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Commission des affaires économiques

Séance du 2 mars 2011 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • urbanisme

La séance

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La commission a examiné le rapport d'information de M. Daniel Fasquelle sur la vacance des locaux commerciaux et les moyens d'y remédier.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

M. Serge Poignant, président de la commission m'ayant demandé de présider cette séance, je jouerai donc le double rôle de Président de séance et de rapporteur puisque l'ordre du jour de notre commission appelle la présentation du rapport d'information qui m'a été confié sur la vacances des locaux commerciaux et les moyens d'y remédier.

L'attractivité des centres-villes est une priorité pour nombre de communes, ce qui pose avec d'autant plus d'acuité la question de la vacance des locaux commerciaux, tant elle peut causer de préjudices pour une rue, un quartier, une agglomération dans son ensemble et donc pour les consommateurs.

Les élus que nous sommes sont régulièrement confrontés à cette nouvelle forme de mitage urbain qui s'est aggravée avec la crise économique. Aucune région, aucune ville n'est à l'abri de cette évolution, qui se traduit trop souvent par des vitrines à l'abandon du plus mauvais effet, y compris dans certaines artères principales, les communes touristiques étant les plus concernées.

L'une des causes le plus souvent avancées pour expliquer ces friches commerciales est celle du développement des baux souvent et improprement dits « précaires » - en droit, des baux dérogatoires - dont la durée, limitée au plus à 2 ans, contribuerait à l'instabilité des fonds de commerce et, par conséquent, à la multiplication des locaux vacants.

En fait, j'ai pu constater au cours des différentes auditions, que les professionnels n'adhèrent que partiellement à cette analyse : ils avancent d'autres causes, principalement de nature économique. Les baux dérogatoires n'interviennent en réalité qu'à la marge dans la problématique de la vacance des locaux commerciaux, même s'il apparaît nécessaire d'en renforcer la sécurité juridique.

Ces considérations liminaires vous permettront de comprendre pourquoi le titre de la mission a été modifié, et au titre originel, « les baux précaires » a été substitué celui de « la vacance des locaux commerciaux et les moyens d'y remédier » qui correspond mieux à la problématique soulevée.

Comme tout phénomène social, la vacance des locaux commerciaux peut être expliquée par une pluralité de causes de nature diverses : on peut identifier des facteurs juridiques et des facteurs économiques.

En ce qui concerne les causes juridiques, les baux dérogatoires, sont souvent pointés du doigt.

Il convient de rappeler que de nombreux commerçants ne sont pas propriétaires du local dans lequel ils exploitent le fonds de commerce. Ils occupent les lieux en qualité de locataire dans le cadre d'un contrat de bail commercial, qui vise à assurer au profit du commerçant locataire la pérennité d'exploitation du fonds. Ce statut procure une stabilité propice aux investissements et au développement de l'activité.

A côté de baux commerciaux de droit commun, il existe des baux dérogatoires, crées par la loi du 12 mai 1965. Ceux-ci se distinguent des conventions d'occupation précaire de locaux commerciaux et des baux saisonniers. La convention d'occupation précaire qui est une pure création de la pratique, le bail saisonnier auquel le code de commerce ne fait qu'une brève allusion et le bail commercial sont parfois confondus dans la pratique. Il serait souhaitable que des précisions soient apportées à l'avenir afin de mieux distinguer les différents régimes, c'est le sens des propositions n°s 1 et 2 qui visent à donner à la convention d'occupation précaire une véritable définition à côté des baux saisonniers et dérogatoires.

Les baux dérogatoires sont conclus pour une durée au plus égale à deux ans dans le code de commerce, avec une procédure de transformation automatique en bail commercial de droit commun à l'issue de cette période. La volonté des parties de déroger au statut des baux commerciaux doit apparaître clairement dans le contrat, et se manifester au plus tard lors de l'entrée dans les lieux. Les parties ont la faculté de conclure un bail pour une durée librement débattue dès lors qu'elle n'excède pas deux ans : le bail peut donc avoir une durée de quelques mois seulement, voire même d'un mois. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a apporté quelque assouplissement à ces dispositions en prévoyant la succession possible de plusieurs baux dérogatoires, à l'intérieur du cadre des deux ans.

Le bail dérogatoire est donc une sorte de « bail à l'essai » permettant aux deux parties un engagement limité pour prendre la température du marché avant de s'engager dans une relation de longue durée. En ce sens, ils sont très utiles et doivent être conservés. Ils peuvent cependant parfois donner lieu à des situations dommageables, surtout quand, contrairement à l'esprit de la loi, les baux dérogatoires sont conclus à répétition. A noter également que la fin des baux dérogatoires peut parfois poser problème et donner lieu à contentieux ainsi que l'ont notamment indiqué les notaires auditionnés.

Les loyers trop élevés sont également une cause déterminante de la vacance des locaux commerciaux. L'instauration de l'indice des loyers commerciaux (ILC) par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a permis de limiter la progression des loyers. Jusqu'à cette date, ils étaient indexés sur l'indice du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE, moins adapté à l'activité commerciale, plus erratique et inflationniste. Ainsi entre 2002 et 2006, l'indice a augmenté de 32 % alors que le chiffre d'affaire des commerces ne progressait que de 18 %. La loi a laissé la possibilité de choisir entre les deux indices, on constate dans la pratique que la moitié des contrats de bail conclus depuis lors ont recours au nouvel indice. Dans un but d'uniformisation mais aussi de protection des locataires, je vous propose dans le cadre de ce rapport de ne conserver que l'ILC et de modifier le code de commerce en ce sens.

Ce constat dressé, quelques pistes peuvent être présentées pour lutter plus efficacement contre les locaux commerciaux vacants.

