Table ronde, ouverte à la presse, sur les infrastructures réunissant :
- M. Yves Krattinger, sénateur, président du conseil général de la Haute-Saône, président de la commission « transports et infrastructures » de l'Assemblée des départements de France (ADF) ;
- Mme Marie-Line Gallenne, chargée d'animation en sécurité et efficacité des infrastructures à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), accompagnée de M. Dominique Fleury, directeur de recherche ;
- M. Jean-Louis Hélary, directeur du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU) ;
- M. Philippe Redoulez, directeur du Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA) ;
- M. Christophe Saintillan, chef du service infrastructures de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ;
- M. Lionel Walker, maire de Saint-Fargeau-Ponthierry, représentant de l'Association des maires de France (AMF) sur les questions de sécurité routière ;
- Mme Annie Canel, directrice des opérations et de la sécurité de l'Association des sociétés françaises d'autoroute (ASFA) ;
- M. Thierry Latger, secrétaire général du Syndicat national des ingénieurs des travaux publics d'État, accompagné de M. Yves Legrenzi, secrétaire national ;
- M. Olivier Deleu, secrétaire général de l'association Transport Développement Intermodalité Environnement (TDIE).
La table ronde débute à neuf heures trente.
Présidence de M. Armand Jung, président.
Mesdames et messieurs, merci de votre présence devant notre Mission d'information. Alors que les infrastructures, sujet de la table ronde d'aujourd'hui, n'étaient pas au centre de nos préoccupations, elles ont été mises en cause à plusieurs reprises au cours de nos auditions précédentes. Nous attendons donc de vous des analyses et des propositions concrètes.
Bien entendu, j'interviendrai ici uniquement au titre de mes responsabilités de président de conseil général et, surtout, de président de la commission qui, au sein de l'ADF, a en charge les transports.
Les départements gèrent environ 385 000 kilomètres de routes. Composé aussi bien de voies rapides de deux fois deux voies que de chemins intercommunaux, ce réseau est donc très varié, étendu et d'un fonctionnement complexe. Il constitue aussi, avec les 11 500 kilomètres de routes gérés par l'État, le réseau de base des déplacements de nos concitoyens. D'autre part, les départements transportent chaque année plus de deux millions d'élèves. La sécurité est donc pour nous un enjeu essentiel.
Acteurs de proximité, les départements disposent tous d'un programme pluriannuel glissant de sécurité, impliquant la réalisation d'aménagements routiers. Ils apportent aussi soutien financier et conseils aux communes : les routes départementales traversent celles-ci ; or, dans sa commune, le maire dispose du pouvoir de police. La liaison avec les communes est donc constante.
Le lien est également très fort avec l'État, dont le réseau scientifique et technique demeure au service de l'intérêt général, aux termes de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les recommandations de ce réseau, issues de l'expérience partagée des services de l'État, des départements et des communes, sont des références constantes pour notre action ; nos relations avec lui sont excellentes.
Les départements sont donc au centre d'un champ d'interactions de politiques publiques, de décisions économiques – la charge financière est lourde – et de relations sociales, sanitaires, culturelles et éducatives : bref, ils sont à l'interface entre l'organisation générale de l'action publique et nos concitoyens.
L'action des départements en matière de sécurité routière, toujours volontariste, est adaptée à la spécificité de chacun de nos territoires ; elle ne peut pas s'exprimer identiquement dans des départements au relief plat et au climat doux et dans des départements de montagne aux hivers rigoureux. Le relief et le climat justifient des approches spécifiques.
Pour autant, certaines familles d'actions sont communes. Il en est ainsi de la stratégie globale de mobilisation de l'ensemble des services en faveur de la sécurité routière : la nouvelle d'un accident corporel suscite toujours chez nous une interrogation sur notre part éventuelle de responsabilité dans sa survenue, du fait d'une signalisation ou d'un tracé de route inadaptés par exemple.
Je formule donc d'ores et déjà une recommandation : il faut des processus itératifs en matière de sécurité et d'accidentologie routières. Nous devons mettre en oeuvre une culture de la qualité, pour non seulement éviter les fautes mais, quand une lacune est détectée, y remédier à la fois dans le cas précis où elle a été mise en évidence et dans toutes les situations identiques qui pourraient se présenter sur l'ensemble du territoire.
En matière d'infrastructures, quel vous semble être l'élément le plus délicat pour la sécurité routière? Quelles difficultés souhaiteriez-vous nous signaler dans les relations entre les services de l'État et ceux des départements, par exemple les SDIS ? Quelles seraient vos propositions ?
La qualité des infrastructures est plutôt bonne en France. Cela dit, ma longue expérience d'élu local m'amène à penser que le point de vue du gestionnaire de voirie n'est pas forcément celui de l'usager local. Lors de mes permanences, il est arrivé que des personnes me signalent comme dangereux des points que je ne percevais pas comme tels, une courbe insuffisamment relevée, un virage à double rayon par exemple. Nous devons être réactifs face à ces causes potentielles d'accidents graves, et donc être à l'écoute de l'usager. Malgré sa compétence et sa vigilance, le service gestionnaire ne détecte pas toujours toutes les causes potentielles de danger.
Il m'est aussi arrivé de devoir hausser le ton face aux services de l'État pour obtenir la correction de points sur les routes nationales, la répétition d'accidents sans gravité nous ayant amenés à en détecter les causes.
En matière de sécurité routière, il n'y a pas de mesure miracle : c'est une analyse objective de toutes les causes – signalisation difficile à lire ou inadaptée, par exemple – qui permettra de progresser, y compris pour protéger l'usager un peu distrait ou qui roule un peu trop vite.
Je suis en revanche hostile à une normalisation, à une standardisation totale de la route : la norme ne peut pas être exactement la même en pays plat et en montagne, dans les régions à hivers froids et dans celles où les hivers sont doux.
Je ne perçois guère de difficultés dans les relations entre l'État et les collectivités locales. Les inquiétudes suscitées par la loi du 13 août 2004 ne se sont pas concrétisées : loin de se rompre, le partenariat s'est reconstruit sur des bases nouvelles. Les représentants des collectivités et ceux de l'État se rencontrent ; je copréside ainsi avec le directeur général des infrastructures de transport et de la mer, M. Bursaux, le comité des maîtres d'ouvrages routiers. Nous partageons tous nombre d'objectifs et nous nous attachons à les atteindre ensemble. D'abord inquiet lui aussi, le réseau scientifique et technique de l'État a bien intégré le fait que les collectivités sont ses interlocuteurs naturels pour diffuser les produits qu'il élabore. Les relations sont sans cesse en progrès.
Je regrette – j'ai déjà tenu ailleurs de tels propos – la prééminence de la « trique » sur la pédagogie et les processus qualitatifs. Bien sûr, certaines causes d'accidents, dues à des comportements individuels – l'utilisation du téléphone au volant par exemple – doivent être traitées par la répression. Mais il faut aussi saluer les progrès réalisés en matière de sécurité des véhicules. Nous devons continuer dans cette voie. Il doit en être de même en matière de sécurité des infrastructures. Il nous faut aussi développer encore la pédagogie envers les jeunes. Je plaide pour un état d'esprit général d'éducation et de formation de l'usager, et, au lieu d'un rapport de force avec celui-ci, la recherche d'une certaine irréprochabilité en matière de sécurité. Cette préoccupation nous mobilise tous aujourd'hui.
