COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 16 février 2011
La séance est ouverte à dix heures trente.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Genevois, président de l'Agence française de lutte contre le dopage.
Monsieur Genevois, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin, pour la première fois depuis votre nomination à la tête de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), et nous vous remercions sincèrement d'avoir répondu à notre invitation.
Notre Commission s'intéresse beaucoup au sport, sous toutes ses facettes, et a consacré l'an dernier plusieurs tables rondes aux enjeux de la lutte contre le dopage. Il était donc naturel que nous vous invitions à venir nous exposer vos objectifs et les moyens que vous entendez mettre en oeuvre dans le cadre de votre nouvelle responsabilité.
Pour ce qui me concerne, je souhaite vous poser deux questions : tout d'abord, Mme Chantal Jouanno, que nous avons reçue ici même au début du mois, nous a fait part de sa volonté d'accentuer encore la lutte contre le dopage, en soulignant le problème majeur que pose le dopage dans le sport amateur. Que peut dire et faire l'AFLD à ce sujet, et existe-t-il, en matière de prévention, une approche spécifiquement adaptée au sport amateur ?
Ma deuxième question portera sur les moyens financiers de l'AFLD. Votre prédécesseur nous avait fait part des difficultés qu'il avait rencontrées pour obtenir de l'État la dotation prévue au titre du budget de 2010. Le dialogue avec vos interlocuteurs du Gouvernement se déroule-t-il dans de meilleures conditions s'agissant du budget de 2011 ?
C'est pour moi un grand honneur d'être reçu par les membres de la représentation nationale qui s'intéressent au sport et à la lutte contre le dopage. Cette audition va me donner l'occasion de vous présenter l'action entreprise depuis que je me trouve à la tête de l'Agence, à la suite de la démission de Pierre Bordry. J'ai prêté serment le 7 octobre dernier : mon expérience est limitée, mais ces derniers mois ont été aussi actifs et instructifs que possible.
Lors de la première séance du collège de l'Agence, j'avais souligné ce qui à mes yeux va de soi, à savoir que la lutte contre le dopage est un impératif indiscutable, tant pour des raisons de santé publique que pour le maintien de la loyauté des compétitions sportives. C'est à ce titre que nous essayons de lutter contre le dopage aussi bien dans le sport professionnel que dans le sport amateur. C'était d'ailleurs la doctrine de l'ancien ministre des sports, Jean-François Lamour, et c'est également celle de l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Au cours de la même séance, j'avais également évoqué les trois défis que nous devons relever : un défi technologique, un défi financier et un défi organisationnel. Je les reprendrai devant vous en les actualisant, avant de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser, à moi-même ou à mes collaborateurs ici présents : M. Robert Bertrand, secrétaire général, qui est un administrateur de votre Assemblée mis à la disposition de l'Agence, et le professeur Michel Rieu, qui en est le conseiller scientifique.
Le premier défi est technologique. Les techniques de dopage ont toujours un temps d'avance sur les techniques de détection des produits dopants. Face à ce défi, nous ne sommes pas désarmés : nous disposons, dans la législation comme dans la pratique, de quatre éléments susceptibles de jouer un rôle positif.
Le premier d'entre eux est lié aux progrès de la recherche. S'il nous a fallu dix ans pour réussir à détecter l'érythropoïétine, dite EPO – lorsque nous avons pu le faire, cela a fait très mal dans le monde du cyclisme –, nous avons mis beaucoup moins de temps pour mettre en évidence, à la faveur d'une prise de sang, l'EPO CERA, produit dopant de troisième génération.
Mais la recherche suppose des investissements coûteux. C'est la raison pour laquelle l'Agence encourage les universités à conclure des contrats et à réaliser des investissements. Nous vous remettrons, madame la présidente, un document récapitulant l'ensemble de nos actions. Le professeur Rieu est à votre disposition pour vous donner de plus amples informations, en particulier sur les projets aidés par l'Agence. Ceux-ci reçoivent l'agrément du Comité d'orientation scientifique, composé de scientifiques de haut niveau de diverses nationalités et présidé par le professeur Yves Le Bouc, lui-même ancien sportif – il fut un demi de mêlée très combatif.
Nous bénéficions également, pour relever le défi technologique, du concours des services de police et des services douaniers. Je souligne le rôle très positif de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), rattaché à la police judiciaire. L'article L. 232-20 du code du sport, dans sa rédaction judicieusement votée par le Parlement en juillet 2008, prévoit des échanges d'information entre l'AFLD et l'ensemble de ces services.
Tout aussi positive est la fixation d'un délai rigoureux de prescription des infractions sportives. Celles relevant du dopage peuvent désormais être poursuivies dans un délai de huit ans. Cette disposition, conforme aux recommandations de l'Agence mondiale et entérinée par l'ordonnance du 14 avril 2010, permet de revenir sur des situations passées – à condition, naturellement, que les échantillons aient été conservés –, ce qui constitue un élément de dissuasion non négligeable.