Il n'est pas question, vous l'aurez compris, de supprimer les baux dérogatoires, un régime dont la souplesse est adaptée à la vie des affaires. De plus en plus de jeunes commerçants sont à la recherche de locaux ; les baux dérogatoires peuvent être une solution appropriée pour tester la viabilité de leur projet, avec des loyers souvent plus attractifs que ceux fixés dans le cadre des baux commerciaux classiques. Pour les bailleurs qui ne parviennent que difficilement à trouver un locataire, les baux dérogatoires peuvent être également une solution pertinente. Les baux dérogatoires sont donc un facteur de développement de l'activité économique ; la souplesse de cette formule est adaptée au commerce, comme le montre l'existence des boutiques éphémères liées à un événement particulier (par exemple durant la période de Noël). Loin de nuire à l'activité économique, les baux dérogatoires peuvent répondre à des besoins particuliers ou faciliter une période de transition. Paradoxalement, les baux dérogatoires, s'ils sont bien utilisés, peuvent donc contribuer à la diminution du nombre des locaux vacants

Tout au plus faudrait-il préciser leur régime pour éviter certains abus. Le législateur a entendu limiter la durée totale des baux dérogatoires à deux ans ; or on constate que, sur le modèle regrettable de la succession de plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, des propriétaires peuvent parfois avoir la tentation d'échapper à la propriété commerciale conférée par le bail commercial en faisant se succéder plusieurs baux dérogatoires sur une période supérieure aux deux ans prévus.

Il est certes admis par la jurisprudence que les parties peuvent renoncer au bénéfice du statut des baux commerciaux dès lors que le droit est acquis et que la volonté d'y renoncer est dépourvue d'équivoque. Cette position a été critiquée par la doctrine car elle apparaît contraire à la volonté du législateur de limiter strictement le recours au bail dérogatoire à une durée maximale de deux ans. C'est pourquoi je propose une nouvelle rédaction de l'article L. 145-5 du code de commerce de façon à réaffirmer la volonté du législateur de limiter la durée totale des baux dérogatoires à deux ans.

Il conviendrait en outre d'adapter le régime des baux dérogatoires afin de sécuriser la transformation du bail dérogatoire en bail statutaire. En effet, le passage du bail dérogatoire en bail commercial repose sur le fait qu'à l'expiration de la durée du bail, le preneur reste et est laissé en possession du local ; étant donné l'importance des conséquences attachées à la conclusion d'un bail commercial de droit commun, il serait préférable de faire résulter cette transformation d'un acte de volonté des parties, afin d'apporter une sécurité juridique qui fait défaut : la nouvelle rédaction que je vous propose de l'article 145-5 (proposition n° 4) répond également à cette préoccupation.

Je vous proposerai en outre de soumettre les baux dérogatoires à la formalité d'enregistrement auprès de l'administration fiscale, afin de donner date certaine au bail et éviter les litiges sur la transformation et de disposer d'une plus grande connaissance des baux dérogatoires pour lesquels nous ne disposons à l'heure actuelle très peu d'éléments.

La possibilité ouverte aux communes depuis la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises d'exercer un droit de préemption sur les fonds de commerce ou les baux commerciaux, pour les rétrocéder ensuite à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au registre des métiers, peut être une arme de dissuasion au service des maires. Toutefois, elle est inopérante tant qu'une cession n'a pas été envisagée ; en outre il s'agit d'une opération lourde, potentiellement source de conflits, qui suppose que la municipalité puisse trouver un repreneur dans un délai d'un an et qu'elle dispose de moyens financiers importants. Le faible nombre des préemptions réalisées témoigne de ces difficultés. En revanche, afin de conforter l'existence d'un commerce de centre ville, il pourrait être envisagé que le locataire commercial bénéficie d'un droit de priorité d'achat du local, en cas de vente par le propriétaire, comme cela est le cas pour le fermier ou le locataire d'une habitation (proposition n° 6).

Toujours en cas de préemption, le gouvernement n'avait pas donné suite à un amendement ouvrant la possibilité de mise en oeuvre par la commune de la location-gérance d'un commerce afin d'éviter sa dépréciation dans l'attente d'un nouveau repreneur : je réitère toutefois mon attachement à cette disposition que j'espère voir adopter un jour car il serait paradoxal que l'exercice du droit de préemption débouche sur la vacance du local en l'absence de repreneur (proposition n° 7).

Il faudrait enfin donner plus d'outils au maire. Des manageurs de centre ville, nés au Canada, en Grande-Bretagne et en Belgique, commencent à s'implanter dans certaines villes françaises qui ont créé à cet effet un poste au sein du personnel municipal. Ils ont vocation à jouer le rôle d'intermédiaire entre la municipalité et les commerçants, ces manageurs constituent une réponse intéressante pour redynamiser les coeurs de ville qui devrait être encouragé. La proposition du Credoc dans un récent rapport, de prévoir plusieurs conventions avec le fonds d'intervention pour les services, le commerce et l'artisanat (FISAC) afin de pérenniser le financement de la fonction paraît devoir être retenue

Le problème de la déshérence des locaux commerciaux passe également par une police de l'environnement réaffirmée. Récemment, le respect des objectifs de développement durable a été affirmé par le Grenelle II qui impose que cet objectif figure dans l'ensemble des documents d'urbanisme. Cette nouvelle législation offre un cadre favorable à la mise en oeuvre de nouveaux instruments.

Le code général des collectivités territoriales dispose d'ores et déjà que le maire peut, au titre de la lutte contre les « pollutions de toute nature », faire usage de ses pouvoirs de police générale pour faire cesser les atteintes visuelles portées à l'environnement. Le code de l'environnement protège explicitement l'esthétique en accordant au maire, ou, à défaut, au préfet, un pouvoir de police spéciale afin de réglementer l'implantation des enseignes publicitaires sur le territoire de la commune. Il existe en outre, dans la jurisprudence administrative relative à la délivrance d'autorisations privatives du domaine public, un courant favorable à la prise en compte de la bonne apparence de la voie publique. Par exemple, le code de l'environnement règlemente déjà les nuisances visuelles dues aux lignes à hautes tension.

