Après avoir souhaité la bienvenue au ministre, le Président Pierre Lequiller a souligné que les jeunes Européens avaient voté majoritairement pour le « non » lors des derniers référendums sur les institutions européennes parce qu'ils n'ont pas suffisamment conscience de l'importance de l'Union européenne. Le programme Erasmus joue un rôle très positif mais il n'est pas assez développé et ne s'adresse qu'à une élite d'étudiants.
Il a ensuite rappelé que depuis le traité de Maastricht, l'Union européenne dispose d'une compétence d'appui en matière d'éducation et de formation. Son action repose sur la coopération et la coordination entre Etats membres, ainsi que sur la mise en oeuvre de programmes de financement. Actuellement, le programme d'éducation et de formation tout au long de la vie 2007-2013, doté d'un budget de 7 milliards d'euros, finance des projets visant à promouvoir la coopération et la mobilité entre les systèmes éducatifs et de formation de l'Union européenne.
Le Président Pierre Lequiller a demandé au ministre quels étaient les dossiers en matière d'éducation et de formation que la France souhaitait faire avancer pendant sa présidence, et quelles étaient les perspectives de développement des programmes de mobilité. Il a également souhaité savoir si les moyens mis en oeuvre en France pour développer l'enseignement des langues étrangères permettraient d'atteindre l'objectif d'un enseignement de deux langues étrangères dès le plus jeune âge fixé par le Conseil européen en 2002.
, a indiqué qu'il souhaitait présenter l'action de son ministère pendant la présidence française de l'Union européenne. Il s'est associé aux propos du Président Pierre Lequiller sur la jeunesse, qui fait preuve de méfiance vis-à-vis de l'Europe institutionnelle, considérée comme complexe et lointaine, mais qui est attirée par l'espace géographique et par les échanges européens.
L'éducation n'est en effet qu'une compétence d'appui de l'Union mais tous les Etats membres sont convaincus que c'est un enjeu majeur.
Le ministre a ensuite indiqué que son ministère avait réalisé des cahiers de vacances sur le thème de l'Europe, distribués gratuitement à tous les élèves et disponibles par Internet, pour trois tranches d'âge, 7 à 9 ans, 10 à 12 ans et 13 à 15 ans. Chaque chapitre de ces cahiers permet de découvrir un Etat membre de l'Union.
L'action du ministère de l'éducation nationale pendant la présidence française inclura plusieurs opérations de communication. Lors de la rentrée, les établissements scolaires seront pavoisés aux couleurs de l'Europe. Un concours web vidéo destiné aux lycéens sera lancé à cette occasion. Le 26 septembre se tiendra la journée européenne des langues, qui permettra d'évoquer les classes bilingues et les classes bilangues (où sont enseignées deux langues dès la sixième). Du 20 au 24 octobre sera organisée la semaine « bougeons avec l'Europe », au cours de laquelle les responsables politiques iront dans les écoles de leur enfance pour parler d'Europe aux élèves. Le 22 octobre, journée consacrée à l'évocation de la résistance à partir de la lettre de Guy Moquet, une réflexion sur l'engagement des jeunes sera menée. Fin novembre, le traditionnel salon de l'éducation sera cette année européen. Il permettra de diffuser l'information sur l'Europe de l'éducation et les programmes de mobilité.
Bien que cela ne figure pas encore sur la feuille de route, la France souhaite promouvoir un « Erasmus des enseignants » qui permettrait aux enseignants de participer tous les cinq ou six ans à des échanges en Europe. Cela aurait un impact très positif pour les enseignants français. La France souhaite également lancer une réflexion sur l'harmonisation des programmes du primaire, même si la scolarisation en primaire commence plus tôt en France que chez nos partenaires.
Le deuxième axe de l'action du ministère pendant la présidence française sera la promotion de l'Europe de l'éducation. Une priorité sera donnée au thème de l'orientation, tant initiale que tout au long de la vie. Une conférence intitulée « Gérer les transitions : l'orientation tout au long de la vie dans l'espace européen » se déroulera à Lyon les 17 et 18 septembre. Elle permettra d'aborder la question de la validation des acquis de l'expérience en Europe.
