La commission a auditionné M. Yvon Jacob, ambassadeur de l'industrie.
C'est avec plaisir que nous accueillons en votre personne, monsieur l'ambassadeur, un ancien membre de notre commission, qui, à ce titre, sait à quel point l'industrie est un sujet qui nous passionne. Au cours de votre carrière d'industriel ou dans le cadre de vos fonctions représentatives, vous avez acquis une connaissance sans équivalent de cette branche centrale de notre économie. Nous souhaiterions que cette audition soit l'occasion de nous la faire partager.
Quel est votre rôle en tant qu'ambassadeur de l'industrie ? Quelles suites ont été données aux États généraux de l'industrie, qui se sont tenus il y a un peu plus d'un an maintenant ? Quel est l'état d'avancement de la réflexion que vous avez engagée, à la demande d'Éric Besson, sur la « réciprocité industrielle » ? Quel diagnostic portez-vous sur l'industrie française ? La désindustrialisation de notre pays est-elle bien réelle ? Si c'est le cas, est-elle irrémédiable ?
Le poste d'ambassadeur de l'industrie est une première en Europe. Il est issu de la Conférence nationale de l'industrie, à laquelle je siégeais en tant que président du groupe des fédérations industrielles et de président de la fédération des industries mécaniques. J'ai depuis quitté ces fonctions afin d'éviter tout mélange des genres.
Mon rôle essentiel est de faire entendre la voix du secteur auprès de l'administration et de faciliter les relations entre les entreprises et les autorités publiques, qui n'ont jamais été faciles, la méfiance et l'incompréhension opposant depuis toujours ces deux mondes qui doivent pourtant travailler ensemble. Il s'agit également de favoriser une approche globale des questions industrielles et une réflexion stratégique au sein du Gouvernement et des administrations. J'exerce enfin un rôle d'influence, dans le sens plein du terme « ambassadeur », mon but étant de développer les relations avec les représentants européens du monde industriel, afin de faire avancer certains dossiers auprès des instances de l'Union.
J'entends par industrie française les industries installées sur le territoire national, qu'elles soient à capitaux français ou étrangers. Sont exclues du champ de ma mission les multinationales comme Danone, entreprise brillante, très importante pour la France, mais qui réalise 80 % de son activité hors du territoire national. Ce secteur d'activité est au coeur de l'économie et de l'emploi, car il a un effet d'entraînement sur l'ensemble de la vie économique. En dépit d'une baisse régulière, il compte encore près de trois millions d'emplois, et au moins huit millions quand on tient compte des emplois indirects. Il représente 80 % des exportations françaises, et 90 % des dépenses privées de recherche & développement, sachant que 50 % de la R & D française sont financés par le secteur privé.
L'industrie, c'est aussi, par définition, le domaine d'application du progrès technique et de l'innovation, créateur de productivité. Si certains ne veulent voir dans celle-ci qu'une destruction d'emplois, elle signifie avant tout baisse des coûts et accès du plus grand nombre à des produits de moins en moins chers. C'est donc à l'intelligence de la R & D et à son application à la production que nous devons le progrès social que nous connaissons depuis une centaine d'années.
Depuis une vingtaine d'années cependant, l'industrie française est en recul, et le mouvement s'est accéléré ces dernières années, pour des raisons qui ont été identifiées par la CNI. Cela fait longtemps que ce recul avait été constaté par les entrepreneurs et les syndicats, mais la prise de conscience du monde politique est récente, celui-ci refusant jusqu'à présent de prendre la mesure des menaces qui pesaient sur l'avenir de l'industrie française. Aujourd'hui le constat semble partagé par tous, et la tenue d'une conférence nationale de l'industrie avait précisément pour objectif de s'attaquer aux causes de cette situation.
Celles-ci sont multiples ; elles ont été clairement diagnostiquées, non seulement par la CNI, mais aussi par le rapport Rexecode, le rapport d'information du sénateur Alain Chatillon et maints autres travaux. Je me bornerai à citer les principales.
Premièrement, notre industrie souffre d'une insuffisance de l'investissement et de l'innovation, dont l'origine est à rechercher avant tout dans le manque de compétitivité-coût des productions françaises, ce qui entraîne une baisse de la rentabilité globale de l'industrie française et ipso facto de sa capacité d'investissement.
La deuxième cause est à rechercher dans le poids de l'encadrement législatif et réglementaire, notamment dans un droit du travail complexe et rigide à l'excès. Il est temps d'affronter cette question, et les syndicats eux-mêmes l'ont reconnu à l'occasion de la CNI – en proposant, il est vrai, des solutions différentes de celles des entrepreneurs. Le même diagnostic vaut pour la réglementation environnementale.
La dégradation de la compétitivité-coût de l'industrie française est due avant tout à la fiscalité qui pèse sur les entreprises et au coût du financement des régimes sociaux, le plus élevé en Europe, voire dans le monde.
Autre cause clairement identifiée, notre industrie souffre, à la différence de l'industrie allemande, d'un défaut de solidarité interprofessionnelle. Il est flagrant dans la filière automobile, par exemple, où les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants sont dominées par l'unique considération du prix, au détriment du savoir-faire industriel, de la coopération technique et de l'emploi.