Il pourrait ainsi être créé un nouvel article de ce code relatif aux nuisances visuelles occasionnées par les commerces mal entretenus situés dans des zones à définir par les communes. Il serait imposé au propriétaire de commerces de veiller à ce que ceux-ci, vacants ou non, présentent toujours une bonne apparence et contribuent à l'amélioration de l'aspect et de la bonne tenue des voies fréquentées dans le respect de l'image de la ville (proposition n° 8). On a en effet constaté que certains propriétaires n'entretiennent pas leurs locaux qui présentent de ce fait un aspect très dégradé, vitrines non nettoyées et affichage très peu soigné des coordonnées de contact. J'ai moi-même été confronté à ce type de désagrément en plein coeur de la principale rue commerçante de ma commune. Les maires sont aujourd'hui relativement dépourvus de moyens pour intervenir dans pareils cas. Il est donc souhaitable de faire évoluer le code de l'environnement pour donner de réels pouvoirs aux maires, cette évolution est d'ailleurs cohérente avec la volonté de notre commission de leur redonner le pouvoir en matière d'urbanisme commercial comme le prévoit la proposition de loi de Patrick Ollier. Ces propositions visent à préserver les commerces de centre-ville auxquels nous sommes tous je pense très attachés.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Je souhaite faire un rappel au règlement. Monsieur le vice-président, il a été naturellement difficile pour vous de cumuler les fonctions de président de séance et de rapporteur, ce qui m'amène à m'interroger sur les raisons pour lesquelles le Président n'a pas sollicité aujourd'hui un autre vice-président. S'il ne souhaitait pas faire appel à un vice-président de l'opposition, il aurait pu solliciter le vice-président appartenant au groupe du Nouveau Centre.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Le Président Poignant m'a demandé de le suppléer aujourd'hui et je précise en outre que j'étais le seul vice-président présent au début de notre réunion.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

J'étais également présent mais je n'ai pas été sollicité.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Le rapport d'information qui nous est présenté aujourd'hui nous permet d'aborder des sujets importants : le rôle que peuvent jouer les baux commerciaux dans les stratégies des collectivités locales pour la revitalisation des centres villes, ainsi que les conditions de l'activité commerciale dans les petites communes. Il sera nécessaire d'examiner plus en détail le rapport que je découvre aujourd'hui, mais il me semble que l'angle d'attaque est quelque peu restreint, puisque la question des baux commerciaux n'est abordée qu'à travers son volet dérogatoire. Le décret de 1953, puis la loi de 1965 et les codifications ultérieures prévoient l'application du droit commun, avec, d'une part, des baux de neuf ans et, d'autre part, des baux d'une durée inférieure à deux ans. Ces règles étaient appliquées strictement, puisqu'il était impossible de prolonger un bail au-delà de 23 mois sans basculer dans le régime commun du bail de neuf ans. A la suite de la codification de ces dispositions, on a assisté à un revirement de jurisprudence, le juge acceptant désormais des baux dérogatoires successifs, ce qui est contraire au droit commun et aux intentions du législateur. La proposition de la mission d'information tendant à interdire la succession de baux dérogatoires est donc légitime. A l'origine, les baux commerciaux tendaient en effet à conférer un droit quasi réel aux locataires car pendant longtemps la vente du fonds de commerce a représenté la seule source de revenus à la fin de leur activité et donc de retraite.

Ce sont souvent les collectivités locales elles-mêmes qui ont recours aux baux dérogatoires afin d'utiliser les locaux vacants en attendant la mise en oeuvre de leurs stratégies de renouvellement urbain. Il faut maintenir cette possibilité pour les collectivités, car à défaut de cet instrument, le coût des opérations se trouverait alourdi, du fait de la nécessité d'une indemnisation des locataires.

S'agissant de la question des indices, tous les spécialistes de la révision des baux commerciaux plaident en faveur de l'abandon de la référence à l'indice du coût de la construction, dépourvu de liens avec l'activité commerciale. Il convient également de mener une réflexion sur le plafonnement des indices. En effet, l'expérience a montré que l'absence de révision des indices pouvait conduire à une forte augmentation des loyers, avec de graves conséquences pour les locataires.

Par ailleurs, il serait nécessaire de disposer d'une évaluation de l'exercice du droit de préemption par les collectivités locales. Cela m'intéresserait d'autant plus que dans le périmètre de mes activités électives locales, le sud francilien, aucune ville n'en a fait usage à ma connaissance. La difficulté n'est pas le déclenchement de ce dispositif mais plutôt les contraintes de sortie pour les collectivités. Je pense à cet égard qu'il sera nécessaire de modifier les dispositions relatives aux rapports locatifs entre les propriétaires et les collectivités pour rendre ce mécanisme opérationnel.

Enfin, le niveau trop élevé des loyers constitue le problème principal des baux commerciaux en centre ville. Ceux-ci sont disproportionnés pour les commerces de proximité, confrontés à une concurrence lourde, car le montant économiquement nécessaire pour les propriétaires est déconnecté des revenus de l'activité commerciale. Ce problème, qui se pose tant pour le patrimoine ancien que pour les locaux neufs, explique que lors des opérations de renouvellement des locaux commerciaux, les opérateurs mettent des mois et parfois des années à trouver des locataires.

En conclusion, je reconnais que la question des baux dérogatoires se pose mais je souhaiterais que l'on élargisse la réflexion à la fixation des loyers et aux conditions de maintien des locataires. En outre, dans certains centres villes, les locataires commerciaux sont confrontés à l'insalubrité des locaux, qu'ils doivent parfois quitter en raison d'un péril, sans dédommagement, puisque seule la faute du propriétaire peut le justifier, selon la jurisprudence.