Une conférence sur l'apprentissage des sciences dans l'Europe de la connaissance se tiendra à Grenoble les 8 et 9 octobre. Dans ce domaine, les différences nationales sont marquées. La France est très active, avec l'opération « la main à la pâte », lancée à l'initiative de Georges Charpak, Pierre Léna et Yves Quéré. Pourtant, les élèves du primaire ont des difficultés en mathématiques par rapport à leurs camarades européens.
Les 29 et 30 octobre, dans le prolongement de la présidence portugaise, une conférence sur la scolarisation des enfants handicapés sera organisée à Clermont Ferrand.
Toutes ces initiatives trouveront leur aboutissement lors de la réunion informelle des ministres de l'éducation le 26 novembre à Bordeaux, au cours de laquelle devraient être adoptées une résolution sur l'orientation, des conclusions sur l'apprentissage des sciences, sur la scolarisation des handicapés et sur la gouvernance des établissements. Les ministres traiteront aussi du système de crédits d'apprentissage européens pour l'enseignement et la formation professionnelle (E.C.V.E.T.). Malgré certaines avancées, comme les baccalauréats franco-allemand (abibac), franco-espagnol (bachibac) et franco-italien (isabac), il reste encore beaucoup à faire. Il faut une reconnaissance mutuelle par un système de crédits, ce qui pose la question du lien entre enseignement supérieur et formation professionnelle.
Enfin, la France souhaite promouvoir trois thèmes : la mobilité, le multilinguisme et l'assurance qualité.
Concernant la mobilité, un groupe de haut niveau a été constitué pour encourager la mobilité des étudiants et des lycéens en formation professionnelle. La France souhaite ajouter la mobilité des enseignants. Trop peu de jeunes bénéficient des programmes de mobilité. Une conférence sera organisée les 4 et 5 novembre à Nancy sur la mobilité étudiante en Europe, dossier géré par Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Conseil adoptera des conclusions sur la mobilité, qu'il convient de relancer et de mieux faire connaître.
Les états généraux du multilinguisme se tiendront à Paris le 26 septembre, sous l'égide des ministères des affaires étrangères, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la culture. Ils réuniront 800 experts européens, ainsi que M. Leonard Orban, commissaire européen chargé du multilinguisme. Les thèmes de l'apprentissage des langues dès le plus jeune âge, de l'évaluation pour tous de deux langues en fin de scolarité obligatoire et du développement de la mobilité seront abordés. Le Conseil adoptera des conclusions sur le multilinguisme.
L'assurance qualité est nécessaire si l'on veut développer la mobilité. Les établissements européens font l'objet de classements internationaux très sévères. Pour ceux qui ne sont pas de grands pôles universitaires, aucun critère de qualité n'est disponible. C'est pourquoi il convient de créer un label d'assurance qualité des établissements d'enseignement supérieur. Cette question fera l'objet d'une conférence qui se tiendra à Strasbourg les 9 et 10 septembre 2008.
Enfin, une conférence sur la gouvernance et la performance des établissements scolaires en Europe sera organisée à Poitiers les 6 et 7 novembre et une conférence intitulée « comparaison internationale des systèmes éducatifs : un modèle européen ? » aura lieu à Nice les 13 et 14 novembre.
Le Président Pierre Lequiller s'est félicité de cette impulsion donnée par la présidence française. L'éducation est en effet l'un des moyens de s'adresser aux jeunes pour qu'ils aient une pleine conscience de l'importance de l'Europe. La paix n'est point un argument suffisant.