Quatrième point positif : les contrôles effectués en amont. Dans certains sports, les techniques de dopage sont tellement sophistiquées que les contrôles pratiqués pendant la compétition sont le plus souvent négatifs, alors même que les services de police ou de gendarmerie peuvent découvrir la présence de produits dopants dans l'hôtel où ont résidé les sportifs ou la camionnette qui les a transportés. C'est la raison pour laquelle la législation prévoit des contrôles très en amont, en obligeant notamment les sportifs de haut niveau à se soumettre à une localisation, ce qui permet de procéder à des contrôles inopinés. Après trois manquements sans justification valable, des sanctions disciplinaires peuvent être prises, dans le respect des procédures.
Toujours dans le but d'anticiper les contrôles en amont, nous essayons aujourd'hui de suivre l'évolution des profils sanguins. Nous y sommes incités par l'Agence mondiale antidopage. C'est pourquoi dans le Programme annuel de contrôles (PAC) que nous avons adopté le 6 janvier 2011 et qui est consultable sur le site internet de l'Agence, nous avons mis l'accent sur la nécessité d'augmenter le nombre des prélèvements sanguins, moyennant une diminution corrélative, au moins cette année, des contrôles urinaires.
Notre deuxième défi est un défi financier. La lutte contre le dopage a nécessairement un coût. J'ai évoqué cette question lors de la présentation à la presse du rapport d'activité de l'Agence, rapport dont le président de l'Assemblée nationale était l'un des destinataires. Le 18 novembre dernier, un quotidien sportif a rendu compte de mon intervention dans les termes suivants, qui ont de quoi surprendre un membre du Conseil d'État : « Genevois veut des sous ». Si je conteste cette personnalisation du problème, je me dois de vous faire part de ma préoccupation concernant l'Agence et la lutte contre le dopage.
En ce qui concerne les sommes consacrées à la lutte contre le dopage, un certain nombre de chiffres circulent. Le 21 janvier dernier, lors d'un colloque intitulé « Lutte contre le dopage et protection des droits fondamentaux », organisé par des avocats, il m'a été indiqué que le budget de l'Agence mondiale antidopage s'élevait à 25 millions de dollars. Je rappelle que l'AMA, créée en 1999, est une fondation de droit privé suisse, dont le siège se trouve à Montréal et qui dispose de quatre antennes régionales. Je trouve ce montant plutôt faible, mais il m'a été confirmé le 10 février par le président de l'Agence lui-même. Je me demande s'il ne s'agit pas que du budget administratif.
Au cours du même colloque, un représentant du Conseil de l'Europe a déclaré : « Jamais les pays membres du Conseil de l'Europe n'ont été aussi fermes quant à l'objectif de lutte contre le dopage ». Or les budgets consacrés par le Conseil de l'Europe à la lutte contre le dopage ont été réduits de 30 % !
L'Union cycliste internationale (UCI), quant à elle, consacre spécifiquement 8 millions de francs suisses, soit 6,125 millions d'euros, à la lutte contre le dopage. Ces évolutions sont à mettre en parallèle avec le budget de l'AFLD, adopté le 18 novembre 2010 – sans demande de délibération ultérieure de la part du ministère du budget et du ministère des sports – qui s'élève à 8 945 460 euros, couvrant le fonctionnement du siège administratif de l'Agence et du département des contrôles, avec les 490 préleveurs qui sont des collaborateurs occasionnels relevant du service public, ainsi que celui du laboratoire d'analyses de Châtenay-Malabry. Les comparaisons internationales doivent nécessairement tenir compte du rattachement ou non du laboratoire à l'Agence, lequel, je tiens à le souligner, n'est pas antinomique de sa totale indépendance sur le plan scientifique.
Quel que soit le montant des crédits alloués à l'Agence, le plus important est d'en faire bon usage. Afin de rendre compte de notre activité, nous présentons chaque année un rapport au Parlement et au Gouvernement. Nous faisons des efforts de productivité, mais il me semble qu'une autorité administrative indépendante, dotée d'une personne morale distincte de celle de l'État – ce qui est le cas de l'Agence depuis le vote de la loi du 5 avril 2006 – doit disposer d'une ressource propre afin de ne pas être trop tributaire de la subvention de l'État, qui reste aléatoire. Or le budget de l'Agence pour 2011 est tributaire d'une subvention de 7,8 millions d'euros, bien que votre Assemblée ait souligné l'intérêt d'une ressource propre, évoquant la possibilité que soit versés à l'Agence 10 % de la taxe sur les cessions de droits de retransmission des compétitions sportives, dite « taxe Buffet ». Votre Assemblée s'y est déclarée favorable à deux reprises : lors du vote en première lecture du projet de loi de finances pour 2010, et en novembre 2010, dans le rapport de René Dosière et Christian Vanneste sur les autorités administratives indépendantes.
Je n'ignore pas que, le 4 novembre 2009, devant le Sénat, le Gouvernement a fait marche arrière, mais j'ai eu le sentiment que ce changement devait beaucoup à l'attitude du monde du football qui, sous prétexte que le dopage n'existe pas dans ce sport, ne voit pas pourquoi l'argent qu'il rapporte profiterait à la lutte contre le dopage. Nous pourrions engager un vaste débat sur de telles affirmations. Ce qui me gêne personnellement, c'est qu'elles remettent en cause le modèle français d'organisation du sport, qui repose sur une certaine solidarité entre les sports susceptibles de générer des recettes et les autres, ce qui en fait la richesse et l'originalité. Je maintiens donc ma position sur ce point.