Enfin, notre industrie souffre incontestablement du désintérêt de la nation. Le secteur industriel pâtit d'une image négative : c'est sale, ça pollue, ça ne paie pas. Résultat, à la sortie du système éducatif, les jeunes, même ceux qui ont été formés dans les écoles d'ingénieurs, se détournent de ce secteur, alors que nos entreprises souffrent d'une grave pénurie d'ingénieurs, de techniciens et de personnels qualifiés. Le mal, constaté dans l'ensemble de l'Europe, est particulièrement profond en France.
Des initiatives ont cependant été prises ces dernières années pour résoudre ces problèmes.
Ainsi, la mise en place depuis quelques années des pôles de compétitivité, où se rencontrent le monde de l'université et de la recherche et celui de l'entreprise, vise à pallier le défaut d'investissement dans l'innovation. Ces pôles rencontrent un succès assez large et permettent de mener à bien beaucoup de projets de qualité. À cela s'ajoute l'institution, déjà ancienne, du crédit d'impôt recherche, soit quatre milliards consacrés annuellement à la R & D industrielle. Depuis la réforme du CIR, qui en a élargi la base et simplifié les procédures d'obtention, les PME représentent 84 % des bénéficiaires. Par ailleurs, il constitue un important levier pour attirer les entreprises étrangères dans notre pays, comme le prouve le fait que 41 d'entre elles en 2009 et 51 en 2010 ont installé en France leur centre de développement, de recherche et d'innovation. Interrogées sur les raisons qui les pousseraient à développer leurs activités dans notre pays, les grandes entreprises étrangères citent en premier lieu le crédit d'impôt recherche.
Il faut rappeler par ailleurs que le grand emprunt aura mobilisé au total 15 à 20 milliards d'euros en faveur de l'investissement industriel, soutien nécessaire pour compenser l'insuffisance de rentabilité de l'industrie française.
Même si je la juge encore insuffisante, la réforme de la taxe professionnelle a amélioré notre compétitivité-coût en permettant une nouvelle répartition de l'effort fiscal, qui s'est traduite par une baisse de quatre milliards d'euros des coûts pesant sur l'industrie. À ce titre, elle est extrêmement appréciée par les PME.
Une autre réforme a eu un impact considérable, bien qu'elle ait été quasiment passée sous silence : la réforme législative des règles encadrant les délais de paiement, favorable aux fournisseurs, a considérablement amélioré la trésorerie des PME, et ce en pleine crise.
Dans le but de renforcer la solidarité interprofessionnelle, la CNI a mis en place une politique des filières, avec l'appui d'un médiateur de la sous-traitance institué par le Gouvernement et dont je salue l'excellent travail.
Enfin une Semaine de l'industrie a été organisée dans le but d'améliorer l'image du secteur et de favoriser les contacts entre le système éducatif et les entreprises industrielles. La première, qui s'est tenue en avril dernier, s'est avérée un succès.
Notre pays doit sortir de la vision étroitement hexagonale qui marque encore trop de mesures législatives ou réglementaires, dont beaucoup sont prises en oubliant que nous vivons désormais dans une économie mondialisée. Le Parlement devrait avoir le réflexe de soumettre systématiquement celles qui peuvent avoir un impact sur nos entreprises industrielles à un benchmarking international pour déterminer si elles seront bonnes ou au contraire nuisibles pour notre compétitivité. Nous devons absolument mettre en place le pacte industriel décidé dans le cadre de la CNI, car si nous échouons à défendre nos positions sur les marchés mondiaux, nous ne parviendrons pas à améliorer significativement notre taux de croissance.
On ne saurait en particulier surestimer l'importance de l'Europe pour l'avenir de l'industrie française et le caractère essentiel de ce qui se décide à Bruxelles, les autorités européennes étant aujourd'hui seules à détenir certaines clés.
Bruxelles dispose ainsi du monopole du pouvoir en matière de négociations commerciales, puisqu'il lui revient de négocier pour le compte des États membres tous les accords que nous passons avec l'OMC ou avec tel ou tel pays tiers. C'est là un fait capital, une partie de nos problèmes trouvant leur origine dans certaines décisions des autorités européennes.
L'Europe détient la même exclusivité en matière de réglementation de la concurrence à l'intérieur de l'Europe autant que vis-à-vis de l'extérieur. On a légitimement reproché à la Commission européenne des positions qui contreviennent à la nécessité de constituer des champions européens susceptibles d'affronter la concurrence mondiale – par exemple le veto mis au rapprochement entre le groupe Schneider et la société Legrand. La France a été une des premières à souligner la nécessité d'édifier une politique industrielle européenne si nous voulons exister dans la compétition mondiale. Bruxelles commence à prendre conscience de cette nécessité, comme en témoigne l'adoption au mois d'octobre d'une communication sur « une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation », mais il est grand temps d'accélérer le mouvement et de donner une réalité concrète à ces déclarations d'intention. Le temps presse en effet, et nos concurrents n'attendront pas que les 27 États membres soient parvenus à définir des positions communes.
Il faut que les politiques européennes favorisent la compétitivité de l'industrie, et les chantiers sont nombreux.
Je pense ainsi au poids des législations environnementales, toujours plus exigeantes. Même si celles-ci se justifient dans leur principe, il est inacceptable qu'elles fassent peser sur l'industrie européenne des contraintes que nous sommes incapables d'imposer aux importations extra-européennes, y compris lorsque celles-ci sont tenues pour dangereuses sur le plan sanitaire.
