Avant de vous présenter les grandes lignes du budget, je voudrais vous rassurer en ce qui concerne les inquiétudes dont votre président s'est fait l'écho. La semaine dernière, j'ai réuni, comme assez régulièrement depuis trois ans, l'ensemble des cadres supérieurs du ministère de la défense qu'il s'agisse des chefs de corps, de régiment, d'unité, de service ou des responsables des états-majors, c'est-à-dire les 600 civils et militaires d'encadrement. Sans m'en informer, la direction de la communication du ministère leur avait adressé un questionnaire anonyme. En découvrant les réponses, j'ai eu quelques difficultés à croire les résultats.
À la question « pensez-vous que la démarche de modernisation entreprise par le ministère de la défense est indispensable ? », trois ans après son lancement, les réponses ont été « oui tout à fait », à 54 % ; « oui plutôt » à 37 % ; le « non » ne recueillant que 3 %. S'agissant des réformes engagées, « la mise en commun des moyens des unités, des moyens administratifs et du soutien du ministère », c'est-à-dire l'ensemble de la mutualisation, a recueilli 74 % d'appréciation positive et 13 % d'appréciation négative. La création des bases de défense a recueilli 62 % d'opinions favorables et 22 % de défavorables. « La nouvelle répartition des unités géographiques », c'est-à-dire la concentration des unités, a été approuvée par 55 % des personnes interrogées, 30 % estimant ne pas être en mesure de l'apprécier. Enfin « la réorganisation des chaînes de métiers » a reçu 53 % d'avis positifs contre 29 % d'avis négatifs.
Ce questionnaire de 60 pages montre que les personnels, qui vivent depuis deux ans une profonde réforme de leur ministère, portent sur celle-ci une appréciation très positive.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2011.
En 2011, le montant des crédits sera très proche de ce qu'a prévu la loi de programmation militaire (LPM).
Comme vous le savez, les annuités prévues par la LPM pour la période 2011-2013 étaient devenues incompatibles avec le cadrage imposé pour redresser nos finances publiques. La défense a donc contribué à la maîtrise des dépenses en réduisant ses dotations budgétaires de 3,6 milliards d'euros sur la période 2011-2013, soit 3,7 % des 95 milliards d'euros prévus par la LPM.
La défense demeure néanmoins une priorité de l'État car, hors recettes exceptionnelles, son budget passera de 30,16 milliards d'euros en 2011 à 30,5 milliards en 2012 et à 31 milliards en 2013, soit une croissance de ses dotations de 3 % en valeur alors que tous les budgets civils, à l'exception de ceux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la justice, sont stables en valeur, voire en diminution.
À ces crédits s'ajoutent des recettes exceptionnelles, pour un montant de 3,3 milliards d'euros pour les années 2011-2013, donc supérieur de l'ordre de 2,3 milliards au montant initialement prévu.
La perte de recettes nette cumulée pour ces trois années n'est donc que de 1,3 milliard d'euros sur un total programmé de 96 milliards, soit une encoche de 1 %.
Pour la seule année 2011, nous bénéficierons de 30,16 milliards d'euros de crédits budgétaires auxquels s'ajoutera un milliard de recettes exceptionnelles, soit un total de 31,19 milliards d'euros, alors que la LPM prévoyait 31,23 milliards. L'écart est extrêmement faible, la différence s'élevant à seulement 40 millions d'euros.
Les recettes exceptionnelles pour 2011 se décomposent en deux flux principaux. Il s'agit d'abord de 150 millions d'euros de produits de cessions immobilières. Je ne peux rendre publique la liste exhaustive des recettes espérées, car les ventes font l'objet de négociations, mais je tiens à la disposition des rapporteurs la liste précise des emprises qui seront cédées en 2011 ainsi que l'évaluation qui en a été faite par le service des domaines. Nous bénéficierons aussi en 2011 du fruit de la vente antérieure du site d'Issy-les-Moulineaux.