PermalienPhoto de Alain Suguenot

Je tiens à saluer ce rapport d'une grande qualité, sur un sujet d'actualité, et qui apporte des réponses juridiques détaillées aux différents problèmes identifiés. Le droit de préemption créé par la loi de 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises n'a pas encore connu réellement d'application. La révolution commerciale des dernières années, avec l'extension de la grande distribution à la périphérie des villes, a entraîné un phénomène de désertification commerciale des centres-villes. On assiste cependant aujourd'hui à de nouvelles évolutions, avec l'installation par les grands distributeurs de petites et moyennes surfaces de proximité, le développement du e-commerce et des systèmes de points de retrait. Les crises économiques successives ont accentué la fragilisation des commerces de proximité. Le FISAC est intervenu à plusieurs reprises pour le maintien de commerces de proximité. Enfin, la concurrence des magasins d'usine menace également le commerce de proximité dans le secteur du textile.

Il convient de distinguer la question des baux dérogatoires de ces différentes difficultés. Les baux dérogatoires peuvent en effet être utiles, notamment dans les zones touristiques. Il faut donc maintenir la possibilité d'y recourir, tout en interdisant leur renouvellement illimité, source d'insécurité juridique.

Comme le souligne le rapport, l'utilisation de l'indice des coûts de construction a des effets pervers. Le recours à l'indice composite des loyers commerciaux est nécessaire mais ne résoudra pas tous les problèmes.

Il conviendrait également de moderniser notre législation sur le droit au bail, sur les baux spécialisés (par exemple pour les pharmacies) qui sont une source de rigidité, ainsi que sur le pas-de-porte qui a souvent un effet inflationniste et crée des blocages.

Le rapport met l'accent sur d'autres sujets importants, en particulier le pouvoir des maires en matière d'environnement, lorsque des zones sont à l'abandon. Le souci pour les propriétaires de louer leur bien à des locataires solvables les conduit souvent à privilégier les banques, ce qui limite l'attractivité des territoires. A cet égard, le droit de préemption est un outil intéressant mais peu opérationnel. En particulier, le délai d'un an pour la rétrocession du bail représente un obstacle, et on peut s'interroger sur ce qui peut advenir à l'expiration de ce délai, l'activité commerciale ne faisant pas partie des missions des communes. Le recours à la gérance libre est une idée intéressante mais la responsabilité solidaire avec le locataire en matière de dettes est impossible pour les collectivités locales. Une autre solution serait la désignation par les communes d'un manageur de centre ville, comme cela se pratique au Canada et dans d'autres pays anglo-saxons. C'est ce que j'ai fait dans ma propre commune, un élu travaillant avec les acteurs économiques pour maintenir l'activité commerciale dans le centre ville.

Je partage donc l'idée selon laquelle il est nécessaire de prévoir davantage d'outils pour les maires en matière d'urbanisme. Il convient également de simplifier le droit de préemption car de nombreuses communes pourraient y recourir.

En conclusion, je tiens à remercier le rapporteur pour son travail, qui nous donne des pistes de réflexion très intéressantes, particulièrement en ce qui concerne l'introduction dans le code de l'environnement de dispositions renforçant les possibilités d'intervention des communes dans le cas de commerces inoccupés.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je n'ajouterai pas grand-chose à ce que vient de dire Alain Suguenot mais je souligne à mon tour l'intérêt du travail qui a été fait car, pour les maires de villes-centres, c'est un vrai sujet. J'ai été très intéressé en particulier par les propositions n° 6 et n° 8 qui figurent dans le rapport.

La proposition n° 6, relative au droit de préemption exercé par les communes, est excellente mais ne va pas au bout des choses. Pourquoi préempte-t-on ? Pas seulement parce qu'il existe des friches dans les villes mais surtout parce qu'il y existe une tertiarisation croissante : on voit ainsi s'installer de plus en plus de banques, d'assurances, d'agences immobilières... En termes d'équilibre, il faut donc veiller à ce que l'on souhaite pour les centres-villes : soit on se résigne à la constitution de petits pôles administratifs, soit on souhaite le développement de commerces de proximité en lien avec le caractère résidentiel du quartier et, dans ce cas, afin de les revitaliser, il importe de réserver des périmètres urbains pour des commerces comme le prêt-à-porter, la culture… J'aurais aimé que le rapport nous donne une analyse sur le décalage qui existe entre l'importance des périmètres pouvant être préemptés et, en pratique, le très faible nombre de préemptions effectives. Le délai de rétrocession d'un an que doit actuellement respecter une commune lorsqu'elle préempte est véritablement problématique : c'est un sujet important, car faire venir un commerce dans le cadre d'un projet urbain prend toujours beaucoup de temps. La proposition n° 6 me semble donc particulièrement intéressante car la durée d'un an ne me semble pas suffisante et le maire doit pouvoir prendre des risques pour lutter contre la tertiarisation du centre-ville !

La proposition n° 8 est également excellente car pour agir à l'encontre des propriétaires qui cessent pour diverses raisons d'entretenir leur magasin, il importe d'obtenir des engagements quant au maintien de la qualité visuelle dans les vitrines. Là aussi, c'est une bonne chose que le maire puisse agir de manière volontaire, en intervenant le cas échéant en lieu et place du commerçant mais aux frais de ce dernier.

Quant aux manageurs de centres-villes, c'est un système qui a prouvé son efficacité mais qui pose immédiatement la question de savoir qui le paie. Il faudrait que ce soit là une des priorités du FISAC car, encore une fois, c'est un dispositif qui recèle plusieurs avantages.

Enfin, je terminerai en disant que ce rapport aurait pu être élargi à quelques problèmes connexes comme le stationnement des véhicules, les sites propres ou les problèmes de circulation dans les centres-villes… Il faut véritablement une réflexion d'ensemble sur ce sujet.

PermalienPhoto de Michel Piron

Je salue également la très bonne qualité juridique de ce rapport. Je constate que le travail à accomplir était difficile et que le titre de certaines sections est peut-être trop ambitieux : ainsi, « les raisons de la vacance des locaux commerciaux » sont extrêmement nombreuses et il est impossible de les embrasser toutes. Je souhaite insister sur ce que je considère comme les causes réelles pour reprendre une formule du rapport.

