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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 18 mai 2011 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • ANPE
  • accompagnement
  • demandeur
  • fusion
  • plafond

La séance

Source

PermalienPhoto de David Habib

Nous poursuivons nos travaux sur la soutenabilité de l'évolution de la masse salariale de la fonction publique. Après avoir procédé à de nombreuses auditions qui nous ont permis d'entendre des représentants de ministères concernés, nous avons le plaisir d'accueillir M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, accompagné de M. Moïse Rashid, directeur général adjoint en charge des ressources humaines, et de Mme Carine Rouillard, directrice générale adjointe en charge du pilotage.

Je rappelle que notre travail s'appuie sur un rapport d'enquête réalisé par la Cour des comptes, à la demande de la Commission des finances, sur « les conditions d'une stabilisation en valeur de la masse salariale de l'État ». Nous bénéficions, par ailleurs, de la présence de M. Pierre Jaillard, rapporteur à la Première chambre de la Cour des comptes, qui a assisté aux précédentes auditions.

Nos trois rapporteurs, M. Marc Francina, M. Charles de La Verpillière et M. Bernard Derosier, représentent tant la majorité que l'opposition, et ils appartiennent à des commissions différentes, ce qui garantit la pluralité de notre travail.

Je vous propose, monsieur Charpy, de commencer par un propos introductif, après quoi nous en viendrons aux questions que les rapporteurs souhaiteront vous poser.

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Pôle Emploi est une maison récente, âgée de deux ans et demi seulement. Elle résulte de la fusion des réseaux opérationnels de l'assurance chômage, les Assédic, et de l'ANPE, deux structures très différentes : l'ANPE était un établissement public de l'État, dont les 30 000 agents étaient régis par un décret statutaire, alors que le réseau de l'assurance chômage était formé d'associations de droit privé, disposant de 15 000 collaborateurs régis par le code du travail et une convention collective.

Je rappelle, en outre, que Pôle Emploi a été créé dans un contexte de crise économique et de chômage massif : au moment où Pôle Emploi voyait le jour, en janvier 2009, nous avons enregistré 100 000 demandeurs d'emploi supplémentaires, ce qui était sans précédent. De la fin du mois d'août 2008 à aujourd'hui, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A est passé de 1,9 à 2,7 millions de personnes, l'essentiel de la hausse étant concentrée sur le dernier semestre de 2008 et l'année 2009.

Pour comprendre la réalité de notre masse salariale, il faut envisager la question des effectifs, mais aussi celle de leur statut social.

Sur ce dernier point, il a été décidé que les personnels de la nouvelle entité seraient régis par une convention collective de droit privé, à négocier aussi vite que possible, et que les agents de droit public auraient vocation à opter pour cette convention collective, s'ils le souhaitaient.

Deux éléments doivent être analysés. Tout d'abord, la loi instituant la fusion de l'ANPE et des Assédic n'a pas fixé de terme à la négociation, contrairement aux habitudes. Il est donc revenu aux partenaires sociaux et à la direction de négocier la date à laquelle la convention collective de l'assurance chômage prendrait fin, ce qui n'avait rien d'évident pour les syndicats. Il a ensuite été indiqué, au plus haut niveau de l'État, que les personnels bénéficieraient du statut le plus favorable. Cela a rendu difficile la négociation, car il existait entre les agents de l'ANPE et ceux issus des Assédic un écart de rémunération compris, en moyenne, entre 20 et 25 % selon les grades.

La convention collective a finalement été signée à la fin du mois de novembre 2009, et elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2010. L'ensemble des personnels de droit privé issus de l'assurance chômage est aujourd'hui régi par cette convention, à la différence des personnels originaires de l'ANPE, qui bénéficient d'un droit d'option jusqu'à la fin de l'année 2011 – 64 % d'entre eux l'ont déjà exercé. Quant aux personnels recrutés depuis le 1er janvier 2009, ils ont d'abord été régis par la convention collective de l'assurance chômage, puis la nouvelle convention collective leur a été appliquée. À ce jour, 80 % des 50 000 personnes rémunérées par Pôle Emploi sont régis par la nouvelle convention collective, et 20 % par le statut de l'ANPE. Après de rapides évolutions en début de période, la situation s'est aujourd'hui stabilisée. Nous estimons qu'entre 70 et 75 % des personnels de droit public opteront finalement pour la nouvelle convention collective.