En réponse à deux demandes de précision du Président Pierre Lequiller, M. Xavier Darcos a indiqué que toutes les écoles de France seraient pavoisées aux couleurs de l'Europe le 2 septembre, et qu'elles le resteraient probablement pendant un certain temps. Il a rappelé que le nombre d'abibacs était d'environ 2 000, celui des bachibacs restant plus modeste. Un isabac est en cours avec l'Italie. La même démarche a été engagée avec le Royaume-Uni et, hors d'Europe, avec les Etats-Unis. S'agissant du rapprochement des scolarités allemande et française, il est important de noter qu'un manuel scolaire commun d'histoire a pu être établi. Il mentionne parfois, lorsqu'un accord n'a pas été possible, les deux points de vue.
s'est intéressé à l'enseignement des matières scientifiques et au programme de « la main à la pâte », lancée à l'initiative du professeur Georges Charpak, avant de demander s'il existait une démarche de benchmarking pour comparer des systèmes d'enseignement européens et de demander des éléments sur l'enseignement des langues étrangères. S'agissant de la France, l'allemand a beaucoup reculé ces dernières années et la situation est maintenant inverse à celle qui prévalait il y a vingt ans, où le français était moins souvent appris en Allemagne que l'allemand ne l'était en France. Un effort est-il envisagé dans le contexte de la présidence française et la renaissance du plurilinguisme ?
Après avoir insisté sur les succès du programme d'initiative scientifique, le ministre a indiqué que les colloques et réunions dont il avait fait part relevaient d'une démarche de benchmarking. Il est vrai que l'Europe de ce point de vue n'a pas d'instruments propres et qu'elle recourt à ceux qui ont été établis notamment par l'OCDE (programme PISA). Pour ce qui concerne les langues, l'objectif est que tout enfant ait été sensibilisé à une première langue au cours du primaire (ce qui revient en pratique à une initiation à l'anglais) et commence une deuxième langue vivante en sixième. Si l'allemand a beaucoup régressé en France, tel n'est plus le cas depuis quelques années. Néanmoins, dans les pays étrangers comme en France, les jeunes gens choisissent de préférence l'anglais et on constate dans des pays autrefois très francophones comme la Roumanie que le français n'est plus parlé par les nouvelles classes d'âge.
a d'abord demandé des éléments sur la mobilité des enseignants estimant utile que la présidence française la promeuve. Le besoin de mobilité et de connaissance des modalités de fonctionnement à l'étranger est d'ailleurs réciproque. Comment organiser ainsi l'accueil des enseignants français à l'étranger et vice-versa ?
S'agissant de l'enseignement professionnel, celui-ci est considéré en France comme une voie par défaut qui concerne les élèves qui n'ont pas réussi dans l'enseignement général. Il convient de tirer partie de l'exemple des autres Etats européens où de tels préjugés n'existent pas. L'approche comparative doit ainsi permettre de valoriser l'enseignement professionnel comme voie de réussite pour les élèves.
En réponse, le ministre a indiqué que le programme Comenius concernait 10 000 lycéens environ par an et que le programme Leonardo s'adressait à quelque 2 500 collégiens ou personnes en apprentissage. Il faut accroître les effectifs de manière que le nombre d'élèves concernés ne soit plus marginal. Néanmoins, les établissements comme les communes savent parfaitement en gérer les évolutions de manière décentralisée, notamment par les jumelages.
S'agissant en revanche de la mobilité des enseignants, les problèmes en termes de suivi des carrières, d'accueil de fonctionnaires exigent une intervention puissante de la part d'une organisation d'Etat. Une proposition sera faite lors du conseil Education qui se déroulera à Bordeaux. Néanmoins il ne faut pas méconnaître, comme le montre l'expérience des étudiants des IEP lors de la campagne du référendum de 2005, qu'un parcours européen n'est pas pour les étudiants le garant d'une adhésion à l'ensemble des initiatives européennes et notamment au traité. Il y a un décalage entre les sentiments positifs sur l'Europe en tant qu'espace et territoire et la défiance vis-à-vis des institutions.
S'agissant de la formation professionnelle, on est en phase de consolidation avec la reconnaissance des diplômes et il est vrai que la défaveur connue en France n'est absolument pas partagée dans les pays d'Europe du Nord et en Allemagne. Afin de faciliter les échanges, et donc le partage de ces images positives, il convient pour la France d'accélérer le passage à trois ans des filières professionnelles.
a demandé si une harmonisation se ferait en Europe sur l'âge d'entrée des enfants à l'école en soulignant que l'accueil dès trois ans en France était un avantage important notamment pour les catégories sociales défavorisées.
a rappelé qu'en France la totalité des enfants âgés de trois ans étaient scolarisés. Il n'est pas question de remettre en cause cette situation qui semble étrange à beaucoup de nos partenaires européens qui possèdent parfois des lois interdisant la scolarisation à cet âge. Il est donc très difficile de les persuader d'adopter la même politique.
