Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824).
La séance est ouverte à seize heures trente.
Nous recevons cet après-midi le ministre de la défense, M. Hervé Morin, qui va nous détailler les principales lignes du projet de loi de finances.
Vous vous êtes déjà exprimé à l'occasion des universités d'été de la défense à Marseille, en nous présentant les chantiers qui attendent la défense au cours des prochaines années et vous avez souligné que de nombreuses équations sont encore à résoudre. Nous sommes, comme vous, conscients que votre ministère ne peut s'exonérer des efforts visant à rétablir l'équilibre des finances publiques. Cependant, il est également vrai que nos militaires ont déjà, au cours des dernières années, « beaucoup donné ». Peu de corps de l'État auraient accepté ce que les militaires ont supporté jusqu'à aujourd'hui ; nous sommes sans doute arrivés à l'extrême limite des possibilités.
La réduction des crédits budgétaires prévue pour les années 2010 à 2013 est partiellement compensée par une hausse des recettes exceptionnelles de la défense ; je vous demanderai d'être précis sur ce point particulier que nous avons déjà longuement évoqué. Nos collègues Françoise Olivier-Coupeau et Louis Giscard d'Estaing ont d'ailleurs remis un rapport sur ce sujet dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC).
S'agissant des dépenses, tout ce qui a été engagé pour la marine semble plutôt bien parti, je ne vois pas ses grands programmes être arrêtés ou allégés. Je suis, en revanche, particulièrement inquiet pour l'armée de l'air. Notre commission, par ses auditions, ses débats et ses rapports d'information, a notamment souligné l'importance des avions ravitailleurs, des drones et l'espace. Aurions-nous perdu le sens de la troisième dimension ? Les événements actuels nous y renvoient pourtant cruellement.
Ce qui se passe dans le Sahel montre qu'il ne faut peut-être pas quitter trop vite nos bases en Afrique ; nous pourrions le regretter amèrement. L'arc des crises décrit dans le Livre blanc s'est concrétisé et nous rappelle à nos impératifs de défense et notamment à l'exigence de bien équiper et de bien entraîner nos soldats. Ce n'est pas avec des troupes ne bénéficiant que de quelques jours d'expérience du terrain que nous pourrons exfiltrer des otages comme ceux enlevés au Niger.
Avant de vous présenter les grandes lignes du budget, je voudrais vous rassurer en ce qui concerne les inquiétudes dont votre président s'est fait l'écho. La semaine dernière, j'ai réuni, comme assez régulièrement depuis trois ans, l'ensemble des cadres supérieurs du ministère de la défense qu'il s'agisse des chefs de corps, de régiment, d'unité, de service ou des responsables des états-majors, c'est-à-dire les 600 civils et militaires d'encadrement. Sans m'en informer, la direction de la communication du ministère leur avait adressé un questionnaire anonyme. En découvrant les réponses, j'ai eu quelques difficultés à croire les résultats.
À la question « pensez-vous que la démarche de modernisation entreprise par le ministère de la défense est indispensable ? », trois ans après son lancement, les réponses ont été « oui tout à fait », à 54 % ; « oui plutôt » à 37 % ; le « non » ne recueillant que 3 %. S'agissant des réformes engagées, « la mise en commun des moyens des unités, des moyens administratifs et du soutien du ministère », c'est-à-dire l'ensemble de la mutualisation, a recueilli 74 % d'appréciation positive et 13 % d'appréciation négative. La création des bases de défense a recueilli 62 % d'opinions favorables et 22 % de défavorables. « La nouvelle répartition des unités géographiques », c'est-à-dire la concentration des unités, a été approuvée par 55 % des personnes interrogées, 30 % estimant ne pas être en mesure de l'apprécier. Enfin « la réorganisation des chaînes de métiers » a reçu 53 % d'avis positifs contre 29 % d'avis négatifs.
Ce questionnaire de 60 pages montre que les personnels, qui vivent depuis deux ans une profonde réforme de leur ministère, portent sur celle-ci une appréciation très positive.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2011.
En 2011, le montant des crédits sera très proche de ce qu'a prévu la loi de programmation militaire (LPM).
Comme vous le savez, les annuités prévues par la LPM pour la période 2011-2013 étaient devenues incompatibles avec le cadrage imposé pour redresser nos finances publiques. La défense a donc contribué à la maîtrise des dépenses en réduisant ses dotations budgétaires de 3,6 milliards d'euros sur la période 2011-2013, soit 3,7 % des 95 milliards d'euros prévus par la LPM.
La défense demeure néanmoins une priorité de l'État car, hors recettes exceptionnelles, son budget passera de 30,16 milliards d'euros en 2011 à 30,5 milliards en 2012 et à 31 milliards en 2013, soit une croissance de ses dotations de 3 % en valeur alors que tous les budgets civils, à l'exception de ceux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la justice, sont stables en valeur, voire en diminution.
À ces crédits s'ajoutent des recettes exceptionnelles, pour un montant de 3,3 milliards d'euros pour les années 2011-2013, donc supérieur de l'ordre de 2,3 milliards au montant initialement prévu.
La perte de recettes nette cumulée pour ces trois années n'est donc que de 1,3 milliard d'euros sur un total programmé de 96 milliards, soit une encoche de 1 %.
Pour la seule année 2011, nous bénéficierons de 30,16 milliards d'euros de crédits budgétaires auxquels s'ajoutera un milliard de recettes exceptionnelles, soit un total de 31,19 milliards d'euros, alors que la LPM prévoyait 31,23 milliards. L'écart est extrêmement faible, la différence s'élevant à seulement 40 millions d'euros.
Les recettes exceptionnelles pour 2011 se décomposent en deux flux principaux. Il s'agit d'abord de 150 millions d'euros de produits de cessions immobilières. Je ne peux rendre publique la liste exhaustive des recettes espérées, car les ventes font l'objet de négociations, mais je tiens à la disposition des rapporteurs la liste précise des emprises qui seront cédées en 2011 ainsi que l'évaluation qui en a été faite par le service des domaines. Nous bénéficierons aussi en 2011 du fruit de la vente antérieure du site d'Issy-les-Moulineaux.
Il s'agit ensuite de 850 millions d'euros au titre des cessions de fréquences hertziennes, qui englobent le produit de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications ainsi que le premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN dont l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a fixé le calendrier garantissant une conclusion en juillet 2011.
L'équation financière pour 2011 est donc relativement simple avec seulement 40 millions d'euros d'écart par rapport à la LPM.
La priorité donnée aux équipements est confirmée avec un objectif de 17 milliards d'euros par an en moyenne sur la durée de la LPM, contre 15 milliards par an pour la précédente LPM. Je vous rappelle qu'en 2009 nous avons consommé 18 milliards d'euros et que notre objectif pour 2010 est de 17 milliards. Nous aurons cependant beaucoup de mal à les consommer en raison de la mise en place du progiciel financier CHORUS qui a généré d'importants dysfonctionnements durant cinq mois et nous a parfois obligés, pour rattraper le retard, à reprendre les choses manuellement avec l'aide d'intérimaires.
Pour les années qui viennent, nos objectifs pour les équipements sont de 16 milliards d'euros pour 2011 ; de 16,8 milliards pour 2012 et de 17,4 milliards pour 2013.
Je voudrais par ailleurs souligner les progrès considérables que nous avons réalisés depuis 2008 dans le financement des opérations extérieures (OPEX), lequel ne repose plus sur des ponctions sur les crédits d'équipement comme nous en avons connu au cours des précédentes LPM. Pour la période 1998-2007, en moyenne 280 millions d'euros par an ont été prélevés sur le budget d'équipement des forces armées pour financer les opérations extérieures, soit un total de 2,8 milliards d'euros. Nous avons mis fin à cette pratique. En 2011, nous continuerons à augmenter la provision pour les OPEX qui s'élèvera à 630 millions d'euros contre 570 millions en 2010. Si les surcoûts étaient stabilisés en 2011 à leur niveau de 2010, soit 870 millions d'euros, ce serait environ 70 % de la dépense qui seraient financés en loi de finances initiale ; le solde étant pris, comme en 2009 et en 2010, sur la réserve interministérielle de précaution.