J'ai consacré vingt années de ma carrière à la construction routière, puis dix à la sécurité routière. À l'IFSTTAR, organisme issu de la fusion du Laboratoire national des Ponts et Chaussées et de l'INRETS, l'Institut national de recherches sur les transports et leur sécurité, j'anime un programme de recherche, consacré à la sécurité des infrastructures et au risque routier, qui a fait apparaître la nécessité d'accorder une attention toute particulière à des éléments comme les virages et les carrefours. Nous nous sommes aussi aperçus que certaines caractéristiques routières étaient essentielles pour permettre aux conducteurs de comprendre la route qu'ils empruntent et d'y percevoir à leur juste place les autres usagers. La tenue de route en virage et en freinage est fondamentale ; les obstacles constituent des facteurs aggravants d'insécurité.
Quelles solutions apporter ? D'abord, nombre d'actions destinées à prévenir les risques potentiels sont fondées sur des diagnostics établis à partir d'analyses d'accidents. Or, ce n'est pas là le seul moyen d'évaluer les causes d'accident liées à l'infrastructure. Pour mesurer les risques potentiels, il nous faut aussi développer des indicateurs de risques fondés sur les caractéristiques de celle-ci. C'est ce que nous avons fait dans notre programme de recherche. Nous avons analysé, s'agissant des virages, le rôle des rayons de courbure, des dévers, de l'adhérence et, s'agissant des carrefours, celui – notamment – de leur configuration.
Par ailleurs, les diagnostics sont fondés sur les seuls accidents corporels. La prise en compte des accidents matériels fournirait un supplément de données considérable, permettant de déterminer beaucoup mieux les points à risque de l'infrastructure.
Il nous faut aussi développer la « route auto-explicative », autrement dit la route lisible et répétable. Même si la diversité est réelle en France entre, par exemple, routes de montagne et routes de plaine, un conducteur qui traverse notre pays doit être capable de comprendre un virage ou un carrefour de la même manière, où qu'il se trouve. Des initiatives locales peuvent aboutir à le désorienter ; or, un conducteur désorienté, c'est un facteur de risque supplémentaire.
Nous devons aussi travailler à la « route qui pardonne ». Celle-ci est une route débarrassée d'obstacles là où le risque de perte de contrôle est le plus fort – il ne s'agit pas de supprimer tous les arbres qui bordent nos routes. Ce serait aussi une route où la signalisation serait répétée : les travaux publiés le montrent, il n'est pas rare que les conducteurs ne la perçoivent pas. Le développement de la signalisation embarquée dans les véhicules offrirait un élément d'information supplémentaire au conducteur.
Nous devons également travailler à une signalisation moderne et adaptée, dynamique et personnalisée, comprise par les usagers : ceux-ci ne l'interprètent pas toujours comme les ingénieurs l'ont conçue. Il nous faut continuer à mener des expérimentations. En liaison avec les départements, nous avons travaillé sur les routes départementales, dans le cadre d'un projet SARI (suivi automatisé de l'état des routes pour l'information des gestionnaires et des conducteurs) : là est en effet l'enjeu le plus fort compte tenu de la diversité et de la variété de ces voies, mais aussi des coûts. Nous devons être capables de proposer des alternatives aux travaux, comme par exemple de la signalisation dynamique, concentrée sur les points les plus dangereux – que nous devons donc être capables d'évaluer – et adaptée à des conducteurs dont le comportement, en matière de vitesse par exemple, n'est pas toujours celui qui est attendu.
Par ailleurs, si la vitesse est un élément essentiel de la sécurité routière, sa prescription n'est pas toujours homogène ni même proportionnelle au risque. Dans certaines zones, la limitation de vitesse est supérieure à la vitesse maximale praticable ; dans d'autres, elle est inférieure à la vitesse praticable en sécurité. La définition de la vitesse réglementaire maximale doit donc intégrer la notion de risque. Nos travaux nous mettent à même de proposer des algorithmes de calcul de vitesses réglementaires plus en rapport avec le risque encouru, notamment du fait des circonstances matérielles telles que la météorologie.
Enfin, la France doit se donner les moyens d'une véritable évaluation. Pour cela, il nous faut multiplier les sources de données. La base de données des accidents corporels mériterait d'être plus sûre. Il faut aussi, je le répète, répertorier les accidents matériels. L'accès aux procès-verbaux d'accidents devrait être plus facile. Les données relatives au trafic font également défaut aujourd'hui.
Mes recherches sur la sécurité routière – dont les premières remontent à 1973 ! – portent surtout sur la clinique de l'accidentologie, au travers d'études détaillées d'accidents, complémentaires des approches épidémiologiques qui vous ont déjà été présentées lors de précédentes auditions. Je travaille principalement sur la sécurité des infrastructures, en particulier des infrastructures urbaines. Le problème requiert une approche ergonomique : autrement dit, il s'agit notamment de concevoir des infrastructures qui évitent qu'une situation d'infraction, par exemple l'alcoolémie d'un usager, ne dégénère en accident corporel.
L'analyse clinique montre le rôle important des erreurs de conduite dans les accidents. Ces erreurs sont bien souvent involontaires, et de nature cognitive, c'est-à-dire résultant d'une mauvaise compréhension de la situation. De ce fait, dans la conception des infrastructures, la notion de lisibilité de la route, développée depuis plusieurs années, est essentielle.
Les premières actions menées dans cette perspective ont consisté à éliminer les conflits, et, pour cela, à séparer les usagers selon leur mode de déplacement. L'autoroute a révélé l'efficacité de cette approche.
Ensuite, on a de plus en plus travaillé sur l'intégration des modes et des usages. Elle vise à montrer à l'usager quel est l'autre et comment se comporter quand on le rencontre.
Aujourd'hui, nous disposons de quelques outils dont l'efficacité est indiscutable : la limitation de la vitesse à un endroit donné, l'installation d'un sens giratoire à une intersection entraînent à coup sûr la réduction du nombre d'accidents. En revanche, d'autres outils ont une efficacité plus incertaine, leurs résultats différant d'ailleurs selon les études. D'autre part, l'emploi d'un même outil peut produire des effets variables en fonction des situations concrètes.
Nous sommes ainsi renvoyés à l'adaptation des usagers à l'aménagement. L'acte d'aménagement est une sorte de jeu à deux. Quelle que soit l'excellence des intentions de l'aménageur ou du modèle qu'il appliquera, l'adaptation des usagers pourra entraîner des effets non attendus, perturbant ceux qui sont attendus, et provoquant même parfois, non pas une amélioration, mais une détérioration de la sécurité.
Enfin, l'évaluation des projets, essentielle, n'est pas suffisamment pratiquée en France. Pour la mener correctement, il faut des données, sur les accidents, sur les trafics de piétons, de cyclistes, de cyclomotoristes, ainsi que des outils d'analyse performants et des personnels aptes.
Cette évaluation peut être quantitative ; elle mesurera alors l'évolution du risque avant et après la réalisation de l'aménagement. Elle peut aussi être qualitative ; elle fera alors apparaître les scénarios d'accident avant et après l'aménagement. La connaissance ainsi acquise permettra l'amélioration des outils. À l'échelle locale, l'évaluation permet d'obtenir un retour sur les politiques menées et de former les personnels des réseaux techniques à l'analyse de l'accidentologie. Enfin, elle améliore l'état des connaissances et fait évoluer la doctrine technique.
L'examen des projets fait aussi apparaître qu'en matière de sécurité routière, c'est d'abord au bon sens qu'on fait appel. Or telle n'est pas forcément la meilleure démarche. Ainsi, alors que le bon sens pousse à aménager des bandes cyclables pour protéger les cyclistes, le résultat n'est pas toujours celui qu'on attendait, en raison de la complexité des situations de fait.
