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Intervention de Pierre-Charles Pons

Réunion du 5 octobre 2011 à 18h45
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Pierre-Charles Pons, directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Dijon :

La question fondamentale, M. le rapporteur l'a posée : pourquoi les hôpitaux ont-ils fait appel à des emprunts structurés ?

Avant de répondre, il faut se souvenir du contexte. Le plan Hôpital 2007 était indispensable pour relancer, après quinze ans de stagnation, l'investissement hospitalier. Dans mon établissement, il y avait encore des chambres à trois lits avec les toilettes sur le palier. Le financement reposait d'abord sur l'emprunt, avec des aides de l'État à la contractualisation versées par l'intermédiaire des agences régionales pour compenser l'impact des frais financiers, et sur des subventions à travers le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés – FMESPP. Mais il s'est tari peu à peu. Ne restait plus que l'emprunt.

Nous avons été nombreux à avoir en même temps des besoins importants. Et comme il n'y a en France que trois entreprises qui savent construire un hôpital – Bouygues, Eiffage et Vinci –, les prix ont monté. Quand nous avons ouvert les plis, les offres affichaient entre 20 % et 25 % de plus que les sommes prévues initialement. En réalité, il n'y avait qu'une seule offre, l'autre pouvant être qualifiée « d'accompagnement ». Pour faire baisser un peu l'addition, nous avons négocié une avance qui a exigé un appel de fonds important. Et c'est à ce moment-là que le CHRU de Dijon a contracté deux emprunts hors charte Gissler, pour un montant total de 75 millions d'euros.

Le CHRU de Dijon avait, sur la période 2004-2012, un programme d'investissement de 400 millions d'euros destiné à construire un hôpital neuf regroupant les services de court séjour sur un site unique. La maternité a été rénovée, un plateau technique de biologie installé, ainsi qu'une plate-forme hospitalière d'approvisionnement et une stérilisation qui répond aux besoins non seulement du CHU mais aussi de l'ensemble des cliniques de Dijon. Nous avons donc été logiquement séduits par la perspective d'un taux d'intérêt de 1 %, valable jusqu'à l'année prochaine, d'autant que le retour sur investissement pour une opération aussi lourde n'est pas attendu avant cinq ans. Grâce à ces deux emprunts, et à un troisième qui est référencé dans la charte Gissler, nous aurons économisé entre 2007 et 2011 plus de 9,6 millions d'euros.

La décision était dans la main de la direction même si elle s'est entourée de conseil.

Au moment où sont apparus ces nouveaux emprunts, nous n'avions probablement pas les compétences en interne, mais, aujourd'hui, à Dijon, nous les avons. Il y a trois ans, nous avons recruté quelqu'un qui gère activement notre dette et exerce une veille continue sur les marchés financiers pour rechercher en permanence l'occasion de se désengager. Le capital initial des deux emprunts hors charte représentait 20 % de l'encours actuel, et 4 % aujourd'hui parce qu'ils ont été « désensibilisés » à hauteur de 60 millions. Il reste donc 15 millions de produits à risque.

Je suis bien conscient que le CHU a pu agir ainsi parce qu'il était engagé dans un programme d'investissement important et qu'il était vraisemblablement plus attractif que d'autres aux yeux des établissements bancaires. En quelques mots, j'insiste sur le fait que nous avons toujours joué la concurrence en sollicitant systématiquement plusieurs organismes bancaires. Dexia a joué le jeu du conseil, au moins depuis deux ou trois ans, en nous aidant à nous en sortir. Nous n'avons pas toujours accepté ses offres parce que, parfois, le remède était pire que le mal. Mais nos relations sont restées correctes.

En ce qui me concerne, je crois vain de vouloir désigner des coupables. La responsabilité est collective, même si les banquiers sont sans doute plus responsables que les autres. Pas plus que nous, les pouvoirs publics n'ont vu venir le danger. Les services du Trésor n'avaient sans doute pas non plus les compétences pour apprécier ces nouveaux produits.

Pour l'avenir, je reste attaché à l'autonomie de nos établissements. C'est à ce niveau qu'il faut chercher des solutions, en fixant des seuils ou en prenant en compte la situation de chaque établissement. Des erreurs ont été commises, j'en revendique ma part, mais, ce qui est important pour un hôpital comme celui que je dirige, c'est de pouvoir utiliser toute la palette des instruments financiers – taux fixe ou variable, et même structuré sous certaines conditions. En 2009 et 2010, les CHU ont fait appel au marché obligataire qui constitue une solution pourvu que ce type d'emprunt ne représente qu'une faible part de l'endettement. La solution réside, à mon avis, dans la variété des sources de financement, et dans celle des prêteurs. Aujourd'hui, le CHU de Dijon est endetté vis-à-vis d'une banque à hauteur de 140 millions. Trois autres banques nous ont prêté entre 87 millions et 58 millions chacune, et d'autres banques se partagent 20 millions. Hors charte, il reste 15,4 millions, soit 4,1 % de la dette.

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