La Commission procède à l'examen d'un rapport d'information de MM. Jean-Marie Binetruy, Jean-Louis Dumont et Thierry Lazaro sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac.
L'actualité la plus récente a mis au jour la préoccupation de l'exécutif comme du Parlement au sujet du développement de la vente de tabac en dehors du réseau officiel et des difficultés ainsi rencontrées par les buralistes. La ministre du Budget a, le 12 septembre dernier, présenté un plan d'action renforcé pour lutter contre les trafics de tabacs. Si bien des informations et rapports ont été divulgués à cette occasion, notamment par les Douanes et par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) pour la compte de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), nous avons souhaité adopter une approche globale. Nous avons pu commencer nos travaux en juillet, et avons mené plus d'une vingtaine d'auditions et plusieurs déplacements aux frontières. L'importance des pertes de recettes pour l'État (entre deux et trois milliards d'euros selon les estimations), considérable dans le contexte budgétaire actuel, et l'arrivée à échéance du deuxième contrat d'avenir avec les buralistes rendaient cet examen urgent.
Quelques chiffres doivent être rappelés afin de cerner les contours du sujet, en rappelant en préalable que le tabac n'est pas un produit comme les autres. Il est responsable de la mort de 69 000 personnes par an en France. Le nombre de nouveaux cas de cancers du poumon est de 16 400 en 2010 pour les hommes, et de 7 000 pour les femmes (soit pour ces dernières un doublement en dix ans). Il ne s'agit donc pas d'une marchandise susceptible d'être achetée, transportée et consommée en dehors d'une réglementation précise.
Ainsi, la vente de produits du tabac est interdite aux mineurs, les quantités transportées par une personne ou à bord d'un véhicule sont limitées à un kilogramme de tabac, et sa consommation est interdite dans les lieux publics.
Cette évidence n'est pas toujours aussi reconnue qu'elle le devrait : ainsi au niveau européen, les règles relatives à la santé publique se heurtent encore trop à l'objectif d'efficacité du marché intérieur.
Par ailleurs, dans un souci de santé publique, les autorités françaises ont décidé de hausses répétées de la pression fiscale appliquée au tabac. En 1991, la part des taxes dans le prix des cigarettes s'élevait à 70,3 %. Elle est fortement relevée en 2003, à 75,7 %, puis en 2004, où elle est portée à 80,39 %. Le coût à l'achat des produits du tabac augmente de 40 %. Aujourd'hui, dans le prix d'un paquet à 5,40 euros, la charge fiscale est de 4,35 euros, la marge du fabricant de 0,60 euro et la remise brute du buraliste de 0,45 euro.
Le lien entre le prix et la fiscalité est à double sens, puisque tous les éléments du prix sont définis en pourcentage du prix de détail, et sont donc interdépendants. Une modification du prix du fabricant entraîne une hausse du prix de détail et donc du montant des prélèvements et de la rémunération des buralistes. À l'inverse, une hausse du droit de consommation modifie l'assiette de la TVA et le montant de taxe collecté. À son tour, une modification du taux de TVA se répercuterait sur l'ensemble. Enfin, une hausse de la remise des buralistes entraînerait soit une hausse du prix de détail et des taxes, soit, sans modification du prix de détail, une forte baisse de la marge des fabricants.
Depuis plusieurs années, les ventes hors réseau et les pertes pour la collectivité n'ont fait que croître. La part des ventes hors réseau était de 3 à 4 % en 2003. D'après l'enquête mensuelle conduite par l'Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT), ce sont au total 4 761 millions de cigarettes et 659 tonnes de tabacs à rouler qui ont été vendues en France au cours du mois de juillet dernier. Si les chiffres de quantités de tabac consommées ont baissé dès 2004, le volume des ventes chez les buralistes demeure stable depuis cette date.
La quantification de l'ampleur de ce trafic n'est pas aisée. La mission d'information a entendu les acteurs concernés : fabricants de tabac, buralistes, experts dans divers domaines et autorités publiques. Il est communément admis, avec différentes méthodes, que 20 % du tabac consommé en France est acheté en dehors du réseau légal. Le découpage en segments des quantités achetées hors réseau varie en fonction des interlocuteurs : institutionnels, fabricants, fédération des buralistes.