En matière d'innovation, il y a aussi beaucoup à faire, tant les initiatives européennes sont encore rares dans ce domaine. Quant à la poursuite et à l'approfondissement du marché intérieur, ils sont tout à fait souhaitables, à condition d'être mesurés à l'aune de la compétitivité de l'industrie européenne.
La question de l'accès au financement est tout aussi cruciale au niveau européen que français. Une réflexion doit être menée sur le fonds européen d'investissement, dont il faudrait améliorer la coordination avec les opérateurs nationaux, notamment en matière de fonds d'amorçage et de capital-risque.
L'Europe doit enfin exiger la réciprocité dans des relations commerciales aujourd'hui déséquilibrées. Aujourd'hui nos échanges avec certains pays sont placés sous un régime de Free Trade sans Fair Trade. On ne peut pas accepter, par exemple, que les marchés publics européens soient ouverts à des pays qui ne nous ouvrent pas leurs propres marchés publics. Alors que nous commerçons avec le Japon depuis plus de quarante ans, notre accès aux marchés publics japonais n'est que théorique. Nous devons également simplifier nos instruments de politique commerciale afin d'accroître leur efficacité. J'ajoute que, depuis une trentaine d'années, la défense du consommateur est le centre de gravité de la réglementation européenne, au détriment du producteur. Or avant de proposer des produits aux consommateurs, il ne faut pas oublier de les produire.
En résumé, nous sommes confrontés à deux enjeux majeurs : les responsables politiques comme les chefs d'entreprise doivent prendre à bras-le-corps les questions de compétitivité de notre industrie ; ils doivent aussi faire valoir leur point de vue auprès des instances européennes, même s'il est parfois compliqué de se faire entendre dans une Europe des 27 qui compte seulement une dizaine de pays industrialisés – vous comprenez bien que des pays tels que Malte ou Chypre n'ont pas forcément les mêmes intérêts que nous.
Quand pourrons-nous prendre connaissance de votre rapport sur la réciprocité industrielle ?
On pourrait s'interroger sur la mission d'un ambassadeur de l'industrie. Doit-il être un gardien de musée, le conservateur d'une industrie en voie de disparition, ou est-il doté de véritables compétences géopolitiques afin de faciliter les affaires de nos entreprises ? Vous semblez avoir choisi la deuxième voie, ce qui est tout à votre honneur.
La France n'a-t-elle pas eu tort de réduire significativement sa représentation auprès des instances européennes depuis qu'elle n'est plus à la tête de l'Union européenne, réduisant du même coup sa capacité de pression par rapport à d'autres pays ? Cette faible représentativité de la France à Bruxelles est encore aggravée par le turn over important de nos fonctionnaires en charge de ces questions.
La réforme de la taxe professionnelle a fait un grand gagnant : l'État, à qui elle a permis de faire des économies sur le dos des collectivités locales. L'inconvénient, c'est que celles-ci n'ont plus d'intérêt à favoriser l'implantation sur leur territoire d'entreprises industrielles, beaucoup moins avantageuses sur le plan financier que les commerces ou le tertiaire. De plus, les entreprises ne sont pas incitées à s'installer dans la mesure où elles ne bénéficient plus d'un dispositif qui leur permettait d'améliorer leur compte d'exploitation…Bref, nous aurons beaucoup de mal à l'avenir à convaincre les élus locaux d'accepter des entreprises classées Seveso sur leur territoire, sans parler d'autres nuisances environnementales.
Je veux bien faire du benchmarking, mais j'attends toujours qu'on me donne des éléments de comparaison fiables et globaux. On ne peut pas dire comme vous le faites que l'industrie française supporte les charges sociales les plus élevées au monde, sans replacer cet élément dans le contexte fiscal d'ensemble. Il faut pouvoir tout comparer – fiscalité, prix de l'énergie, montant des soutiens publics, etc. – et pas seulement les éléments qui vous arrangent. Or ce n'est malheureusement pas le cas, alors qu'il n'est pas sans importance de savoir, par exemple, que certains pays ont beaucoup moins de scrupules que nous à subventionner leur industrie.
Il y a d'autres éléments que vous n'avez pas évoqués. Ainsi beaucoup de sociétés d'assurances ne jouent pas le jeu en matière de risque industriel. De même, on ne trouve personne pour financer des projets industriels à long terme, en dépit de l'institution d'un fonds stratégique. Il faut aussi évoquer les difficultés des entreprises structurées autour du capitalisme familial, menacées par l'appât du gain immédiat de certains de leurs actionnaires, – l'idée du capitalisme familial n'est-il pas de favoriser une mission de long terme ? – ou la question des brevets. Un benchmarking visant à comparer les freins et les atouts de la compétitivité de nos entreprises devra tenir compte de tous ces éléments.
Le constat partagé de la désindustrialisation de notre pays nous permet-il d'espérer un accord sur les solutions ?
Quel sera à votre avis l'impact des investissements d'avenir décidés dans le cadre du grand emprunt en matière d'innovation industrielle et de compétitivité ?
D'autres industries nationales souffrent-elles comme la nôtre d'un excès de réglementation ? Comment y remédier sinon en refondant totalement le code du travail ?