En Grande-Bretagne ou en Allemagne, l'intégration très en amont des spécialistes de sécurité routière dans l'élaboration des projets permet de donner de meilleures chances à une bonne adaptation des infrastructures à la sécurité routière.
Enfin, comme l'industrie, la route est un domaine sociotechnique. L'industrie s'est beaucoup intéressée à la sécurité de conception – la recherche de la sécurité dès la conception même des projets. Dans cet esprit, la sécurité routière ne pourrait-elle pas être mieux prise en compte dans les schémas de cohérence territoriale, dans les plans locaux d'urbanisme, dans les politiques de développement économique local ou dans les actions de renouvellement urbain ? Les travaux que nous avons conduits très récemment sur la sécurité et sur les niveaux de risque dans les zones urbaines sensibles (ZUS) ont conduit à des résultats très intéressants.
Basé à Lyon, le CERTU, qui appartient au réseau scientifique et technique du ministère de l'écologie, travaille sur les techniques urbaines – voirie, transports collectifs, aménagement et urbanisme. Je rappelle que le tiers environ des tués lors d'accidents de la route en France l'est en milieu urbain.
Même si les directions centrales du ministère restent les grandes pourvoyeuses en moyens pour le Centre, son comité d'orientation, actuellement présidé par le maire de Nancy, M. André Rossinot, permet un partage de la responsabilité de son programme d'activité avec d'autres acteurs. Le caractère prescriptif des documents produits par le Centre a tendance à s'atténuer. En matière de sécurité routière et de techniques urbaines, les schémas sont de moins en moins descendants : l'expérience et les expérimentations proviennent dans une proportion croissante des collectivités locales elles-mêmes. Cela pose le problème de la connaissance, puis de la diffusion de ce qui se fait sur le terrain.
De plus en plus, le cadre est donc celui d'un partage des savoirs et des savoir-faire entre les collectivités, le réseau scientifique et technique du ministère et les services déconcentrés de l'État. Depuis dix ans, nous conduisons avec l'Association des maires de France (AMF) une action sur la sécurité routière en milieu urbain à l'attention des élus.
En liaison avec nos collègues de l'IFSTTAR, nous nous attachons également à améliorer notre connaissance des usagers de deux-roues motorisés en milieu urbain. Le profil de ceux-ci – coursiers, moto-taxis, personnes privées ayant fait le choix de ce mode de locomotion pour se rendre à leur travail – correspond de moins en moins à celui que représentent les associations traditionnelles de motards. Or, ces usagers posent des difficultés spécifiques, notamment sur les voies rapides urbaines comme le boulevard périphérique à Paris.
Nous conduisons aussi, aujourd'hui, un programme de recherche et développement pour mieux connaître l'accidentalité, ainsi que la part de celle-ci qui revient à l'infrastructure et aux comportements des usagers. À cette fin, nous équipons des véhicules de dispositifs s'apparentant aux « boîtes noires » des avions.
Il faut enfin prendre en compte dans les projets d'aménagement les problèmes de conflits d'usages dont le milieu urbain est le cadre ; les élus locaux s'y efforcent de plus en plus souvent.
Le SETRA est comme le CERTU un service technique central à compétence nationale du ministère en charge du développement durable. Son effectif, composé pour moitié d'ingénieurs, est de 300 personnes environ. Le SETRA a notamment participé à la conception des ponts de Millau et de Normandie.
L'une de ses quatre orientations stratégiques est dédiée à la sécurité routière. Le SETRA a élaboré des expertises et des documents de méthodologie pour le compte de ses donneurs d'ordres, la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer ou encore la Délégation interministérielle à la sécurité et à la circulation routières, et également, tout particulièrement depuis la loi du 13 août 2004, pour celui des collectivités locales. En liaison avec l'ensemble du réseau scientifique et technique, le SETRA a notamment développé pour l'administration centrale du ministère une méthodologie pour le contrôle de sécurité des projets routiers, ainsi que deux approches sur l'examen des itinéraires existants, l'une dénommée « inspection de sécurité routière des itinéraires » et l'autre « démarche SURE – sécurité des usagers sur les routes existantes ». À la différence des études du CERTU, ces analyses ont vocation à s'appliquer plutôt dans le domaine interurbain.
Depuis la loi du 13 août 2004, des structures ont été créées pour permettre aux collectivités locales de participer au pilotage des organismes du réseau scientifique du ministère. Le Comité des maîtres d'ouvrages routiers, coprésidé par le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer et le sénateur Krattinger, représentant de l'ADF, donne des instructions au réseau scientifique et technique dans le domaine des transports en général. L'ADF a aussi délégué auprès de moi dix responsables chargés d'explorer des thèmes très variés – les ouvrages d'art, l'exploitation, la sécurité routière. Les agents du SETRA collaborent en permanence avec eux. Les tâches de ces représentants peuvent être de participer aux groupes de travail chargés d'élaborer des guides ou des recommandations, ou encore d'effectuer la relecture de documents sur lesquels le SETRA a travaillé. Le travail développé par le SETRA à la demande du ministère sur la thématique des passages à niveau l'a été avec les collectivités locales. Nous élaborons actuellement, à la suite de l'accident d'un autocar polonais dans les Alpes, un guide sur les fortes pentes. Nous diffusons aussi des fiches sur les aménagements de sécurité en rase campagne ; le conseil général de la Seine-Maritime s'implique fortement dans cette thématique. Les conseils généraux nous ont aussi demandé de travailler avec eux sur le traitement des obstacles le long des routes, notamment celles à double sens de circulation.
Si, pour l'État, offrir des infrastructures présentant le meilleur niveau de sécurité possible est depuis plusieurs années une préoccupation centrale, cette préoccupation doit tenir compte de ce que la sécurité routière implique trois facteurs : un conducteur, un véhicule et des équipements routiers.
La France est pionnière en Europe en matière de sécurité des infrastructures routières. C'est la démarche française qui a servi de fondement à la directive européenne 200896CE définissant les méthodes à appliquer en la matière.
Ces méthodes comportent deux volets, consacrés l'un au parc existant et l'autre aux « projets neufs ».
La démarche en matière de patrimoine existant est inspirée par une volonté d'efficacité aussi rapide que possible. Il s'agit d'analyser les accidents sur les itinéraires marqués par une accidentalité supérieure à la moyenne, de déterminer les causes de celle-ci et de définir des leviers concrets d'action. Pour tenter de comprendre en quoi l'infrastructure a pu jouer, notamment dans les endroits où des concentrations ou des causes communes d'accidents peuvent être constatées, nous conduisons à intervalles réguliers des diagnostics des accidents et de leurs causes. Nous pouvons alors traiter rapidement le défaut constaté, par exemple en relevant un virage, en rectifiant un parcours ou en modifiant la signalisation.
Il reste que, avec plus d'un million de kilomètres, le réseau routier français est sans doute le plus dense d'Europe. Nous devons trouver des méthodes pragmatiques tenant compte de cette densité ainsi que de l'ancienneté de ce patrimoine, parfois construit depuis plusieurs siècles. Nous nous attachons donc à traiter en priorité les cas où des actions simples permettent les résultats les plus probants, et ce dans le cadre d'une logique récurrente : en trouvant des solutions adaptées pour les routes qui présentent le plus d'accidents, nous améliorons ainsi régulièrement et continûment notre réseau. C'est cette démarche qui a été codifiée par la directive européenne, laquelle a été bien sûr transcrite en droit français.