Il s'agit ensuite de 850 millions d'euros au titre des cessions de fréquences hertziennes, qui englobent le produit de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications ainsi que le premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN dont l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a fixé le calendrier garantissant une conclusion en juillet 2011.
L'équation financière pour 2011 est donc relativement simple avec seulement 40 millions d'euros d'écart par rapport à la LPM.
La priorité donnée aux équipements est confirmée avec un objectif de 17 milliards d'euros par an en moyenne sur la durée de la LPM, contre 15 milliards par an pour la précédente LPM. Je vous rappelle qu'en 2009 nous avons consommé 18 milliards d'euros et que notre objectif pour 2010 est de 17 milliards. Nous aurons cependant beaucoup de mal à les consommer en raison de la mise en place du progiciel financier CHORUS qui a généré d'importants dysfonctionnements durant cinq mois et nous a parfois obligés, pour rattraper le retard, à reprendre les choses manuellement avec l'aide d'intérimaires.
Pour les années qui viennent, nos objectifs pour les équipements sont de 16 milliards d'euros pour 2011 ; de 16,8 milliards pour 2012 et de 17,4 milliards pour 2013.
Je voudrais par ailleurs souligner les progrès considérables que nous avons réalisés depuis 2008 dans le financement des opérations extérieures (OPEX), lequel ne repose plus sur des ponctions sur les crédits d'équipement comme nous en avons connu au cours des précédentes LPM. Pour la période 1998-2007, en moyenne 280 millions d'euros par an ont été prélevés sur le budget d'équipement des forces armées pour financer les opérations extérieures, soit un total de 2,8 milliards d'euros. Nous avons mis fin à cette pratique. En 2011, nous continuerons à augmenter la provision pour les OPEX qui s'élèvera à 630 millions d'euros contre 570 millions en 2010. Si les surcoûts étaient stabilisés en 2011 à leur niveau de 2010, soit 870 millions d'euros, ce serait environ 70 % de la dépense qui seraient financés en loi de finances initiale ; le solde étant pris, comme en 2009 et en 2010, sur la réserve interministérielle de précaution.
Sur le terrain, un certain nombre d'équipements nouveaux sont arrivés : je pense aux deux magnifiques frégates antiaériennes réalisées par DCNS et aux 93 Rafale en service en 2010, qui seront complétés grâce au « recadencement » de 11 livraisons par an pour 2011, 2012 et 2013. Nous avions en effet prévu des livraisons moins importantes pour ces années, mais dans l'attente de la finalisation des contrats à l'exportation, nous prenons en charge le différentiel tout en espérant que cette avance pourra être compensée dans les années suivantes. Je pense également au nouveau système de défense sol-air à moyenne portée (SAMPT) qui sera livré à Luxeuil, au 200e véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) livré en mai dernier et au rythme de livraison qui passera de 90 en 2010 à 100 véhicules en 2011. Je pense enfin aux 4 000 premiers systèmes FELIN et à la mise en service, dans quelques jours, du nouveau sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) équipé du missile M51.
Nous adaptons d'ailleurs en permanence les matériels aux besoins des forces déployées sur le théâtre : cette année, grâce aux 103 millions d'euros consacrés à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, l'armée de terre a pu se doter d'un système de veille optronique, du radar de surveillance du sol, de l'alerteur terrestre contre les tirs indirects ou encore du système ROVER. Nous en assurons aussi le maintien en condition opérationnelle, dans des contextes souvent difficiles, grâce à nos réformes de structures, à la politique d'emploi et de gestion des parcs et au maintien des flux de financement importants de l'ordre de 2,7 milliards d'euros par an.
