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Intervention de Philippe Collange

Réunion du 5 octobre 2011 à 18h45
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Philippe Collange, directeur du centre hospitalier spécialisé de Sevrey, Saône-et-Loire :

L'hôpital de Sevrey est un établissement psychiatrique. Il a donc la particularité d'en être resté à un budget reposant sur la dotation globale de financement, c'est-à-dire qu'il n'a aucun moyen d'action sur ses recettes. La dotation annuelle qui nous est versée par l'Agence régionale de santé représente 90 % de nos ressources, et toute augmentation des taux d'intérêt déséquilibre immédiatement notre budget. L'Agence est notre seul recours.

L'encours de prêts est modeste – 6,6 millions – et comporte un emprunt de 2 550 000 euros, dit TOFIX DUAL dollarfranc suisse, qui a été proposé à mon prédécesseur en juin 2007. Il n'était pas destiné à construire un service nouveau – il aurait mieux valu car la situation serait sans doute moins problématique – mais à se substituer à un autre emprunt, OVERTEC celui-là. Il s'agissait d'une sorte d'opération de cavalerie. Le nouvel emprunt a eu le mérite d'offrir à court terme – comme toujours – une solution moins onéreuse et un allongement de la durée d'amortissement de quinze à vingt ans. L'hôpital est abrité dans des locaux qui ont quarante ans d'âge et, n'ayant que très peu investi, il dispose de ressources d'amortissement très faibles. Dès lors, réduire les annuités de remboursement avait l'avantage de donner un peu de marge.

Je n'étais pas là au moment des négociations, mais l'analyse des documents révèle une stratégie commerciale, s'apparentant à de la manipulation, puisqu'elle met en avant la sécurité pour mieux rassurer le client. Il s'agit tout au plus de lui donner le sentiment de devenir intelligent en invoquant des arguments de géopolitique qui le propulsent dans la sphère de la haute finance.

Avec Dexia, nous sommes dans une impasse totale. En mars 2009 – à l'époque, nous avions déjà recruté Finance Active –, nous avons eu un premier contact pour surveiller de très près le produit en question. À ma grande surprise, mes interlocuteurs ont convenu qu'il fallait le garder à l'oeil et ils nous ont proposé, pour sécuriser les intérêts, de passer à un emprunt indexé sur le taux de change eurofranc suisse. Déjà, la conjoncture incitait à la méfiance. Et les deux dernières réunions que nous avons eues avec eux n'ont rien donné. Ils admettent eux-mêmes n'avoir que très peu à concéder même si nos demandes leur paraissent maintenant légitimes. Ils admettent que la situation n'est pas normale pour un acteur à vocation sociale, mais le constat n'y change rien. On nous propose de payer une soulte de 1,9 million d'euros alors que le capital restant dû est de 2,55 millions. C'est infaisable. En outre, on ne connaît pas le mode de calcul puisque, d'après le contrat, ce sont les établissements bancaires auxquels Dexia est lié qui en fixent le montant. C'est ainsi que l'indemnité est passée en quelques mois de 1,4 million à 1,9 million. La proposition alternative me paraît aussi sujette à caution : sécuriser deux ans avec, au lieu de 4,30 %, 6 % la première année et 8 et quelques la seconde ; et rallonger de deux ans la durée d'amortissement à l'EURIBOR 12 mois. Je suis réticent parce que je ne voudrais pas tomber dans un nouveau piège et enrichir Dexia, d'autant que notre nouveau conseil financier, Riskedge de Lyon, estime la commission de Dexia pour ce nouvel emprunt à 120 000 euros. En outre, allonger la durée de remboursement revient, en réduisant l'amortissement en capital, à prendre des risques plus longtemps sur des sommes plus importantes.

Ayant l'impression de ne pas être compris, j'ai fait une dernière demande : sortir définitivement de l'emprunt. Des représentants de Dexia au niveau national sont venus à Sevrey le 14 septembre. Ils nous ont proposé de geler le coupon 2011 au niveau de celui de 2010 et de signer une convention de sortie, c'est-à-dire une convention d'objectif et de moyens pour sortir de l'emprunt. Elle stipule que l'hôpital fixe le taux auquel il veut sortir et le traitement de la pénalité. Ensuite, Dexia s'engage à mettre tous les moyens en oeuvre pendant la durée du contrat pour se conformer aux conditions de l'hôpital en fonction des conditions de marché. Nous ne signerons pas et nous leur avons envoyé ce matin une lettre les informant que les coupons resteront bloqués au taux de 5 et quelques pour cent. Sinon, nous irons en justice puisque nous n'avons pas d'autre moyen pour défendre nos intérêts.

L'hôpital de Sevrey est soumis à la même législation que les autres et le processus de décision est identique. Dès 2006, à cause de la dérive de l'emprunt OVERTEC, l'établissement était soumis à la procédure de budget administré, c'est-à-dire que le conseil d'administration avait refusé le budget qui était en déficit structurel de 1,8 million d'euros, et n'était bouclé que grâce à une enveloppe nationale du même montant. Dexia, qui disposait des comptes, savait dès le départ que la situation financière était totalement dégradée et que la décision qui a été prise n'était pas bonne.

Pour la suite, je suis d'accord avec une mutualisation à la fois des compétences et des moyens d'intervention, mais je penche surtout pour une interdiction claire, nette et précise de ce type d'emprunt, pour que la dette publique ne serve pas aux banques à spéculer.

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