Au demeurant, les visites que nous avons pu faire sur le terrain (Aurillac, Adinkerke en Belgique, Lauterbourg ou le col du Perthus vers Andorre) sont édifiantes et nous laissent interrogatifs sur la décomposition du chiffrage de 20 % de ventes hors réseau en 5 % illicites et 15 % licites, évoquée par la direction générale des Douanes et droits indirects.
Les sources d'approvisionnement hors réseau ont plusieurs origines :
– achats réalisés dans les zones frontalières de la France : il peut s'agir d'achats réalisés légalement par des particuliers qui respectent la limitation des quantités transportables, il peut encore s'agir de particuliers achetant pour d'autres qu'eux-mêmes en transportant plus que les quantités autorisées (cinq ou dix cartouches avec le document administratif requis), « fourmis » transportant des quantités illégales pour le compte d'un réseau de banditisme ;
– contrebande, soit de tabac acheté à moindre coût à l'étranger et introduit en quantités importantes sur le territoire national, soit de cigarettes fabriquées dans des pays européens ou à l'extérieur de l'Union européenne (Cheap white) ;
– contrebande de produits de la contrefaçon fabriqués en dehors de toutes règles, et, partant, singulièrement nocifs ; des ateliers clandestins fleurissent en Europe, même si la Chine est régulièrement identifiée comme le principal producteur de ces produits.
Les vecteurs de transport sont multiples : voiture, avion, bateau, courrier postal. Il convient de signaler particulièrement le développement de la vente sur Internet.
Les circuits de trafics de tabac de contrebande, contrefait ou non, recoupent souvent ceux du trafic de stupéfiants ; ce rapprochement se confirme à mesure que les volumes concernés augmentent. De fait, le trafic de tabac est bien moins sanctionné que celui de stupéfiants, mais il est parfois aussi rémunérateur.
Cette situation est largement due aux écarts de prix et de taxes qui restent considérables en Europe, alors que l'harmonisation européenne des accises et de la TVA a un impact limité sur le rapprochement des prix. Aujourd'hui, la charge fiscale totale est de 80,64 % en France ; le minimum et le maximum dans l'Union européenne sont atteints en Italie avec 74,98 % et au Royaume-Uni avec 90,14 %.
Deux exemples sont particulièrement frappants. Alors que l'écart de taux de taxation des cigarettes est de 0,38 point entre la France et l'Espagne, le prix moyen pondéré de vente au détail des cigarettes pour mille unités en France (271 euros) représente 1,6 fois le prix moyen pondéré espagnol (166,52 euros). Le phénomène est encore plus marqué avec les nouveaux États membres. Alors que la taxation globale des cigarettes est de 85,58 % en Bulgarie et de 81,92 % en Roumanie, les prix moyens de vente au détail n'y sont respectivement que de 2,24 euros et 2,39 euros.
Avec des hausses d'impôt trop fortes, nous sommes perdants à trois niveaux : pertes fiscales pour l'État, pertes économiques pour les buralistes, et moindre bénéfice pour la santé publique.
En 2011, le produit du droit de consommation sur les tabacs est de 10,6 milliards selon les estimations de l'ACOSS et compte tenu de la hausse des prix annoncée pour octobre par le Gouvernement. S'y ajoutent les 3 milliards d'euros du produit de la TVA, soit au total 13,6 milliards d'euros de recettes fiscales. 20 % de ventes hors réseau, ce sont donc des pertes fiscales de 2,7 milliards d'euros.
S'il est difficile à calculer, le coût pour l'assurance maladie est certain : rappelons que pour les cancers, maladies cardiovasculaires et insuffisances respiratoires, les dépenses de soins remboursées attribuables au tabac peuvent être estimées à 6,8 milliards d'euros, soit presque 3 % des dépenses annuelles de santé.