Toutes les filières industrielles souffrent-elles du même manque de solidarité interprofessionnelle ? Le médiateur de la sous-traitance peut-il être assez efficace pour les faire contribuer à la réindustrialisation de notre pays ?
En matière de relations commerciales internationales, l'Europe n'est-elle pas un peu trop naïve face à ses concurrents ?
Vous connaissez l'adage : « un problème, une commission ». Devra-t-on dire désormais : « un problème, un ambassadeur » ? Cela dit, pour avoir mesuré en Basse-Seine les conséquences dramatiques de la désindustrialisation pour nos territoires, je ne peux que souhaiter la réussite de votre mission.
Vous avez un peu vite expédié la question des grands groupes, alors que leurs stratégies financières mériteraient d'être surveillées : je pense notamment à la stratégie d'optimisation fiscale, ou au transfert de la valeur ajoutée au détriment des salariés. En effet le sort de nombreuses PME en dépend du fait de l'importance des filières dans notre pays – aéronautique, énergétique, ferroviaire, automobile. J'avais engagé ce travail en tant que rapporteur d'une commission d'enquête dont les travaux avaient débouché sur le vote de la loi Hue, relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises. Or, la première mesure prise par majorité issue des urnes en 2002 fut de voter l'abrogation de cette loi, ce qui est sans doute un signe de son effectivité.
Il faudrait également analyser l'incidence d'un certain nombre de réformes adoptées ces dernières années, comme François Brottes vient de le faire en montrant comment la réforme de la taxe professionnelle dissuade les communes d'accepter sur leur territoire des entreprises classées Seveso 2.
Quant à la R & D, nous sommes loin d'un financement à 50 % par le secteur privé, le CIR ayant été précisément créé pour pallier l'insuffisance chronique de l'investissement privé dans ce domaine.
J'aimerais que vous nous disiez quelles sont les entreprises étrangères qui auraient, selon vous, localisé leur centre de R & D en France pour bénéficier du CIR. Mme Lagarde, à qui, en tant que rapporteur du budget de la recherche industrielle, je pose la question depuis des années, est incapable de me dire le nom de ces oiseaux rares.
Je suis d'avis comme vous qu'il est temps de réfléchir au moyen de restaurer de véritables filières industrielles – nous payons dans ce domaine l'inconséquence des grands groupes, qui ont durant des années maltraité leurs sous-traitants. Reconstituer la sous-traitance ne se fera pas du jour au lendemain, et, en attendant, il faudra bien avoir recours à des sous-traitants étrangers.
J'aimerais enfin que vous nous disiez quels sont les secteurs à restructurer au niveau européen pour faire face à la concurrence de plus en plus féroce des grands groupes chinois, indiens, anglo-saxons, qui bénéficient d'une capacité financière et technologique équivalente, voire supérieure à celles des entreprises européennes. L'industrie ferroviaire, sur laquelle une commission d'enquête se penche actuellement, me semble susceptible d'être l'un de ces secteurs.
Je partage votre diagnostic, mais j'ai du mal à hiérarchiser les mesures à prendre parmi toutes celles qui nous ont été proposées. M. Attali nous présente 300 décisions pour changer la France, mais pouvez-vous indiquer au député de base que je suis les trois ou quatre mesures prioritaires pour promouvoir le tissu industriel français ?
L'ambassadeur de l'industrie a souligné à juste titre le manque de solidarité entre les entreprises, la taille critique de nos industries et le massacre des sous-traitants. Cela dit, lors d'une visite chez EADS à Toulouse, j'ai appris que les Chinois sont en train de racheter toutes les belles PME familiales à des prix astronomiques : en quelque sorte, les chefs d'entreprise prennent ainsi leur revanche sur EADS.
S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, je partage l'avis de François Brottes : quel est l'intérêt aujourd'hui pour une commune d'implanter une zone industrielle sur son territoire ?
La législation environnementale, que le Grenelle de l'environnement a encore renforcée, n'améliore pas la compétitivité. Nous nous devons d'être exemplaires, mais il faut savoir que d'autres pays se comportent de façon très différente. Quoi qu'il en soit, ce problème ne peut être réglé au niveau national.
Notre rôle est d'apporter des solutions. Tous les acteurs de la vie publique ont réfléchi à ces questions, en témoignent la tenue des États généraux de l'industrie et l'installation des commissaires à la réindustrialisation. Le commissaire de la région Rhône-Alpes, qui s'est souvent rendu en Haute-Savoie sur le site industriel de la Vallée de l'Arve, a proposé sept pistes qui, partant d'un constat, proposent un certain nombre de solutions.
Ainsi, il propose d'accompagner financièrement les entreprises structurellement saines afin de renforcer les fonds propres, la transmission et la reprise des entreprises. La crise a éludé la question, mais 750 000 entreprises françaises attendent d'être reprises. Or ceux qui sont les mieux placés pour les reprendre, à savoir les salariés, manquent de capitaux. Le commissaire propose donc la création d'un fonds départemental d'intervention en entreprise.
