des seuils ou en prenant en compte la situation de chaque établissement. Des erreurs ont été commises, j'en revendique ma part, mais, ce qui est important pour un hôpital comme celui que je dirige, c'est de pouvoir utiliser toute la palette des instruments financiers – taux fixe ou variable, et même structuré sous certaines conditions. En 2009 et 2010, les CHU ont fait appel au marché obligataire qui constitue une solution pourvu que ce type d'emprunt ne représente qu'une faible part de l'endettement. La solution réside, à mon avis, dans la variété des sources de financement, et dans celle des prêteurs. Aujourd'hui, le CHU de Dijon est endetté vis-à-vis d'une banque à hauteur de 140 millions. Trois autres banques nous ont prêté entre 87 millions et 58 millions chacune, et d'autres banques se partagent 20 millions. Hors charte, il reste 15,4 millions, soit 4,1 % de la dette.

PermalienAndré-Gwenaël Pors, directeur du centre hospitalier d'Ajaccio

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, l'hôpital d'Ajaccio que je dirige depuis dix-huit mois est un cas particulier. Depuis une vingtaine d'années, il caresse le projet de construire un nouvel hôpital, mais il est confronté à des difficultés financières particulièrement sérieuses.

Le budget d'exploitation est de 100 millions d'euros et il présente un déficit structurel, difficile à résorber, de 10 millions, ce qui pèse sur le fonds de roulement. Au bilan de l'hôpital, on trouve une dette de 50 millions, dont 78 % d'emprunts structurés, et 25 millions de dettes institutionnelles, c'est-à-dire de charges patronales – IRCANTEC, Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales… On peut donc parler d'un établissement surendetté, et même en cessation de paiement théorique depuis quatre ans, puisque, de toute façon, il n'a aucune capacité d'autofinancement. À partir de l'été, la trésorerie est nulle et nous devons recourir aux subventions de l'État–Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). N'ayant aucun moyen d'investir, l'hôpital recherche des subventions d'investissement. Bref, la situation est bloquée, sur le plan financier, mais aussi social car la motivation serait plus grande avec la perspective d'une reconstruction que les Ajacciens réclament depuis une vingtaine d'années.

La dette bancaire atteint aujourd'hui 50 millions, après avoir explosé entre 2001 et 2006, passant de 20,6 millions à 64 millions ; et ce, en l'absence d'investissement notable. Ces montants recouvrent une multitude de petits prêts dont l'objectif était de satisfaire le besoin de trésorerie. Des consolidations ont eu lieu à partir de 2006-2007, avec l'aide de Dexia et de la Caisse d'épargne, si bien que les prêts structurés ont représenté jusqu'à 84 % de la dette.

M'étant vu fixer deux objectifs – le redressement financier et la reconstruction, qui peuvent paraître antinomiques compte tenu de la quasi-faillite de l'hôpital –, l'une de mes premières tâches en arrivant, après la fin de l'administration provisoire, a été de m'atteler à la dette. Évidemment, il y avait eu des enquêtes et des études : de la chambre régionale des comptes en 2007, en particulier, de Finance Active qui travaille avec l'hôpital depuis plusieurs années, et surtout un rapport demandé par l'Agence régionale de l'hospitalisation en juin 2008. Pendant l'administration provisoire, une demande de subvention a été faite pour couvrir le risque que recèle la dette, à hauteur de 1,6 million, et elle a été obtenue.

Pendant cette phase, aucune renégociation n'a eu lieu. Aussi m'y suis-je mis dès février d'autant que deux échéances importantes se profilaient, l'une en avril et l'autre en mai, concernant deux emprunts hors charte Gissler contractés auprès de Dexia. J'ai demandé au ministère la nomination pendant quatre mois d'une collègue spécialiste des questions financières et bancaires qui était en recherche d'affectation, et au cabinet Klopfer de faire le diagnostic de la situation. Une fois rassemblés ces éléments, nous avons entamé la négociation pendant un mois, de fin février à fin mars. Mais, l'échéance arrivant et devant l'impossibilité de négocier avec Dexia – dont les propositions étaient insatisfaisantes –, je l'ai assigné. L'effet a été immédiat : le ministère de la santé m'a demandé de surseoir car la Direction de l'hospitalisation envisageait une négociation globale, dans laquelle entraient deux emprunts du centre hospitalier d'Ajaccio. Deux nouveaux contrats m'ont été proposés par Dexia début septembre : deux emprunts initialement de 3F et 6F se sont transformés en 1E et 2E – moins risqués – et un report de quinze ans supplémentaires de façon à réduire les annuités. J'ai signé et me suis désisté de la procédure contentieuse.