La préscolarisation avant trois ans reflète par contre la difficulté de la France à résoudre la question de la petite enfance. Elle est en effet motivée par le souhait de ne pas fermer des classes et de pallier le manque d'équipements spécialisés comme les crèches. Cette situation conduit à se poser des questions quant à la pertinence de l'emploi pour cette tâche d'enseignants ayant suivi une formation de cinq années après le baccalauréat.
s'est félicité du succès du livre d'histoire franco-allemand en soulignant le côté remarquable de la partie consacrée aux années 1870-1945 qu'il était particulièrement difficile d'élaborer. Il a demandé s'il serait possible de rééditer ce livre en traduction justalinéaire afin de favoriser l'apprentissage des langues.
Il a également posé des questions sur :
- une éventuelle modification du statut de l'anglais qui perdrait son statut de langue étrangère pour devenir une matière fondamentale comme cela avait été proposé il y a quelques années ;
- le développement des séjours linguistiques par immersion complète ;
- les possibilités du développement de l'enseignement trilingue dans l'enseignement supérieur comme cela se fait actuellement à l'INSEAD ;
- le handicap éventuel pour les grandes écoles scientifiques d'assurer leur enseignement en français.
a apporté en réponse les précisions suivantes :
- le système bilangue n'a pas été retenu pour le livre d'histoire franco-allemand pour des raisons de coûts.
Ce livre a suscité beaucoup d'attraits pour nos partenaires européens : ainsi une demande a été faite pour réaliser un livre franco-tchèque. Un livre d'histoire commun à l'Europe a été envisagé mais il y a beaucoup de difficultés techniques à résoudre. Certains de nos partenaires européens sont cependant encore assez éloignés de cette problématique dans la mesure où ils sont encore en phase de restauration de leur histoire nationale ;
- des problèmes de politique internationale se posent parfois dans la mesure où nos partenaires s'émeuvent, certaines années, de l'absence de recrutements de maîtres dans leur langue, cette situation étant causée par une absence de besoins ;
- l'apprentissage des langues par un « locuteur natif » est certainement la meilleure méthode mais qui a subi un certain déclin depuis quelques années. Un système de visioconférence commence à être mis en place pour permettre cet enseignement direct. Son fonctionnement est très bon mais demeure très coûteux ;
- les voyages scolaires sont vivement encouragés et le principe est maintenant que chaque école en accomplit un malgré les difficultés tenant notamment aux coûts et aux problèmes de responsabilité ;
- le bilinguisme est certainement en retrait depuis trente ans, la plus mauvaise période ayant été les années 1980-2000.
a estimé que les questions de logistique ont, en matière européenne, une importance fondamentale. C'est à ce titre que les cahiers qui ont été proposés à tous les élèves sont une initiative très intéressante.
Le ministre a ajouté que les cahiers étaient soit envoyés aux élèves à leur domicile, soit distribués dans les écoles primaires, soit téléchargés sur Internet.
a souhaité voir précisé le rôle des collectivités locales dans cette diffusion. Cet outil est parfaitement adapté aux différentes tranches d'âge, de l'école pré-élémentaire au lycée, et l'école joue un rôle majeur en matière européenne.
S'agissant de la mise en place des drapeaux de l'Union européenne dans les écoles, il a indiqué que, si l'Etat avait organisé le pavoisement européen dans les préfectures notamment, aucune directive n'avait été adressée pour installer les drapeaux de l'Union européenne aux frontons des mairies. Il a rappelé avoir fait cette démarche de manière autonome dans sa commune et a estimé qu'une directive générale devrait être diffusée. Pour les écoles primaires, il revient aux maires de gérer le pavoisement.
Enfin, il a souhaité connaître les éventuels systèmes européens analogues au service d'accueil minimum dans les écoles élémentaires.
Le ministre a rappelé que les recteurs et les inspecteurs d'académie sont en charge du pavoisement des écoles et que le dispositif se déroule bien. Il est effectivement envisageable d'intervenir auprès des maires s'agissant des écoles élémentaires.