On constate actuellement une dégradation de la situation des commerces en raison, pour l'essentiel, d'un suréquipement de plus en plus manifeste qui contribue, en premier lieu, à assécher les villes moyennes (même s'il peut exister un début de réimplantation) au profit des périphéries des grandes agglomérations qui, en retour, souffrent d'une explosion commerciale. On est ainsi passé de 2 millions de m2 d'autorisations à 4 millions en 2009 et même à 4,1 millions en 2010 : on constate donc une explosion des surfaces commerciales en périphérie. On aurait pu imaginer que ce suréquipement, s'il répondait à une véritable demande, contribuerait au maintien des petits commerces dans les centres-villes mais il n'en a rien été ; d'ailleurs, lorsqu'on regarde le tableau que le rapporteur fait figurer en illustration de son développement, on constate que la situation, qui s'est d'ailleurs aggravée depuis la confection de ce tableau, est nettement défavorable aux petites structures commerciales. En tout état de cause, même s'il faut effectivement améliorer le droit de préemption au profit des collectivités territoriales, le levier majeur consiste à profondément réviser l'urbanisme commercial qui reste la cause la plus profonde des travers que nous constatons actuellement.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Pour rebondir sur les propos de Michel Piron, je pense qu'il faut prendre en considération l'adéquation entre la zone de chalandise et la capacité des consommateurs présents pour la faire vivre. Il est évident aujourd'hui que les consommateurs n'ont pas les moyens financiers de répondre à la multiplicité des offres existantes. Je constate par ailleurs que la majorité remet de nouveau en cause, « détricote », ce qu'elle a voté avec beaucoup d'enthousiasme il y a trois ans dans le cadre de la LME. Certes, il faut travailler sur l'urbanisme commercial mais combien de magasins de surface supérieure à 1 000 m2 sont-ils concernés ici ? Aucune. Il faut intervenir sur ces surfaces. Par ailleurs, si l'on préempte, il faut savoir au profit de qui et pour quoi faire ; ainsi, même si la finalité est bonne, si l'on ne trouve pas de commerçant pour reprendre le fonds et que l'on construit des HLM, on manque le but d'une revitalisation commerciale des centres-villes ! Je pense que la majorité s'arrête au milieu du chemin puisqu'il faudrait sans doute s'orienter davantage vers la définition d'une typologie des commerces dans les centres-villes comme cela se fait par exemple en Allemagne ; mais l'on ne peut que constater que le gouvernement s'y est opposé lors du débat sur la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial.

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ce rapport n'évoque pas un certain nombre d'outils, notamment le portage du foncier, le remembrement et la requalification. Ainsi, il existe des commerces de petite taille qui, justement, souffrent de cette taille modeste pour se développer et il n'existe pourtant à ce jour aucun outil permettant de les requalifier.

Sur le sujet des commerces vacants, et de la taxe sur les friches commerciales, cette taxe s'applique-t-elle réellement ? Est-ce un outil potentiellement utile même si l'on peut penser que le délai de cinq ans n'est pas adapté aux commerces de centre-ville ? Ne faudrait-il pas réfléchir à l'instauration de dispositifs fiscaux incitant à la réadaptation de locaux afin d'inciter les propriétaires à davantage de dynamisme ?

L'idée d'obliger les propriétaires à entretenir les façades de locaux commerciaux abandonnés est intéressante par ailleurs.

PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

C'est un sujet complexe car il faut réfléchir à l'urbanisme dans son ensemble, et pas seulement à l'urbanisme commercial comme le suggérait Michel Piron. Dans les petites villes, voire les simples bourgades, c'est très compliqué de prévoir des zones piétonnières et l'accès aux commerces se fait presque intégralement en voiture. Il faut absolument intégrer la taille des agglomérations dans la réflexion.

Quant au droit de préemption, il importe d'avoir des dispositifs permettant aux communes de préempter en toute liberté, quel que soit le but poursuivi et quelles que soient les conditions de la préemption (notamment si elle fait suite au dépôt de bilan du commerce…). Pour ce qui concerne les villages, je pense qu'en raison, notamment, du vieillissement de la population, on sera de plus en plus souvent conduit à réaliser des commerces proches des habitations ou des villages de commerçants à la périphérie du bourg.

PermalienPhoto de François Brottes

Il y a ici un sujet que l'on n'aborde jamais et qui est celui du droit de propriété. On peut se demander si ce droit n'est pas, en définitive, l'ennemi de la liberté du commerce et de l'industrie !

Dans le milieu agricole, on a réglé les rapports entre propriétaires fonciers et exploitants agricoles grâce à une sécurisation de l'exploitation par le biais du système du fermage qui, s'il désespère quelque peu les propriétaires fonciers, constitue néanmoins un outil de travail permettant de réfléchir et d'agir dans la durée en dépit de la saisonnalité des activités. À l'inverse, dans le secteur de la forêt que je connais bien, on compte aujourd'hui environ 4 millions de propriétaires qui, pour la plupart, ignorent qu'ils possèdent des biens forestiers ou en ont une approche affective et non patrimoniale, ce qui fait qu'ils ne les entretiennent pas et qu'ils sont totalement inorganisés entre eux.

Dans le secteur du commerce, les propriétaires des locaux négligent des difficultés existantes, notamment lorsqu'il s'agit les normes applicables. Le rapport du propriétaire, qui peut avoir des visées spéculatives, avec le commerçant n'est pas serein : on ne s'attaque donc pas ici à la racine des maux qui est celle de la propriété du local ! La véritable question est de savoir comment on pourrait agir en sorte d'avoir un effet de levier sur la propriété commerciale qui puisse favoriser la diversité et la sérénité des commerces.

