Les arguments développés, notamment ceux de Mme Fourneyron, montrent que nous sommes confrontés au développement des connaissances : les dopeurs – qui ne sont pas des Prix Nobel ! – utilisent tout simplement les progrès de la connaissance pour les dévoyer et les mettre à la disposition des sportifs.
Il y a trois formes de dopage : premièrement, le dopage sanguin avec, d'une part, l'EPO et ses dérivés actuels et, d'autre part, l'autotransfusion ; deuxièmement, la pharmacologie intelligente qui modifie ce que l'on appelle dans notre jargon les « voies de signalisation », autrement dit les voies de régulation de l'expression de certains gènes ; troisièmement, le dopage génétique proprement dit.
Nous tentons à notre niveau, mais aussi sur le plan international, de trouver les réponses à ces différents éléments.
D'abord, par le biais de notre conseil d'orientation scientifique, nous définissons chaque année un appel d'offres que nous envoyons aux universités ou aux grands organismes de recherche. Nous sélectionnons ensuite un certain nombre de leurs projets qui correspondent tous à ces préoccupations que je viens de définir.
Ensuite, nous veillons à définir les effets ergogéniques de certaines substances, notamment de deux d'entre elles – que l'AMA, sous des pressions diverses, tente de supprimer de la liste, sous le prétexte que leurs effets ergogéniques ne sont pas démontrés – : les corticoïdes et le salbutamol.
Par ailleurs, nous gardons parfaitement à l'esprit que le dopage actuel se pratique hors compétition – ceux qui se font prendre en compétition sont naïfs ! La réponse au problème du dopage hors compétition doit donc se faire, parallèlement aux investigations policières, par le biais de contrôles inopinés, répétés, à des moments particuliers qui dépendent à la fois des objectifs du sportif, de la discipline pratiquée et des moments de l'entraînement.
Enfin, nous mettons en place le profilage qui consiste à réaliser, tout au long de l'année, des prélèvements sanguins de façon à détecter des paramètres dont l'anormalité nous permet d'identifier des populations suspectes. Cette année, une grande part de l'activité de notre laboratoire sera orientée vers cette nouvelle démarche que nous avons voulu mettre en place en raison de la proximité des futurs Jeux olympiques. Nous espérons ainsi réaliser entre 3 000 et 4 000 prélèvements sanguins, sachant que ce profilage nécessite certaines technologies, notamment de traitement statistique. En effet, dans ce domaine, l'individu est sa propre référence, et les écarts constatés par rapport à son état normal nous interpellent et nous amènent à procéder à des contrôles ciblés, qui permettent des économies, contrairement aux contrôles à l'aveugle.
S'agissant de nos moyens consacrés à la recherche, le chiffre de 300 000 euros cité par Mme Fourneyron est exact. Mais il ne correspond même pas à la moitié de ce dont je disposais quand je dirigeais mon propre laboratoire à l'université !
Face à cette difficulté, comment faisons-nous ?
Les réponses à nos appels d'offres sont issues uniquement de laboratoires universitaires liés au CNRS, à l'INSERM ou à l'INRA et, compte tenu des sommes que nous leur proposons, nous ne pouvons soutenir que des recherches de faisabilité. Néanmoins, si des recherches nous paraissent intéressantes, dans la mesure où l'ensemble des demandes et des résultats sont soumis à des expertises internationales, nous tentons de les diriger vers l'Agence mondiale antidopage ou vers les grands organismes de recherche dont les moyens sont plus importants, mais qui ne sont pas toujours intéressés par le dopage.
En outre, nous réfléchissons à la possibilité de lier des relations contractuelles avec des universités, afin de disposer de thésards et de titulaires de mastères 1 ou 2, qui pourront soulager le laboratoire de Châtenay-Malabry, submergé par la routine et qui ne peut passer autant de temps qu'il le faudrait à la recherche.
Cela étant dit, notre laboratoire est actuellement en pointe, d'une part, dans la recherche sur l'hématide, qui est un substitut de l'EPO, d'autre part, dans la recherche sur les autotransfusions, pour lesquelles des pistes ont été lancées par notre groupe de travail « prospective ». Malheureusement, la routine et le manque de moyens nous ont fait prendre beaucoup de retard.