Sur le terrain, un certain nombre d'équipements nouveaux sont arrivés : je pense aux deux magnifiques frégates antiaériennes réalisées par DCNS et aux 93 Rafale en service en 2010, qui seront complétés grâce au « recadencement » de 11 livraisons par an pour 2011, 2012 et 2013. Nous avions en effet prévu des livraisons moins importantes pour ces années, mais dans l'attente de la finalisation des contrats à l'exportation, nous prenons en charge le différentiel tout en espérant que cette avance pourra être compensée dans les années suivantes. Je pense également au nouveau système de défense sol-air à moyenne portée (SAMPT) qui sera livré à Luxeuil, au 200e véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) livré en mai dernier et au rythme de livraison qui passera de 90 en 2010 à 100 véhicules en 2011. Je pense enfin aux 4 000 premiers systèmes FELIN et à la mise en service, dans quelques jours, du nouveau sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) équipé du missile M51.
Nous adaptons d'ailleurs en permanence les matériels aux besoins des forces déployées sur le théâtre : cette année, grâce aux 103 millions d'euros consacrés à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, l'armée de terre a pu se doter d'un système de veille optronique, du radar de surveillance du sol, de l'alerteur terrestre contre les tirs indirects ou encore du système ROVER. Nous en assurons aussi le maintien en condition opérationnelle, dans des contextes souvent difficiles, grâce à nos réformes de structures, à la politique d'emploi et de gestion des parcs et au maintien des flux de financement importants de l'ordre de 2,7 milliards d'euros par an.
Nous assumons aussi la préparation de l'avenir à moyen terme comme le montre le maintien des flux d'études amont à un volume de 700 millions d'euros par an, complétés par des crédits du grand emprunt au titre de la recherche duale pour un montant de 2 milliards d'euros portant sur les lanceurs, l'avion et l'hélicoptère du futur. Nous investissons aussi avec le lancement la semaine dernière de la réalisation du programme MUSIS, sans attendre l'accord des autres pays qui sont en train de revoir leurs doctrines stratégiques et leurs options budgétaires. Cela se traduit par la commande de deux satellites optiques afin d'éviter toute rupture de capacité à la fin d'activité des satellites HELIOS. Enfin, il me faut souligner que nous commanderons en 2011 un troisième sous-marin nucléaire d'attaque (SNA).
Cet effort d'équipement sans précédent ne peut se faire que grâce aux économies effectuées sur les autres types de dépenses et à la bonne exécution de la réforme du ministère.
L'année 2011 sera une année importante avec la généralisation des bases de défense, la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional. Cette réorganisation est indispensable. Comme je l'ai indiqué aux cadres de la défense, il n'y a pas d'autre solution ; de la réussite de la réforme dépend notre capacité d'investir dans la modernisation des armées.
Nous faisons le maximum pour l'accompagnement social : le plan d'accompagnement des restructurations (PAR) sera doté de 238 millions d'euros dont 58 millions de mesures nouvelles. Nous avons dépensé à ce titre un peu plus que prévu en raison des nombreuses demandes de départ volontaire et parce que le coût de la mobilité a été supérieur à l'évaluation qui en avait été initialement faite.
Sur le plan catégoriel, nous achèverons la réforme statutaire et indiciaire des militaires engagée en 2008 en lui consacrant 31 millions d'euros. Nous aurons donc, en trois ans, réalisé la totalité des conclusions du rapport du haut comité d'évaluation de la condition militaire que Mme Michèle Alliot-Marie avait commandé et qui avait été remis début 2007.
Aujourd'hui même, j'ai saisi le Premier ministre du problème soulevé par le plan de revalorisation indiciaire et catégorielle de la police nationale : ce plan devant s'appliquer dans les mêmes conditions aux gendarmes, qui sont des militaires, il conviendrait de se préoccuper de la situation des militaires sous-officiers des armées afin d'éviter un nouveau décrochage entre les gendarmes et eux.
En 2011, un contrat de partenariat sera signé pour le regroupement des états-majors et de l'administration centrale à Balard. Ce projet nous permettra de gagner environ 2 000 postes au titre des rationalisations fonctionnelles et de l'externalisation du soutien et de pouvoir bénéficier du produit des cessions des emprises actuelles. Le financement du loyer semble pouvoir être réuni à partir du redéploiement de nos dépenses actuelles, alors même qu'il intègre l'amortissement d'un effort d'investissement très substantiel, ce qui est une véritable performance économique.
À l'occasion de cette réorganisation, j'ai souhaité déconcentrer au maximum l'administration centrale, déplaçant hors de Paris tous les services qui peuvent l'être. Compte tenu du coût de la vie dans la capitale, cette mesure redonnera du pouvoir d'achat aux personnels tout en leur garantissant la même qualité de services et les mêmes prestations, notamment scolaires.
En conclusion, je tiens à souligner que malgré la situation budgétaire difficile, les arbitrages du Président de la République nous ont permis de maintenir un effort de défense compatible avec nos ambitions. Rien ne vaut mieux que d'observer ce qui se passe dans les pays étrangers, notamment européens, où les réductions budgétaires engagées font douter de la volonté de l'Europe de peser encore sur les affaires du monde. L'effort militaire communautaire n'est plus supporté que par la France et le Royaume-Uni ; ce dernier devant réduire son budget de 15 à 20 %. Avec la réduction du budget britannique, le volume des économies budgétaires en Allemagne et le fait qu'aucun autre pays n'investit plus dans sa défense, l'Europe prend le risque de devenir un protectorat américain. Le contexte est donc très préoccupant. Si l'on croit que l'Europe a encore la capacité de porter un message politique qui lui soit propre, la France se doit de continuer à faire un effort significatif pour sa défense.
Vous nous avez communiqué les résultats d'un sondage très intéressant. Je me félicite de l'adhésion à la réforme des personnels des corps d'encadrement du ministère mais je me demande si les personnels non-officiers auraient répondu de la même manière. N'ont-ils pas un peu de vague à l'âme en constatant que les gendarmes, qui restent sous statut militaire, bénéficient d'un meilleur plan de carrière qu'eux qui exposent pourtant leur vie de façon presque continuelle en opérations ? Il y a là quelque chose de très choquant pour nos sous-officiers dont on connaît les qualités et le rôle dans le fonctionnement de l'institution militaire. Si l'on ne veut pas déprimer nos soldats, il nous faut résoudre ce problème, bien qu'il soit complexe.
Vous avez évoqué l'effort de votre ministère en 2011 pour améliorer le statut des personnels et votre volonté de mettre en oeuvre la réforme des grilles indiciaires en application de l'accord salarial du 21 février 2008. Cet accord concerne aussi des personnels civils et en particulier le corps des techniciens supérieurs d'étude et de fabrication (TSEF), classé en catégorie B, dont la plupart occupent pourtant des emplois de catégorie A. Il a donc été envisagé de créer une passerelle entre ce corps et celui des ingénieurs d'études et de fabrication (IEF) qui dépend de la catégorie A. Le projet a été présenté le 12 novembre 2009 au comité technique paritaire compétent puis transmis à la direction générale de l'administration et de la fonction publique qui s'y est opposée. Par la suite, des discussions entre les services n'ont pu aboutir à une solution. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes attaché à cette réforme et que vous avez demandé récemment l'arbitrage du Premier ministre dans le cadre du projet de loi de finances que vous nous présentez aujourd'hui. Pouvez-vous nous informer du sort éventuel de votre demande ?
La possibilité de maintenir les objectifs de la loi de programmation militaire doit être examinée au vu de la régulation budgétaire qui ampute les crédits de la défense de 3,5 milliards d'euros.