L'aide aux buralistes coûte à l'État 300 millions d'euros en 2011, dont la moitié au titre du contrat d'avenir. La situation des buralistes est en effet très contrastée, et dévastatrice pour les frontaliers : la hausse en valeur des ventes de tabac dissimule une baisse sensible en volume, de – 28 % dans les départements non frontaliers, et de – 52 % dans les départements frontaliers, pour les cigarettes entre 2002 et 2010. 5 000 débits de tabac ont fermé depuis 2002 ; il en reste un peu moins de 28 000. Les prix de cession chutent considérablement. De nombreux buralistes qui comptaient financer ainsi une part de leur retraite sont désabusés : un débit acheté 800 000 ou 900 000 euros est parfois revendu au quart de ce prix seulement.
Que faire ? Prévenir et punir, et adopter une double approche, en termes de fiscalité et de sécurité. Il faut éviter les à-coups trop brusques dans les hausses de fiscalité qui incitent les consommateurs à déserter le marché licite et compliquent encore l'atteinte de l'objectif d'harmonisation européenne, et se donner tous les moyens de lutter contre les trafics organisés. À cet égard, la mission d'information ne peut que saluer le plan d'action renforcé en dix points présenté le 12 septembre par la ministre du Budget.
Il faut ensuite informer le public et accompagner les buralistes. Après un premier contrat d'avenir destiné à amortir en urgence le choc de 2003 et 2004, et un deuxième pour permettre la diversification des bureaux de tabac, il était pertinent de recentrer le troisième contrat sur les seuls débits les plus en difficulté. L'avenir dira s'il en faut en quatrième, mais ce contrat devrait en principe être le dernier. Enfin, il est indispensable de convaincre la Commission européenne de la nécessité de maintenir les limites aux quantités transportées fixées par les articles 575 G et 575 H du code général des impôts, pour ne pas donner un contresignal désastreux.
J'ai été particulièrement frappé, après l'audition de M. Pierre Delval et la lecture de son dernier livre sur Le marché mondial du faux, des conséquences désastreuses pour la santé publique du développement de la contrefaçon. La libre circulation des marchandises est un excellent principe, mais certaines d'entre elles, en provenance de pays de l'Est comme l'Ukraine, ou de l'extrême Est comme la Chine, circulent bien trop facilement. Une des mesures du plan du Gouvernement, qui vise à prendre les moyens de mieux connaître la source des marchandises de contrebande est une très bonne disposition.
Mes collègues l'ont indiqué, j'y insiste, cette mission d'information s'inscrit entièrement dans une perspective de santé publique. Encore faut-il que la politique de santé publique soit efficace. En janvier puis octobre 2003 et janvier 2004, les hausses de prix du tabac visaient à entraîner une forte baisse de la consommation. À l'époque, seulement 3 à 4 % des ventes étaient effectuées hors réseau ; aujourd'hui, cette proportion atteint 20 %.
Notre réseau de débits de tabac est le plus organisé et disons-le, le meilleur au monde. Au Royaume-Uni, 40 à 50 % des ventes se font hors réseau. En Irlande, où il n'y a plus de buralistes, les ventes sous le manteau se développent.
Il faut savoir que ce problème ne touche pas seulement les régions frontalières. Nous avons constaté que dans le Cantal, des groupes affrètent des cars pour aller faire leurs courses en Andorre.
Quant aux 20 % de ventes hors réseau, ils se décomposent ainsi, selon les Douanes : 5 % de trafic criminel voire mafieux et 15 % de trafic « de fourmis » : dans le Nord, 100 000 frontaliers français passent chaque jour la frontière belge. Nous avons eu l'an dernier un grand débat avec le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne, sur le maintien des articles 575 G et 575 H du code général des impôts. Pour une fois, buralistes et associations anti-tabac étaient sur la même ligne !
À la frontière allemande, le bureau de tabac de Lauterbourg réalisait en 1992 un chiffre d'affaires équivalent à 12 millions d'euros : à l'époque, les prix des cigarettes étaient plus élevés en Allemagne. Depuis, la situation s'est inversée et son chiffre d'affaires tabac a baissé à 1,1 million en 2000 et n'était plus que de 300 000 euros en 2010.