Quand on me parle des difficultés qui existent dans le monde du football, je cite un article de presse du 13 octobre dernier selon lequel la chaîne bénéficiaire des droits de retransmission aurait revendu à l'étranger à bon prix – 24 millions d'euros – les droits acquis par elle pour l'utilisation par d'autres chaînes européennes des images du Championnat de France de première division. Si vous vous intéressez un tant soit peu au football, vous savez qu'il est plus attrayant de voir un concentré des matches de championnat, avec des buts tels que celui de Wayne Rooney dans le match opposant Manchester United à Manchester City. Ces images spectaculaires se vendent bien, mais rien ne justifie qu'elles ne soient pas soumises à un effort de solidarité collectif au titre de la lutte contre le dopage.
J'en viens au défi organisationnel, qui concerne le positionnement de l'Agence par rapport à ses interlocuteurs, nationaux et internationaux.
Sur le plan national, j'ai pris contact avec les autorités ministérielles et leurs services. J'ai aussi rencontré, en présence de mes collaborateurs, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui m'a réservé un accueil très chaleureux, les responsables des principales fédérations, accompagnés des directeurs techniques ou des conseillers juridiques, et les médecins du sport. Je pense qu'il n'y a pas de difficultés dès lors que chacun s'attache à respecter la compétence de l'autre.
Les débats budgétaires étant déjà engagés lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai laissé à mon prédécesseur Pierre Bordry le soin de suivre la procédure devant le Sénat, qu'il connaît bien puisqu'il fut pendant plusieurs années conseiller du président Poher. À sa demande, j'ai rencontré le rapporteur général du budget de la Commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, avec lequel j'ai eu des échanges fructueux.
Sur le plan international, je mentionnerai tout d'abord la visite à Paris le 10 février 2011 de M. John Fahey, président de l'AMA, et de ses principaux collaborateurs, trois anciens lawyers très exigeants sur le plan de la lutte antidopage. Dans un communiqué de presse, M. Fahey a souligné tout le bien qu'il pensait de l'action de l'AFLD. Certes, nous sommes perfectibles, mais notre agence est un pilier de la lutte antidopage.
Le 12 février dernier, j'ai été appelé à défendre – ce que j'ai fait avec beaucoup de conviction – la candidature d'Annecy aux Jeux olympiques d'hiver de 2018 devant la Commission d'évaluation du Comité international olympique.
Enfin, j'ai renoué des contacts avec l'Union cycliste internationale. La négociation étant en cours, je souhaite conserver à cet égard une certaine discrétion. Je ne voudrais pas qu'un effet d'annonce en compromette l'issue, que j'espère favorable.
Je suis très attaché au soutien apporté par l'Assemblée nationale et le Sénat à l'action de l'AFLD, soutien qui se manifeste chaque année lors de la discussion des crédits du ministère des sports.
Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt, monsieur le président, d'autant que j'ai eu l'honneur et la chance d'être le rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants et, à ce titre, de travailler avec votre prédécesseur. L'Agence française de lutte contre le dopage n'a pas en effet à rougir de sa situation. En matière de lutte contre le dopage, notre pays est celui qui a fait le plus d'efforts.
En revanche, dans le domaine de la prévention, les fédérations sportives, toutes disciplines confondues, doivent s'engager à pratiquer des contrôles inopinés lors des entraînements, dont des contrôles privatifs sous l'autorité des médecins des clubs. Il faut multiplier les contrôles officiels, non pas à l'issue des compétitions, mais lors des entraînements, que les sportifs soient prévenus ou non.
La lutte contre le dopage n'est que la conséquence des risques que font prendre à leurs sportifs les clubs, les entraîneurs, et parfois même les médecins.
Notre rôle est d'aider les sportifs à rester en bonne santé. En conséquence, il est absolument nécessaire que le corps médical fasse des efforts en ce sens.
Il nous faudra un jour nous interroger sur les autorisations à usage thérapeutique (AUT) car je constate aujourd'hui, dans un sport que je connais bien, que le nombre d'asthmatiques a augmenté…
Les réglementations de l'AMA et celles de l'AFLD doivent impérativement être homogènes si nous ne voulons pas nous retrouver devant des cas comme celui de ce cycliste espagnol qui, après avoir été condamné pour dopage, vient de se trouver blanchi par la Fédération espagnole de cyclisme. Qu'il soit innocent ou coupable, son exemple illustre l'opposition entre une réglementation nationale et la réglementation internationale.
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accepté notre invitation. Depuis de nombreuses années, en effet, la communauté internationale reconnaît l'engagement politique de la France en faveur de la lutte contre le dopage. L'AFLD est le bras armé de cette lutte et opère en coordination avec le mouvement sportif et les fédérations, acteurs de la prévention et de l'éducation.
Pierre Bourdry, votre prédécesseur, a déclaré en quittant l'Agence : « Ma démission est aussi un message, une manière de dire que la lutte antidopage va mal en France ». C'est avant tout une question de moyens financiers. Vous évaluez les moyens de l'Agence à 8,9 millions d'euros en 2011, dont 7,8 apportés par le ministère des sports. Les moyens supplémentaires qui pourraient être obtenus par l'augmentation de la taxe sur les droits de retransmission télévisuelle doivent-ils servir à renforcer les contrôles ou à conforter le laboratoire ?