J'en viens à la question des effectifs. Face à l'augmentation de la charge de travail de Pôle Emploi, un renforcement exceptionnel des moyens a été décidé à l'été 2009 – nous avons ainsi bénéficié de 1 840 équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires ; une seconde augmentation des effectifs a eu lieu à la fin de l'année 2009, sous la forme de 1 000 contrats à durée déterminée (CDD) ; puis, à compter du 1er avril 2010, l'activité d'orientation professionnelle, qui relevait jusque-là de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), a été transférée à Pôle Emploi, ce qui représente 850 ETP supplémentaires.

L'année 2011 connaît une orientation assez différente : la loi de finances a, en effet, prévu une baisse des effectifs de 1 968 ETP – 1 668 CDD et 300 CDI –, à réaliser progressivement au cours de l'année.

PermalienPhoto de Bernard Derosier

Vous avez rappelé la forte augmentation du nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi. Vous êtes-vous fixé une politique de quotas, à l'image de ce que faisait l'ANPE, c'est-à-dire un nombre de demandeurs suivis par chaque agent ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

La fusion a été réalisée pour deux raisons : simplifier les conditions d'accès au service public de l'emploi, notamment grâce à une unification des sites, des sites Internet et des plateformes téléphoniques, mais aussi améliorer l'accompagnement et le suivi des demandeurs d'emploi. L'objectif évoqué au moment de la fusion était qu'un conseiller suive 60 demandeurs d'emploi en moyenne. Cet objectif a été partiellement repris dans la convention tripartite signée par l'État, l'UNEDIC et Pôle Emploi, mais il a été réservé, compte tenu de la très forte augmentation du chômage, aux demandeurs d'emploi les plus en difficulté.

En 2010, un conseiller suivait, en moyenne, 105,8 demandeurs d'emploi faisant l'objet d'un « suivi mensuel personnalisé » – nous rencontrons les demandeurs d'emploi dès inscription, ils peuvent ensuite bénéficier d'ateliers et de différents rendez-vous, mais c'est seulement à partir du 4ème mois qu'ils entrent dans le « portefeuille » d'un conseiller, afin d'être suivis tous les mois. Cette moyenne correspond à des situations diverses selon les régions, les établissements et les conseillers eux-mêmes.

Pour le moment, nous parvenons à réaliser l'objectif de soixante demandeurs d'emploi par conseiller dans le cadre des dispositifs destinés aux licenciés économiques et aux personnes présentant des difficultés spécifiques de retour à l'emploi, lesquelles bénéficient d'un accompagnement renforcé.

Concernant les licenciés économiques, nous arrivons à un taux de cinquante demandeurs d'emploi par conseiller dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé (CRP) ; dans le cadre des contrats de transition professionnelle (CTP), le taux d'accompagnement est encore meilleur, puisqu'il est d'un conseiller pour trente personnes. Dans les deux cas, les demandeurs d'emploi sont pris en charge, soit directement par Pôle Emploi, soit par des opérateurs privés de placement, soumis aux mêmes règles.

S'agissant des personnes présentant des difficultés spécifiques de retour à l'emploi, nous parvenons à un taux d'un conseiller pour 50 ou 60 personnes grâce à des dispositifs tels que « Cap vers l'entreprise » ou « Trajectoire », expérimentés dans quelques régions.

PermalienPhoto de Bernard Derosier

Estimez-vous que la situation est aujourd'hui stabilisée en matière d'accompagnement ? Quelles ont été les évolutions au cours des derniers mois ? Je rappelle qu'une circulaire du Premier ministre vous demande de comprimer vos effectifs.