En fin de compte, si les ventes des buralistes ont baissé de 30 % depuis 2003, la baisse réelle de la consommation est plutôt de l'ordre de 10 %.
Dans ce contexte, nous souhaitons faire une dizaine de recommandations. La première est de soutenir les efforts du Gouvernement pour faire converger les prix des tabacs en France et dans les États voisins, en concertation avec ceux-ci, l'harmonisation fiscale européenne ne pouvant être que très lente, et d'un effet limité sur les prix. Ce sera long, car tous les pays n'y sont pas prêts. D'après les volumes de consommation au Luxembourg, chaque Luxembourgeois devrait fumer de sa naissance à sa mort plus d'une cartouche par jour…
D'après la Commission européenne elle-même, l'étape la plus récente de l'harmonisation des accises, avec la directive de 2010, n'a eu aucun impact sur les prix et la demande de cigarettes en France, pas plus qu'en Allemagne, en Irlande, ou au Royaume-Uni. Mais la Pologne a vu les prix augmenter de 47 % et la demande baisser de 20 %.
Les prochaines hausses de prix devront absolument s'inscrire dans le cadre du Plan cancer 2009-2013. Nous devons éviter des hausses de prix unilatérales et irrégulières.
Il faut ensuite engager une réflexion sur la fiscalité des tabacs à rouler, en vue de contrecarrer l'effet de substitution à chaque hausse des prix des cigarettes. Les tabacs manufacturés autres que les cigarettes sont soumis à un taux normal applicable à leur prix de vente au détail, bien inférieur à celui des cigarettes, et ne se voient pas appliquer de part spécifique.
Les ventes de cigarettes ont presque baissé de moitié en France en 20 ans, passant de 97,1 milliards d'unités en 1991 à 54,8 milliards d'unités en 2010, mais celles des tabacs à rouler augmentent.
S'agissant des buralistes, il faut faire une différence entre les frontaliers qui souffrent et ceux qui équilibrent leur budget. Nous proposons de valider le recentrage du troisième contrat d'avenir sur l'aide aux buralistes les plus en difficulté.
Nous voulons maintenir les restrictions prévues aux articles 575 G et 575 H du code général des impôts pour le transport de tabac par les particuliers, afin de préserver la cohérence de la politique française de lutte contre le tabagisme. S'en tenir à la notion de consommation personnelle, sans seuil précis, est irréaliste.
Une campagne nationale d'information sur les dangers de la contrefaçon serait particulièrement utile, ainsi qu'une amélioration des analyses des produits.
Affiner le marquage des paquets permettrait aussi de préciser les études sur la répartition des ventes hors réseau, qui s'appuient notamment sur le ramassage de paquets dans des lieux publics. Il existe plusieurs solutions aujourd'hui, avancées par les fabricants, ou des marquages étatiques. Un cahier des charges est en cours d'élaboration par les services de la direction générale des Douanes et des droits indirects qui imposera aux fabricants le principe d'une solution technique permettant l'identification de l'origine et l'authentification des produits.
Nous recommandons de refuser les propositions de création du paquet générique de cigarettes, ainsi que de vente sous le comptoir, qui paraissent de nature à favoriser les trafics illicites.
Pour améliorer la lutte contre la vente illicite sur Internet, nous recommandons de donner à la justice la capacité de désactiver un site suspect le temps d'une enquête et de saisir les noms de domaines des sites convaincus de pratiques illégales, même si nous savons la difficulté de viser des sites étrangers.
Les buralistes ou leurs organismes professionnels doivent être encouragés à se porter partie civile contre les acteurs des ventes illicites.
Enfin, il convient de sanctionner plus lourdement le trafic de tabac, de durcir l'arsenal répressif en la matière et d'améliorer la formation des magistrats qui seront chargés de l'instruction et du jugement de ces infractions.