Lors des précédents exercices budgétaires, lorsque nous vous interrogions sur les difficultés à réaliser les recettes exceptionnelles, vous nous expliquiez qu'elles ne faisaient pas partie du modèle. Vous nous expliquez cette année qu'elles y sont réintégrées et que, grâce à elles, nous atteindrons des objectifs que n'auraient pas autorisés les arbitrages budgétaires récents. Votre doctrine a donc changé, ce qui est un signe de pragmatisme que nous devons saluer.
Toutefois, la réalité de la réforme est différente. Les résultats du sondage que vous avez mentionnés sont tellement positifs que l'on se demande si vous n'auriez pas dû supprimer encore plus d'emplois pour accroître ces taux ! Le modèle prévoit un volume d'économies nettes de 2,7 milliards sur la totalité de la LPM, c'est-à-dire 4 milliards d'économies provenant de la diminution des effectifs auxquels il faut retirer les dépenses liées aux infrastructures et les mesures sociales d'accompagnement. Le ministère doit contribuer à la rigueur budgétaire à hauteur de 3,5 milliards d'euros, soit un milliard de plus que les économies engendrées par votre réforme pourtant rigoureuse. Vous nous expliquez aujourd'hui que tout cela n'est pas très grave en raison des recettes exceptionnelles venant en compensation et dégageant même un bonus d'un milliard d'euros.
Néanmoins, votre marge de manoeuvre apparaît singulièrement étroite : les recettes exceptionnelles ne sont pas certaines et, par ailleurs, certaines décisions relatives aux investissements, notamment la mobilisation de 800 millions d'euros pour se substituer à des commandes à l'export non réalisées par Dassault, ajoutent des charges qui n'étaient pas prévues.
Dans ces conditions, que devient la soutenabilité de la loi de programmation militaire ? Dès lors que vous devez mobiliser 800 millions pour Dassault et dans la mesure où il y a toujours un décalage entre les coûts d'objectifs et les coûts de réalisation, à quels programmes allez-vous renoncer ? À quels étalements devrez-vous procéder ? Quelles cibles vous faudra-t-il modifier ?
Monsieur Vitel, soyez mon avocat auprès des TSEF : ils savent que je défends leur demande, laquelle n'a pu malheureusement aboutir lors des discussions entre les ministères concernés. J'ai donc saisi le Premier ministre de cette affaire, et j'attends son arbitrage. Il s'agit d'un engagement que j'ai pris auprès des syndicats, comme j'en ai pris un concernant les emplois précaires dits emplois Berkani qui ont été intégrés au sein du ministère pour ceux d'entre eux qui le souhaitaient. Dans tous les cas, je poursuis mon action et demeure vigilant.
M. Cazeneuve, il est vrai que j'ai souvent évoqué les recettes exceptionnelles mais il n'a pas manqué un seul centime au budget de la défense : chaque fois qu'une recette de ce genre a fait défaut, un arbitrage du Premier ministre l'a compensée. Les engagements pour 2011 n'ont rien de fictif : l'ARCEP a fixé son calendrier et nous garantit un premier paiement en juillet prochain. Les produits tirés des opérations immobilières s'établissent à près d'un milliard d'euros pour la période 2011-2013 et je suis prêt à vous communiquer la liste exhaustive des emprises concernées.
Nous avons, il est vrai, dû procéder à quelques modifications de la programmation afin d'intégrer certains surcoûts, comme celui des solutions palliatives au retard de l'A400M, pour lequel j'espère la signature d'un nouveau contrat avant la fin de l'année. Par ailleurs, il nous faut préserver les capacités de production du Rafale en compensant les retards à l'exportation. Pour préserver la chaîne de production et les compétences, il faut en effet fabriquer au moins un appareil par mois, ce qui explique la commande de 11 appareils en 2011.
Au titre des économies, nous avons procédé soit à des décalages calendaires, soit à des réductions de cibles. Les décalages concernent la rénovation du Mirage 2000D, les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), ce besoin faisant l'objet de négociations avec les Britanniques. Nous avons également reporté le programme Scorpion de 2012 à 2013 et retardé de deux ans la rénovation des Breguet Atlantique 2 (ATL 2). Pour ce qui est des réductions de cibles, nous diminuerons le nombre des radars SCCOA 4, le nombre de postes de systèmes d'information des armées (SIA) et nous réfléchissons à la possibilité de ne pas commander les deux derniers Falcon 2000.
Pourriez-vous, à cette occasion, clore la polémique sur les Falcon 2000, qui servent à effectuer des évacuations sanitaires, mission très importante pour nos soldats lorsqu'ils sont grièvement blessés ? Existe-t-il une autre possibilité en la matière ?
L'évacuation sanitaire de nos soldats blessés restera une mission prioritaire. Le programme de renouvellement des avions gouvernementaux nous permet d'augmenter les capacités d'évacuation sanitaire par l'achat de nouveaux kits.
Dans le contexte actuel, il nous faut saluer l'effort consenti en faveur de la défense. Quand on observe la débandade des autres pays européens en ce domaine, on peut dire que la France a du mérite en maintenant sa posture de défense, en dépit de quelques impasses sur lesquelles nous avons tous des regrets à formuler. Mais l'essentiel est préservé. Lors d'une récente visite d'un site d'assemblage de nos têtes nucléaires, je me suis rendu compte qu'on ne pouvait que ressentir une immense fierté à voir ce que la France réalise. Les critiques sont certes naturelles mais il faut savoir les ajuster aux réalités.
J'ai relevé, monsieur le ministre, vos propos sur l'avenir de l'Europe de la défense. Laisser entendre que la situation a peu de chances de s'améliorer n'est pas une bonne chose. Certaines dispositions du traité de Lisbonne, si on essayait de les mettre en oeuvre, auraient pour effet d'obliger les pays européens à s'impliquer et à prendre quelques engagements. Prétendre aujourd'hui que ses clauses en matière de défense ne présentent pas d'intérêt revient à nier la démocratie au sein de l'Union et n'est mobilisateur pour personne. Si on pousse les États européennes à accomplir des efforts, aussi faibles soient-ils, pour enrayer leur déclin militaire, on aura déjà obtenu quelque chose. Je ne peux m'associer à votre pessimisme en la matière ; il faut au contraire adopter un discours mobilisateur pour enrayer la tendance actuelle.
Tout comme M. Fromion, je me félicite des arbitrages que vous avez obtenus. Dans le contexte actuel, le projet de budget de la défense est un bon projet et limite les difficultés.
Au départ, il devait y avoir une centaine de bases de défense, puis ce chiffre a été ramené à 70 ; au final, il n'y en aura que 51. Or, certains évoquent parfois la possibilité de réduire encore cet objectif grâce à une nouvelle compression des implantations Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, qu'on s'en tiendra au nombre prévu de 51 bases ?
L'expérimentation a montré qu'il faut que la base de défense soit d'une taille suffisante pour dégager des effets d'échelle. C'est pour atteindre cet objectif que nous avons réduit la cible initiale. Le schéma actuel, articulé autour de 51 bases métropolitaines, ne devrait plus évoluer.
La foi en l'Europe constitue l'essentiel de mon engagement en politique ; je suis même convaincu que l'Union est une fédération en devenir. Il n'y a donc aucun renoncement dans ma position monsieur Fromion. Il n'en reste pas moins que les réunions des ministres de la défense européens illustrent l'absence d'ambition : il y a une semaine, à Gand, j'entendais mettre en avant toute une série d'arguments liés à la crise économique pour justifier la réduction des efforts de défense. Je me suis opposé à cette démonstration : ce n'est pas une question de possibilité, mais bien de volonté ! Avant que la crise ne bouleverse nos économies, peu nombreux étaient nos partenaires faisant des efforts en faveur de la défense.