Au mois de septembre, j'ai mené une négociation avec la Caisse d'épargne, qui s'est montrée plus réceptive, sur 7 millions d'euros. De 6F, l'emprunt est passé à 1A, c'est-à-dire un taux fixe avec une pénalité de 800 000 euros. Aujourd'hui, l'encours de la dette du centre hospitalier est de 50 millions d'euros, dont 78 % d'emprunts structurés. Un seul d'entre eux est hors Gissler. Il est souscrit auprès de la Caisse d'épargne, et sa période variable commence l'année prochaine. Il va donc falloir à nouveau négocier.

Faire ou ne pas faire de la gestion active de la dette dans un hôpital ? J'en suis à ma troisième négociation. Au début de 1990, j'étais directeur financier du CHRU de Lille. À l'époque, j'avais mis en place une coordination régionale entre vingt-trois hôpitaux pour gérer et restructurer la dette. En face de nous, il y avait le Crédit local de France. La discussion n'avait pas abouti et je n'avais pas osé aller jusqu'au contentieux. En revanche, nous avons fait une défaisance avec Indosuez, qui nous a permis de nous sortir de nos difficultés en souscrivant un emprunt global du tour de table duquel le Crédit local de France avait été exclu. Dans un gros établissement, comme un CHU, il est possible et même souhaitable de laisser au directeur la capacité d'optimiser la dette, sous réserve qu'il ait les compétences en interne ou qu'il soit assisté d'un cabinet suffisamment indépendant – et ce n'est pas toujours facile – pour le conseiller utilement. En revanche, un établissement de taille moyenne ou réduite n'en a pas les moyens. Il faut alors trouver un partenaire bancaire fiable, et se limiter à des produits classiques, avec une faible part de taux variable.

Quant à l'avenir, je suis persuadé, à la lumière de mes expériences, que la notion de défaisance peut être utile pour certains hôpitaux. À Ajaccio, il est impensable de conserver une dette risquée jusqu'en 2045, d'autant que, si tout va bien, un nouvel hôpital sera construit en 2017. Il n'est pas possible de conserver une structure de dette aussi désastreuse. Il faut trouver une solution qui pourrait être a priori la défaisance.

Dans les cas où, comme à Ajaccio, le bilan est complètement déséquilibré, il faut se tourner vers l'État pour obtenir une recapitalisation. Devant les syndicats, je présente l'hôpital d'Ajaccio comme la Grèce des hôpitaux. Je ne peux pas imaginer continuer ainsi sachant que je n'ai aucun moyen de le redresser. Si on retient la piste budgétaire, l'amélioration ne pourra être qu'extrêmement lente : de 10 millions de déficit, je dois passer cette année à 8 millions. Situé dans un bassin enclavé, avec des équipements mal dimensionnés, l'établissement nécessite une restructuration totale.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

En somme, vous tous avez été contraints de faire avec ce qui vous était proposé compte tenu de vos besoins d'investissement respectifs. Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux vous éviter, au moins dans une certaine mesure, de trop grandes tentations ? On peut envisager des produits capés. Dans la typologie Gissler, quels produits accepter ?

PermalienFrédéric Boiron, président de l'Association des directeurs d'hôpital

Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, notamment la taille des établissements. C'est elle qui donne un pouvoir de négociation auprès des prêteurs, et permet de disposer en interne des compétences à même d'apprécier les risques. Mais, vous avez raison, il faut se limiter à la liste Gissler. Un produit structuré peut être intéressant pour acheter un équipement si l'on ajuste les durées d'amortissement. Peut-être faudrait-il aller plus avant dans la stratégie d'endettement elle-même. Un produit structuré peut être avantageux à condition d'en limiter la durée, par exemple pour acheter des équipements biomédicaux, qui valent parfois plusieurs millions d'euros. De même, on pourrait fixer un plafond en proportion de la dette pour les produits de telle ou telle classe dans le référentiel Gissler. Cet indicateur pourrait être retenu dans le tableau de bord et faire l'objet de vérifications.

