Le CHU de Saint-Étienne a un encours de dette de 297 millions d'euros, pour un budget de fonctionnement de 470 millions. Aujourd'hui, 55 % de l'endettement est à taux sécurisé, et 45 % est constitué de produits dits toxiques, soit 150 millions d'euros environ. Pour en sortir, il faudrait verser pratiquement 160 millions d'euros, ce qui n'est pas à notre portée. Ces emprunts ont tous été souscrits en quelques années auprès d'un seul établissement, Dexia, qui a fortement incité le CHU à s'engager dans cette voie.
Pourquoi avoir agi ainsi ? Pour plusieurs raisons, la première étant d'abaisser les charges financières à court terme à un moment où l'établissement finançait sa reconstruction, en quasi-totalité par emprunt. Plusieurs entités anciennes, voire vétustes, ont été regroupées sur un seul site, pour répondre aux besoins de l'ensemble de la Loire en matière de santé publique. Au moyen de ces crédits devenus toxiques et très préoccupants, le CHU a pu aplanir ses charges immédiatement, pour un montant que nous estimons à 10 ou 11 millions sur la période de bonification des taux, qu'il faut rapporter à ce qu'il faudrait payer pour sécuriser ces produits, ou au dérapage potentiel qui nous menace. D'ores et déjà, notre taux d'intérêt moyen progresse.
Le souci de minimiser les charges s'est combiné avec celui d'élargir les possibilités d'investir. Nous, directeurs d'hôpital, devons d'abord et avant tout nous préoccuper de mettre des soins à disposition de la population. Nous ne sommes pas des traders, nous sommes des femmes et des hommes de service public. Peut-être avons-nous aussi le tort de faire confiance aux partenaires qui ont une coloration « publique », ou qui la revendiquent. Les hospitaliers y sont sensibles, car ils sont attachés à certaines valeurs. Sans qu'il s'agisse de faire le procès de quiconque, certains partenaires financiers ont entretenu l'ambiguïté vis-à-vis des hôpitaux, et même de certaines collectivités.
Qui fait le choix de l'endettement ? Depuis 2005, c'est le directeur. Auparavant, la décision était soumise à une délibération du conseil d'administration. Aujourd'hui, cette compétence appartient au chef d'établissement, mais après une strate de contrôles et de vérifications, notamment par le biais de la procédure budgétaire. Le plan global de financement pluriannuel – le PGFP – retrace les stratégies d'endettement. Après, il remonte aux autorités sanitaires et il est transmis au Trésor. Si, juridiquement, c'est le chef d'établissement qui décide, c'est avec les instances de pilotage. Ensuite, les documents sont soumis à approbation formelle ou au contrôle de légalité a posteriori.
Avec un mois de recul – depuis ma nomination en tant que directeur général à Saint-Étienne –, il m'apparaît que la relation avec les banques est déséquilibrée, et je le dis aussi au nom de l'Association des directeurs d'hôpital. Les établissements bancaires ont des capacités d'expertise et d'ingénierie financières que nous n'avons pas, ni n'aurons jamais individuellement. Nous avons d'ailleurs du mal à imaginer que la capacité d'un hôpital à offrir des soins à la population puisse dépendre des choix d'un trader, qui, dans une salle des marchés fort éloignée, joue des sommes d'argent pour optimiser son profit à court terme. Nous sommes là très loin de nos valeurs. Il est donc indispensable que les hôpitaux s'associent des compétences. L'un des élus présents tout à l'heure a cité Finance Active, qui intervient beaucoup dans les hôpitaux. Si elle doit continuer, il faudrait s'assurer durablement qu'aucun actionnaire futur ne puisse peser sur ses choix, de façon à garantir l'indépendance de son conseil, a fortiori si elle doit, telle une agence de notation, apprécier nos décisions financières. Avec mon collègue du CHU de Dijon, nous pensons à la possibilité, quand se mettent en place des communautés de territoire, d'introduire dans les structures communes une cellule d'expertise financière pour mutualiser cette compétence, ce qui ne doit pas empêcher de faire appel à des cabinets extérieurs.
Pourquoi ces emprunts ont-ils été choisis ? Sans vouloir, ni pouvoir, parler à la place de mes prédécesseurs, il m'apparaît que ces décisions ont été prises en faisant, peut-être parfois imprudemment, le pari d'un gain financier. Il était une époque où tout le monde, y compris les autorités publiques, nous encourageait à financer nos investissements par emprunt. Le plan Hôpital 2007 en est un exemple. Il répondait à un incontestable besoin de modernisation, mais il incitait les gestionnaires à rechercher les meilleures solutions possibles à l'aune de la rentabilité immédiate, auprès d'établissements financiers qui vantaient avec aplomb la sécurité de leurs produits. C'est dans ce contexte que les choix ont été faits.
Mais, aujourd'hui, ce qui prouve une réactivité assez forte, 100 % des emprunts souscrits par les hôpitaux sont classés 1A, ou quasiment, c'est-à-dire sans risque, et très majoritairement à taux fixe. Ainsi, 80 % du stock de dette sont sains.