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

Un problème se pose également en ce qui concerne la nature du bail et l'extension du droit de préemption au profit du maire. La vacance des locaux commerciaux pose problème mais des initiatives sont prises, comme la création des maisons de commerce par exemple, qui ont vocation à renseigner les commerçants. Ne peut-on réfléchir à leur développement ? Par ailleurs, ne faut-il pas agir pour simplifier au plus vite les mesures relatives à l'installation commerciale et faciliter les projets de commerçants souhaitant s'installer en centre-ville ?

PermalienPhoto de Annick Le Loch

Les problématiques relevées par ce rapport sont très juridiques ; or, n'est-ce pas aussi, avant tout même, un sujet d'urbanisme, notamment d'urbanisme commercial ? Il est vrai, comme le relevait Jean Gaubert, que la LME n'a pas amélioré la situation en ce qui concerne les extensions commerciales. Il existe dans les centres-villes des immeubles insalubres et des problèmes également de copropriété (entre les commerces au rez-de-chaussée et les logements des étages) : tout cela pose des problèmes de gestion et contribue à véritablement dégrader les centres-villes. Il existe également des problèmes de partage de zones de chalandise où ce sont généralement les acteurs de la grande distribution qui en tirent les plus grands profits. Je souhaiterais donc connaître les potentialités qui existent véritablement dans la réforme de l'urbanisme commercial et comment il serait possible de revitaliser les centres-villes. Il y va d'un modèle de développement pour le bien commun.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

La vacance n'est pas de même nature selon les villes considérées car en raison de substantielles différences les remèdes ne peuvent être identiques. Comme cela a déjà été dit, il existe en effet un problème concernant le pouvoir d'achat des habitants des centres-villes ; à ce titre, il faut mieux mobiliser le FISAC qui n'est pas assez transparent dans sa gestion en dépit de l'utilisation de fonds considérables, ni assez centralisé dans ses actions. Il y a eu une très belle expérience à Grenoble où le FISAC a mobilisé la moitié des moyens applicables à la région Rhône-Alpes : le résultat a été excellent en termes de revitalisation du tissu commercial des artères de la ville.

Le problème des surfaces commerciales tient également au morcellement de la propriété, d'autant qu'il peut également exister des prises de position spéculatives de personnes qui ont les moyens d'attendre une hausse des prix. Comment la taxe sur les friches commerciales peut être appliquée aux propriétaires qui adoptent de la sorte des positions purement spéculatives ? Comment par ailleurs imposer l'entretien des vitrines et des façades aux propriétaires de commerces vacants ? Il existe des exemples en Espagne où, par exemple, les vitrines ne restent pas à l'abandon et doivent en toute hypothèse être habillées ou, du moins, mises en valeur.

Se pose enfin le problème des règlements de copropriété qui peuvent interdire certaines installations et contredire d'autres documents d'urbanisme. Il faut donc véritablement concentrer les moyens là où c'est nécessaire.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

M. Le Bouillonnec, il est exact que ce rapport ne porte pas sur les baux commerciaux ou l'aménagement des coeurs de ville. Au départ, la mission traitait du problème des baux dérogatoires car ceux-ci étaient vus comme la source des maux des centres-villes. Par exemple, un commerçant qui ne dispose de son local que pour une durée limitée ne fera pas les efforts d'aménagement et de décoration nécessaires ; le phénomène s'amplifie lorsque ce local est l'objet d'une succession de baux dérogatoires Il est vrai aussi que les rares qui jouent le jeu, en s'investissant réellement dans leur commerce, n'obtiennent pas toujours la prolongation espérée une fois le bail arrivé à échéance, ce qui n'incite pas les autres à suivre leur exemple… Enfin, une vacance intervient souvent entre deux baux précaires, car certains propriétaires préfèrent voir ceux-ci se succéder et fixer des loyers très élevés, quitte à subir des temps de vacance, plutôt que d'accorder des baux classiques. Le résultat final s'en déduit aisément : nos coeurs de ville ne sont pas aussi attractifs qu'on le souhaiterait.

Toutefois, j'ai pu constater que les baux dérogatoires ne sont pas la cause principale de la vacance des locaux commerciaux, c'est pourquoi j'ai élargi le champ de ma mission et présenté un certain nombre de propositions qui, à mon sens, peuvent contribuer à améliorer la situation et donner des outils aux maires pour faire face aux situations auxquelles ils sont confrontés.

Vous avez évoqué le cas de communes qui utilisent les baux précaires. J'ajouterai qu'elles utilisent également les baux saisonniers ; c'est le cas par exemple d'Evian, dont le maire, Marc Francina, m'a indiqué qu'ils constituent un outil complémentaire très utile lorsqu'il s'agit de faire vivre certains quartiers de la ville durant la saison touristique. Il faut toutefois faire attention à ce que le régime des baux saisonniers soit bien encadré juridiquement, car les règles qui les concernent sont essentiellement de nature jurisprudentielle ; sans doute devrions-nous codifier certaines d'entre elles pour lutter contre les abus constatés. Pour ce qui est enfin des conventions d'occupation précaire, elles constituent un instrument particulièrement adapté à la situation de locaux appelés à disparaître et dans lesquels on voudrait toutefois attirer des commerçants. Là encore, c'est une création de la pratique, qui mériterait d'être mieux encadrée.

Vous avez également raison lorsque vous considérez que le vrai problème est le montant trop élevé des loyers. Les commerçants indépendants sont chassés du coeur de ville et remplacés par des banques, des assurances ou des franchises. Certains propriétaires recherchent même une telle substitution en fixant un loyer très élevé, dans l'espoir de trouver une entreprise dont la surface financière sera suffisamment importante pour accepter de l'acquitter. Je dois reconnaître qu'il est très difficile de lutter contre un tel phénomène.