Le commissaire à la réindustrialisation propose également de développer l'excellence opérationnelle et fonctionnelle des entreprises industrielles. La crise économique a mis en exergue l'essoufflement du modèle économique dominant, essentiellement fondé sur les volumes et les prix. Le commissaire souligne que les entreprises doivent désormais s'attacher à développer la valeur des productions, étoffer leur offre et optimiser leur organisation en produisant selon le principe du lean manufacturing. Qu'en pensez-vous ?
Une autre piste vise à développer les ressources humaines, à stimuler et à développer un management par les compétences. En Haute-Savoie, grâce au dispositif « former plutôt que licencier », le taux de chômage dans la vallée de l'Avre est à nouveau inférieur à 7,5 %. Que s'est-il passé dans les autres régions ? Serait-il possible d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire ?
Depuis la survenue de la crise, nos entreprises industrielles souffrent d'un manque de diversification de leurs activités, qui constitue une cause structurelle de difficultés. Il semblerait que les entreprises soient trop individualistes, alors même que leur taille ne leur permet pas de relever les défis d'un marché mondialisé. Ne pourrait-on pas favoriser la création de partenariats interentreprises multiformes, ou encore le rapprochement entre dirigeants d'entreprises existantes à la faveur de cessions d'entreprises pour éviter que celles-ci tombent dans le giron de fonds de pensions ?
Les nombreux rapports auxquels la crise a donné lieu contiennent des idées intéressantes, mais à ce jour, alors que nous sortons doucement de la crise, aucune décision ne semble avoir été prise.
En octobre dernier, le ministre de l'industrie de l'époque, Christian Estrosi, nous a présenté l'Observatoire du Fabriqué en France ainsi que le label « fabriqué en France » censé reposer sur la valeur ajoutée du produit – sur les compétences et le savoir-faire des salariés – de sa conception à sa production. Reposant sur rapport d'Yves Jégo, ce travail devait se traduire par un texte de loi portant notamment sur la traçabilité des produits. Que sont devenus l'observatoire et le fameux label ?
Par ailleurs, la charte de bonnes pratiques entre donneurs d'ordres et sous-traitants, signée à Bercy le 10 février 2010, devait être accompagnée d'un projet de loi. Où en est-on ? Quelles sont les conséquences de cette charte pour les sous-traitants ?
Vous évoquez le poids de la législation environnementale sur l'industrie française, mais n'oublions pas que cette législation nous impose un certain nombre d'objectifs en matière d'énergies renouvelables. Nos voisins européens, précurseurs en la matière, disposent désormais d'une filière industrielle éolienne et photovoltaïque, mais la France est à la traîne. Comment structurer une véritable filière industrielle dans ce domaine ?
La catastrophe qui s'est produite au Japon a paralysé l'économie du pays. Quels sont les impacts de cette catastrophe sur l'industrie française, en particulier pour le secteur automobile ?
Vous qui vous êtes beaucoup investi pour la propriété industrielle, monsieur l'ambassadeur, pouvez-vous nous dire quelle est la position de la France en matière de brevets ? Quelles sont les conséquences des récentes dispositions pour notre industrie ?
Les réseaux de communication électroniques, plus particulièrement les infrastructures très haut débit, fixes et mobiles, représentent un enjeu économique et industriel pour la France et l'Europe. Or l'Europe prend du retard dans le déploiement des réseaux par rapport à des pays comme le Japon, la Corée, les États-Unis ou l'Australie. C'est regrettable car les déploiements très haut débit représentent un enjeu industriel pour l'ensemble des acteurs de la filière.
Comment voyez-vous l'évolution de ce secteur ? Comment intégrer les acteurs industriels européens de la filière, dont certains se retrouvent en concurrence directe avec des acteurs asiatiques ? Comment intégrer la filière numérique dans la stratégie française et européenne ? La stratégie actuelle de la France vous semble-t-elle suffisamment ambitieuse et dynamique ? Quelles mesures préconisez-vous pour aider un secteur indispensable pour l'ensemble des acteurs de la filière des technologies de l'information et de la communication ?
La réindustrialisation de nos territoires a suscité quelques divergences au sein de la mission d'information présidée par le sénateur Martial Bourquin, s'agissant en particulier du rôle de l'État et des collectivités territoriales, du coût du travail, du rôle des banques et du crédit, et de la taxe professionnelle. Comptez-vous mesurer l'impact de cette dernière réforme sur notre industrie ?
Le rapport de nos collègues sénateurs met en avant le manque de capitaux des entreprises, pourtant nécessaires à l'investissement et à l'innovation, ainsi que la responsabilité des banques. La création d'un produit d'épargne industrielle vous semble-t-elle une piste intéressante ?
L'Allemagne nous démontre chaque année davantage qu'il est possible d'exporter sans pour autant transférer des emplois à l'étranger, notamment dans l'industrie automobile. En quoi ce pays pourrait-il être un exemple pour la France ?
Il est prioritaire de concentrer les efforts de l'État en direction des PME et TPE car ce sont elles qui créent des emplois. Une réforme de la fiscalité nous semble nécessaire, notamment de l'impôt sur les sociétés, car il n'est pas admissible que des grands groupes paient proportionnellement beaucoup moins que les PME, imposées au taux de 33 %. Quelle est votre position sur cette question ?
Comment peut-on aider nos entreprises à renforcer leurs fonds propres ? Les autres pays européens emploient-ils des méthodes plus efficaces en la matière ? Que pensez-vous de l'attitude du secteur bancaire envers les acteurs industriels ? Existe-t-il en Europe des pratiques plus efficaces et plus pertinentes ?