Plus ancienne que celle qui concerne le réseau existant, l'approche en matière de projets neufs consiste plutôt à essayer d'anticiper, notamment dans la formulation des règles de conception, la survenance des accidents.
Il nous faut d'abord trouver des règles adaptées de conception, de façon à nous assurer par anticipation du caractère aussi lisible que possible de la route. Nous nous inscrivons aussi dans une démarche de qualité : à chaque stade de conception et de réalisation du projet, ainsi qu'après sa mise en service, nous veillons à la bonne application des règles, à la traduction concrète des anticipations que nous avons pu faire, c'est-à-dire à leur compréhension et à leur respect par les conducteurs. Si nous savons que la construction d'un giratoire est le meilleur moyen de sécuriser un carrefour, nous savons aussi que celui-ci doit être perçu : autrement dit, sa conception doit le mettre en évidence et non pas le dissimuler dans le paysage, au risque qu'il ne soit pas vu pendant la nuit.
Nous nous sommes aussi intéressés à la « route qui pardonne ». La conception de la route doit permettre de limiter les conséquences d'erreurs de conduite provoquées par des événements inopinés – un animal qui traverse, par exemple. C'est la raison d'être de ce que nous appelons des « zones de récupération ». Cependant, la mise en place de telles zones a abouti à construire des routes très larges, lesquelles ont donné un sentiment d'espace poussant à aller plus vite ! Nous devons donc déterminer la position optimale du curseur en nous appuyant sur l'expérience. À cette fin, nous nous sommes installés dans une démarche de qualité : nous assurons la traçabilité des décisions prises et faisons vérifier l'application correcte des règles par des experts extérieurs à chaque projet.
La conception d'une route ne sera pas non plus la même selon qu'elle sera en rase campagne ou en montagne. Les règles de conception doivent tenir compte de la diversité du territoire français. Nous sommes parfois obligés à faire des exceptions ; nous faisons alors appel à des experts capables de les valider. Ainsi, nous savons que, s'il faut tenter de gommer au maximum le relief des routes de montagne, il faut aussi éviter les routes trop droites en plaine, génératrices d'inattention et donc d'accidents.
Si cette démarche, riche d'enseignements, a fait progresser la conception des routes, le défi principal que nous avons à affronter reste celui de l'amélioration de l'infrastructure existante, parfois très ancienne comme on l'a dit précédemment. Les interventions souvent plus modestes que nous y réalisons sont donc essentielles.
Les 36 000 maires de France gèrent 630 000 kilomètres de routes : près de deux fois la longueur des routes départementales. Notre responsabilité est aussi engagée non seulement sur les réseaux communaux mais aussi sur les voies privées ouvertes au public et sur les tronçons de routes dépendant d'autres gestionnaires dans leur traversée du territoire communal.
Les maires disposent de presque tous les outils nécessaires pour travailler à la sécurité routière : pouvoirs d'aménagement des structures, de réglementation, de sanction – avec les polices municipales –, ainsi que de mobilisation, de sensibilisation et de prévention, en liaison avec les réseaux constitués par leurs administrés.
Depuis 2005, l'AMF a pris en main ce chantier. Une première charte, conclue avec la Délégation interministérielle à la sécurité routière – qui peut être qualifiée de charte d'intentions partagées – arrive aujourd'hui à sa fin. Pour la remplacer, nous avons mis sur pied, en septembre 2010, un groupe de travail d'une trentaine d'élus que j'ai l'honneur d'animer. Nous proposons que la nouvelle charte puisse comporter des conventions d'objectifs annuels évaluables, partagés et concrets, sur lesquels l'ensemble des maires pourrait se mobiliser.
Les réflexions de ce groupe de travail interne à l'AMF m'amènent à formuler quatre propositions.
Nous sommes d'abord soucieux de coordination et de cohésion. Ainsi, selon la Fédération nationale des transports routiers, aujourd'hui les camions ne savent plus très bien par quel itinéraire passer, chaque maire réglementant la circulation dans sa commune sans le moindre souci d'un itinéraire global. Nous pouvons aussi tous citer des réglementations de voirie absolument incohérentes ; certaines villes imposent encore des limitations de vitesse à 45 kmh ! Aujourd'hui, l'usager ne comprend plus toujours la logique globale de la réglementation de la voirie ; nous devons réunir les gestionnaires de voirie pour rétablir la lisibilité de la route.
Notre deuxième souci est relatif aux deux-roues motorisés. Ils sont aujourd'hui les grands oubliés de nos infrastructures. Depuis quarante ans, ce parc a été multiplié par 6,4 : c'est celui qui a le plus augmenté. C'est aussi celui qui connaît le plus fort taux d'accidents. Cette suraccidentalité rejoint du reste la surmortalité des jeunes, public assez friand de ce mode de transport. Nous avons du mal à faire avancer ce chantier. Des expérimentations volontaires et ambitieuses en milieu urbain, notamment en région parisienne, seraient sans doute nécessaires. N'oublions pas que l'usage des deux-roues motorisés est l'un des remèdes aux embouteillages et aux difficultés de stationnement urbain.
Nous souhaitons, en troisième lieu, que le travail souhaité par nombre de professionnels sur le « code de la rue » puisse avancer ; ce véritable outil doit être mieux conforté par le législateur et mieux reconnu : il s'agit dans nos villes d'établir solidement la place du faible au regard du fort. Cette revendication revient lors de chacune de nos discussions entre maires.
Les élus, les maires, doivent aussi se voir donner leur vraie place en matière de sécurité routière. L'État a souhaité que chaque commune se dote d'un correspondant chargé de la sécurité routière. Les conseils municipaux ont tous joué le jeu. Cependant, ce réseau qui, lorsqu'il est actif, constitue un support efficace, ne l'est qu'en fonction de la volonté de chaque préfet. Nous devons malheureusement constater que, dans la majorité des départements, celle-ci manque.
La reconnaissance du rôle des maires doit se faire dans le cadre des structures existantes, comme le Conseil supérieur de l'éducation routière. Aujourd'hui, ils n'y trouvent pas forcément toute la place qui pourrait être la leur. Bien souvent, lorsque ce conseil est réuni, c'est pour les informer de mesures annoncées depuis des mois, déjà préparées et débattues de longue date dans les médias !
Pour nous, avancer en matière de sécurité routière nécessite un travail partagé entre les acteurs. Le citoyen doit y prendre toute sa place. Or, ses meilleurs représentants, ce sont ses élus de proximité.
Enfin, la capacité à entretenir demain ce réseau routier de 630 000 km constitue un vrai sujet de préoccupation pour les maires. Les communes n'y arrivaient qu'aidées par les départements et les régions. Les transferts aux premiers de charges de solidarité non compensées, la perte d'autonomie financière des secondes ont d'ores et déjà conduit à des retraits ou à des réductions de ces aides. Les maires ne voudraient pas avoir à choisir demain entre combler le trou financier et combler les trous de la voirie !
J'ai commencé à travailler à la sécurité routière il y a maintenant plus de dix ans, d'abord au SETRA puis, de 2000 à 2006, à la DSCR et, ensuite, auprès de la Commission européenne. Il y a un an, j'ai rejoint l'ASFA qui regroupe 19 sociétés gérant un réseau de 8 800 kilomètres d'autoroutes. Bien qu'elles soient privatisées, ces sociétés agissent dans le cadre d'une délégation de service public : elles sont soumises aux règles et obligations édictées par l'État et les respectent scrupuleusement. La sécurité du réseau a toujours été pour elles une préoccupation très forte. Les démarches engagées, notamment depuis dix ans, ont produit leurs effets. Le nombre de tués a été divisé par deux : la moyenne annuelle est passée de 300 environ en 2000 à 150 actuellement.