Nous assumons aussi la préparation de l'avenir à moyen terme comme le montre le maintien des flux d'études amont à un volume de 700 millions d'euros par an, complétés par des crédits du grand emprunt au titre de la recherche duale pour un montant de 2 milliards d'euros portant sur les lanceurs, l'avion et l'hélicoptère du futur. Nous investissons aussi avec le lancement la semaine dernière de la réalisation du programme MUSIS, sans attendre l'accord des autres pays qui sont en train de revoir leurs doctrines stratégiques et leurs options budgétaires. Cela se traduit par la commande de deux satellites optiques afin d'éviter toute rupture de capacité à la fin d'activité des satellites HELIOS. Enfin, il me faut souligner que nous commanderons en 2011 un troisième sous-marin nucléaire d'attaque (SNA).
Cet effort d'équipement sans précédent ne peut se faire que grâce aux économies effectuées sur les autres types de dépenses et à la bonne exécution de la réforme du ministère.
L'année 2011 sera une année importante avec la généralisation des bases de défense, la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional. Cette réorganisation est indispensable. Comme je l'ai indiqué aux cadres de la défense, il n'y a pas d'autre solution ; de la réussite de la réforme dépend notre capacité d'investir dans la modernisation des armées.
Nous faisons le maximum pour l'accompagnement social : le plan d'accompagnement des restructurations (PAR) sera doté de 238 millions d'euros dont 58 millions de mesures nouvelles. Nous avons dépensé à ce titre un peu plus que prévu en raison des nombreuses demandes de départ volontaire et parce que le coût de la mobilité a été supérieur à l'évaluation qui en avait été initialement faite.
Sur le plan catégoriel, nous achèverons la réforme statutaire et indiciaire des militaires engagée en 2008 en lui consacrant 31 millions d'euros. Nous aurons donc, en trois ans, réalisé la totalité des conclusions du rapport du haut comité d'évaluation de la condition militaire que Mme Michèle Alliot-Marie avait commandé et qui avait été remis début 2007.
Aujourd'hui même, j'ai saisi le Premier ministre du problème soulevé par le plan de revalorisation indiciaire et catégorielle de la police nationale : ce plan devant s'appliquer dans les mêmes conditions aux gendarmes, qui sont des militaires, il conviendrait de se préoccuper de la situation des militaires sous-officiers des armées afin d'éviter un nouveau décrochage entre les gendarmes et eux.
En 2011, un contrat de partenariat sera signé pour le regroupement des états-majors et de l'administration centrale à Balard. Ce projet nous permettra de gagner environ 2 000 postes au titre des rationalisations fonctionnelles et de l'externalisation du soutien et de pouvoir bénéficier du produit des cessions des emprises actuelles. Le financement du loyer semble pouvoir être réuni à partir du redéploiement de nos dépenses actuelles, alors même qu'il intègre l'amortissement d'un effort d'investissement très substantiel, ce qui est une véritable performance économique.
À l'occasion de cette réorganisation, j'ai souhaité déconcentrer au maximum l'administration centrale, déplaçant hors de Paris tous les services qui peuvent l'être. Compte tenu du coût de la vie dans la capitale, cette mesure redonnera du pouvoir d'achat aux personnels tout en leur garantissant la même qualité de services et les mêmes prestations, notamment scolaires.
En conclusion, je tiens à souligner que malgré la situation budgétaire difficile, les arbitrages du Président de la République nous ont permis de maintenir un effort de défense compatible avec nos ambitions. Rien ne vaut mieux que d'observer ce qui se passe dans les pays étrangers, notamment européens, où les réductions budgétaires engagées font douter de la volonté de l'Europe de peser encore sur les affaires du monde. L'effort militaire communautaire n'est plus supporté que par la France et le Royaume-Uni ; ce dernier devant réduire son budget de 15 à 20 %. Avec la réduction du budget britannique, le volume des économies budgétaires en Allemagne et le fait qu'aucun autre pays n'investit plus dans sa défense, l'Europe prend le risque de devenir un protectorat américain. Le contexte est donc très préoccupant. Si l'on croit que l'Europe a encore la capacité de porter un message politique qui lui soit propre, la France se doit de continuer à faire un effort significatif pour sa défense.