Les pays européens consacrent en moyenne 1 % de leur PIB à la défense, à l'exception de la France, du Royaume-Uni ainsi que de l'Allemagne qui y consacre 1,2 % de son PIB. Mais, je crains que cette dernière donnée ne soit revue à la baisse avec une diminution des crédits de 8 milliards d'euros en quatre ans.
Dans nos discussions avec nos partenaires, nous ne progressons sur aucun sujet alors que la France fait en permanence des propositions. On voudrait par exemple donner un programme de travail à l'agence européenne de défense (AED) et on éprouve le plus grand mal à lui affecter 100 millions d'euros ! Je ne crois pas aux coopérations structurelles et permanentes : les stipulations du traité sont viciées par le fait qu'on veut un système inclusif, c'est-à-dire permettant la participation de tous les États qui le souhaitent, au lieu de constituer une avant-garde de pays déterminés à mutualiser des moyens et à accepter des complémentarités et des interdépendances au service d'une ambition commune.
L'Europe de la défense avance grâce aux opérations extérieures ; si elles s'arrêtent, l'Europe de la défense tombe. L'opération Atalante fonctionne mais on éprouve les pires difficultés à mettre en place la génération de forces ; chaque année, c'est la France qui doit compléter. Il faudrait évaluer le dispositif et réfléchir à ce que nous pourrions faire en plus de l'opération militaire, comme par exemple la formation de garde-côtes.
L'Europe constitue pourtant un outil extraordinaire : nous disposons de la gamme complète d'outils permettant de mettre sur pied des opérations comportant à la fois des aspects militaires et des aspects civils : nous avons les services juridiques et nous représentons la moitié de l'aide au développement dans le monde.
Le Sahel est un autre exemple de la faiblesse de l'Europe de la défense. Cet espace est fortement lié à notre histoire et à notre géographie ; l'Europe devrait y exercer une responsabilité particulière, en formant des forces africaines à bâtir une architecture de sécurité ou à lutter contre Al-Qaïda au Maghreb. Jamais l'OTAN n'y parviendra, les pays de la région ne l'accepteraient pas.
Parmi les opérations extérieures accomplies sous le mandat de l'ONU, certaines sont très anciennes ayant parfois débuté il y a 30 ou 40 ans, comme au Sahara occidental ou au Sinaï. Certes, très peu de militaires y sont engagés mais cela représente tout de même un coût important. Comment peut-on sortir de ces mandats ?
S'agissant des réservistes, j'observe que la ligne budgétaire est la même que celle de 2010. Cela dit, je voudrais savoir quels sont les réservistes issus du monde civil, en dehors des anciens militaires d'active.
La France doit, bien sûr, investir dans sa défense afin de maintenir son statut et son rôle sur la scène internationale. Est-il prévu, afin de desserrer la contrainte budgétaire, de multiplier les contrats de partenariat du type de celui qui est en cours à Dax pour la formation de pilotes d'hélicoptères ?
Monsieur Voisin, nous avons considérablement réduit le nombre de nos hommes participant à des opérations sous mandat de l'ONU. Nous avons ainsi réduit de 2 000 le nombre de nos troupes déployées en OPEX. Les opérations que vous évoquez ne représentent qu'un effort limité de l'ordre de 35 militaires, dont 3 au Sahara occidental. Il est toutefois difficile de s'en désengager, le ministère des affaires étrangères tenant à ce que la France continue de manifester sa présence pour le règlement de certains conflits internationaux.
En ce qui concerne les réservistes, je vous fournirai des chiffres plus précis ultérieurement. Le Parlement a voté une loi sur les réserves très ambitieuse, montrant bien l'intérêt et l'utilité des réservistes. Ils ne doivent pas être considérés comme des supplétifs : pour les motiver et les fidéliser, il faut les affecter à des tâches correspondant à leurs compétences.
Monsieur Grall, j'ai signé le premier contrat d'externalisation pour onze restaurants. J'espère que nous procéderons à l'externalisation intégrale de la fonction d'habillement. Nous travaillons à d'autres projets du même ordre en collaboration avec les Britanniques et les Allemands, notamment en ce qui concerne le futur A400M.
L'externalisation multiservices de la base de Creil s'inscrit également dans cette démarche.
Les onze premiers contrats d'externalisation signés pour les restaurants ont montré que le recours à des sociétés privées permet de réduire les coûts d'environ 20 % à long terme. Par ailleurs, j'ai proposé aux syndicats que nous examinions l'organisation des services d'alimentation dans quatre unités afin, éventuellement, de conserver la fonction en interne : je ne désespère pas de voir l'État faire aussi bien que le secteur privé. Les syndicats ont validé ce principe et le processus est actuellement en cours.
Je suis avec attention le dossier de la requalification des TSEF en catégorie A et constate, avec satisfaction, que le ministère de la défense le suit de la même façon.
Je vous avais déjà interrogé en juillet dernier, monsieur le ministre, à propos de CHORUS et vous envisagiez alors un épilogue heureux. Or vous venez de nous indiquer que vous ne consommeriez pas tous vos crédits en raison de son mauvais fonctionnement. J'en connais les difficultés sur le terrain et j'en mesure les conséquences fâcheuses sur les entreprises locales ainsi fragilisées. Quand verra-t-on le bout du tunnel ?
Je note enfin que le dossier de presse évoque la fin de vie des navires et son processus désormais institutionnalisé. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Je regrette que l'analyse que vous faites de l'Europe de la défense n'ait été rendue publique il y a quelques mois lors du débat sur le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN. Cette réintégration était en effet justifiée tout autant par le fait qu'il allait faciliter le développement d'une défense européenne que par le fait qu'il permettrait de peser sur la stratégie militaire de l'Alliance atlantique, notamment pour l'intervention en Afghanistan. Sur ces deux points, c'est le contraire qui se passe ; il nous faut désormais regarder la situation en face !
On peut se gargariser de l'effort de la France en matière de défense, mais il faut le relativiser : par rapport au reste de l'Europe, qui consacre à la défense moins de 1 % de son PIB, le taux français de 1,7 % peut paraître satisfaisant, mais par le passé nous y avons consacré jusqu'à 5,2 %. Au début des années 1990, même après la chute du mur de Berlin, nous lui consacrions encore 3,3 %.
L'Europe donne aujourd'hui l'impression d'abandonner sa propre défense et de faire confiance au protectorat américain. Devrions-nous regretter de ne pas avoir accepté les propositions américaines de l'après-guerre ? Devons-nous renoncer à la politique d'indépendance et à tous les choix stratégiques que nous avons faits depuis le général de Gaulle ? Je crois que nous ne devons désespérer ni de l'Allemagne, ni du Royaume-Uni : ces deux pays reviendront un jour, et fortement, dans le secteur de la défense.
Au-delà de l'ensemble des critiques que l'on peut formuler à l'encontre de votre projet de budget, l'une porte plus particulièrement sur le redéploiement du programme Rafale, qui obère 800 millions d'euros sur trois ans et condamne à différer d'autres actions concernant les Mirage 2000D, le système Scorpion ou les ravitailleurs MRTT. Qu'en est-il pour les drones MALE : allons-nous procéder à des acquisitions de matériel américain sur étagère ?
En ce qui concerne les recettes exceptionnelles, vous soulignez que tous les retards ont été intégralement compensés. Ce n'est que partiellement le cas : l'année dernière les mesures compensatrices n'ont couvert que 877 millions d'euros quand nous attendions un milliard d'euros. Il y a donc bien un manque et ce sera probablement la même chose en 2011.
Votre prédécesseur avait critiqué la politique budgétaire de défense menée de 1997 à 2002 qui avait fait l'impasse sur une année complète de la LPM. Mme Alliot-Marie avait promis de rompre avec cette pratique et de respecter toutes les prévisions de la LPM 2003-2008. Or le rapport de nos collègues Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion a montré qu'il y avait loin des propos aux réalités. J'espère que ce ne sera pas de nouveau le cas.