Il me semble cependant que l'un des moyens d'y parvenir est d'imposer le nouvel indice. De trop nombreux commerçants sont chassés hors des centres-villes sous la pression d'une augmentation de leur loyer bien supérieure à l'évolution de la situation commerciale. Il ne faut pas laisser certains indépendants prisonniers de l'ancien indice. Ce rapport n'a pas abordé la question de la réforme des baux commerciaux, qui est un chantier immense. Toutefois, si l'on devait s'y atteler, on devrait se pencher de très près sur la question de la révision des loyers. Nous avons tous été confrontés à des commerçants qui font face à des augmentations déraisonnables ; certains osent saisir les tribunaux, mais ça n'est pas le cas de tous. La révision des loyers à expiration du bail est source de nombreux conflits : le propriétaire ne peut pas exclure l'occupant, sous peine de devoir lui verser l'indemnité d'éviction, mais il peut en revanche augmenter les loyers de façon à rendre la situation intenable.

Vous trouverez dans le rapport que je vous présente les chiffres en matière d'exercice du droit de préemption par les collectivités territoriales. On compte quatre cents périmètres de préemption sur le territoire national, mais seulement trente préemptions réalisées. Sur les communes de Paris et de la petite couronne, on dénombre seulement sept cas de préemption sur un total de quarante-neuf périmètres créés. Je soulignerai toutefois que l'on ne peut pas s'en tenir au seul nombre des préemptions réalisées pour mesure l'efficacité du dispositif. La seule menace de l'usage de la préemption peut suffire à régler certains cas, comme j'ai pu en faire l'expérience sur le territoire de ma commune. Ainsi, sans qu'aucune préemption ne soit comptabilisée, on peut parvenir à un résultat concret. Ceci étant dit, il faut également se pencher sur la manière d'améliorer le dispositif. Ce n'était pas l'objet de mon rapport, qui abordait le problème de l'usage du droit de préemption uniquement à travers le cas de la location-gérance, car je ne voulais pas que l'usage du droit de préemption se traduise par des locaux vacants. Je pense que nous aurons l'occasion de retravailler ce point lors du nouvel examen de la proposition de loi sur l'urbanisme commercial.

M. Suguenot, pour résoudre les problèmes créés par l'utilisation des indices, il faut généraliser l'indice ILC. S'agissant du FISAC, le principal problème est que l'aide accordée est d'ordre ponctuel. Le FISAC peut certes aider à l'embauche d'un animateur de centre-ville, mais la question se pose ensuite des moyens financiers à mobiliser pour pérenniser le poste. Sans parler du fait que cette fonction d'animateur requiert des qualités très particulières et qu'il n'est pas simple de trouver la personne idoine.

Le retour du petit commerce dans les centres-villes existe bel et bien car cela correspond à une demande de la population. Ce n'est pas parce qu'il existe des grandes surfaces en périphérie que le commerce est nécessairement condamné au coeur des villes, les deux situations sont complémentaires. On assiste d'ailleurs à une prise de conscience de cette tendance par les distributeurs qui mettent désormais en place beaucoup de petites surfaces en centre-ville à l'image des épiceries d'antan. Paradoxalement, le e-commerce peut aussi profiter aux commerces du centre-ville, car il faut bien aller retirer les colis commandés sur Internet. Il existe, de ce point de vue là, un mouvement de fond qu'il faut accompagner en se gardant des idées trop simples car la réalité est beaucoup plus complexe.

M. Dionis du Séjour, vous évoquez la proposition n° 6 portant sur le droit de préemption. Je suis d'accord avec vous lorsque vous estimez qu'il faut revoir la question plus globalement, même si mon approche s'est volontairement limitée à la question de la location-gérance.

La proposition n° 8 est sans doute la plus importante du rapport, car elle vise à octroyer davantage de pouvoir aux maires. Les manageurs de centre-ville sont une solution que nous devons renforcer notamment au travers du FISAC. La question du stationnement des véhicules est également centrale, mais elle s'inscrit dans la problématique plus globale de l'aménagement des centres-villes.

M. Piron, je ne peux qu'adhérer au constat selon lequel certains centres-villes sont dégradés. C'est notamment le cas de communes situées en périphérie de communes plus importantes. Il convient pour autant de ne pas négliger la tendance évoquée précédemment d'un retour des commerces traditionnels en centre-ville.

Je répondrai à Michel Piron et à Annick Le Loch en disant qu'on constate aujourd'hui un effort en faveur du retour des commerces vers les centres villes, comme d'ailleurs de la population. Michel Piron avait posé la question plus générale de l'évolution de l'urbanisme commercial : c'est un sujet qu'il connaît parfaitement bien, sur lequel il a fait déjà de nombreuses propositions et sa qualité de rapporteur lui permettra d'être à nouveau très présent dans les débats sur la proposition de loi urbanisme commercial lorsque ce texte reviendra devant notre assemblée. Je pense en outre qu'il est souhaitable d'étendre et de généraliser l'ILC, et il me semble qu'il s'agit d'un point de consensus entre nous ce matin.

Jean Gaubert a évoqué la question de l'attractivité des centres villes et du nouvel indice créé par la LME : je signale à cet égard que la LME contient plusieurs mesures visant à soutenir le petit commerce, notamment cet ILC dont je souhaite généraliser l'usage.

Frédérique Massat a fait deux remarques tout à fait intéressantes. La première concernait les surfaces commerciales trop petites, problème auquel j'ai été confronté sur le terrain : certains commerces n'arrivent pas à s'implanter en centre ville car il n'y a pas de surfaces commerciales suffisamment grandes et sont obligés de s'établir en périphérie. Je n'ai pas mentionné ce sujet dans mon rapport, mais il s'agit d'un vrai problème. La seconde remarque portait sur la taxe sur les friches commerciales : j'avais envisagé à l'origine la possibilité d'une extension de cette taxe, mais les échanges que j'ai eus dans le cadre de ma mission m'en ont dissuadé. Première raison, des fiscalistes mettent en avant un risque d'incompatibilité entre cette taxe et le droit de propriété ainsi que la liberté de commerce et d'industrie ; une taxe visant à conforter le droit au logement et engager les propriétaires à louer ne pose pas de problèmes de constitutionnalité car l'objectif social est évident, en revanche s'agissant d'une activité commerciale, la justification d'une telle taxe au regard des normes constitutionnelles serait plus douteuse. Une seconde raison me paraît plus convaincante : il faut éviter de forcer les propriétaires à louer leur commerce à n'importe qui. Nous pourrons rediscuter de cette question si vous le souhaitez.