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Un premier facteur est l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi. Nous avons enregistré une diminution de 42 000 personnes inscrites au premier trimestre, ce qui contribue à alléger le portefeuille de nos conseillers, même s'il y a nécessairement un décalage dans le temps, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure. Au cours de l'année 2009, nous avions constaté, au contraire, une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi, après trois années de baisse continue du chômage. Juste avant la crise économique et la fusion des réseaux, on comptait un conseiller pour 75 personnes, ce qui n'était pas très loin de notre objectif.

La réduction de nos effectifs pourrait avoir un impact sur la situation des portefeuilles, mais cet effet devrait être atténué par plusieurs facteurs, outre la réduction du chômage. Tout d'abord, la réduction des effectifs concerne principalement les CDD utilisés dans le cadre des CRP et des CTP. Or, le nombre des licenciements économiques est en forte baisse : on devrait compter environ 70 000 entrées dans ces deux dispositifs en 2011, contre 125 000 personnes bénéficiaires en 2010. Par ailleurs, nous avons procédé au transfert du recouvrement des contributions d'assurance chômage aux URSSAF, effectif au 1er janvier 2011. Entre 300 et 350 des 1 300 agents concernés sont maintenus sur une activité proche, telle que le contentieux des actions en cours, mais le reste est en cours de redéploiement dans notre réseau au sein de différentes plateformes, ou bien en contact direct avec les demandeurs d'emploi.

Un rapport de l'Inspection générale des finances vient de montrer que notre service public de l'emploi – au sens large du terme, puisqu'on incorpore les missions locales, les maisons de l'emploi, les services « emploi » des collectivités territoriales ainsi que les effectifs du ministère de l'Emploi – est plutôt moins doté que ses homologues européens, en particulier dans le domaine de l'accompagnement. Nous consacrons plus d'effectifs que l'Allemagne et la Grande-Bretagne aux relations avec les entreprises – 10 % du personnel en France, contre 4 ou 5 % chez nos voisins ; en revanche, si l'on rapporte les effectifs aux demandeurs d'emploi inscrits ou aux chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT), nous sommes bien moins dotés, le rapport étant de 1 à 2, voire 3.

PermalienPhoto de Marc Francina

Quels sont vos rapports avec les missions locales et les maisons de l'emploi ? La fusion entre les Assédic et l'ANPE s'est très bien passée dans certaines circonscriptions, mais cela n'a pas été le cas partout. Dans quelle mesure êtes-vous parvenus à transmettre des tâches aux missions locales et aux maisons de l'emploi, afin d'alléger votre charge de travail et de réduire vos besoins en effectifs ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Nous avons signé un accord national et des accords régionaux avec les missions locales, auxquelles nous confions environ 150 000 jeunes demandeurs d'emploi dans le cadre d'une co-traitance. Nous leur versons un forfait global pour cette prise en charge, qui allège effectivement notre tâche. Compte tenu de la situation que j'ai rappelée, nous avons demandé aux missions locales d'accroître leurs efforts, et nous avons également augmenté notre contribution financière.

Une action similaire a été engagée avec les « Caps emploi » : 64 000 demandeurs d'emploi leur sont confiés en 2011, contre 70 000 en 2010.

Concernant les maisons de l'emploi, dont la création est antérieure à la fusion, la situation est quelque peu différente. D'après ce que je crois comprendre de leur cahier des charges, elles ont été recentrées sur des missions qui diffèrent de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Pôle Emploi participe à certaines maisons de l'emploi, et coopère avec d'autres dans des domaines tels que le diagnostic territorial ou la gestion prévisionnelle de l'emploi. Ces actions ne concernant pas l'accompagnement, la coopération avec les maisons de l'emploi ne nous permet pas de nous décharger de certaines tâches.

Pour information, je précise que les effectifs des maisons de l'emploi ont été évalués à environ 2 200 personnes par l'Inspection générale des finances.

PermalienPhoto de Marc Francina

La plupart des missions locales sont financées par les communes. Or, elles ont tendance à embaucher des effectifs pléthoriques afin d'exister. J'aimerais savoir si vous les rémunérez en fonction de leur masse salariale ou des actions réalisées.

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Notre contribution est forfaitaire : nous versons environ 600 euros par jeune demandeur d'emploi pris en charge.