De fait, les caractéristiques du réseau – chaussées séparées, absence de carrefours, etc. – font que les autoroutes sont sûres. Mais ce n'est pas la seule raison : les sociétés d'autoroutes se sont aussi organisées pour maintenir ce niveau de sécurité en insistant sur quatre points.
Premièrement, l'analyse des accidents, qui est un de nos points forts. Les sociétés disposent de données très détaillées tant sur les accidents mortels et corporels que sur le trafic. Au sein de l'ASFA, des groupes d'analyse se réunissent régulièrement pour croiser toutes les informations possibles, afin d'interpréter l'accident et d'en identifier les causes. Depuis peu, nous avons introduit un nouveau niveau d'analyse qui porte sur les circonstances. Il ne s'agit plus seulement d'envisager les causes directes, mais aussi les scénarios des accidents, que nous classons, afin d'en tirer des mesures pour l'exploitation et l'aménagement de l'infrastructure et de la signalisation.
Deuxième axe : l'amélioration de l'infrastructure. Le niveau de service étant déjà satisfaisant, il faut le maintenir. Après avoir exprimé au départ quelques réticences, dues précisément au fait qu'elles considéraient que le niveau de leur réseau était suffisamment élevé, les sociétés appliquent de façon rigoureuse la directive européenne sur la sécurité des infrastructures – à la rédaction de laquelle, par parenthèse, j'ai participé lorsque je travaillais à la Commission. Il en résulte, au demeurant, des améliorations.
Ce qui fait la force des démarches engagées par les sociétés d'autoroutes, c'est qu'elles lient tous les aspects. La sécurité routière n'étant pas une science exacte, on ne peut régler les problèmes en n'agissant que sur un seul élément. À titre d'exemple, pour lutter contre la somnolence au volant, qui est à l'origine d'un tiers des tués sur autoroute et constitue une de nos priorités, nous proposons des mesures touchant à tous les domaines de la sécurité routière : le domaine réglementaire, la formation – nous agissons en forte coordination avec les auto-écoles –, la communication, le véhicule – nous travaillons avec les constructeurs automobiles à des dispositifs d'alerte du conducteur –, le domaine médical.
Troisième champ d'action : les accidents dont les personnels sont victimes. Nous menons beaucoup de travaux pour améliorer la sécurité dans le domaine de l'exploitation et des chantiers. L'année dernière, il y a eu encore un mort, une quinzaine de blessés et une centaine de fourgons endommagés, à chaque fois dans des accidents mettant en cause des usagers.
Quatrième axe : la communication, en direction des conducteurs, mais aussi d'institutions ou de partenaires : nous contribuons ainsi aux programmes de formation des auto-écoles en leur fournissant tous les outils nécessaires.
Nous collaborons avec de nombreux acteurs – la Prévention routière et l'Institut national du sommeil et de la vigilance, par exemple – ainsi qu'avec notre interlocuteur privilégié, l'État, sur les aspects réglementaires et sur les problèmes de coordination entre les services.
Je le répète, on n'obtiendra pas de résultats si l'on ne considère qu'une des variables de la sécurité.
Il faut les traiter toutes.
Notre syndicat recueille 80 % des suffrages aux élections professionnelles, dans un corps qui fournit la majorité des cadres techniques du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, anciennement chargé de la sécurité routière. Nous sommes également présents dans l'ensemble des collectivités territoriales et au sein des sociétés d'autoroutes.
J'aborderai des sujets d'ordre général, puis mon collègue,Yves Legrenzi, vous parlera de la manière dont la situation est vécue sur le terrain, dans une direction départementale des territoires.
La première question qui se pose est celle des moyens. Au-delà des drames individuels que représentent les accidents, l'insécurité routière coûte 24 à 25 milliards d'euros par an. Par rapport à ce coût, l'État mobilise très peu de moyens. La révision générale des politiques publiques s'accompagne d'une baisse inquiétante des crédits : ceux qui sont consacrés aux routes nationales sous responsabilité de l'État sont passés de 740 millions d'euros en 2009 à 640 millions en 2011. Il en résulte une réduction de l'entretien. On a fait allusion aux nids de poules mais on pourrait parler aussi des difficultés de déneigement rencontrées cet hiver, ou encore de l'impossibilité de changer les panneaux de signalisation ou d'éclairer les giratoires de campagne mal indiqués pour éviter les sorties de route.
À cela s'ajoute l'important désengagement de l'État en matière d'ingénierie publique, alors même que l'on a besoin de compétences techniques pour venir en appui aux projets de sécurité routière des communes. Des missions de conseil en ingénierie comme l'ATESAT – assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire – sont en train d'être abandonnées faute de personnel. Au 1er janvier 2008, les ingénieurs des travaux publics de l'État étaient 1 800 dans les directions départementales des territoires. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 950. Or ils ont pour mission, entre autres, de conseiller les collectivités, notamment pour leurs travaux de sécurité routière.
Il est clair que l'État se désengage de cette mission.
De plus, le réseau scientifique et technique – RST –, qui dépend principalement du ministère de l'écologie, travaille de moins en moins sur les problèmes routiers, à l'exception des CETE, les centres d'études techniques de l'équipement, mais ceux-ci voient leurs moyens réduits, si bien que les services techniques des départements s'inquiètent de ne plus pouvoir disposer de ces compétences.
Nous pourrons vous fournir un dossier précis mais je puis d'ores et déjà vous dire que le nombre d'agents des CETE travaillant à des projets routiers a diminué de 25 % en trois ans.
Le SETRA, dont le directeur a affirmé qu'il regroupe 300 agents, n'en a en réalité que 200 : il en a perdu un tiers.
Nous avons bien noté vos propos sur le manque de moyens. Sur le fond, maintenant, quel problème votre syndicat relève-t-il en priorité ?
Celui de l'organisation des services. Depuis les lois de décentralisation, le ministère est en réorganisation permanente. La réforme de l'administration territoriale de l'État – la RéATE – a également perturbé le fonctionnement de services qui peinent désormais, en termes de technicité, à répondre aux besoins des maîtres d'ouvrage, à savoir les présidents de conseil général, les maires et l'État.
En termes de compétences techniques.
Les problèmes de compétences sont liés aux baisses d'effectifs et au fait que le ministère privilégie d'autres secteurs. À l'évidence, la route n'est plus le sujet principal pour le ministère de l'écologie et l'on voit fondre les effectifs qui y sont consacrés. De plus, la réorganisation a coupé des liens qui permettaient de fournir un appui technique homogène aux maîtres d'ouvrage.
D'autre part, on constate un recours croissant à la concession ou à la privatisation des routes. Les sections à péage se multiplient et l'on aboutit à un réseau à deux vitesses : il y a d'un côté ceux qui ont les moyens de prendre des autoroutes payantes, où se produisent très peu d'accidents, et de l'autre ceux qui n'en ont pas les moyens et doivent emprunter les réseaux routiers normaux...
Je crois en effet que ce n'est pas le lieu de défendre des positions politiques. Nous avons bien compris quelles sont vos opinions, nous préférerions que vous vous en teniez à un plan technique.
La sécurité routière suppose qu'un service technique puisse contribuer aux décisions de façon homogène sur le territoire.