En conclusion, nous souhaitons réaffirmer, avec notre attachement au réseau, que le maintien du monopole des buralistes est la meilleure protection contre les trafics ; que nous voulons une politique de santé publique efficace ; et que cela ne sera possible qu'avec une véritable harmonisation européenne. À défaut, nous serons perdants sur le triple plan fiscal, économique et sanitaire.
Je tiens à remercier nos trois collègues pour la clarté de leurs propositions.
Si vous me permettez deux questions avant de donner la parole à nos collègues qui souhaitent intervenir, j'aimerais revenir sur le troisième contrat d'avenir avec la profession, qui vient d'être annoncé par le Gouvernement. Avez-vous plus d'informations sur son contenu ? Quel serait l'engagement financier de l'État au titre de ce contrat ?
Ma seconde question porte sur le niveau des prix des tabacs. Vous évoquez la nécessité d'une convergence européenne mais quel niveau de prix retenir ? Sa fixation obéit à des préoccupations contradictoires : la priorité donnée à la santé publique conduirait à choisir un prix élevé mais ce relèvement accroîtrait encore les risques de développement des trafics illicites.
Au titre de l'année 2011, l'État a versé 299 millions d'euros d'aides aux buralistes, dont 149 millions dans le cadre du contrat d'avenir. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de maintenir cet effort à 259 millions d'euros, dont 109 millions dans le cadre du contrat, avant une diminution progressive jusqu'en 2016.
J'ajoute un autre élément – la souffrance des buralistes – dont nous avons pris conscience lors de l'audition du président de leur confédération, M. Pascal Montredon : depuis 2003, plus de 5 000 buralistes ont mis la clé sous la porte et il y a même eu des cas de suicide, notamment dans les régions frontalières. À mon sens, le troisième contrat d'avenir doit être un contrat de sortie qui cible plus particulièrement les buralistes en difficulté.
Gardons à l'esprit que, dans les milieux ruraux, les débits de tabac ont également un rôle important en tant que commerces de proximité. Leur disparition pourrait avoir, sur certains territoires, des conséquences très négatives.
Tous les points du territoire sont d'ailleurs confrontés aux mêmes difficultés : les ventes illégales à l'arrière des véhicules se pratiquent à grande échelle, parfois à quelques mètres des débits de tabac. Il est urgent d'agir.
Enfin, il me semble important de prendre en compte l'objectif de conservation des fonds de commerce, notamment en cas de départ à la retraite des buralistes.
S'agissant de la convergence des prix européens, ce qui me semble problématique, c'est la faiblesse du coût de revient. Fabriquer une cigarette ne coûte pratiquement rien.
Exactement. Mais en fonction du pouvoir d'achat, le prix du paquet de cigarettes est également modulé d'un pays à l'autre par les fabricants. Il s'échelonne, aujourd'hui de 7,69 euros au Royaume-Uni à 2,50 euros en Roumanie. J'estime donc qu'il faut non seulement travailler à l'harmonisation des taxes mais aussi à celle des prix de base du tabac en tenant compte du pouvoir d'achat.
Je veux d'abord saluer le travail de nos trois rapporteurs. La lutte contre les ventes illicites de tabac est un exercice difficile : il faut à la fois protéger les buralistes, promouvoir la santé publique et maintenir le niveau des recettes fiscales. Je souhaiterais savoir si les rapporteurs se sont penchés sur les expériences menées à l'étranger. Quels sont les résultats obtenus par les pays voisins ? La fiscalité constitue-t-elle la seule réponse ?
Je voudrais revenir sur l'organisation des contrôles. Il me semble d'abord qu'il faudrait s'appuyer sur les buralistes – une profession très structurée – pour renforcer les contrôles. En tant que rapporteur spécial, je m'intéresse aussi chaque année aux moyens mis en oeuvre par l'État et l'examen des crédits des Douanes me laisse perplexe. Quand vous avez auditionné le directeur général des Douanes, comment avez-vous perçu ses priorités ?
Avez-vous évoqué la sécurité des buralistes confrontés à de nombreux braquages, y compris en zone rurale, au cours de vos auditions ?