Il faudrait aussi que les établissements bancaires, qui sont des acteurs sociaux comme les autres, assument leur part de risque. Au fond, l'argent avec lequel nous remboursons les banques est le fruit de l'effort collectif – ce sont des cotisations sociales et des impôts – et, si les banques s'enrichissent, il serait normal qu'elles soient aussi mises à contribution quand le risque se concrétise. Dans les limites à fixer à l'avenir, il y a aussi les règles de partage du risque qui ne doit pas peser exclusivement sur la collectivité.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Au cours de vos discussions avec les banquiers, avez-vous été avertis que le taux n'était pas stable ? Ou ces produits vous ont-ils été présentés comme des produits à taux fixe, comme ils l'ont été aux collectivités, alors que, en réalité, leurs modalités d'indexation les ont rendus toxiques ? Avez-vous eu conscience de l'enjeu ? Aujourd'hui, avez-vous été conduits à faire des provisions ? Si oui, selon quelles méthodes, puisque vous devez en principe présenter des comptes équilibrés ? Vous êtes-vous lancés dans des renégociations ou dans des procédures contentieuses ? Le combat pourrait ressembler à celui du pot de terre contre le pot de fer. Une collectivité a déjà perdu un référé et il faut faire attention à la jurisprudence.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

J'ai longtemps été membre du conseil d'administration d'un CHU et je n'ai jamais entendu parler d'emprunts, sinon auprès de l'Agence régionale de l'hospitalisation. Comment est-ce possible ?

Vos interventions ont révélé des situations très différentes, selon que vous êtes, ou non, en capacité de renégocier. Le ministère intervient aussi puisqu'il a demandé à l'un d'entre vous de renoncer à un recours pour renégocier au niveau national. Cela signifie que les hôpitaux peuvent servir d'exemple à d'autres collectivités publiques, pour pouvoir peser collectivement face aux banques.

Enfin, vous vous êtes interrogés sur le partage du risque et l'enrichissement parfois indu de tel ou tel organisme financier. Quand une entreprise n'est pas solvable, et pour l'aider à passer le cap, il peut y avoir des abandons de créances. Mais, quand on a affaire à des collectivités publiques, un euro emprunté, c'est un euro remboursé. On touche là à la différence entre le public et le privé. Le premier rembourse toujours ses dettes alors que, dans le cas du second, le banquier peut avoir intérêt à ne récupérer que 20 % ou 30 % plutôt que de tout perdre. Nous sommes dans ce cas de figure. On voit bien que, compte tenu des indemnités réclamées, aucune collectivité, aucun établissement ne pourra rembourser en totalité.

Mes voisins et moi avons également remarqué que les indemnités réclamées n'ont proportionnellement rien à voir avec les sommes dont parlaient les différents maires tout à l'heure. On a l'impression que l'indemnité de compensation est calculée par la banque soit au « doigt mouillé », soit en fonction du rapport de force.

PermalienAndré-Gwenaël Pors, directeur du centre hospitalier d'Ajaccio

S'agissant des provisions, je vous ai répondu mais le cas d'Ajaccio est exceptionnel. L'État a accordé une dotation pour provision de 1,6 million pendant la période d'administration provisoire. Le calcul reposait sur un différentiel à cinq ans avec un taux fixe à 4,5 %.

Pour ce qui est d'honorer ses dettes, que la situation financière soit saine ou pas, le Trésor classe le remboursement des emprunts parmi les paiements les plus prioritaires.

PermalienPhilippe Collange, directeur du centre hospitalier spécialisé de Sevrey, Saône-et-Loire

En ce qui nous concerne, la Trésorerie demande de provisionner, sur toute la période restant à courir, c'est-à-dire jusqu'en 2026, le différentiel d'intérêt entre le taux de 4,30 % et le taux qui serait pratiqué au cours 1 USD = 0,90 CHF, par exemple, soit aujourd'hui une somme de 600 000 euros. Ce n'est pas faisable.