Madame Lamour, désormais nous intégrons systématiquement dans les opérations d'investissement et dans le développement des programmes les coûts de démantèlement, c'est-à-dire les dépenses liées au retrait du service, aux cessions, au développement des filières industrielles de démantèlement.
Le fonctionnement de CHORUS ne devrait plus maintenant causer de soucis aux fournisseurs de la défense et notamment pas aux PME. Nous n'hésitons pas à utiliser une procédure simplifiée de paiements urgents. Si des difficultés persistent, n'hésitez pas à me le signaler pour que nous puissions intervenir au plus vite.
Monsieur Michel, ce n'est pas parce qu'il y a un manque de volonté pour construire l'Europe de la défense qu'il faut jeter l'opprobre sur tout ce pan communautaire. Il faut aussi reconnaître que la construction européenne s'est faite sur la renonciation aux instruments traditionnels de la puissance : jusqu'au milieu des années 1990, on ne parlait pas d'Europe de la défense. Depuis, des progrès très sensibles ont été réalisés : 23 ou 24 opérations ont été menées et des instruments ont été mis en place. La construction européenne se réalise par paliers successifs comprenant des périodes pendant lesquelles les choses progressent grâce au moteur franco-allemand.
Cette lente avancée est sans rapport avec l'OTAN. Néanmoins quand la France parle maintenant d'Europe de la défense, on ne la suspecte plus de vouloir miner l'Alliance atlantique, ce qui nous donne un peu plus de force. Depuis la crise économique, la volonté des Européens d'assurer leur sécurité par eux-mêmes a reculé mais cela résulte de choix nationaux.
Pour les drones, nous avons scrupuleusement respecté l'enveloppe que la LPM leur consacre ; aucune mesure n'est venue réduire ces crédits.
En complément de l'excellente intervention de M. Michel, je me demande, monsieur le ministre, si vous n'attendez pas l'arrivée en Europe de gouvernements plus progressistes pour faire avancer l'Europe de la défense.
Où en sommes-nous de l'évolution des frégates multi-missions (FREMM) ? Disposez-vous de données chiffrées sur ce programme ?
La France achèterait en ce moment quatre drones aux États-Unis, provoquant ainsi l'émoi des constructeurs français. Interrogé à ce sujet par un de nos collègues, qui n'est pas membre de notre commission, le Premier ministre a indiqué que cet achat répondait à un besoin d'urgence : nos drones étant actuellement déployés en Afghanistan, ceux que nous achèterions serviraient à la surveillance et à la recherche de nos otages en Afrique. Confirmez-vous ces propos ? Nos industriels sont-ils dans l'incapacité de fournir rapidement les équipements voulus ?
J'observe que, sur le dossier de l'A400M, le gouvernement conservateur britannique est nettement plus allant que ne l'était le précédent gouvernement travailliste, monsieur Boisserie. Nous allons sauver ce programme en dépit des difficultés rencontrées.
La livraison de la première FREMM aura lieu en 2012, pour des annuités moyennes de 400 millions d'euros, avec 369 millions d'euros en 2011 et 466 millions d'euros en 2012. Aucun retard n'est à déplorer.
Dans le domaine des drones, la France a pris du retard, manquant cette évolution technologique. Nous estimions probablement qu'entre l'aviation de combat, les avions de reconnaissance et les satellites, nous étions suffisamment parés. L'armée de l'air a peut-être été également circonspecte sur la perspective d'avions sans pilote. Nous avons néanmoins développé un système de drones intérimaires, avec des réussites variées ; je rappelle que, cet été, nous avons été sur le point de renvoyer la totalité des DRAC car ils ne fonctionnaient pas.
Le SDTI fonctionne tout comme le drone MALE intérimaire, le SIDM Harfang, qui est aujourd'hui déployé en Afghanistan. Nous avons encore du retard par rapport aux drones existants, que ce soit par rapport aux drones américains comme le Predator ou aux drones israéliens, qui constituent la base du SIDM. Nous rencontrons d'ailleurs quelques problèmes de réparation sur ce matériel, les Israéliens n'étant pas toujours très coopératifs en la matière. J'ajoute que le SIDM ne résout pas durablement notre problème puisqu'il est prévu qu'il s'arrête en 2014. Nous avons pourtant besoin de ces appareils : dans l'affaire des otages, ils auraient été précieux.
Je souhaite, bien évidemment, faire travailler l'industrie française. Pour autant, je m'étonne qu'un éventuel achat sur étagère suscite autant de réactions ; nous avons déjà acquis du matériel américain, y compris pour des matériels stratégiques comme les avions AWACS et HAWKEYE ainsi que pour des ravitailleurs contribuant à la dissuasion.
Sur la base des analyses de la direction générale de l'armement et de l'état-major des armées, un comité ministériel d'investissement a examiné les différentes propositions des industriels. Je vous en résume les principales conclusions. Le projet Advanced-UAV obtient un bon résultat pour la souveraineté, avec un délai de réalisation de 8 à 10 ans, un coût très élevé estimé pour la France avec un risque industriel fort.
Le projet SDM, conçu par Dassault et Thalès, n'obtient qu'une note moyenne pour la souveraineté, sa plateforme étant israélienne. Son coût est moins élevé, quoique très supérieur à l'enveloppe LPM, avec une coopération envisageable. Le risque industriel est moyen et le délai de réalisation est de 4 à 5 ans.
Le Predator pose des problèmes de souveraineté ; son délai de réalisation est de 3 ans pour un coût proche de l'enveloppe prévue par la loi de programmation. Aucune coopération n'est envisageable. Le risque industriel est limité voire nul mais aucun retour industriel n'est possible.
Le projet Heron TP a un délai de réalisation de 4 ans pour un coût très supérieur à l'enveloppe LPM. Le retour industriel est nul, sans possibilité de coopération. Le risque industriel est moyen.
Enfin, le projet Mantis de BAE Systems et Dassault a de bons résultats pour la souveraineté avec un délai de réalisation d'au moins 7 ans pour un coût qui reste à expertiser. Il permettrait une coopération entre la France et le Royaume-Uni mais avec un risque industriel fort.
Au vu de ces éléments et sachant que les soldats déployés en OPEX ont un besoin indispensable de drones pour l'observation, il m'est impossible de choisir un système qui ne sera pas opérationnel en temps voulu, pour lequel la coopération n'est pas garantie et pour lequel existe un risque industriel. Il me semble préférable de retenir un système intermédiaire avec en effet un achat sur étagère, tout en cherchant une solution européenne pérenne à moyen terme, permettant à la France et au Royaume-Uni de se situer au meilleur niveau.
Je ne veux pas être celui qui, guidé par un seul souci industriel, aura privé, dans la décennie à venir, les forces françaises des capacités d'observation leur permettant de soutenir les troupes au sol. Dans une telle hypothèse, on oubliera les aspects industriels et on se retournera contre ceux qui auront décidé de ne pas équiper nos forces du matériel nécessaire dans des théâtres difficiles. Je rappelle le précédent des missiles devant succéder au Milan. On nous a reproché d'acheter américain. Mais que fallait-il faire ? Le système proposé par MBDA ne protégeait pas le tireur qui demeurait exposé durant tout le tir et ne pouvait, de surcroît, tirer en espace confiné. Pouvait-on accepter que nos soldats soient ainsi exposés aux tirs ennemis ? Comment expliquer à une famille qui aurait perdu un des siens, que l'aspect industriel et financier a primé sur la sécurité ? Nous avons choisi d'acheter sur étagère, laissant ainsi le temps à MBDA de développer un système abouti.
Pour les drones, la question se pose dans des termes similaires. Si un industriel français ou européen me propose un appareil répondant à nos besoins pour un coût acceptable, je le retiendrai bien évidemment.
Je me réjouis de voir que les questions d'air et d'espace suscitent autant d'intérêt ; j'espère qu'elles seront prises en compte et permettront d'infléchir les choix à venir.