Nous avons l'impression que les disciplines sportives ne montrent pas toutes le même enthousiasme pour s'engager dans la lutte antidopage. L'élément majeur qui ressort des débats financiers que nous menons depuis plusieurs années et qui fait la force de l'Agence, c'est son indépendance sur le plan scientifique par rapport aux autres instances et à divers lobbyings, même si cette indépendance reste très relative sur le plan politique. On ne peut évoquer le cas de Contador sans évoquer ceux de Delgado et de Neil Armstrong.
Mme la ministre des sports a récemment déclaré qu'elle souhaitait que les contrôles soient orientés vers les sports collectifs et les salles de musculation. Qu'en pensez-vous ?
Nous avons en France la volonté de mieux travailler avec l'Union cycliste internationale, mais combien nous a coûté la perte liée à la retransmission du Tour de France ? Comment envisagez-vous de défendre notre position et de travailler avec l'UCI ?
Quant aux moyens consacrés à la recherche, même s'ils sont passés de 47 000 à 100 000 euros, puis à 300 000 euros, ce sont des budgets dérisoires au regard des enjeux majeurs que représente la recherche.
Face aux nouvelles formes de dopages – l'autotransfusion, les substituts de l'EPO, biosimilaires et hématide, les analogiques de l'AMP-kinase permettant d'orienter le profil métabolique des fibres musculaires, le dopage génétique et quantité de molécules qui reculent le seuil de fatigue –, les moyens que nous consacrons à la recherche sont insuffisants. Seule une stratégie appuyée sur les grands laboratoires universitaires de pharmacologie nous permettrait de faire face à de tels enjeux.
La dernière décision de l'AMA, à savoir la suppression des déclarations d'usage pour les produits comme le salbutamol ou les glucocorticoïdes administrés en aérosol ou par voie intra-articulaire, m'inquiète. Car le procédé d'administration est largement utilisé pour contourner l'interdiction de consommer les produits dopants. Je pense, comme M. Depierre, que nous ne tarderons pas à constater une explosion du nombre d'asthmatiques.
Je salue à mon tour l'excellent travail des acteurs et actrices de l'Agence et du laboratoire. Grâce à leur compétence, leur intégrité et leur courage, la France est reconnue dans le monde entier comme un élément majeur de la lutte contre le dopage.
Vous avez, monsieur le président, souligné les enjeux de santé publique et d'éthique sportive que représente la lutte contre le dopage. J'y ajouterai la notion de dignité humaine, que les nouvelles méthodes comme l'autotransfusion mettent à mal.
À propos de l'affaire Contador, M. Jean-René Bernaudeau déclarait récemment dans un journal sportif : « La crédibilité en prend un coup, celle de l'Espagne aussi ».
Selon vous, l'AMA a-t-elle une quelconque autorité sur les politiques menées par les différents pays européens ? A-t-elle les moyens d'intervenir dans des situations comme celle-ci ? Comment la lutte antidopage sera-t-elle mise en oeuvre lors du Tour de France cycliste de 2011 ? Quelles sont nos capacités de détection dans les cas d'autotransfusion ? Où en est la recherche dans le domaine du dopage génétique ?
Vous avez rappelé le montant de la dotation affectée à l'ensemble constitué par l'Agence et le laboratoire, et le nombre de contrôles qu'elle permet d'effectuer. Quel budget vous permettrait de couvrir l'ensemble des pratiques sportives ? J'ai noté dans votre bilan de l'année 2009 de très grands écarts au niveau des disciplines. Si le cyclisme reste le sport le plus contrôlé, les grandes fédérations, en particulier celles qui comptent le plus de licenciés, enregistrent un nombre réduit de contrôles. Quels moyens vous faudrait-il pour multiplier les contrôles, notamment hors compétition ?
Quels sont les problèmes qui vous empêchent de multiplier le nombre des préleveurs agréés, en particulier les femmes, dont le nombre reste encore très limité ?
Enfin, envisagez-vous des coopérations entre le laboratoire de l'AFLD et ceux d'autres pays, notamment des pays émergents ?
D'après un bulletin publié le 25 juin 2010 par la Fédération française de football, le sang des cyclistes outre-mer est plus riche en produits dopants que celui de leurs homologues de l'Hexagone : des contrôles sanguins inopinés ont révélé que l'hématocrite variait de 36,3 % à 47,9 % sur le continent fin juin 2009, et de 39,8 % à 49,3 % en Guadeloupe après le Tour cycliste international de Guadeloupe du mois d'août.
Depuis trois ou quatre ans, un vent de panique touche le petit monde du cyclisme guadeloupéen. Les dirigeants se sentent démunis et ont exprimé à maintes reprises leur impuissance. Certains jeunes ne sont pas conscients du danger et mettent en péril leur santé. Les moyens de prévention et de contrôle sont très faibles par rapport aux besoins.
Compte tenu des ravages constatés dans la population cycliste, qui doit servir de modèle, j'aimerais connaître vos relais en outre-mer, plus particulièrement en Guadeloupe, en termes de prévention et de contrôles pertinents.