Le rapport d'Alain Chatillon préconise une animation plus décentralisée du tissu industriel. Sachant que la forte implication des Länder apporte une réelle valeur ajoutée au tissu industriel allemand, quelle doit être, selon vous, la place des régions ?
Avant de répondre à vos nombreuses questions, je vous rappelle que je suis devant vous en tant qu'ambassadeur de l'industrie et non en tant qu'homme politique – même si je l'ai été dans le passé. Je vous dirai ce que je sais et vous ferai partager mes idées, nées de mon expérience, comme je le fais face à l'administration et aux parlementaires de pays voisins. Bien que les sujets qui concernent l'industrie aient souvent une connotation politique, je ne les porte pas sur un plan politique mais en tant qu'homme issu du monde de l'industrie. Je mets mon expérience au service de ceux qui voudront bien la considérer.
Je précise par ailleurs que je fais ce travail à titre bénévole. Ne percevant aucune rémunération, je travaille dans la plus grande indépendance d'esprit, sans subir d'autres influences que celles que je veux bien accepter et qui me paraissent être les bonnes. Je ne participerai donc pas aux polémiques sous-jacentes aux propos qui ont été tenus.
S'agissant de la fiscalité locale, je peux vous dire, pour avoir travaillé pendant plus de dix ans sur ce sujet, que la réforme engagée, bien qu'insuffisante à mes yeux, présente un grand intérêt pour les entreprises industrielles. Je vous rappelle qu'avant la réforme, l'industrie était le redevable quasi unique de taxe professionnelle puisque celle-ci reposait sur les immobilisations physiques des entreprises, c'est-à-dire l'investissement. Or 85 % des investissements physiques sont réalisés par l'industrie, à qui l'on reproche pourtant de ne représenter que 14 % de la valeur ajoutée. La fiscalité locale finissait par reposer essentiellement sur l'industrie puisque celle-ci contribuait pour 60 % au financement de la taxe professionnelle.
J'indique que la contribution économique territoriale, qui remplace la taxe professionnelle, entre dans le calcul du prix de revient d'un produit et apparaît dans le compte d'exploitation d'une entreprise avant même la définition du résultat opérationnel. C'est d'ailleurs pourquoi certaines entreprises étrangères ont ainsi choisi de s'implanter dans la ville ou dans le département qui leur permettait de présenter une meilleure rentabilité opérationnelle.
Je ne discute pas de la nécessité pour les collectivités territoriales de percevoir des ressources – je m'en garderai bien, ayant eu à en connaître dans une autre vie – mais l'industrie est un secteur intégralement soumis à la concurrence internationale. La crêpière de Redon n'est pas soumise à la concurrence internationale, tandis que le petit entrepreneur industriel, lui, y est totalement soumis. Il ne m'appartient pas de dire aux élus locaux ce qu'ils doivent penser, dire et faire, mais il faut garder cette réalité à l'esprit. Je pense pour ma part que la barque des industries n'a pas été suffisamment déchargée : il ne faudrait pas la charger à nouveau.
J'en viens à la question de la compétitivité-coût. C'est à dessein que je n'utilise pas le terme « coût du travail » car derrière le « coût du travail » il y a le « coût du salaire ». Or il n'est absolument pas question de baisser les salaires.
Dans notre pays, pour des raisons historiques, le financement des régimes sociaux, tout au moins les branches maladie et famille, repose essentiellement sur les entreprises. Si les niveaux de prélèvement sont acceptables pour des métiers qui ne sont pas soumis intégralement à la concurrence internationale, ils ne le sont plus pour l'industrie.
Beaucoup me disent qu'ils aimeraient pouvoir comparer les prélèvements fiscaux et sociaux qui pèsent sur les entreprises dans différents pays. Ces comparaisons existent, et je vous assure qu'elles ne sont pas favorables à la France. Cette réalité ne doit pas susciter de polémiques, mais nous devons en tirer les conséquences si nous voulons redonner à nos entreprises la possibilité de se développer, en entraînant l'ensemble de la croissance, de la richesse et de l'emploi dans notre pays. Car la croissance ne viendra que de l'industrie.
Les Allemands l'ont bien compris. Leur situation est à peine meilleure que celle des Français, mais, après d'importantes difficultés, l'Allemagne a retrouvé la voie de la croissance – d'une croissance acceptable, en tout cas meilleure que celle de la France. Gardez cela à l'esprit, mesdames et messieurs les députés. On peut aborder cette question sous différents angles politiques, mais on ne peut pas l'escamoter. Tous les industriels implantés sur le territoire national vous feront la même réponse.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la solidarité interprofessionnelle. Il est incontestable que l'un des grands problèmes auxquels notre pays est confronté, et qui nous a coûté extrêmement cher, vient de la façon d'agir d'un certain nombre de têtes de filières qui ont véritablement laissé tomber leurs sous-traitants pour délocaliser leurs achats – opération qui consiste à acheter à l'extérieur des éléments de leur production à un coût inférieur. Il s'agissait d'une forme de snobisme. Il y a quatre ou cinq ans, au cours d'une réunion de fournisseurs organisée par l'une de nos grandes sociétés, le représentant de la société a tenu ces propos : « Dans dix-huit mois, 70 % des achats de composants devront être réalisés à l'étranger. Ceux qui y parviendront resteront nos fournisseurs, les autres disparaîtront ». Cette réflexion m'a naturellement mis en rage tant je suis attaché à l'industrie et à sa présence sur notre territoire.