Il faut essayer de s'adapter au mieux à la contrainte, y compris pour la gestion du programme Rafale. L'inflexion que vous proposez doit être relevée car elle montre que nous pilotons ce programme de façon dynamique, ce qui n'est pas si fréquent. Pour les raisons industrielles que vous avez exposées, on consent une avance de phase sur livraisons, maintenant ainsi l'outil industriel sans lequel il faudrait mettre fin au programme.
Pour autant, cela nous amène à revoir un certain nombre de programmes, tels que la rénovation des Mirage 2000D, pour laquelle une étude est en cours.
J'ai le sentiment que le rééquilibrage que vous opérez se fait essentiellement au détriment de l'armée de l'air. Je tiens donc à m'assurer que les mesures prises respectent le schéma d'ensemble sur le plan opérationnel et budgétaire, mais aussi industriel et technologique. Est-ce que ces changements modifient le contrat opérationnel des armées et, partant, affectent notre base industrielle et technologique ?
De la même façon, nous devons examiner plus précisément l'effet de la réforme des retraites sur les armées, les militaires étant également concernés par le projet de loi. Le texte aura des conséquences sur les situations individuelles, sur le volume et la structure des effectifs ainsi que sur les rémunérations. Quelles en seront les répercussions sur l'évolution des ressources humaines ?
Vous avez évoqué les différentes solutions pour les drones mais n'avez pas mentionné la proposition de dernière minute de la part de l'industriel qui a produit l'Harfang. Il nous disait ne pas pouvoir continuer à fournir du matériel sur cette ligne, mais, en raison de l'annonce d'autres prospects, il semble avoir trouvé une solution et on ne peut que s'en réjouir. Il s'agirait de compléter le parc Harfang avec des coûts limités : quelques vecteurs supplémentaires au coût unitaire d'une vingtaine de millions d'euros. Cette proposition mérite d'être examinée avec attention car elle permettrait de garder un parc homogène ; la multiplication des petits parcs ne me semble pas de bonne gestion car nous avons des chaînes logistiques à tenir. Je note par ailleurs que notre station au sol actuelle est très ergonomique, contrairement à celle du Predator, comme j'ai pu le constater sur les différents théâtres. Enfin, nous maîtrisons parfaitement le système Harfang grâce à des équipes bien formées, y compris sur le plan industriel et en projection pour assurer le soutien.
Au final, le système fonctionne aussi bien en opérations, comme nous l'avons vu à Bagram, que sur le territoire national.
Le budget prévu pour l'ensemble des drones tactiques et des drones MALE au titre de la LPM est très modeste avec 280 millions d'euros. Pour les seuls drones MALE, l'enveloppe n'est que de 139 millions d'ici à 2014, montrant bien qu'aucune solution nouvelle n'est envisageable pour ces seuls équipements.
En l'absence des ressources suffisantes, il faut donc trouver des solutions intelligentes et essayer de regrouper les besoins. Un complément du parc Harfang, au prix indiqué, permettrait de faire évoluer le système qu'il s'agisse de l'optique, du radar ou de l'accroche laser. Il permettrait aussi de vérifier les besoins militaires et de rassembler les meilleurs industriels, notamment au niveau européen afin de préserver une capacité aéronautique de défense en Europe. Les Britanniques pourraient d'ailleurs nous rejoindre. À partir des bases mises en place en commun, peut-être pourrons-nous demain travailler ensemble à la mise en oeuvre du projet Neuron, l'avion de combat du futur.
Nous avons donc des solutions européennes ; nous n'aurions rien à gagner à procéder à des achats sur étagère, quelle que soit la solution retenue : dans tous les cas, cela poserait un problème majeur d'indépendance stratégique.
Les résultats du sondage dont vous avez fait état prouvent la confiance des militaires dans leur institution et en vous-même, ainsi que leur sens du devoir. Ce qui ne les empêche pas d'avoir des doutes et des inquiétudes devant l'importance des efforts qui leur sont demandés. Il a été fait état des gendarmes ; je tiens à rappeler que ces militaires engagent quotidiennement leur vie au service de notre sécurité. Un jeune gendarme est d'ailleurs mort en service il y a quelques jours dans ma circonscription.
J'aimerais revenir sur les conséquences des mesures d'économie. Quel sera l'impact des contrats d'équipement qui ne seront pas honorés sur nos industries de défense ?
Un bilan des onze premières bases de défense devait être établi, avant de procéder à la généralisation du modèle. La représentation parlementaire pourrait-elle en disposer ? L'externalisation peut être une bonne chose mais il faut aussi garantir l'accès aux marchés pour les entreprises françaises.
Nous allons connaître un redimensionnement très important des effectifs dans les années qui viennent. Nous disposons certes d'une panoplie complète mais serons-nous encore en mesure de respecter nos engagements vis-à-vis de l'OTAN et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) avec des moyens réduits ?
Concernant les drones, nous attendons les analyses et les estimations relatives au Harfang, sachant que la DGA nous a déjà alertés sur certaines obsolescences du système. Je ne serai pas le ministre de la défense à l'origine d'une rupture capacitaire, ni celui qui signera des chèques que nous ne pourrons ensuite payer.
Dans cette affaire, il ne faut pas exagérer les problèmes de stratégie et de souveraineté. Les SIDM comportent bien une plateforme israélienne. Les AWACS et les HAWKEYE ne sont pas davantage fabriqués par des entreprises françaises, alors qu'ils constituent l'élément central du contrôle de notre espace aérien puisque toute la stratégie de l'armée de l'air repose sur la complémentarité des moyens de combat avec un système de surveillance aérienne assuré par les AWACS. En outre, dans les discussions que nous menons avec les Américains, la souveraineté est prise en compte comme clé du dispositif. Je n'ai donc aucun souci là-dessus et rien à cacher : je suis prêt à vous montrer le dossier. Mais on ne peut pas dire qu'il existe des solutions françaises au même prix que l'achat sur étagère.
Sur le plan budgétaire, on ne peut mener tous les programmes à la fois ; il nous faut établir des priorités. C'est ainsi que la rénovation des Mirage 2000D se trouve retardée par l'accélération de la livraison des Rafale. Vaudrait-il mieux ponctionner les crédits des matériels terrestres ? On retarde certaines composantes de Scorpion, mais nous avons absolument besoin du reste : il faut bien remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB) et les VBCI commencent seulement à arriver dans les forces.
À partir de 2015 ou de 2016, sauf effort budgétaire particulier, nous souffrirons d'une impasse capacitaire de trois ou quatre ans affectant la marine de présence et de souveraineté dans les départements et les collectivités d'outre mer (DOM-COM) car les nouveaux bâtiments ne seront pas encore prêts.
J'ai donc fait le choix de faire porter l'effort sur la rénovation des Mirage 2000D car j'ai estimé que l'augmentation des livraisons de Rafale nous permettait de le faire sans nuire à nos capacités opérationnelles.
L'équation budgétaire résulte d'un arbitrage permanent et insatisfaisant entre les préoccupations opérationnelles des armées et les préoccupations industrielles, entre le besoin des forces et la protection de notre industrie nationale : c'est la quadrature du cercle pour tous les ministres de la défense.
S'agissant des bases de défense, je suis favorable à ce que le général Cambournac, maître d'oeuvre de la transformation du ministère, et le général Rouzaud, commandant interarmées du soutien (COMIAS), viennent devant votre commission pour vous présenter une analyse précise de l'ensemble des réformes et vous indiquer quel bilan ils tirent des premières réalisations. Ils pourront vous dire quelles sont leurs difficultés et vous expliquer ce qui reste à réaliser.
Les externalisations ne présentent pas de risque pour les entreprises françaises dans le domaine de l'alimentation. En ce qui concerne l'habillement, le processus est engagé ; mais l'habillement de base n'est déjà plus réalisé en France. En revanche, une partie de la production reste nationale pour les fibres technologiques, mais elle est marginale. Je veille surtout à éviter les situations oligopolistiques : j'ai demandé que les appels d'offres soient rédigés de telle sorte que les PME puissent y répondre afin d'irriguer l'ensemble du tissu économique et pas seulement les deux ou trois grands groupes qui rafleraient la totalité du marché.
