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Intervention de Olivier Deleu

Réunion du 7 septembre 2011 à 9h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Olivier Deleu, secrétaire général de l'association Transport Développement Intermodalité Environnement, TDIE :

Tous les intervenants l'ont souligné, la sécurité routière dépend d'une pluralité de facteurs et donc pour partie seulement des infrastructures. Mais, outre que la matière est complexe, elle n'est pas modélisable. Les choses seraient plus simples, y compris pour l'association TDIE qui regroupe l'ensemble des acteurs de la mobilité durable, si l'on pouvait établir une corrélation entre le montant des investissements et l'amélioration de la sécurité. Les travaux de plusieurs économistes – ceux de Marc Gaudry et de Karine Vernier, notamment, menés en liaison avec le SETRA – montrent au contraire que, lorsque la bande de roulement se dégrade de façon visible, les automobilistes deviennent plus vigilants, qu'ils réduisent leur vitesse et que la sécurité routière s'en trouve paradoxalement améliorée. Ce serait certes un sophisme dangereux que de se refuser à entretenir les routes en invoquant la sécurité routière, mais on voit bien qu'il faut se garder de simplifier à l'excès. De même, il serait simpliste de soutenir que la suppression de l'éclairage suffirait à régler certains problèmes de circulation, comme on le lit parfois dans la presse.

Nous sommes à la croisée des chemins. Le président Krattinger, qui représente l'Assemblée des départements de France au sein de TDIE, affirmait récemment que le réseau routier français, qui est un des meilleurs et des plus complets d'Europe, « commence à subir les conséquences de politiques d'entretien guidées davantage par la nécessité économique que par les réalités techniques ». Or ces réalités techniques sont implacables : le défaut d'entretien est un pis-aller qui se paie au prix fort lorsque s'amorce une détérioration structurelle de la chaussée. Le président de l'Union des syndicats de l'industrie routière française (USIRF), autre adhérent de TDIE, parlait quant à lui des « risques importants d'une dégradation rapide du niveau de service de l'ensemble des réseaux routiers existants et du probable accroissement de l'accidentologie liée à leur utilisation ».

Bref, nous risquons d'être confrontés à un effet de ciseaux.

D'une part, l'exigence de qualité de service sur la route augmente. Nous sommes dans une société de l'image et de l'instant, où l'information arrive en temps réel et en abondance, à tel point que certains automobilistes éprouvent des difficultés à appréhender la signalisation existante de façon globale et suffisamment en amont. Il faudra mener une réflexion sur la circulation de l'information routière, en vue de mieux répondre à la demande sociale de technologies intelligentes.

D'autre part, notre travail sur le réseau routier de l'État fait apparaître qu'un entretien insuffisant se traduit en premier lieu, et de façon mesurable, par un accroissement de la distance de freinage. Le risque est alors d'assister à une dégradation des conditions de circulation, indétectable par les automobilistes, donc ne pouvant provoquer de réaction d'anticipation de leur part.

Bref, il faut continuer à investir dans les réseaux routiers. Je vous renvoie à ce propos à la fiche ROU2 de l'avant-projet consolidé du schéma national d'infrastructures de transport, qui illustre un effort de franchise et de cohérence de l'État : « Les coûts moyens d'entretien et d'exploitation des routes en France, évalués par kilomètre exploité ou par kilomètre parcouru pondéré, se situent dans le bas de la fourchette des coûts constatés en Europe pour des routes de structure comparable. Ce résultat peut être le signe d'une bonne efficacité économique mais aussi celui d'une possible insuffisance des moyens affectés à ces fonctions. »

Je tiens également à votre disposition l'étude que nous avons réalisée sur les budgets consacrés à l'entretien, à la modernisation et à la sécurisation du réseau routier national. Ce réseau ne représente que 2 % du réseau total mais accueille 25 % de la circulation routière et 50 % de la circulation des poids lourds. Toutes les données – y compris celles du réseau scientifique et technique national, qui est, j'y insiste, le meilleur du monde et qui mérite qu'on lui donne les moyens d'exister – montrent que ce réseau a besoin de plus de transparence – probablement sous forme d'un audit indépendant –, mais aussi d'une programmation pluriannuelle comme c'est le cas pour les contrats de projets entre l'État et RFF.

Il existe des prémices : le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, est pluriannuel. Pourquoi ne pas généraliser la démarche pour prévoir que, sur dix ans, on allouera tel montant chaque année à tel type de politique sur le réseau routier national ? Ce serait le moyen d'en améliorer la sécurité en ne laissant pas devenir lettre morte les préconisations des techniciens.

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