De tels propos n'ont plus cours. Le dialogue au sein des filières s'organise de façon plutôt satisfaisante. Il existe toujours des tensions et M. Jean-Claude Volot, le médiateur des relations inter-entreprises industrielles et la sous-traitance – c'est lui qui a initié la charte de bonnes pratiques entre donneurs d'ordres et sous-traitants – accomplit un excellent travail, qu'il ne peut naturellement pas exposer sur la place publique. Il reçoit les doléances des sous-traitants et les renvoie aux donneurs d'ordres de façon anonyme – car les petites entreprises ne souhaitent pas se fâcher avec leur grand client – avant de négocier des changements de comportement. Il a pour objectif d'amener les grandes entreprises à adhérer à cette charte et à la respecter. Je ne sais pas, madame Massat, si le Gouvernement entend déposer un texte de loi sur le sujet, ni si c'est souhaitable. Je vous invite à poser la question à M. Volot, voire au ministre de l'industrie.
Il existe en effet des filières européennes structurées, et le secteur ferroviaire en est un très bon exemple. Mais souvenez-vous aussi de ce qui s'est passé avec Siemens, l'un des deux grands acteurs européens : ayant bénéficié d'un transfert de technologie de la part de ce groupe, la Chine était en mesure, cinq ans plus tard, de construire des trains à grande vitesse de très grande qualité. Ce sont ces trains qui concurrenceront bientôt les trains européens sur les marchés du monde entier, sachant que les Chinois ne respectent pas les règles du commerce international et bénéficient de coûts de production très inférieurs aux nôtres. La société Siemens, consciente de ce problème, semble vouloir maintenant entreprendre des réalisations communes avec Alstom – et même avec la société canadienne Bombardier. L'Europe doit soutenir cette initiative, moins en engageant des moyens financiers qu'en contrôlant très fermement les conditions de concurrence dans lesquelles les États de l'Union seront placés par rapport à la Chine.
Cela m'amène à la question délicate des aides que les entreprises perçoivent dans un certain nombre de pays mais qui leur sont interdites en Europe – laquelle s'est dotée de règles très strictes en la matière. Il faut que l'Europe évolue et que nous soyons moins naïfs. Ces questions majeures nécessitent plus d'intelligence que d'investissements. Nous sommes confrontés à une situation mondiale qui n'est pas, à mon sens, parfaitement comprise par les institutions européennes et les pays de l'Union européenne. Je compte beaucoup sur les parlementaires européens, dotés de leurs nouvelles prérogatives, pour amener la technostructure de la Commission à regarder les choses différemment. Mais il faut faire vite car le temps nous est compté.
Les petites et moyennes entreprises françaises, qui constituent l'essentiel de la structuration de l'industrie, sont généralement sous-capitalisées, et ce pour de multiples raisons qui tiennent à l'histoire des quarante dernières années. Sachez qu'aujourd'hui aucune institution bancaire n'investit en fonds propres ou en fonds longs dans les entreprises, mis à part ces quelques pseudopodes qui restent attachés au territoire : la Banque populaire, le Crédit agricole, la Caisse d'épargne et le Crédit mutuel. L'argent ne peut provenir que d'investisseurs individuels, qui n'y sont guère poussés car en France le ratio entre le risque pris et la fiscalité n'est pas favorable – mieux vaut placer son argent dans une institution qui le fait prospérer gentiment, ou encore le placer à l'étranger, comme le font certains.
La disposition qui permet de réduire son montant d'ISF en investissant dans les PME a apporté quelques capitaux à ces dernières. Cette disposition semble devoir être maintenue, et nous nous en félicitons. Mais nous avons besoin de plus de fonds d'investissements qu'il n'en existe aujourd'hui, des fonds d'investissements qui ne soient pas dominés par les grands fonds internationaux, lesquels, après avoir été affaiblis par la crise, reviennent en force grâce à la technique du LBO (Leverage Buy Out), dont la seule finalité est de permettre à l'investisseur d'obtenir un rendement élevé et rapide…bref, un système qui fait beaucoup de mal à nos industries.
Nous devons parvenir à mettre en place des systèmes permettant d'injecter l'épargne française dans l'industrie. Les compagnies d'assurance réunissent actuellement 1 400 milliards d'euros d'épargne. Recevoir ne serait-ce qu'1 % de cette épargne, soit 14 milliards d'euros, serait un formidable atout pour les entreprises. Cette question a été abordée lors des États généraux de l'industrie.
Mesdames et messieurs les parlementaires, je vous conseille d'agir très rapidement. Les patrons des compagnies d'assurance française que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur inquiétude face aux réglementations Bâle III et Solvency II qui sont en train de se mettre en place en matière de régulation financière mondiale. Ces réglementations, par ailleurs nécessaires, risquent d'inciter les organismes financiers, en particulier les compagnies d'assurance, compte tenu des ratios de fonds et des précautions qui leur seront demandés, à ne plus investir dans les produits à risques – donc dans les PME. C'est un sujet difficile, qui nécessite un énorme travail de réflexion. S'il fallait hiérarchiser les mesures à prendre, en voilà une qui me paraît prioritaire et qui n'est pas trop difficile à mettre en oeuvre.