Je compléterai ce propos par un éclairage de terrain, conformément au souhait de votre Mission d'information.
Je suis ingénieur en poste dans une de ces directions départementales des territoires (DDT) qui sont issues de la fusion des DDE et des DDAF, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt. Dans la plupart des départements, il s'agit du service technique qui travaille pour le compte du préfet à la mise en oeuvre de la politique locale de sécurité routière.
En matière de prévention, la DDT construit et gère la base de données des accidents de la circulation, laquelle vient ensuite alimenter la base nationale. L'analyse locale lui permet de déterminer les singularités du département afin de cibler les actions de prévention. C'est donc un élément important de territorialisation de la politique nationale.
Je travaille depuis trois ans dans le domaine de la sécurité routière après avoir occupé pendant une durée équivalente un poste d'ingénierie dans la construction d'infrastructures. Or, depuis trois ans, la réorganisation de l'administration territoriale de l'État fait que les directions techniques départementales communiquent beaucoup moins qu'auparavant avec l'échelon ministériel, voire plus du tout. En tant que responsable de la politique de prévention au niveau local, je n'ai que très peu d'échanges avec la DSCR, la Délégation à la sécurité et à la circulation routières. Le niveau ministériel ou interministériel n'a plus vocation à échanger directement avec le niveau départemental. Cela se traduit par une perte d'efficacité d'un point de vue organisationnel et par un appauvrissement réciproque. La DSCR lance des campagnes de prévention, signe des chartes nationales, mais sans se coordonner avec les départements...
Au-delà des questions organisationnelles, pourriez-vous faire état des problèmes précis que vous auriez rencontrés sur le terrain et que nous pourrions mettre en avant dans nos propositions ?
Les expériences sont insuffisamment partagées faute de dialogue. La solution serait de rétablir un vrai réseau d'échanges et un vrai pilotage.
Moins que d'une instance nationale, nous aurions besoin de réseaux techniques locaux. Dans mon département par exemple, on a choisi de travailler en étroite concertation avec le président local de l'Association des maires de France. Nous avons demandé à chaque commune de désigner un élu référent en matière de sécurité routière et de nous donner son adresse électronique. Par ce moyen, tous les mois, j'envoie des messages et je fournis des outils de sécurité routière aux communes. Chaque année, j'organise un forum réunissant les élus de chacun des arrondissements. Sur 363 communes, 346 ont désigné un élu référent.
C'est parce que nous nous sommes dotés de cet outil que nous disposons d'un réseau partenarial sur le terrain. Il est dommage que le niveau central soit incapable de s'assurer de l'utilisation de ses propres outils - et avec une certaine cohérence - dans tous les départements. Depuis 2008-2009, ceux-ci en sont souvent réduits à réinventer l'eau chaude chacun dans son coin, sans contact avec les experts qui sont à Paris.
S'agissant par exemple des passages à niveau, l'élu ou le citoyen ordinaire aura du mal à remplir la grille que le SETRA a élaborée pour déterminer le degré de danger présenté par une installation et que l'État a envoyée à toutes les communes : une formation technique minimale est nécessaire. Les conseils généraux, qui disposent de services techniques robustes, ont pu exploiter ce document, pas les petites communes, sur les territoires desquelles beaucoup de passages à niveau sont pourtant situés. Comme l'État n'a plus les moyens de les aider, elles n'ont pu réaliser ce diagnostic que partiellement. L'initiative aura été peu efficace et, finalement, restera lettre morte.
Ce sujet, en effet préoccupant, n'est-il pas principalement du ressort de RFF et de la SNCF ?
RFF et la SNCF sont compétents sur leur domaine mais, dans ce cas, se posent aussi des problèmes de signalisation, d'approche, etc. qui se situent sur le domaine routier et il existe donc un besoin d'interface avec le gestionnaire de voirie.
Cela étant, l'espace même du passage à niveau, y compris le dispositif de fermeture, est de la compétence de RFF. Envoyer aux communes un questionnaire par ailleurs compliqué ne résout pas la question.
Chacun est compétent dans son domaine. La sécurité d'un passage à niveau se joue entre RFF, la SNCF et le gestionnaire de voirie.
Cet exemple montre que le transfert de responsabilités ne fonctionne pas sans accompagnement technique. Ma première proposition est donc de restaurer un vrai dialogue entre la DSCR et le niveau départemental.
D'autre part, avec le transfert de la compétence en matière de sécurité routière du ministère en charge de l'équipement et des transports vers le ministère de l'intérieur, on consacre de moins en moins de temps à analyser les causes et les facteurs d'accidents, et les analyses techniques ne sont plus prises en compte dans les décisions. On le voit avec la polémique relative aux panneaux signalant les radars : si l'on avait demandé leur avis aux techniciens, le déroulement et l'issue de la crise auraient été tout différents. C'est l'illustration d'une dérive...
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le radar est un outil de prévention. On le place sur des tronçons où l'on a constaté des accidents dus à la vitesse. Le principe consiste à disposer un panneau de manière à avertir de manière équitable tous les usagers, puis à mettre en oeuvre des sanctions si la signalisation n'est pas respectée. Le système étant automatique, chacun est sanctionné de la même manière. Cet outil a indéniablement fonctionné puisque le nombre d'accidents liés à la vitesse a baissé.
La suppression du panneau avertisseur revient à rompre le « pacte social » entre l'État et l'usager.
Plutôt que de commenter la décision, veuillez préciser, comme vous l'avez annoncé, ce que vous auriez recommandé si l'on vous avait consulté une fois la décision prise. Quel est l'avis du technicien ? C'est à nous, et non à vous, de porter des jugements de valeur.
Le technicien aurait proposé aux décideurs de ne pas supprimer les panneaux annonçant les radars.
C'est bien le sens de mon propos : un technicien n'aurait pas proposé cette mesure.
Des jugements de valeur de toutes sortes ont déjà été exprimés au sein de l'Assemblée nationale à ce sujet.
Il ressort de cette intervention que l'administration envoie aux élus locaux des documents qu'ils ne sont pas capables de lire ou d'exploiter par eux-mêmes.
Oui, lorsque ces élus ne disposent pas de services techniques suffisamment étoffés.
Tous les intervenants l'ont souligné, la sécurité routière dépend d'une pluralité de facteurs et donc pour partie seulement des infrastructures. Mais, outre que la matière est complexe, elle n'est pas modélisable. Les choses seraient plus simples, y compris pour l'association TDIE qui regroupe l'ensemble des acteurs de la mobilité durable, si l'on pouvait établir une corrélation entre le montant des investissements et l'amélioration de la sécurité. Les travaux de plusieurs économistes – ceux de Marc Gaudry et de Karine Vernier, notamment, menés en liaison avec le SETRA – montrent au contraire que, lorsque la bande de roulement se dégrade de façon visible, les automobilistes deviennent plus vigilants, qu'ils réduisent leur vitesse et que la sécurité routière s'en trouve paradoxalement améliorée. Ce serait certes un sophisme dangereux que de se refuser à entretenir les routes en invoquant la sécurité routière, mais on voit bien qu'il faut se garder de simplifier à l'excès. De même, il serait simpliste de soutenir que la suppression de l'éclairage suffirait à régler certains problèmes de circulation, comme on le lit parfois dans la presse.