Que pensez-vous de l'éventualité de contrôles sanguins avant les compétitions, préconisés par certains dirigeants ?
L'année dernière, nous avons reçu l'ancien président de votre Agence, mais aussi d'anciens sportifs comme Cyrille Guimard et Alain Calmat. Nous, parlementaires, avons alors pensé que les choses allaient s'améliorer, comme on nous l'avait assuré. Or force est de constater, notamment après les affaires Amstrong et Contador, que tel n'est pas le cas. Avons-nous les moyens de lutter contre le dopage et, surtout, le voulons-nous réellement ? Quelle image donnons-nous à nos jeunes ?
Chaque année nous reviennent les mêmes images du sport cycliste, en particulier lors du Tour de France. Nous sommes inquiets. L'Agence mondiale antidopage fait-elle réellement diligence pour donner les informations nécessaires ?
Votre prédécesseur, Pierre Bordry, a démissionné neuf mois avant la fin de son mandat car il s'estimait empêché d'agir. Il était en effet convaincu que l'Agence mène un combat qu'elle ne peut gagner dans la mesure où elle ne dispose pas des moyens nécessaires – les budgets ne sont pas à la hauteur des besoins –, que la liste des produits indétectables augmente et que le dopage est de plus en plus répandu. Partagez-vous cette opinion ? Dans l'affirmative, pourquoi avoir accepté cette mission ? Sinon, comment pensez-vous la mener à bien sans disposer des moyens nécessaires ?
Votre Agence a l'obligation de contrôler au moins quatre fois par an de manière inopinée 450 sportifs d'un groupe cible, soit parce qu'ils font partie de l'élite, soit parce qu'ils sont soupçonnés de dopage. M. Pierre Bordry évoquait les difficultés pour réaliser un seul de ces quatre prélèvements, en raison des coûts et du problème de disponibilité des préleveurs. Combien de prélèvements seront réalisés cette année sur ce groupe cible ? Est-il possible de créer de vrais emplois pérennes pour les préleveurs, plutôt que de la précarité par le biais de vacations ?
Vous êtes un érudit du droit, ce qui apporte sans conteste une plus-value à l'Agence. L'arsenal juridique français vous semble-t-il approprié à une lutte efficace contre le dopage ? Une meilleure harmonisation européenne et mondiale n'est-elle pas nécessaire ? Le curseur de la sanction doit-il se placer sur le sportif soumis aux pressions, ou sur le médecin et l'équipe qui organisent le dopage ?
Pensez-vous que la coordination européenne soit suffisante pour éviter que les uns et les autres ne procèdent aux mêmes recherches ?
Je suis surpris que les chaînes sportives, très regardées, ne considèrent pas avoir une mission d'information et de prévention. Les fédérations sportives ne devraient-elles pas développer des informations en direction notamment de leurs cadres sportifs ?
Les amendes pour dopage ne devraient-elles pas être affectées au budget de l'Agence, ce qui permettrait de mieux cibler les prélèvements ? En outre, ne faudrait-il pas imputer les montants de ces amendes aux fédérations sportives, ce qui serait une façon très directe de les interpeller ?
L'affaire Contador pose la question de savoir qui a autorité sur qui.
Quelles actions envisagez-vous pour l'ensemble des compétitions sportives qui se déroulent sur le territoire français, au niveau de l'Union européenne, mais aussi sur le plan mondial ?
Vous avez présenté trois défis. J'en ajouterai un quatrième : le défi médiatique. Pour ce qui est du cyclisme, le progrès est de parler du dopage, dont on ne parle pas dans les autres sports où il existe certainement.
Comment pouvez-vous relever ce quatrième défi ?
Les relations entre l'AFLD, l'UCI et l'AMA sont compliquées. À compter du lendemain de l'annonce par la Fédération espagnole de cyclisme de blanchir Contador, après l'avoir suspendu, l'UCI et l'AMA disposent de trente jours pour interjeter appel devant le tribunal arbitral du sport. Le directeur sportif de Contador, Bjarne Riis, avait lui-même été déchu de son titre du Tour de France 1996 pour usage d'EPO.
L'ancien président de l'AFLD disait les choses franchement et parlait de l'inertie de l'UCI, laquelle lui reprochait d'orchestrer des fuites dans la presse. Cela démontre une grande hypocrisie. Il est important aujourd'hui que l'AFLD ne se « couche » pas devant l'UCI, que vous devez rencontrer, me semble-t-il, le 26 mars à Aigle.
Vos recommandations auprès des fédérations sont importantes. Qu'en est-il auprès des fédérations du sport scolaire et universitaire, dans la mesure où le dopage existe aussi chez les jeunes ?
Enfin, quand sera nommé le directeur du laboratoire de l'AFLD ?
Mme Françoise Lasne a été nommée directrice du laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry. Elle participe aujourd'hui à une réunion des laboratoires européens à Cologne, et participera bientôt à une réunion de chefs de laboratoires à Dresde, en présence de l'AMA.
La préparation des sportifs se déroule tout au long de l'année, 365 jours sur 365, ce qui pose la question de leur localisation et du contrôle permanent, en particulier des footballeurs, réticents à livrer leur calendrier. Que pensez-vous de la nécessité d'intervenir à tout moment, y compris les jours de congé ?