Il est également prioritaire de restaurer la compétitivité des coûts. Il ne s'agit pas de diminuer les prestations sociales ou d'abaisser le statut social de notre pays, mais de trouver une autre façon de faire. Celle-ci existe, mais elle suppose quelques changements d'organisation fiscale.
Le soutien à la recherche, au développement et à l'innovation est absolument essentiel dans notre pays. Selon l'agenda de Lisbonne, chaque pays européen devait avoir pour objectif de consacrer 3 % de son PIB à la R&D. La France n'y est pas parvenue, pas plus que tous les autres pays de l'Union européenne. Toutefois, notre pays, qui se situe dans la moyenne des pays européens, sensiblement en dessous de l'Allemagne, consacre 2 ou 2,1 % de son PIB à la R&D. Pour atteindre les 3 %, il appartient aux entreprises de consentir un effort. Mais pour qu'elles puissent faire un tel effort, encore faut-il qu'elles en aient les moyens ; or, contrairement aux très grands groupes qui investissent en France et ailleurs, les entreprises intermédiaires implantées dans notre pays ne les ont pas et elles ne pourront le faire que lorsque leur rentabilité sera accrue. Nous pouvons les aider avec des moyens publics – ce que nous faisons avec le crédit impôt recherche – mais ces soutiens ne peuvent être que temporaires et ne servent qu'à les aider à faire face à une situation dégradée. L'effort public doit être poursuivi, mais il n'est pas une fin en soi. Le rôle de l'État n'est pas de soutenir en permanence l'investissement dans les entreprises.
Quant aux crédits du grand d'emprunt et aux investissements d'avenir, ils ne sont pas destinés aux process de production ou aux produits proprement dits : leur intervention doit avoir lieu très en amont pour permettre à un projet de vivre sous un angle capitalistique et entrepreneurial. Ainsi, le grand emprunt finance des appareils ou des centres d'essais capables de juger de la fiabilité d'un projet et de le mettre en route avant que les entreprises prennent le relais. Cette démarche, qui existe depuis toujours dans notre pays, a débouché sur ces grandes réussites technologiques que sont le TGV ou le Concorde. D'autre part, les financements du véhicule électrique et de l'avion du futur se mettent en place. Pour en savoir plus, il suffit de prendre connaissance des décisions du Commissariat général à l'investissement, qui sont publiques.
À propos des grands groupes, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : nous sommes très heureux d'avoir des grands groupes en France, surtout qu'un grand nombre d'entre eux se placent parmi les cinquante premiers mondiaux. Les grands groupes entraînent beaucoup d'entreprises derrière eux, mais, du fait de leur dimension internationale, ils sont souvent installés à l'étranger. Ainsi, le groupe Danone, premier fabriquant mondial de yaourts, est présent dans le monde entier pour y vendre ses produits, mais son centre de recherches est situé en France. Peut-on reprocher à ses dirigeants de vouloir optimiser leur fiscalité ? Et peut-on les en empêcher ? Il me semble que si nous avions pu le faire, nous l'aurions fait depuis longtemps…
Les grands groupes réalisent l'essentiel de leurs bénéfices en dehors de la France et paient des impôts, à un taux peu élevé, en dehors de l'Hexagone –souvent dans des pays avec lesquels nous avons des accords fiscaux qui ne prévoient pas la double imposition. Et lorsqu'ils rapatrient une partie de leurs bénéfices en France, ils ne repassent naturellement pas à la caisse...Il faut dire à ces gens-là qu'ils ont vis-à-vis de la France des responsabilités – qu'ils n'ont pas toujours assumées – et qu'ils doivent rester en France, y conserver leurs centres de décisions et une grande partie de leurs centres de recherches, qu'ils doivent continuer à avoir un effet d'entraînement pour les sous-traitants et à porter l'image de la France.
Mais il ne faudrait pas oublier les entreprises industrielles implantées dans notre pays car ce sont elles qui offrent des emplois, fabriquent la richesse et assurent – malheureusement de moins en moins – la stabilité et l'animation de nos régions et de nos communes. Vous savez bien que les difficultés d'une entreprise industrielle sont une catastrophe pour le territoire tout entier – d'autant que les personnes qui y travaillent sont souvent très impliquées dans la vie locale. Les Allemands ont réussi à inscrire les entreprises dans les territoires car cela correspond à leur tradition fédérale, mais aussi parce que l'affectio societatis qui existe entre les entreprises et la région est beaucoup plus forte en Allemagne.
Vous avez eu raison, monsieur l'ambassadeur de l'industrie, de préciser votre rôle et l'étendue de votre connaissance professionnelle. Au-delà de nos sensibilités politiques, nous souhaitons tous voir renforcer la politique industrielle de la France. Nous vous remercions et vous encourageons à défendre l'industrie française, en Europe et dans le monde.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 10 mai 2011 à 17 heures
Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Jean Gaubert, Mme Annick Le Loch, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. Franck Reynier, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Louis Cosyns, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, Mme Conchita Lacuey, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. François Loos, M. Michel Raison