Je rappelle, en outre, que les missions locales bénéficient de plusieurs types de financement, versés par la délégation générale à l'Emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), les communes, les régions et Pôle Emploi – nous leur apportons environ 34 millions d'euros chaque année.

Au total, le budget de la co-traitance avec les missions locales et les « caps emploi » représente près de 70 millions d'euros.

PermalienPhoto de Bernard Derosier

Selon le rapport de l'Inspection générale des finances, l'accompagnement des demandeurs d'emploi peut conduire à des économies supérieures aux coûts. Que vous inspire ce rapport ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Ses conclusions ne constituent pas une surprise : je rencontre régulièrement mes homologues européens, et je suis le président de l'association mondiale des services d'emploi publics (AMSEP). Cela étant, c'est la première fois qu'un travail aussi complet est réalisé pour recenser les effectifs des opérateurs concernés et pour établir une répartition par missions. Ce rapport confirme que le service public de l'emploi est plutôt moins doté en France qu'à l'étranger.

On constate, en premier lieu, que les missions d'accueil et d'indemnisation sont assurées avec des effectifs un peu moins nombreux en France, ce qui est assez surprenant en matière d'indemnisation. Le système français est, en effet, assez complexe par rapport à celui d'autres pays. En Grande-Bretagne, par exemple, un simple forfait est appliqué, indépendamment des situations individuelles.

Une seconde observation est que nous consacrons plus d'effectifs aux relations avec les entreprises, ce qui est assez logique. La mission de nos homologues allemands et britanniques est, en effet, relativement différente de la nôtre : nous nous inscrivons dans une logique d'intermédiation entre la demande et l'offre, ce qui nous conduit à servir deux types de clients, les demandeurs d'emploi et les entreprises. Notre offre à destination de ces dernières est beaucoup plus complète et diversifiée que celle de nos voisins. La stratégie retenue en Grande-Bretagne est plus axée sur le placement des demandeurs d'emploi en situation de difficulté, et celle de l'Allemagne est concentrée sur les très grandes entreprises, qui recrutent beaucoup.

C'est toutefois sur l'accompagnement que porte la véritable différence : nos effectifs sont deux ou trois fois moins nombreux dans ce domaine.

Tout ce qui va dans le sens de l'activation des dépenses passives d'indemnisation favorise naturellement la réduction des dépenses d'indemnisation. Plus l'accompagnement est renforcé, plus il augmente les chances de retour à l'emploi, et plus il réduit les dépenses d'indemnisation.

Nous avions réalisé, avant la fusion, une étude sur l'efficacité du reclassement selon qu'il est effectué par les opérateurs privés de placement rémunérés par l'UNEDIC, dans le cadre des dispositifs d'accompagnement renforcé de l'ANPE, ou dans le cadre des dispositifs classiques. Il est apparu, tout d'abord, que le taux de retour à l'emploi des personnes accompagnées de façon plus intensive était plus élevé – on pouvait s'en douter, mais cela n'avait jamais été clairement établi. Quand ce sont des demandeurs d'emploi indemnisés qui retrouvent du travail, cela représente autant de dépenses en moins pour l'assurance chômage. Une seconde observation était que l'accompagnement réalisé par l'ANPE était un peu plus efficace en matière de retour à l'emploi que celui des opérateurs privés de placement. Cela étant, il faut rappeler que ces derniers ne faisaient que débuter leur activité dans ce domaine.

De façon générale, une réduction d'un mois de la durée moyenne du chômage représente plus d'un milliard d'euros d'économies pour l'assurance chômage. En consacrant davantage de moyens à l'accompagnement, on renforce non seulement les possibilités de retour à l'emploi, mais on réduit aussi les dépenses d'assurance chômage. Cela étant, les payeurs ne sont pas les mêmes.

PermalienPhoto de Marc Francina

Notre pays connaît une importante saisonnalité de l'emploi, en particulier dans les stations touristiques. Prenez-vous en compte ce phénomène pour le déploiement de vos fonctionnaires ? Je pense aux stations de ski, mais aussi aux stations d'été sur la côte ouest de la France, en Bretagne et en Méditerranée, où la saisonnalité est toutefois moins importante. Ce sont souvent les mairies qui doivent intervenir.