Pourriez-vous nous éclairer sur les enjeux liés à la commercialisation de produits hautement nocifs dans les salles de fitness et de musculation ?
Votre action porte principalement sur le sport de haut niveau, mais le dopage existe dans d'autres milieux. Aujourd'hui, il est très facile de se procurer des substances dopantes, notamment sur internet, où un réseau important de diffusion d'anabolisants sévissait encore récemment, avant d'être démantelé.
Les utilisateurs de ce type de substances sont souvent très jeunes : ils se laissent séduire par ces produits et, surtout, ne connaissent pas les risques auxquels ils s'exposent. Il s'agit là d'un véritable enjeu de santé publique. Quelle est votre action en la matière ?
Après la découverte et la saisie de matériels médicaux suspects lors du Tour de France 2009, le parquet de Paris a ouvert une enquête qui a donné lieu à des investigations concernant, notamment, l'équipe Astana. Quelles suites ont été données à ces investigations et à la procédure judiciaire ?
Par ailleurs, à la suite du rapport de l'AFLD du 5 octobre 2009, divulgué dans la presse et mettant en évidence certains dysfonctionnements constatés sur le Tour de France 2009, l'UCI a décidé de mettre fin à la collaboration de votre Agence, l'accusant d'incompétence. Votre action s'est donc limitée à quelques contrôles additionnels et à une mission de veille lors du Tour de France 2010. Comment définiriez-vous vos relations actuelles avec l'UCI ? Aurez-vous la possibilité d'agir et de mener de véritables contrôles sur le Tour de France 2011 ?
Pouvez-vous étendre votre action en matière de lutte contre les trafics de produits dopants et améliorer la coopération avec les services des douanes et de gendarmerie ?
L'AFLD ne dispose pas de services délocalisés. Vous êtes censés collaborer avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale pour mettre en oeuvre vos missions de contrôle sur l'ensemble du territoire. Ces directions sont-elles en mesure d'apporter l'aide logistique nécessaire à la mise en place des actions préventives de contrôle antidopage et de la formation continue des personnes chargées des contrôles, malgré les réorganisations menées dans le cadre de la RGPP ?
La France se voit parfois reprocher sa politique de lutte contre le dopage qui, en dépit de son efficacité, a tendance à décourager les instances sportives internationales de lui confier l'organisation de grandes manifestations sportives.
Pour ma part, je reste persuadé que la lutte contre le dopage doit aussi être réalisée auprès des publics les plus jeunes. La prévention doit être une priorité, sachant que, quoi qu'il arrive au plus haut niveau, les contraintes – notamment économiques – sont telles que le culte de la performance, même artificielle, perdurera.
Quelle politique l'Agence française de lutte contre le dopage mène-t-elle pour sensibiliser les jeunes aux risques du dopage ?
Monsieur le président, votre tâche est très importante et la France peut s'enorgueillir de développer une stratégie contre le dopage. Quelles sont vos pistes pour le sport de haut niveau ?
Le dopage existe chez les amateurs de haut niveau et les scolaires et universitaires de haut niveau. Quelles actions de prévention engagez-vous avec les fédérations, les comités départementaux et les ligues ?
Par ailleurs, avez-vous réalisé une étude auprès des sportifs professionnels ou amateurs sur leur perception de la qualité de la lutte contre le dopage ?
Enfin, qu'en est-il de vos partenariats avec l'université et le ministère de la santé ? La recherche réalisée dans les universités pourrait renforcer votre travail, ce qui permettrait de démultiplier l'action dans certains domaines et de gagner du temps.
L'Agence française de lutte contre le dopage a une mission essentielle en matière de recherche sur les produits et procédés dopants. Pour cela, elle dispose d'un comité d'orientation scientifique, composé de neuf scientifiques français et étrangers de haut niveau. La liste des interdictions pour 2011 a été arrêtée en décembre 2010. Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie scientifique développée par Yves Le Bouc, président du Comité d'orientation scientifique, et les nouvelles pratiques dopantes qui émergent ?
L'action nationale contre le dopage depuis plus de dix ans comporte un volet répressif important. L'AFLD procède pour cela à des contrôles inopinés, notamment sur des sportifs de haut niveau et des sportifs issus de sports collectifs professionnels. Vous avez des résultats, ce qui est satisfaisant pour lutter contre ce véritable fléau qu'est le dopage. Cependant, le dopage perdure, les sports amateurs sont touchés et les jeunes sportifs sont conduits à se doper pour progresser dans le sport qu'ils ont choisi de pratiquer.
Quelles actions concrètes de prévention comptez-vous entreprendre pour cibler ce public jeune, parfois très jeune ?
La même volonté de lutte contre le dopage est-elle observée dans tous les pays, en particulier européens ?
Quel est le niveau de performance des laboratoires de contrôle européens par rapport à celui de Châtenay-Malabry ?
Le systématisme de nos contrôles n'a-t-il pas une influence sur l'obtention par la France de l'organisation de grandes manifestations internationales ?
Enfin, quelle est la répartition en pourcentages des contrôles sur les sportifs amateurs et des contrôles sur les sportifs professionnels ?