Nous sommes à la croisée des chemins. Le président Krattinger, qui représente l'Assemblée des départements de France au sein de TDIE, affirmait récemment que le réseau routier français, qui est un des meilleurs et des plus complets d'Europe, « commence à subir les conséquences de politiques d'entretien guidées davantage par la nécessité économique que par les réalités techniques ». Or ces réalités techniques sont implacables : le défaut d'entretien est un pis-aller qui se paie au prix fort lorsque s'amorce une détérioration structurelle de la chaussée. Le président de l'Union des syndicats de l'industrie routière française (USIRF), autre adhérent de TDIE, parlait quant à lui des « risques importants d'une dégradation rapide du niveau de service de l'ensemble des réseaux routiers existants et du probable accroissement de l'accidentologie liée à leur utilisation ».
Bref, nous risquons d'être confrontés à un effet de ciseaux.
D'une part, l'exigence de qualité de service sur la route augmente. Nous sommes dans une société de l'image et de l'instant, où l'information arrive en temps réel et en abondance, à tel point que certains automobilistes éprouvent des difficultés à appréhender la signalisation existante de façon globale et suffisamment en amont. Il faudra mener une réflexion sur la circulation de l'information routière, en vue de mieux répondre à la demande sociale de technologies intelligentes.
D'autre part, notre travail sur le réseau routier de l'État fait apparaître qu'un entretien insuffisant se traduit en premier lieu, et de façon mesurable, par un accroissement de la distance de freinage. Le risque est alors d'assister à une dégradation des conditions de circulation, indétectable par les automobilistes, donc ne pouvant provoquer de réaction d'anticipation de leur part.
Bref, il faut continuer à investir dans les réseaux routiers. Je vous renvoie à ce propos à la fiche ROU2 de l'avant-projet consolidé du schéma national d'infrastructures de transport, qui illustre un effort de franchise et de cohérence de l'État : « Les coûts moyens d'entretien et d'exploitation des routes en France, évalués par kilomètre exploité ou par kilomètre parcouru pondéré, se situent dans le bas de la fourchette des coûts constatés en Europe pour des routes de structure comparable. Ce résultat peut être le signe d'une bonne efficacité économique mais aussi celui d'une possible insuffisance des moyens affectés à ces fonctions. »
Je tiens également à votre disposition l'étude que nous avons réalisée sur les budgets consacrés à l'entretien, à la modernisation et à la sécurisation du réseau routier national. Ce réseau ne représente que 2 % du réseau total mais accueille 25 % de la circulation routière et 50 % de la circulation des poids lourds. Toutes les données – y compris celles du réseau scientifique et technique national, qui est, j'y insiste, le meilleur du monde et qui mérite qu'on lui donne les moyens d'exister – montrent que ce réseau a besoin de plus de transparence – probablement sous forme d'un audit indépendant –, mais aussi d'une programmation pluriannuelle comme c'est le cas pour les contrats de projets entre l'État et RFF.
Il existe des prémices : le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, est pluriannuel. Pourquoi ne pas généraliser la démarche pour prévoir que, sur dix ans, on allouera tel montant chaque année à tel type de politique sur le réseau routier national ? Ce serait le moyen d'en améliorer la sécurité en ne laissant pas devenir lettre morte les préconisations des techniciens.
Vous avez beaucoup parlé d'évaluation, de diagnostic, parfois de défaut de connaissances et de dialogue. Que penseriez-vous de la création, sur l'ensemble du territoire, de comités locaux associant tous les acteurs de la sécurité routière pour apporter des réponses locales adaptées ? Bien que l'on ait une très bonne connaissance des points noirs, il y a toujours des accidents.
Dans le département du président Jung, où nous nous sommes rendus, le dialogue est très satisfaisant mais ce n'est pas le cas partout. Outre le dialogue entre le département et la DSCR, qu'il faut encourager, ne conviendrait-il pas de développer le dialogue à l'intérieur même du département ? Les maires peuvent donner une photographie des points dangereux et des lieux où se produisent les accidents. Il faut assurément une politique nationale applicable à tous, mais également des déclinaisons locales car les conditions sont différentes d'une région à l'autre. Selon vous, serait-il utile de constituer des cellules sous l'autorité du préfet et, le cas échéant, du président du conseil général, auxquelles il serait obligatoire de participer ?
Je me méfie de la création d'une commission de plus. Ce sera une mesure d'affichage sans aucun effet.
La volonté d'agir est partagée par les maires, les présidents de conseil général, l'État. Personne ne se désintéresse de la question. Si la situation est devenue compliquée, c'est que l'État, il y a encore dix ans, faisait tout pour tout le monde, grâce à une puissante citadelle, le ministère de l'équipement, dont il convient de saluer les grandes réalisations. Mais, après la loi de 2004, on est passé dans un autre monde où l'État ne travaille plus pour les communes. Cela ne me choque pas, mais on n'a plus de maître d'oeuvre et il faut y remédier.
Nous devons notamment veiller à préserver l'homogénéité du réseau entre les 102 départements. Si, lorsqu'on passe d'un endroit à un autre, la signalétique et les conditions changent, on crée de l'insécurité routière.
Tout l'enjeu consiste à bien faire fonctionner le nouveau système entre État, départements et communes, en permettant au travail exemplaire du RST de rayonner sur l'ensemble du réseau mais en permettant également la remontée qui existait naguère entre les agents départementaux et communaux et les instances centrales.
La sécurité routière n'est pas un gadget. Il ne s'agit pas de se réunir à la préfecture pour se demander ce que l'on va faire, mais de consacrer du temps aux maires pour les rassurer, pour leur expliquer que les recommandations du RST sont fondées et que leur application aura un effet sur leur territoire. On ne progressera que tous ensemble, par une bonne communication de bas en haut et de haut en bas, et non en créant une commission de plus !
Les interventions de ce matin me conduisent à formuler quelques suggestions.
En premier lieu, il faut améliorer l'expertise des projets d'aménagement sous l'angle de la sécurité routière.
En deuxième lieu, il serait intéressant d'élaborer un guide Mon village sans accidents s'adressant aux 36 000 maires de France.
Il n'y a pas de solution instantanée. Les problèmes de ce type se règlent sur dix ans. Pouvoir se dire, au bout d'une telle période, que l'on a fait oeuvre utile et que l'on a probablement sauvé des vies et évité des handicaps, voilà ce qui peut mobiliser un maire ou un conseiller municipal ! Les élus sont des gens sérieux et ils savent avancer, pour peu qu'on leur apporte un concours efficace. Je ne crois pas aux solutions miracles qui viendraient d'une commission départementale, une de plus, alors que nous sommes déjà assaillis de convocations pour des réunions où nous avons l'impression de perdre notre temps. Je préfère agir concrètement avec les techniciens.
J'appartiens à la majorité et je soutiens le Gouvernement, mais ce qu'ont dit les deux représentants du Syndicat national des ingénieurs des travaux publics d'État me semble exact. En travaillant à divers rapports sur les transports terrestres pour le compte de la commission des affaires européennes, j'ai dû me rendre à l'évidence. Les nouvelles DDT n'offrent plus aux communes et aux départements le soutien, la présence et la compétence de leurs ingénieurs, si bien que les élus doivent souvent se tourner vers des cabinets qui coûtent fort cher aux collectivités.
Cette table ronde nous aura permis d'appréhender beaucoup de vérités et nous aura ouvert de nombreuses perspectives.
Mon département, la Saône-et-Loire, a 5 000 km de routes départementales pour seulement 100 km de routes nationales, avec la sinistre RCEA, la route Centre-Europe Atlantique. Il y a donc eu un déplacement des besoins de financement et d'ingénierie et il faut trouver les recettes nécessaires, alors que l'organisation des départements ministériels a changé. Cas unique en France, la RCEA devrait passer en concession autoroutière, ce qui est très mal perçu par les populations qui ont l'impression de devoir payer deux fois, en tant que contribuables et en tant qu'usagers.