Jean-Charles Taugourdeau a posé la question des commerces de centre ville dans les bourgs de trois à cinq mille habitants. Il est vrai que de telles implantations participent de la dynamique du commerce de proximité et qu'il faut aussi penser aux villes moyennes lorsque nous traitons ces sujets. Il me semble que le droit de préemption de ces communes moyennes doit aussi être renforcé.

François Brottes a évoqué le droit de propriété : parfois les propriétaires se désintéressent de leur commerce parce que la propriété commerciale est à ce point forte qu'ils ont peu de prise sur leur commerce. Il faut à cet égard trouver un bon équilibre entre l'intérêt du propriétaire à la vie du local et la protection du locataire commerçant. François Brottes a fait la comparaison avec l'agriculture ; je me suis aussi inspiré de cet exemple pour proposer l'institution d'un droit de priorité en faveur du locataire. Actuellement en effet, si un propriétaire vend les murs, le commerçant qui occupe ces murs n'a aucun droit de priorité à l'achat, alors que cette priorité existe en matière agricole. Je n'ai pas mentionné précédemment cette proposition car elle n'est pas fondamentale, mais c'est l'addition de petites mesures de ce type qui est à même d'améliorer la situation. L'idéal reste de faire se rejoindre la propriété commerciale et la propriété des murs.

Philippe Armand-Martin a proposé de simplifier les démarches des futurs commerçants et de créer à cette fin des maisons du commerce. Je crois qu'avec les chambres de commerce qui agissent d'ores et déjà en ce sens, il faut renforcer les outils pour accompagner et aider les commerçants qui se lancent.

Annick Le Loch a posé la question des zones de chalandises et de l'urbanisme commercial. Ces sujets, qui excèdent un peu le cadre de mon rapport, sont importants et pourront être abordés dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial. En tout cas, il me paraît clair qu'il faut renforcer les pouvoirs du maire en matière d'urbanisme commercial.

Je suis d'accord avec Jean-Louis Gagnaire sur la nécessité de renforcer le rôle du FISAC. Je crois qu'il faut aussi trouver des moyens pour lutter contre l'éclatement de la propriété : vous êtes plusieurs collègues à avoir souligné ce problème, et je retiens ce point. J'ai déjà abordé la question de la taxe sur les friches commerciales. Dernier sujet, celui des règlements de copropriété : il existe effectivement parfois des difficultés à développer des commerces du fait d'un « verrouillage » par les règlements de copropriété. Ce point devra être analysé plus en profondeur si nous sommes saisis d'une réforme des règles concernant les copropriétés.

Je vous remercie pour l'ensemble de vos remarques, très intéressantes, et qui ont permis d'enrichir le rapport.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Merci, monsieur le président. Je souhaiterais, puisqu'il nous reste quelques minutes, que nous débattions des suites qui seront données à ce rapport. Il s'agit d'un rapport important. Lors de votre présentation, à chaque fois que vous proposiez d'intégrer certaines mesures dans la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial, Michel Piron semblait pour le moins réservé et je me demande pourquoi. Même si je fais confiance au groupe socialiste pour adopter dès 2012 ces dispositions en cas d'alternance, je pense qu'il est nécessaire de voter ces dispositions avant la fin de la législature.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Je crois que c'est le fait que la proposition de loi est en seconde lecture qui gêne Michel Piron.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Je précise que j'ai proposé non pas d'intégrer toutes les propositions du rapport dans la proposition de loi, mais uniquement le droit de préemption, qui a déjà fait l'objet de discussions en première lecture. Sur les autres sujets, il faudra trouver d'autres véhicules législatifs.

PermalienPhoto de Jean Proriol

Je m'excuse d'être arrivé en retard. N'y a-t-il pas une contradiction entre la proposition n° 6 qui renforce le droit de préemption et la proposition n° 7 qui institue un droit de priorité ? Il me semble qu'il y a un conflit entre trois droits : le droit de propriété commercial, le droit de préemption et le droit de préférence.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

En réalité, l'objet de ces dispositifs n'est pas le même : le droit de préemption porte sur le bail commercial tandis que le droit de priorité porte sur les murs. Ce sont deux problématiques bien distinctes.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

En tout cas, il faut aller jusqu'au bout de ce débat. Il faut que la question de la stratégie à adopter soit abordée. Je proposerai au président Poignant de mettre cette question à l'ordre du jour d'une prochaine réunion du bureau de notre commission.

PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Je crois qu'il faudrait aussi réfléchir au fait que de nombreux commerces vont devoir être mis aux normes, pour l'accessibilité aux handicapés ou pour la sécurité, par exemple. Il faudrait peut-être envisager le recours à des contrats de partenariat public- privé pour faciliter cette transition.

PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Je crois qu'il y a deux choses dans ce que vous dites : d'abord le problème de la mise aux normes – et il faut accompagner les commerces pour franchir ce cap ; ensuite le problème de l'intervention directe des communes pour louer des locaux commerciaux, qui permet de maintenir et de diversifier l'offre et de tirer autant que faire se peut les loyers vers le bas.

En tout cas, je vous remercie encore pour vos remarques, qui ont été fort utiles.

La Commission autorise à l'unanimité la publication du rapport.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 2 mars 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Christian Blanc, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Albert Facon, M. Daniel Fasquelle, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Henri Jibrayel, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Michel Piron, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, Mme Anne Grommerch, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Serge Poignant, Mme Anny Poursinoff, M. Michel Raison, Mme Catherine Vautrin