Monsieur le président, monsieur le rapporteur, l'hôpital d'Ajaccio que je dirige depuis dix-huit mois est un cas particulier. Depuis une vingtaine d'années, il caresse le projet de construire un nouvel hôpital, mais il est confronté à des difficultés financières particulièrement sérieuses.
Le budget d'exploitation est de 100 millions d'euros et il présente un déficit structurel, difficile à résorber, de 10 millions, ce qui pèse sur le fonds de roulement. Au bilan de l'hôpital, on trouve une dette de 50 millions, dont 78 % d'emprunts structurés, et 25 millions de dettes institutionnelles, c'est-à-dire de charges patronales – IRCANTEC, Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales… On peut donc parler d'un établissement surendetté, et même en cessation de paiement théorique depuis quatre ans, puisque, de toute façon, il n'a aucune capacité d'autofinancement. À partir de l'été, la trésorerie est nulle et nous devons recourir aux subventions de l'État–Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). N'ayant aucun moyen d'investir, l'hôpital recherche des subventions d'investissement. Bref, la situation est bloquée, sur le plan financier, mais aussi social car la motivation serait plus grande avec la perspective d'une reconstruction que les Ajacciens réclament depuis une vingtaine d'années.
La dette bancaire atteint aujourd'hui 50 millions, après avoir explosé entre 2001 et 2006, passant de 20,6 millions à 64 millions ; et ce, en l'absence d'investissement notable. Ces montants recouvrent une multitude de petits prêts dont l'objectif était de satisfaire le besoin de trésorerie. Des consolidations ont eu lieu à partir de 2006-2007, avec l'aide de Dexia et de la Caisse d'épargne, si bien que les prêts structurés ont représenté jusqu'à 84 % de la dette.
M'étant vu fixer deux objectifs – le redressement financier et la reconstruction, qui peuvent paraître antinomiques compte tenu de la quasi-faillite de l'hôpital –, l'une de mes premières tâches en arrivant, après la fin de l'administration provisoire, a été de m'atteler à la dette. Évidemment, il y avait eu des enquêtes et des études : de la chambre régionale des comptes en 2007, en particulier, de Finance Active qui travaille avec l'hôpital depuis plusieurs années, et surtout un rapport demandé par l'Agence régionale de l'hospitalisation en juin 2008. Pendant l'administration provisoire, une demande de subvention a été faite pour couvrir le risque que recèle la dette, à hauteur de 1,6 million, et elle a été obtenue.
Pendant cette phase, aucune renégociation n'a eu lieu. Aussi m'y suis-je mis dès février d'autant que deux échéances importantes se profilaient, l'une en avril et l'autre en mai, concernant deux emprunts hors charte Gissler contractés auprès de Dexia. J'ai demandé au ministère la nomination pendant quatre mois d'une collègue spécialiste des questions financières et bancaires qui était en recherche d'affectation, et au cabinet Klopfer de faire le diagnostic de la situation. Une fois rassemblés ces éléments, nous avons entamé la négociation pendant un mois, de fin février à fin mars. Mais, l'échéance arrivant et devant l'impossibilité de négocier avec Dexia – dont les propositions étaient insatisfaisantes –, je l'ai assigné. L'effet a été immédiat : le ministère de la santé m'a demandé de surseoir car la Direction de l'hospitalisation envisageait une négociation globale, dans laquelle entraient deux emprunts du centre hospitalier d'Ajaccio. Deux nouveaux contrats m'ont été proposés par Dexia début septembre : deux emprunts initialement de 3F et 6F se sont transformés en 1E et 2E – moins risqués – et un report de quinze ans supplémentaires de façon à réduire les annuités. J'ai signé et me suis désisté de la procédure contentieuse.
Au mois de septembre, j'ai mené une négociation avec la Caisse d'épargne, qui s'est montrée plus réceptive, sur 7 millions d'euros. De 6F, l'emprunt est passé à 1A, c'est-à-dire un taux fixe avec une pénalité de 800 000 euros. Aujourd'hui, l'encours de la dette du centre hospitalier est de 50 millions d'euros, dont 78 % d'emprunts structurés. Un seul d'entre eux est hors Gissler. Il est souscrit auprès de la Caisse d'épargne, et sa période variable commence l'année prochaine. Il va donc falloir à nouveau négocier.
Faire ou ne pas faire de la gestion active de la dette dans un hôpital ? J'en suis à ma troisième négociation. Au début de 1990, j'étais directeur financier du CHRU de Lille. À l'époque, j'avais mis en place une coordination régionale entre vingt-trois hôpitaux pour gérer et restructurer la dette. En face de nous, il y avait le Crédit local de France. La discussion n'avait pas abouti et je n'avais pas osé aller jusqu'au contentieux. En revanche, nous avons fait une défaisance avec Indosuez, qui nous a permis de nous sortir de nos difficultés en souscrivant un emprunt global du tour de table duquel le Crédit local de France avait été exclu. Dans un gros établissement, comme un CHU, il est possible et même souhaitable de laisser au directeur la capacité d'optimiser la dette, sous réserve qu'il ait les compétences en interne ou qu'il soit assisté d'un cabinet suffisamment indépendant – et ce n'est pas toujours facile – pour le conseiller utilement. En revanche, un établissement de taille moyenne ou réduite n'en a pas les moyens. Il faut alors trouver un partenaire bancaire fiable, et se limiter à des produits classiques, avec une faible part de taux variable.
Quant à l'avenir, je suis persuadé, à la lumière de mes expériences, que la notion de défaisance peut être utile pour certains hôpitaux. À Ajaccio, il est impensable de conserver une dette risquée jusqu'en 2045, d'autant que, si tout va bien, un nouvel hôpital sera construit en 2017. Il n'est pas possible de conserver une structure de dette aussi désastreuse. Il faut trouver une solution qui pourrait être a priori la défaisance.
Dans les cas où, comme à Ajaccio, le bilan est complètement déséquilibré, il faut se tourner vers l'État pour obtenir une recapitalisation. Devant les syndicats, je présente l'hôpital d'Ajaccio comme la Grèce des hôpitaux. Je ne peux pas imaginer continuer ainsi sachant que je n'ai aucun moyen de le redresser. Si on retient la piste budgétaire, l'amélioration ne pourra être qu'extrêmement lente : de 10 millions de déficit, je dois passer cette année à 8 millions. Situé dans un bassin enclavé, avec des équipements mal dimensionnés, l'établissement nécessite une restructuration totale.