J'ai eu le plaisir de visiter le laboratoire de Châtenay-Malabry à la fin de l'année 2010, où j'ai rencontré des personnels à la fois très compétents, engagés et très pédagogues. Le piratage informatique, dont ils craignent être victimes, semble être au centre de leurs préoccupations. Avez-vous les moyens de garantir la sécurité ?
Comment agissez-vous en partenariat avec les ministères des sports et de l'éducation nationale, mais aussi avec les fédérations pour prévenir le dopage et les conduites à risque des adolescents, sachant que de 3 à 5 % d'entre eux déclarent avoir déjà pris des produits interdits ? L'action auprès des jeunes implique assurément l'exemplarité au niveau du sport professionnel !
L'accumulation de matches de haut niveau dans certains sports et la longueur des épreuves pour d'autres ne favorisent-elles pas la prise de produits dopants ?
Les connaissances scientifiques sur l'optimisation de la performance sportive, acquises notamment grâce au travail de recherche de très grande qualité effectué par l'INSERM, permettent une nouvelle approche tant des qualités musculaires des athlètes que du travail d'amélioration du geste technique. Or n'ont-elles pas un effet pervers sur ceux qui veulent tout faire pour réussir ?
(Présidence de M. Jacques Grosperrin, secrétaire.)
Je vais répondre en regroupant vos quelque quarante-cinq questions par thèmes, sachant que je laisserai au professeur Rieu le soin d'intervenir sur les aspects médicaux.
L'Agence française de lutte contre le dopage, créée par la loi du 5 avril 2006, n'est pas le ministère des sports ni le ministère de la santé publique. Nous pouvons exprimer des préoccupations, mais pas nous substituer à l'autorité responsable. En matière de prévention, notre compétence a été écornée au regard de la loi de 1999 de Mme Buffet, votée à l'unanimité.
S'agissant des propos pessimistes de Pierre Bordry, je considère que le pessimisme doit toujours être générateur d'actions, comme l'a fort bien dit le penseur politique italien Antonio Gramsci.
Concernant l'aspect médiatique, je m'efforce d'assurer une information, sachant que j'ai prêté le serment de discrétion sur les activités du collège lorsque j'ai pris mes fonctions, et que je suis attaché à la présomption d'innocence des sportifs impliqués dans des affaires. Nous devons être très prudents car je ne voudrais pas que l'on nous reproche un préjugement. La seule chose que je puis vous indiquer, en référence à une affaire ayant défrayé la chronique, est qu'il ne faut pas confondre une suspension prise à titre conservatoire et une sanction infligée à la suite d'une procédure. Je suis très attaché au respect des procédures, toujours contradictoires, sur lesquelles porter un bon jugement implique d'en connaître tous les éléments.
J'ai été très sensible à la remarque de Mme Boulestin sur la multiplication des compétitions. Lorsqu'il était rédacteur en chef du journal L'Équipe, Gaston Meyer dénonçait déjà l'inflation des compétitions et des disciplines olympiques. Dans certains sports, elle est effectivement une incitation à des pratiques tentantes.
Je suis très attaché à la législation française et à la distinction entre sanction sportive proprement dite et sanction pénale. La sanction sportive peut intervenir dans le respect des procédures, dans des délais relativement brefs, et être efficace, pour peu que l'on joue le jeu loyalement. La sanction pénale est adaptée en cas de trafics, lorsque des personnes étrangères aux sports doivent être poursuivies et un réseau éradiqué. Vis-à-vis du sportif, elle serait extrêmement longue à mettre en oeuvre, interviendrait très tardivement et n'aurait plus de valeur, voire serait mal ressentie par l'opinion qui ne comprendrait pas une peine de prison infligée six ou dix années après les faits, compte tenu des voies de recours multiples ouvertes par notre droit.
Je ne suis pas demandeur d'un versement aux fédérations du produit des amendes. Celles-ci ne constituent d'ailleurs pas la sanction principale, qui est plutôt l'interdiction de participer aux compétitions pendant une durée déterminée.
S'agissant de la sécurité de notre laboratoire, des problèmes se sont effectivement posés. Néanmoins, un audit annuel est assuré et il donne de bons résultats.
En ce qui concerne la coopération sur le plan national, nous passons des conventions avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, qui sont nos relais. Après l'adoption du programme annuel des contrôles pour l'année 2011, j'ai écrit à la ministre des sports, ce qui a permis de faire progresser le nombre de conventions conclues.
J'ai toujours pensé que l'organisation mondiale ou régionale a besoin de relais nationaux forts pour être efficace. C'est cet aspect je m'attache à mettre en oeuvre. Certes, en matière d'harmonisation, nous ne sommes pas favorables à certaines évolutions, comme la suppression des déclarations d'usage, d'autant plus que les produits en question restent interdits. Les pays anglo-saxons voient quant à eux les choses différemment.
Nous sommes très attachés à une bonne utilisation du régime des autorisations temporaires d'utilisation (ATU), car il permet de mettre un terme à ce qu'avait dénoncé l'ancien Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), à savoir la production de certificats médicaux a posteriori par toutes les personnes déclarées positives. Nous avons préconisé de délivrer des autorisations qui permettent de lutter contre la maladie sans aboutir à l'amélioration de la performance sportive. Nous faisons notre travail très régulièrement. Mon seul regret est que cette action soit insuffisamment connue des sportifs amateurs. Néanmoins, la jurisprudence du Conseil d'État leur permet d'invoquer des raisons médicalement justifiées, à condition qu'elles soient sérieuses en cas de sanction.