Nos contrats opérationnels n'ont pas été modifiés, même si nous ne les remplissons pas à 100 %. Toutefois, nous sommes en mesure de respecter nos engagements à l'égard de l'OTAN. Dans le cadre de sa réorganisation, l'Alliance va réduire ses effectifs de 2 000 à 3 000 personnes, ce qui nous permettra également de réduire les nôtres.
Je voudrais, pour ma part, exprimer quelques inquiétudes. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la saignée continuera en 2011 avec la suppression de 8 415 postes s'inscrivant dans l'objectif global de 54 000 suppressions en six ans. Ces chiffres sont d'autant plus préoccupants que la reconversion des soldats semble assez difficile.
Les recettes exceptionnelles annoncées me paraissent également incertaines. Où en est-on exactement ?
En ce qui concerne l'A400M, comment s'établit l'équilibre financier ? Les délais de livraison seront-ils respectés ?
Enfin, je considère que nous nous enlisons en Afghanistan. Le coût de notre présence est faramineux avec déjà 49 soldats tués. Parviendrons-nous à en sortir ?
Quels sont, monsieur le ministre, vos projets concernant Djibouti ? Les effectifs des forces qui y sont ont été considérablement réduits. Cette évolution va-t-elle se poursuivre alors que l'endroit est particulièrement stratégique et que la piraterie maritime et le terrorisme s'y développent ? Les Américains, les Japonais et d'autres puissances ne s'y trompent pas et y installent des forces.
Quelle réponse la France et l'Europe apportent-elles au code de conduite de Djibouti ?
Enfin, quel est l'avenir de l'hôpital Bouffard, emblème de la France sur place et très utile à la population comme à nos personnels ?
En dépit de la crise, la reconversion des militaires, particulièrement pour les officiers et les sous-officiers, enregistre des taux exceptionnels ; la situation est plus difficile pour les hommes du rang. Auparavant, chaque armée disposait de son propre mécanisme de reconversion. Désormais, l'agence nationale de reconversion, qui regroupe et restructure la totalité du système, poursuit un objectif de 80 %, aidée en cela par la mise en place d'un système une gestion prévisionnelle des ressources humaines. À cette fin, j'ai signé une vingtaine de conventions avec de grands groupes français, notamment dans la banque et les assurances.
Pour ce qui est de l'entrée en service de l'A400M, chaque pays concerné a indiqué ses éventuelles réductions de cibles. Nous attendons maintenant des engagements très précis de l'industriel, notamment sur le calendrier car jusqu'à cinq versions de l'appareil se succéderont. Pour connaître les délais de livraison, un certain nombre d'hypothèques techniques, s'ajoutant à celles déjà connues, doivent être préalablement levées : cette responsabilité relève pour l'essentiel de Thalès. Nous prenons toutes les garanties nécessaires vis-à-vis de l'industriel car nous avons absolument besoin de cet avion : il faut éviter de nous retrouver, en 2013 ou en 2014, en face d'un constructeur qui n'aurait pas pu tenir ses engagements.
Nous prévoyons de signer le contrat avant la fin de l'année ; la première livraison se faisant en 2013 mais sans que le premier appareil ne dispose de toutes ses capacités ; les systèmes de suivi de terrain (flight management system), qui dépendent de Thalès, donneront lieu à des livraisons incrémentables.
Je ne connais pas le code de bonne conduite que monsieur Ménard évoque pour Djibouti. En quoi consiste-t-il ?
Il s'agit d'une demande faite en janvier 2009 par neuf États de la région pour être aidés dans la formation de corps de garde-côtes, pour la création de centres de renseignements, à Sanaa, à Dar es Salam et à Djibouti, et pour obtenir le soutien de patrouilleurs et d'autres navires.
Je n'ai pas d'élément de réponse à vous fournir immédiatement à ce sujet.
Pour ce qui est des forces prépositionnées à Djibouti, nous allons progressivement réduire d'environ 1 000 hommes notre dispositif.
La nôtre demeure forte avec encore 2 000 hommes. De plus, nous avons créé une base aux Émirats arabes unis. Nous maintenons notre coopération, à laquelle le Président Guelleh est très attaché, notamment en matière de santé, ainsi que le centre d'entraînement au désert. Enfin, s'agissant de l'hôpital, nous maintiendrons un certain nombre d'éléments, ne serait-ce que pour assurer des soins de qualité à nos ressortissants sur place.
Quelles sont les conséquences financières et politiques de notre retour dans le commandement intégré de l'OTAN ? Aura-t-il une incidence sur la définition de la stratégie de l'Alliance ? Des améliorations ont-elles été apportées aux disparités très importantes de statut existant entre les militaires français et ceux des autres pays ?
Vous n'avez pas répondu à la question posée sur le problème des retraites des militaires. Le secrétaire d'État à la fonction publique nous a expliqué que, par définition, le ministère de la défense était solidaire du projet du Gouvernement. Mais l'étude d'impact sur les retraites ne porte pas la marque de ce ministère, notamment pour ce qui est de l'allongement de la durée de cotisations de 15 à 17 ans et pour un certain nombre de mesures d'âge qui semblent en contradiction avec les dispositions que nous avons votées au mois de juillet dernier.
En matière d'externalisation, tant le général Georgelin, hier, que l'amiral Guillaud, aujourd'hui, distinguent le soutien opérationnel de celui qui ne l'est pas et l'on peut comprendre les décisions prises sur la restauration et l'habillement. Toutefois, comme Mme Martine Lignières-Cassou qui est préoccupée par cette question, on peut s'interroger sur le choix d'une telle option pour l'entraînement des parachutistes à Pau.
Une partie de la consommation budgétaire semble liée au remboursement des avances auxquelles procède le ministère de la défense pour les OPEX. Si le budget général n'effectue le remboursement qu'au 30 décembre, vous rencontrerez nécessairement un problème de réalisation des dépenses qui ne peuvent toutes se faire au cours du dernier jour de l'année.
Dans le contexte actuel de menace terroriste, comment s'effectue le renforcement du dispositif Vigipirate ? Quelles incidences a-t-il sur d'autres actions militaires ? Quel en est l'impact financier ?
Dans le dossier de presse, le paragraphe sur la coopération européenne est particulièrement succinct et vague. On cite des pourcentages mais non les montants bruts. Peut-on obtenir plus de précisions à ce sujet ?
Les effectifs affectés à Vigipirate ont été accrus d'une centaine de personnes il y a trois semaines. Nous fournissons un volume de personnels militaires affectés à l'opération, sur lequel le ministère de l'intérieur exerce un droit de tirage. Je sais qu'il a déjà mobilisé par exemple une soixantaine d'hommes sur l'Île-de-France.
Monsieur Nauche, plusieurs programmes de coopération européenne sont en cours, notamment dans le cadre de l'agence européenne de défense. Nous avons comme perspective la réalisation de l'hélicoptère lourd mais je n'y crois plus beaucoup en raison de la réduction du budget allemand. Notre collaboration avec les Britanniques est plus avancée. La lutte contre les engins explosifs improvisés comporte toute une série d'actions. Il faut également mentionner les recherches sur l'insertion des drones dans l'aviation civile et sur la furtivité. Au total, nous devons investir 100 millions d'euros au titre de la coopération européenne, comprenant à la fois la coopération multilatérale et bilatérale.
Avec les Britanniques, nous devrions engager après 2020 un important programme de collaboration pour le drone du futur devant succéder à ceux aujourd'hui existants.
Concernant le remboursement OPEX en collectif de fin d'année, les crédits qui ne seront pas consommés seront reportés. On ne perd donc jamais rien.