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Je tiens à préciser, tout d'abord, qu'il n'y a pas d'autre fonctionnaire que moi à Pôle Emploi – je suis magistrat de la Cour des comptes. Nos agents sont tous des contractuels de droit privé ou de droit public.

Il y a moins de demandeurs d'emploi à suivre dans les zones touristiques en haute saison, mais nous avons davantage de travail à réaliser pour aider les entreprises à satisfaire leurs besoins de recrutement. On peut penser que la situation s'équilibre au plan global.

Pour faire face aux variations infra-annuelles, la convention collective nous permet de recourir à un volant de 5 % de CDD par an, hors contrats aidés et contrats partenariaux. Il y a donc une certaine flexibilité, et l'on peut concentrer ces contrats sur les trois mois de la haute saison pour obtenir plus d'efficacité.

Pour ce qui est de la répartition des effectifs budgétaires selon les régions, nous utilisons un outil de simulation de la charge de travail qui prend en considération plusieurs éléments : le nombre des demandeurs d'emploi, celui des demandes d'indemnisation et celui des offres d'emploi. En cas d'évolution affectant particulièrement une région, il n'est pas évident de supprimer des effectifs à un endroit pour les renforcer ailleurs : on ne peut pas déplacer les personnels de façon autoritaire, même s'ils ne sont pas des fonctionnaires.

PermalienPhoto de David Habib

Venons-en à vos relations avec la tutelle publique. Comment se déroulent la négociation et le dialogue avec l'État ? J'aimerais savoir, en particulier, comment le plafond d'emplois vous est signifié.

Comment procédez-vous, par ailleurs, aux négociations avec les partenaires sociaux ? Comment sont-ils associés à la définition des objectifs ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Le plafond d'emplois est fixé par la loi de finances, ce qui est relativement paradoxal pour différentes raisons.

Tout d'abord, Pôle Emploi n'est pas un opérateur de l'État au sens strict du terme : seul un tiers de son financement provient de l'État, alors que le critère retenu par la loi organique sur les lois de finances est de 50 % des recettes.

L'existence d'un plafond d'emplois présente, en outre, quelques contradictions avec certains aspects de notre statut. Tout d'abord, si le plafond d'emplois ne comprend pas les CDD, le code du travail nous impose de les convertir en CDI au bout de quelques mois. Contrairement aux structures de droit public classiques, nous ne pouvons pas recruter des agents sous forme de CDD pendant plusieurs années, comme le faisait l'ANPE. En second lieu, lorsque les conseils généraux nous demandent d'assurer un suivi renforcé des bénéficiaires du RSA – le conseil général du Rhône finance plus de 50 emplois à ce titre –, nous sommes obligés de procéder à des recrutements en CDI, qui viennent en déduction du plafond d'emplois, alors même que nos recettes augmentent.

Les discussions concernant le plafond d'emplois ont lieu dans le secret des arbitrages budgétaires de l'été. J'y suis associé, mais les décisions ne sont pas prises par le conseil d'administration de Pôle Emploi, qui associe l'État, le patronat et les syndicats. Or, une des particularités de notre fonctionnement est que le budget doit être adopté à une majorité des deux tiers, ce qui n'est pas nécessairement facile en cas de réduction des effectifs.

Une fois le plafond d'emplois fixé, nous réalisons un suivi mensuel des ETP au niveau régional et au niveau national. Un état complet de nos effectifs et de notre activité est transmis au Contrôle général économique et financier selon un rythme mensuel et trimestriel. Nous transmettons des informations très précises à notre tutelle, à savoir la direction du Budget et la DGEFP.

La négociation avec les partenaires sociaux est complexe, surtout quand certaines décisions sont prises en loi de finances. La difficulté est que nous sommes soumis aux dispositions du code du travail en matière d'information et de consultation des comités d'entreprise, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et du comité central d'entreprise, alors qu'un certain nombre de décisions relèvent de la puissance publique, indépendamment du processus de concertation préalable. Nous en sommes, par exemple, à la troisième ou quatrième réunion du comité central d'entreprise dans le cadre du processus d'information sur la baisse des effectifs, qui est déjà décidée.