Aucune rencontre n'est prévue avec l'UCI le 26 mars – une s'est tenue en janvier au cours de laquelle des propositions ont été formulées. Mais rassurez-vous : nous n'entendons pas faire preuve de faiblesse. Comme je l'ai dit, les deux institutions doivent faire preuve d'une coopération loyale.
Les arguments développés, notamment ceux de Mme Fourneyron, montrent que nous sommes confrontés au développement des connaissances : les dopeurs – qui ne sont pas des Prix Nobel ! – utilisent tout simplement les progrès de la connaissance pour les dévoyer et les mettre à la disposition des sportifs.
Il y a trois formes de dopage : premièrement, le dopage sanguin avec, d'une part, l'EPO et ses dérivés actuels et, d'autre part, l'autotransfusion ; deuxièmement, la pharmacologie intelligente qui modifie ce que l'on appelle dans notre jargon les « voies de signalisation », autrement dit les voies de régulation de l'expression de certains gènes ; troisièmement, le dopage génétique proprement dit.
Nous tentons à notre niveau, mais aussi sur le plan international, de trouver les réponses à ces différents éléments.
D'abord, par le biais de notre conseil d'orientation scientifique, nous définissons chaque année un appel d'offres que nous envoyons aux universités ou aux grands organismes de recherche. Nous sélectionnons ensuite un certain nombre de leurs projets qui correspondent tous à ces préoccupations que je viens de définir.
Ensuite, nous veillons à définir les effets ergogéniques de certaines substances, notamment de deux d'entre elles – que l'AMA, sous des pressions diverses, tente de supprimer de la liste, sous le prétexte que leurs effets ergogéniques ne sont pas démontrés – : les corticoïdes et le salbutamol.
Par ailleurs, nous gardons parfaitement à l'esprit que le dopage actuel se pratique hors compétition – ceux qui se font prendre en compétition sont naïfs ! La réponse au problème du dopage hors compétition doit donc se faire, parallèlement aux investigations policières, par le biais de contrôles inopinés, répétés, à des moments particuliers qui dépendent à la fois des objectifs du sportif, de la discipline pratiquée et des moments de l'entraînement.
Enfin, nous mettons en place le profilage qui consiste à réaliser, tout au long de l'année, des prélèvements sanguins de façon à détecter des paramètres dont l'anormalité nous permet d'identifier des populations suspectes. Cette année, une grande part de l'activité de notre laboratoire sera orientée vers cette nouvelle démarche que nous avons voulu mettre en place en raison de la proximité des futurs Jeux olympiques. Nous espérons ainsi réaliser entre 3 000 et 4 000 prélèvements sanguins, sachant que ce profilage nécessite certaines technologies, notamment de traitement statistique. En effet, dans ce domaine, l'individu est sa propre référence, et les écarts constatés par rapport à son état normal nous interpellent et nous amènent à procéder à des contrôles ciblés, qui permettent des économies, contrairement aux contrôles à l'aveugle.
S'agissant de nos moyens consacrés à la recherche, le chiffre de 300 000 euros cité par Mme Fourneyron est exact. Mais il ne correspond même pas à la moitié de ce dont je disposais quand je dirigeais mon propre laboratoire à l'université !
Face à cette difficulté, comment faisons-nous ?
Les réponses à nos appels d'offres sont issues uniquement de laboratoires universitaires liés au CNRS, à l'INSERM ou à l'INRA et, compte tenu des sommes que nous leur proposons, nous ne pouvons soutenir que des recherches de faisabilité. Néanmoins, si des recherches nous paraissent intéressantes, dans la mesure où l'ensemble des demandes et des résultats sont soumis à des expertises internationales, nous tentons de les diriger vers l'Agence mondiale antidopage ou vers les grands organismes de recherche dont les moyens sont plus importants, mais qui ne sont pas toujours intéressés par le dopage.
En outre, nous réfléchissons à la possibilité de lier des relations contractuelles avec des universités, afin de disposer de thésards et de titulaires de mastères 1 ou 2, qui pourront soulager le laboratoire de Châtenay-Malabry, submergé par la routine et qui ne peut passer autant de temps qu'il le faudrait à la recherche.
Cela étant dit, notre laboratoire est actuellement en pointe, d'une part, dans la recherche sur l'hématide, qui est un substitut de l'EPO, d'autre part, dans la recherche sur les autotransfusions, pour lesquelles des pistes ont été lancées par notre groupe de travail « prospective ». Malheureusement, la routine et le manque de moyens nous ont fait prendre beaucoup de retard.
Monsieur le président, nous tenons à vous remercier pour la qualité de vos réponses aux nombreuses questions qui vous ont été posées et qui prouvent notre intérêt à la lutte contre le dopage. Nous vous souhaitons un bon parcours, sachant que notre attente à l'égard de l'Agence est très forte.
Je vous remercie de votre accueil, de votre intérêt pour l'action de l'Agence et du soutien que, comme je l'espère, vous continuerez de lui apporter.
La séance est levée à douze heures.