L'impact budgétaire de la réforme des retraites est certain mais je ne dispose pas ici du montant des économies prévisibles. Nous devrons, dans le cadre de la réforme, résoudre le problème des carrières courtes et celui du minimum garanti.
Nous sommes aujourd'hui totalement insérés dans l'ensemble des dispositifs de l'OTAN. La France peut y exercer toute son influence et elle y joue tout son rôle : elle est écoutée, encore plus que par le passé, n'étant plus dans une position intermédiaire où elle était membre de l'Alliance mais sans participer au commandement intégré. Notre pays a soutenu la réforme de l'Alliance atlantique, particulièrement de sa bureaucratie : 3 000 postes seront ainsi supprimés grâce au combat que j'ai mené avec mes collègues britanniques successifs et auxquels les Américains ont fini par se joindre. En décembre à Lisbonne, on opérera une vraie réorganisation des états-majors et des structures. En 2011 seront supprimées des structures de l'Alliance atlantique qui n'avaient plus aucun sens. Ce combat, nous l'avons gagné notamment parce que nous sommes désormais un partenaire à part entière. Cela ne nous empêche nullement d'exprimer par ailleurs nos réserves sur la défense antimissile balistique, ni d'affirmer nos positions sur la stratégie de défense globale, ni d'indiquer que l'Alliance atlantique ne saurait s'étendre à l'infini, contrairement à ce que pensent parfois les Américains. Nous avons ainsi, avec l'Allemagne, bloqué les entrées de l'Ukraine et de la Géorgie, position qui s'est révélée judicieuse par la suite.
Les externalisations ne doivent pas s'appliquer aux activités opérationnelles directes mais la formation n'en fait pas partie puisque des entreprises interviennent déjà à Cognac ou à Dax pour la formation. Acheter des heures de vol pour permettre aux parachutistes d'apprendre à sauter ne modifie en rien la problématique opérationnelle. Nous devons aussi tenir compte de la totale obsolescence de notre flotte d'avions de transport tactique avec une disponibilité extrêmement faible. Nous allons acheter huit avions CASA pour maintenir nos capacités, mais il me paraît préférable de les affecter à des opérations plutôt qu'à de la formation.
Quels moyens sont mis en oeuvre pour renforcer la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane où la violence paraît augmenter ?
Ce budget n'a pas dû être facile à établir en raison des contraintes financières, d'un contexte international difficile et des mauvaises surprises que réservent parfois certains matériels nouveaux, notamment en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO). De cette quadrature du cercle, la défense sort plutôt dans de bonnes conditions.
Pourquoi les actions civilo-miltaires (ACM) ne font-elles l'objet que de courts développements dans le dossier de presse alors qu'il s'agit d'un sujet d'importance ?
Quand et dans quelles conditions, pourrons-nous sortir de l'opération menée au Kosovo ? Nous y avons conduit des actions difficiles, notamment dans le Nord, où la présence de nos militaires est plébiscitée par les populations. À l'avenir, comment tirer un profit politique de ce qu'a été notre engagement militaire ?
Monsieur Beaudoin, 450 personnels sont affectés en permanence à la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. L'excellente collaboration des armées avec les forces de gendarmerie permet de mener des actions de police judiciaire. Je ne peux que me féliciter du travail fourni par nos armées, dans des conditions pourtant très difficiles. La violence s'accroît, notamment avec l'augmentation du nombre de Brésiliens traversant la frontière. Nous avons eu récemment à déplorer un mort lors d'un affrontement entre pirogues.
Les actions civilo-militaires en Afghanistan bénéficient de crédits européens mais la France ne leur consacre que peu de moyens, de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros chaque année, qu'elle complète sur place par des montages ingénieux, permettant de créer des écoles, de construire des ponts ou de développer des actions dans les domaines de l'agro-alimentaire, de l'irrigation, de l'électrification et de la santé. Il faut y ajouter les actions du service de santé des armées (SSA).
Au Kosovo, nous engageons 750 personnels. Il faut désormais changer de registre et passer à une action civilo-militaire afin de former la police et la justice locales. Pour manifester sa solidarité, la France est restée aussi longtemps que la communauté internationale n'a pas décidé de passer d'une phase à une autre. Mais la présence de forces armées ne se justifie plus aujourd'hui compte tenu de la stabilité acquise. Cela dit, compte tenu des difficultés que nous éprouvons à mettre en place la génération de forces, il est probable que nous maintiendrons nos troupes un peu plus longtemps que nous ne l'avions prévu et tant que la relève ne sera pas assurée.
Monsieur le ministre, nous vous avons accueilli il y a quelques mois, sur le site du détachement Air 277 à Varennes-sur-Allier. À cette occasion, nous vous avions interrogé sur l'avenir du site, compte tenu notamment de son poids économique dans la zone et dans le département. Or nous venons d'être informés par l'autorité militaire qu'il serait désormais rattaché à la base de défense de Clermont-Ferrand. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les conséquences militaires et civiles de ce transfert ? Les personnels, militaires et civils, éprouvent en effet une certaine inquiétude.
Monsieur le ministre, je partage largement ce qu'a dit Jean-Claude Viollet à propos des drones. Vous nous avez indiqué, à juste titre, que l'acquisition de matériel militaire devait d'abord satisfaire les besoins des armées avant de satisfaire ceux des industriels. On ne peut également que partager votre souci de disposer du meilleur équipement possible au meilleur coût. Les prix que vous nous avez annoncés sont-ils des prix d'acquisition ou bien des coûts de possession ? S'agissant en particulier des drones Predator, allez-vous en acheter une version améliorée, comprenant le décollage et l'atterrissage automatiques et une nouvelle station à ergonomie améliorée, ou bien envisagez-vous d'acheter le système actuel qui présente de graves défauts notamment une forte attrition ?
La fiabilité des matériels est par ailleurs fondamentale. Nous disposons sur le Harfang d'une liaison par satellite d'excellente qualité, alors que les Américains eux-mêmes avouent rencontrer des problèmes fréquents de rupture de liaison satellite avec le Predator, sans oublier le fait que leurs liaisons sont plus coûteuses.
Je propose d'organiser, pour les membres de la commission qui le souhaitent, une réunion de travail consacrée aux drones et au cours de laquelle je vous ouvrirai les dossiers.
J'ai déjà indiqué aux industriels que l'essentiel était de procurer aux armées les capacités dont elles ont besoin. Je souhaite aussi que ce soit au meilleur coût et compatible avec nos moyens budgétaires. Je n'ai pas encore choisi d'acheter des Predator. Le délégué général pour l'armement a réalisé un premier audit sur ce programme. Pour avancer dans les discussions, il nous faudra envoyer un courrier officiel aux Américains car l'achat de drones par un pays étranger est soumis à l'autorisation du Congrès. Nous avons enfin toute une série de questions à résoudre, notamment sur la souveraineté et l'acquisition des images.
Je suis prêt à vous communiquer tous les éléments de ce dossier, car il faut aussi que vous sachiez ce que disent les industriels français sur leurs concurrents, étrangers ou compatriotes.
Ne pourrait-on imaginer un marché consistant à acheter des Predator contre la vente d'Airbus A330 ?
Monsieur Charasse, j'ai écrit aux parlementaires concernés pour les informer de la décision prise concernant le détachement Air 277 de Varennes-sur-Allier. La logique imposait de fermer cette base. Je me suis rendu sur place et, à la lecture du tableau des effectifs année par année, j'ai constaté une déflation importante de ceux-ci compte tenu de la pyramide des âges. Sur les 110 ou 120 personnels civils employés à la base, 60 partiront dans les cinq années qui viennent. On peut donc organiser les choses sans drame social et programmer une fermeture progressive de Varennes-sur-Allier, en coordination avec les bases de Moulins et de Clermont-Ferrand à laquelle le site sera rattaché. La dimension sociale et humaine du dossier m'a préoccupé avant tout.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante.