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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 5 octobre 2010 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hervé Morin, ministre de la défense :

J'observe que, sur le dossier de l'A400M, le gouvernement conservateur britannique est nettement plus allant que ne l'était le précédent gouvernement travailliste, monsieur Boisserie. Nous allons sauver ce programme en dépit des difficultés rencontrées.

La livraison de la première FREMM aura lieu en 2012, pour des annuités moyennes de 400 millions d'euros, avec 369 millions d'euros en 2011 et 466 millions d'euros en 2012. Aucun retard n'est à déplorer.

Dans le domaine des drones, la France a pris du retard, manquant cette évolution technologique. Nous estimions probablement qu'entre l'aviation de combat, les avions de reconnaissance et les satellites, nous étions suffisamment parés. L'armée de l'air a peut-être été également circonspecte sur la perspective d'avions sans pilote. Nous avons néanmoins développé un système de drones intérimaires, avec des réussites variées ; je rappelle que, cet été, nous avons été sur le point de renvoyer la totalité des DRAC car ils ne fonctionnaient pas.

Le SDTI fonctionne tout comme le drone MALE intérimaire, le SIDM Harfang, qui est aujourd'hui déployé en Afghanistan. Nous avons encore du retard par rapport aux drones existants, que ce soit par rapport aux drones américains comme le Predator ou aux drones israéliens, qui constituent la base du SIDM. Nous rencontrons d'ailleurs quelques problèmes de réparation sur ce matériel, les Israéliens n'étant pas toujours très coopératifs en la matière. J'ajoute que le SIDM ne résout pas durablement notre problème puisqu'il est prévu qu'il s'arrête en 2014. Nous avons pourtant besoin de ces appareils : dans l'affaire des otages, ils auraient été précieux.

Je souhaite, bien évidemment, faire travailler l'industrie française. Pour autant, je m'étonne qu'un éventuel achat sur étagère suscite autant de réactions ; nous avons déjà acquis du matériel américain, y compris pour des matériels stratégiques comme les avions AWACS et HAWKEYE ainsi que pour des ravitailleurs contribuant à la dissuasion.

Sur la base des analyses de la direction générale de l'armement et de l'état-major des armées, un comité ministériel d'investissement a examiné les différentes propositions des industriels. Je vous en résume les principales conclusions. Le projet Advanced-UAV obtient un bon résultat pour la souveraineté, avec un délai de réalisation de 8 à 10 ans, un coût très élevé estimé pour la France avec un risque industriel fort.

Le projet SDM, conçu par Dassault et Thalès, n'obtient qu'une note moyenne pour la souveraineté, sa plateforme étant israélienne. Son coût est moins élevé, quoique très supérieur à l'enveloppe LPM, avec une coopération envisageable. Le risque industriel est moyen et le délai de réalisation est de 4 à 5 ans.

Le Predator pose des problèmes de souveraineté ; son délai de réalisation est de 3 ans pour un coût proche de l'enveloppe prévue par la loi de programmation. Aucune coopération n'est envisageable. Le risque industriel est limité voire nul mais aucun retour industriel n'est possible.

Le projet Heron TP a un délai de réalisation de 4 ans pour un coût très supérieur à l'enveloppe LPM. Le retour industriel est nul, sans possibilité de coopération. Le risque industriel est moyen.

Enfin, le projet Mantis de BAE Systems et Dassault a de bons résultats pour la souveraineté avec un délai de réalisation d'au moins 7 ans pour un coût qui reste à expertiser. Il permettrait une coopération entre la France et le Royaume-Uni mais avec un risque industriel fort.

Au vu de ces éléments et sachant que les soldats déployés en OPEX ont un besoin indispensable de drones pour l'observation, il m'est impossible de choisir un système qui ne sera pas opérationnel en temps voulu, pour lequel la coopération n'est pas garantie et pour lequel existe un risque industriel. Il me semble préférable de retenir un système intermédiaire avec en effet un achat sur étagère, tout en cherchant une solution européenne pérenne à moyen terme, permettant à la France et au Royaume-Uni de se situer au meilleur niveau.

Je ne veux pas être celui qui, guidé par un seul souci industriel, aura privé, dans la décennie à venir, les forces françaises des capacités d'observation leur permettant de soutenir les troupes au sol. Dans une telle hypothèse, on oubliera les aspects industriels et on se retournera contre ceux qui auront décidé de ne pas équiper nos forces du matériel nécessaire dans des théâtres difficiles. Je rappelle le précédent des missiles devant succéder au Milan. On nous a reproché d'acheter américain. Mais que fallait-il faire ? Le système proposé par MBDA ne protégeait pas le tireur qui demeurait exposé durant tout le tir et ne pouvait, de surcroît, tirer en espace confiné. Pouvait-on accepter que nos soldats soient ainsi exposés aux tirs ennemis ? Comment expliquer à une famille qui aurait perdu un des siens, que l'aspect industriel et financier a primé sur la sécurité ? Nous avons choisi d'acheter sur étagère, laissant ainsi le temps à MBDA de développer un système abouti.

Pour les drones, la question se pose dans des termes similaires. Si un industriel français ou européen me propose un appareil répondant à nos besoins pour un coût acceptable, je le retiendrai bien évidemment.

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