Pour vous éclairer sur la façon dont s'est déroulée la négociation, j'ai retrouvé des traces écrites. Dexia expose que le dollar est supérieur au franc suisse et que le cours ne descendra vraisemblablement jamais en deçà de l'unité. Lorsque mon prédécesseur a demandé des simulations à partir de différentes hypothèses, il lui a été répondu par écrit que ce n'était pas possible, les solutions étant infinies et tout étant affaire de sensibilité. Voilà les conseils que nous avons reçus. Et, bien sûr, était annexé au contrat un échéancier avec un taux fixe à 4,30 % pendant toute la durée de l'emprunt, mais aucun tableau présentant plusieurs hypothèses qui auraient pu donner une idée de la fourchette de taux selon les évolutions possibles de la parité. Malgré la jurisprudence et le référé, si, dans une huitaine de jours, Dexia n'accepte pas de plafonner le taux une bonne fois pour toutes à un peu plus de 5 % – nous voulons bien faire notre part du chemin –, nous n'aurons guère d'autre solution que de tenter un contentieux. Il y a bien une asymétrie dans le rapport de force. Aujourd'hui, Dexia n'a fait aucune proposition réaliste, compte tenu de notre situation.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

La question devra être posée à la lumière de l'évolution du statut de Dexia…

PermalienPierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon

Vous nous avez interrogés sur les compétences du conseil d'administration, devenu conseil de surveillance. Avant 2005, il fallait une délibération du conseil d'administration pour autoriser le directeur à emprunter, pour un montant donné, lequel correspondait à un plan de financement d'opérations, lui aussi approuvé par le conseil. Depuis 2005, le chef d'établissement a simplement un devoir d'information envers son conseil. Il existe aujourd'hui un outil de pilotage obligatoire et extrêmement utile : le plan global de financement pluriannuel, présenté en même temps que l'état prévisionnel de recettes et de dépenses. Nous le mettons à jour régulièrement, indépendamment de l'obligation qui est faite de l'arrêter à un moment donné et de l'envoyer à l'Agence régionale. C'est pour nous un instrument vivant. Nous avons intégré dans notre PGFP ce que nous savons aujourd'hui sur l'encours de nos deux emprunts structurés. Nous mesurons ainsi notre capacité d'investissement en fonction de ces deux points faibles.

J'insiste également sur l'importance de la compétence technique. C'est grâce à la personne que nous avons recrutée que nous avons pu désensibiliser 80 % de notre encours à risque. Et il est tout à fait possible de partager cette expertise avec les autres établissements au sein d'un département ou d'une région.

PermalienPhoto de Daniel Boisserie

En tant qu'ordonnateur de dépense publique, avez-vous le sentiment d'être des pilotes qui se sont trompés de route ? Vous sentez-vous, en conscience, responsables ?

PermalienPierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon

En conscience, oui, mais coresponsable. Si on néglige le contexte, on ne peut pas apprécier le véritable niveau de responsabilité. Après tout, c'est notre métier de prendre des décisions risquées. Lorsqu'un CHU de taille modeste comme le nôtre décide d'acheter un robot chirurgical qui vaut 1,7 million d'euros, je prends un risque et je le sais. Mais cette décision s'inscrit dans le cadre d'une stratégie et dans un contexte particulier. À un moment donné, il était extrêmement difficile d'imaginer que les seuils inscrits dans les contrats de Dexia seraient franchis. Ils donnaient l'évolution des taux de change sur dix ans et ils restaient très en deçà. S'agissant de nos deux emprunts, les seuils seront atteints cette année.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Vos interventions font, dans une certaine mesure, écho à celles des maires des petites communes. Dans une situation très tendue, vous avez reçu, comme eux, des propositions, dont vous avez eu le courage de reconnaître qu'elles étaient très difficiles à évaluer. Se pose alors la question fondamentale à laquelle je n'ai pas encore trouvé de réponse : quand et comment peut-on vous éviter d'être soumis à un risque excessif compte tenu de la responsabilité qui est la vôtre ? J'ignore quelle est la durée moyenne du mandat d'un maire – autour de neuf ans, me dit-on –, ou combien d'années en moyenne un directeur d'hôpital reste en poste, mais comment, à leur place, ne pas accepter, dans une passe difficile ou pour faire face à un besoin d'investissement massif, un engagement sur trente-cinq ans et sur une valeur que personne ne sait vraiment évaluer ? La tentation n'est-elle pas trop forte ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Il ne faut pas oublier le plan Hôpital 2007, qui a autorisé la dépense. Il vous a donné le feu vert pour lancer des projets. Je sais comment cela se passe, tout le monde est à l'affût d'un nouvel équipement. Et, dans ce contexte, on propose l'argent moins cher… Les deux effets se cumulent.

Mon hôpital a souscrit deux prêts de même nature que les vôtres parce que les banquiers n'avaient plus de liquidités pour proposer des taux fixes, ou même variables. Du moins est-ce ce qu'ils disaient. En tout cas, je ne parvenais pas à boucler le tour de table pour financer des équipements majeurs auxquels il aurait, sinon, fallu renoncer. Avez-vous rencontré un problème de liquidité, ou avez-vous été attiré par un taux particulièrement alléchant ?

PermalienFrédéric Boiron, président de l'Association des directeurs d'hôpital

Le risque est toujours présent quand on emprunte car, en dehors des hôpitaux psychiatriques qui reçoivent des dotations, nous n'avons pas d'autre moyen d'autofinancement que de générer des recettes d'activité. Les emprunts adossés à de l'immobilier s'amortissent en général sur vingt ans, voire trente. Nous essayons désormais de limiter les durées après une prise de conscience du risque. On peut donc imaginer des règles, des conseils, voire de fortes incitations à éviter les tentations qui, j'insiste, sont parfois présentées comme la seule possibilité, à l'exclusion de toute autre. Ce n'est pas toujours vrai et la taille de l'établissement peut offrir une parade. C'est pourquoi la coopération ou l'incitation à la coopération devrait permettre de résister à ce type de tentation.

PermalienPierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon

Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que nous avions reçu l'autorisation de dépenser et que, comme l'on nous avait proposé de l'argent pas cher, nous en avions profité. Le plan Hôpital 2007 a aussi permis de remettre à niveau le service public. Un seul exemple : si la maternité du CHRU de Dijon est repassée devant la maternité privée, c'est parce qu'elle a été refaite. Il n'y a aucun doute là-dessus. Et cette opération répondait à une vraie nécessité. Il fallait faire quelque chose, et il ne s'agissait pas de dépenses démesurées. Sans doute certains investissements ont-ils été disproportionnés au regard des besoins de santé de la population. S'il y a eu des erreurs, elles étaient plutôt de ce type.

Quant à l'argent pas cher, il a constitué une véritable opportunité. L'emprunt Dualis nous a procuré un financement à 1 % de 2007 à 2012, date à laquelle je réceptionnais la totalité de l'hôpital, et où l'activité fonctionnait à plein régime. Pour moi, c'était un pari, mais conscient. En ce qui concerne l'emprunt Dualis, il se décompose en trois phases : la troisième phase, de plus de quinze ans sur un total de quarante-cinq ans, correspondra à un taux fixe de 2,5 %, et elle interviendra à un moment où il faudra recommencer à investir lourdement.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Nous vous remercions, messieurs, d'avoir participé à notre commission qui, je l'espère, devrait déboucher sur des propositions.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Réunion du mercredi 5 octobre 2011 à 18 h 45

Présents. - M. Dominique Baert, M. Claude Bartolone, M. Daniel Boisserie, M. Patrice Calméjane, M. Thierry Carcenac, M. Bernard Derosier, Mme Valérie Fourneyron, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Serge Janquin, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-François Mancel, M. Henri Plagnol, M. Jean Proriol, M. Paul Salen

Excusés. - M. Jean-Jacques Candelier, M. Michel Diefenbacher, M. Guillaume Garot

Assistaient également à la réunion. - M. Jérôme Cahuzac, M. Jean Mallot, M. Michel Ménard, M. Fernand Siré