En ce qui concerne le service d'accueil minimum, des dispositifs comparables existent en Italie, en Espagne, en Hongrie et en Allemagne, bien que le droit de ces pays soit très différent du droit français en matière de grève dans l'éducation nationale. Cependant, c'est effectivement en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs que ce dispositif d'accueil a été créé. Enfin, à la question de la diffusion des cahiers de vacances, le ministre a répondu que 4 000 envois avaient été effectués la première semaine et que 15 000 consultations Internet avaient été enregistrées, ce qui témoigne de l'attrait du dispositif.
a souhaité, puisque le débat a porté sur le service minimum en cas de grève du personnel de l'éducation nationale, connaître les obligations de l'Etat en matière de remplacement des personnels absents.
Le ministre a convenu que le système de remplacement marche mal et n'est pas efficace. 50 000 enseignants sont affectés exclusivement aux remplacements mais, malgré ces effectifs, toutes sortes de complications administratives et de problèmes d'adéquation entre les postes rendent le système très lourd à gérer. Il existe notamment trop peu de souplesse et de possibilité d'adaptation du personnel aux différentes matières. Par ailleurs, le système géographique est absurde puisque, par exemple, une personne établie à Issy-les-Moulineaux ne peut effectuer un remplacement à Paris. Au-delà de la facétie de cette question, il est certain que la demande d'accueil minimum faite aux maires doit s'accompagner, en contrepartie, de l'engagement de l'État d'assurer les remplacements en cas d'absence.
Le Président Pierre Lequiller a rappelé les travaux effectués par un groupe franco-allemand sur les établissements culturels à l'étranger. Il s'est dit très étonné que de nombreux systèmes coexistent de manière parallèle avec, par exemple, l'Alliance française, le Goethe Institut, etc. Quels sont les efforts qui ont été entrepris pour regrouper tous ces établissements ?
Le ministre a rappelé que cette question relève de la compétence du ministre des affaires étrangères et de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) mais a ajouté que ce regroupement est tout à fait souhaitable et se fait déjà en Indonésie et en Afrique du Sud-Est. Ce mouvement se fera probablement lentement et progressera lorsque des consulats communs seront mis en place. Il est certain que la dispersion des établissements constitue une perte d'énergie et qu'une mutualisation est tout à fait souhaitable. A Manille, par exemple, c'est l'Europe qui a un sens et non pas chaque pays pris individuellement.
a indiqué qu'une mission s'était rendue à Chypre du 4 au 7 juin 2008, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, pour examiner les perspectives de règlement de la question chypriote. La mission était composée de M. Bernard Deflesselles, co-président du groupe de suivi des négociations d'adhésion avec la Turquie, et de Mme Marietta Karamanli et M. Gérard Voisin, respectivement Présidente et membre du groupe d'amitié France-Chypre. La mission a rencontré des personnalités représentatives des deux parties, chypriotes grecques et chypriotes turques, ainsi que des représentants des Nations Unies.
Chypre accède à l'indépendance avec la création de la République de Chypre, le 16 août 1960, sous la protection de trois puissances garantes : le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie. Les tensions entre les communautés apparaissent dès 1963 et conduisent à l'envoi d'une force d'interposition des Nations Unies.
Le coup d'Etat du 15 juillet 1974, fomenté contre Monseigneur Makarios par le régime des colonels grecs et l'extrême droite chypriote, en vue d'un rattachement de l'île à la Grèce, donne à la Turquie un motif pour envoyer son armée occuper la partie nord de l'île.
Les transferts de population consécutifs à cette intervention ont abouti d'abord à une séparation géographique des deux communautés puis à une séparation politique avec l'auto-proclamation, le 15 novembre 1983, de la République turque de Chypre du nord (RTCN), reconnue comme Etat souverain par la seule Turquie.