PermalienPhoto de Marc Francina

Pouvez-vous confirmer que les emplois hors plafonds sont financés sur ressources propres, en particulier dans le cadre des contrats avec les conseils généraux ? Est-ce le cas des 2 680 emplois hors plafond mentionnés dans le document dont nous disposons ?

En ce qui concerne les relations avec votre tutelle, la commission interministérielle d'audit salarial du secteur public (CIASSP) examine-t-elle annuellement les rémunérations versées par Pôle Emploi, comme elle le fait dans presque tout le secteur public ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Les contrats à durée déterminée partenariaux sont, en effet, hors plafond. Il n'en demeure pas moins que certains emplois partenariaux font l'objet de contrats à durée indéterminée. Au moment de la fusion, il était impossible de transformer les CDD de droit public d'agents embauchés pendant six ans par l'ANPE en simples CDD de droit privé. Ces contrats ont donc été transformés en CDI, alors qu'ils correspondaient parfois à des partenariats. Notre plafond d'emploi comprend donc des CDI relevant de financements extérieurs.

En second lieu, il n'est pas évident de procéder à des recrutements sous forme de CDD de droit privé dans le cadre des CRP et des CTP. En effet, pourquoi remplacer ces agents au bout de 18 mois, alors qu'ils sont formés et efficaces ? Mieux vaut les faire bénéficier d'un CDI que de se séparer d'eux, pour former ensuite de nouveaux agents, recrutés en CDD. Il serait certes préférable de retirer de notre réseau des agents en CDI pour l'exercice de ces missions, et d'assurer leur remplacement par des CDD, mais cette solution est très difficile à appliquer au quotidien.

Pour répondre à votre seconde question, nous faisons l'objet de nombreux contrôles, mais la CIASSP n'est pas compétente à notre égard.

PermalienPhoto de David Habib

Quelle est l'incidence des décisions prises par le Gouvernement sur l'évolution de votre masse salariale ? Chacun sait que certains dispositifs sont créés, puis supprimés, avant d'être réinstaurés. Comment faites-vous pour vous adapter à ces évolutions ?

PermalienChristian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

Nous sommes associés à la préparation des décisions en matière de politique de l'emploi. Étant associés en amont, nous sommes rarement pris au dépourvu. Nous avons, en effet, une expertise en matière d'accompagnement, et les décisions nouvelles font l'objet d'une évaluation financière au titre de laquelle nous sommes consultés.

Les décisions qui nous concernent sont plus ou moins difficiles à appliquer. Dans le cadre du plan de mobilisation pour les chômeurs de longue durée, Pôle Emploi a été chargé de recevoir, dans un délai de trois mois, tous les demandeurs d'emploi resté sans activité pendant toute l'année 2010, soit environ 680 000 personnes. Comme nous étions, de toute façon, censés les recevoir, nous avons activé le programme habituel en donnant des consignes supplémentaires concernant la régularité des entretiens et leur contenu, ce qui ne constituait pas directement une charge supplémentaire. La mise en place du suivi mensuel, à l'époque de l'ANPE, a été très différente : comme les demandeurs d'emploi n'étaient suivis que tous les six mois avant 2006, il a fallu recruter 3 500 agents supplémentaires. Un cas similaire s'est récemment présenté avec l'instauration des CRP et les CTP.

D'une manière générale, il existe nécessairement un temps de latence lié au recrutement des personnels, à leur formation et à la mise en route des dispositifs. Plus nous sommes associés en amont, et plus la mise en place des mesures est progressive, ou assortie de délais, plus notre tâche est aisée.

Dans un domaine qui n'est pas lié à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, nous avons dû recruter 200 personnes en CDD pour le versement de la prime associée au dispositif « zéro charge » dans le cadre du plan de relance. Nous avons su faire preuve d'une réactivité plus importante qu'à l'époque de l'ANPE – il fallait alors recruter par voie de concours ou recourir à des CDD de longue durée, avec toutes les difficultés de gestion que cela impliquait.