Je souhaiterais poser plusieurs questions à nos rapporteurs. Premièrement, l'harmonisation fiscale européenne n'a-t-elle pas une grande faiblesse du fait de l'absence de plafonnement des taxes ? Pouvez-vous nous indiquer quelle est l'évolution réelle de la consommation, car il me semble qu'il y a un effet de substitution important qui reporte les fumeurs vers la consommation clandestine ? Troisièmement, est-on réellement en mesure de détecter les importations illégales de cigarettes achetées via Internet ? Enfin, quelles sanctions devrait-on infliger aux consommateurs pris avec des paquets achetés illégalement pour infléchir la consommation ?
Il me semble que l'accise est toujours perçue dans le pays dans lequel il y a commercialisation. Sur quel fondement la Commission européenne se fonderait-elle pour condamner la France ? Le cas échéant, la Cour de justice de l'Union européenne serait-elle saisie des cas de certains États dans lesquels les ventes de tabac sont manifestement disproportionnées au regard de la population nationale ?
Le problème se pose aussi aux États-Unis, où il est même 20 à 30 % plus important que chez nous et où il y a une concurrence forte entre États fédérés. En ce qui concerne la contrefaçon, il faut dire qu'il n'y a pas de bonnes cigarettes, mais qu'il y en a de moins bonnes que d'autres. Une cigarette dans laquelle on peut trouver des excréments, de la sciure, des billes de plastique et bien d'autres choses sera huit à dix fois plus toxique qu'une cigarette normale. Il faut souligner que la France a la politique de santé publique la plus volontariste du bloc européen. Avec nos dernières hausses des prix, la Belgique pourra encore augmenter ses prix tout en restant compétitive par rapport à nous. Une rencontre entre les ministres européens de la santé devrait permettre de se pencher sur la question.
L'Europe doit se donner les moyens de sa sécurité sanitaire. Puisqu'elle ne le fait pas au niveau de ses frontières extérieures, il faut nous protéger. Il est plus facile pour la Commission européenne d'attaquer nos articles 575 G et 575 H. Il y a aussi le problème des grands producteurs de tabacs, qui laissent parfois des cartouches disparaître de leurs usines. Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de destruction immédiate des produits saisis par les douanes ? L'efficacité de la sanction doit être immédiate. Il faut aussi assurer la sécurité des buralistes qui sont attaqués, particulièrement en milieu rural, comme la buraliste des Islettes, dans l'Argonne. Ils doivent pouvoir exercer leur métier dans des conditions de sécurité normales.
Le contrôle aux frontières ne suffit pas ; il n'est au demeurant pas possible sur l'autoroute entre la France et la Belgique, faute de zone de stationnement à la frontière. Il faut aussi un contrôle de la vente sous le manteau avec une action plus forte des groupes d'intervention régionale – les GIR – et de la police. Le contrat d'avenir des buralistes prévoit une aide de plus de 15 000 euros pour la sécurisation des bureaux de tabac, et beaucoup l'ont déjà utilisée. On peut dire que la baisse réelle de la consommation est de l'ordre de 10 % et non de 30 %. La Cour de justice de l'Union européenne a été saisie par la Commission européenne, mais il y a le principe de libre circulation et le droit à une consommation personnelle.
Au Luxembourg, on consommerait trois cartouches par jour ?! C'est du dumping ! Les traités interdisent une telle pratique. C'est de cela que la Cour devrait être saisie.
On peut douter de la pertinence de la politique européenne en matière de tabaculture. Il y a une baisse de la production, mais pas de la consommation. On remplace donc du tabac européen de qualité par du tabac de moindre qualité avec plus de risques pour la santé publique. Cela a des conséquences aussi sur le monde agricole.
Une cigarette d'une même marque n'aura pas la même texture selon la zone où elle est commercialisée. S'il y a chez nous des traitements très particuliers des plants de tabac, on peut douter qu'ils soient toujours pratiqués en Europe de l'Est.
La Commission autorise ensuite la publication du rapport d'information en application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 octobre 2011 à 11 h
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Thierry Lazaro, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Patrice Martin-Lalande, M. Henri Nayrou