Je le répète, je n'ai pas eu l'impression d'entendre un discours syndical : je me suis rendu compte ces dernières années que telle était la réalité. Il est impératif de revoir le lien entre les deux ministères concernés et les départements et communes. Je l'ai dit à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et à M. Mariani, mais je me sens un peu seul pour soutenir cette position.
Les moyens à mettre en place exigent des recettes nouvelles. Or l'AFITF est financièrement à sec. Il faut donc poser la question de l'utilisation de l'écotaxe. Les écologistes voulaient que cet argent, prélevé sur le transport routier, soit affecté au transport maritime, fluvial ou ferroviaire. En Allemagne, le produit de l'écotaxe est de 4 milliards d'euros, pour 1 milliard prévu en France à partir de 2013 seulement.
Je retiens enfin, dans les propos très riches de nos interlocuteurs, la nécessité de nous doter de systèmes intelligents de transports.
Dénoncer le désengagement de l'État pour s'exonérer de ses propres responsabilités me semble un peu facile ! L'argent public est rare. Dans tous les pays, de quelque bord que soit le gouvernement, la priorité est de diminuer la dépense publique. La question principale est donc de faire mieux en gaspillant moins. Je suis maire depuis de nombreuses années et le fonctionnement de certains services de l'État me laisse parfois pantois – par exemple des réunions très longues et parfaitement inutiles mobilisant un nombre considérable de fonctionnaires de l'ex-DDE.
Il faut également en finir avec l'habitude détestable de refaire des chaussées alors qu'il n'y a pas forcément urgence, uniquement parce qu'il faut consommer les crédits avant la fin de l'année. Et je ne parle pas des audits ou de la mobilisation de centres de recherche et de diverses instances dont on distingue mal le rôle.
Sur les autoroutes, le nombre des accidents causés par des automobilistes prenant les voies à contresens semble avoir augmenté. Or l'usager que je suis constate que les aires ont été complexifiées à l'envi, avec des giratoires, des bretelles de dégagement, etc., si bien que l'on perd ses repères et que l'on risque de commettre des erreurs. Dans la pratique, c'est une catastrophe.
En particulier, on aménage des giratoires démesurés, dont le coût s'est accru de façon exponentielle en quinze ans. Je pense que l'on pourrait faire beaucoup plus simple et corriger de ce fait beaucoup plus de points noirs, plutôt que de se faire plaisir avec des giratoires gigantesques ou des déviations démentielles comprenant des ouvrages d'art tous les cent mètres. Nous ne pouvons plus nous permettre un tel gaspillage d'argent public.
Dans la ville de Maisons-Laffitte, dont je suis le maire, les aménagements de voirie ont permis de passer de 96 accidents corporels en 1990 à moins de dix en l'espace de dix ou quinze ans.
Selon certains experts, si la densité autoroutière de la France était équivalente à celle de l'Allemagne, notre pays compterait 15 % de tués sur les routes en moins. Qu'en pensez-vous ?
D'autre part, j'ai constaté que la sécurité routière dispose parfois sur la voirie des « haricots » qui constituent autant d'obstacles pour les motos et peuvent provoquer des accidents. Cela me semble peu compréhensible.
Quel est votre sentiment sur les espaces partagés dans les infrastructures, notamment sur la possibilité ouverte aux usagers des pistes cyclables de remonter les sens interdits ? Culturellement, cela vous semble-t-il efficace et responsable ?
Enfin, s'il est vrai que l'État s'est désengagé de certains secteurs – et je considère, en bon jacobin, qu'il doit conserver un savoir-faire en matière routière –, il ne faut pas oublier que les directions départementales des territoires se sont considérablement étoffées dans le même temps, ce qui, à mon avis, a largement compensé les réductions qu'il y a pu y avoir par ailleurs dans l'effectif des agents affectés à la voirie et à la sécurité routière.
Tout comme certaines collectivités, l'État est gestionnaire d'infrastructures. À ce titre, il doit assumer des responsabilités, y compris pénales. C'est pourquoi je ne peux être d'accord avec certains discours alarmistes. Je comprends que l'industrie routière française ait intérêt à soutenir qu'il existe des secteurs où l'adhérence est insuffisante pour freiner, mais je ne peux souscrire à une telle thèse. Bien évidemment, des mesures de l'adhérence sont réalisées régulièrement sur les réseaux pour s'assurer de la qualité des infrastructures et de leur conformité aux règles.
On peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres, par exemple en prenant pour référence l'année 2009 sans faire la part de ce qui relève du plan de relance.
Je le répète, nous sommes des gestionnaires responsables. Nous nous employons à optimiser les investissements et la sécurité routière figure au premier plan de nos préoccupations, qu'il s'agisse de règles ou d'expertise. Dans certains cas, monsieur Myard, les îlots séparateurs sont nécessaires et préférables à une ligne horizontale, mais il n'existe pas de réponse absolue : il faut que l'équipement soit bien conçu et bien perçu.
Pour ce qui est des giratoires, nous sommes bien d'accord : les services de l'État doivent respecter l'impératif de réduction des dépenses publiques et de bonne utilisation des deniers publics. Cela dit, ces aménagements ne sont pas tous critiquables. À une entrée de ville ou dans d'autres secteurs, ils peuvent répondre à un besoin. Quant à les éclairer, cela n'apporte pas une garantie absolue de sécurité.
L'écotaxe est en cours de finalisation. Conformément à la loi, son produit sera affecté à l'AFITF, qui finance des investissements en matière de routes, de voies navigables et de voies ferrées. La comparaison avec l'Allemagne est malaisée : la France passe des concessions de travaux depuis cent cinquante ans et c'est ce qui a permis de construire notre réseau ferré et notre réseau autoroutier. Les 8 800 km d'autoroutes concédées génèrent plus de recettes que l'écotaxe n'en rapporte en Allemagne. Ces questions de recettes doivent donc être examinées de façon globale.
Pour conclure, je rejoins les analyses déjà formulées : les aménagements d'infrastructures permettent d'améliorer la sécurité mais ils font partie d'un tout. Il faut qu'ils soient correctement conçus mais seule l'expérience peut confirmer le bien-fondé de notre intervention. On peut anticiper les comportements dans une certaine mesure, mais les êtres humains évoluent, de même que les véhicules. Nous devons donc mener un travail permanent d'évaluation pour vérifier l'efficacité des mesures prises.
Tous les intervenants ont souligné l'importance de notre réseau scientifique et technique, qui est un des premiers au monde. Cet outil doit être mis à la disposition de l'ensemble des maîtres d'ouvrage : État, départements, communes. Dans l'intérêt de la sécurité routière, il faut le conforter car il est aujourd'hui en danger.
L'association TDIE regroupe, je l'ai dit, l'ensemble des acteurs de la mobilité. Elle n'est le porte-parole de personne, monsieur Saintillan, et, en particulier, pas celui de certaines grandes entreprises.
D'autre part, je n'ai jamais soutenu que l'on avait du mal à freiner sur le réseau routier national : j'ai seulement souligné que c'était le premier symptôme possible d'un défaut d'entretien.
Enfin, je maintiens que nous sommes plus dans une logique de diminution que d'augmentation des crédits affectés au réseau national. Les comptes de l'AFITF et les bleus budgétaires le confirment. Ce n'est pas un jugement de valeur, c'est une certitude chiffrée.