L'île a connu plusieurs tentatives de rapprochement. Après le rejet du plan Annan par la communauté chypriote grecque lors du référendum du 24 avril 2004, la définition d'une nouvelle approche des négociations directes a été approuvée par le Président de la République de Chypre, M. Tassos Papadopoulos, et le représentant de la communauté chypriote turque, M. Mehmet Ali Talat. L'accord du 8 juillet 2006 comporte des engagements sur les principes de la réunification de l'île, d'un règlement global, du refus du statu quo et du lancement de discussions bi-communautaires. Il définit également pour la première fois une démarche de bas en haut, avec la mise en place immédiate de comités techniques sur les questions de la vie quotidienne et de groupes de travail sur les questions de substance. Mais le processus s'est ensuite enlisé.
En droit, toute l'île de Chypre est entrée dans l'Union européenne en tant qu'Etat membre à partir du 1er mai 2004. L'application de l'acquis dans la partie nord de l'île est cependant suspendue jusqu'à ce que le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base d'une proposition de la Commission, en décide autrement. En pratique, la partie administrée par la République turque de Chypre nord est écartée des bénéfices des retombées de l'adhésion. Toutefois, dès le Conseil « Affaires générales » du 26 avril 2004, l'Union européenne prenait en compte l'aspiration de la communauté chypriote turque à un rapprochement qui s'était exprimée lors du référendum du 24 avril 2004.
L'aide de l'Union européenne à la communauté chypriote turque s'est traduite par trois initiatives.
Un règlement sur le franchissement par les personnes, les biens et les services, de la ligne « verte » de démarcation – non assimilable à une frontière extérieure de l'Union européenne – est entré en vigueur le 1er mai 2004.
Un deuxième règlement sur une aide financière de 259 millions d'euros pour 2004-2006 a été mis en oeuvre en 2006, afin de préparer la zone nord à s'adapter à l'acquis communautaire en prévision d'une future réunification. Cette aide de 259 millions d'euros sur trois ans n'est cependant pas suffisante par rapport à l'aide beaucoup plus substantielle de la Turquie, de plus de 300 millions d'euros par an, et ne permet pas à la communauté chypriote turque de s'émanciper réellement de son puissant tuteur.
Un troisième règlement sur le commerce direct entre la partie nord de l'île et le reste de l'Union européenne, avec régime préférentiel pour les produits originaires du nord, n'a pas été adopté en raison de la crainte de la République de Chypre que cette proposition n'aboutisse à une reconnaissance de la RTCN par l'Union européenne.
Enfin la présidence finlandaise de l'Union européenne a tenté d'établir un compromis en faisant un lien entre le commerce direct et l'ouverture des ports et aéroports turcs aux navires et avions chypriotes, contrairement à la position qu'elle avait adoptée jusque-là pour séparer clairement le processus onusien de négociation sur la réunification du processus européen de négociation d'adhésion avec la Turquie.
L'échec de cette tentative confirme la justesse de la position constante de l'Union européenne selon laquelle le processus européen et le processus onusien de négociations doivent rester distincts, même si l'Union européenne doit faciliter la recherche d'une solution politique pour soutenir les efforts du Secrétaire Général de l'ONU. Il appartient également à l'Union européenne de rappeler aux autorités turques qu'elles doivent remplir leurs obligations au titre du protocole d'Ankara sans condition préalable de réciprocité. Ce n'est pas en effet à un Etat membre d'assumer le poids des engagements d'un pays candidat vis-à-vis de l'Union européenne.
Mme Marietta Karamanli a ensuite abordé la relance des négociations pour la réunification après l'élection du Président Demetris Christofias et ses perspectives de réussite.
Une majorité des deux tiers des électeurs s'est prononcée en faveur d'une relance des négociations pour la réunification lors des élections présidentielles de février 2008. M. Demetris Christofias s'est fait élire Président de la République sur l'engagement d'une relance des négociations, mais pour une solution distincte du plan Annan.
Plusieurs raisons peuvent justifier cette relance des négociations. Le temps accentue la séparation entre les communautés et rend plus difficile la réunification. Les jeunes ne se connaissent plus et n'apprennent plus la langue de l'autre. Les deux communautés vivent de plus en plus dos à dos, même si c'est dans le calme et sans heurts interethniques.
La mission a rencontré le représentant des Nations Unies au sein de la Commission des personnes disparues et elle a visité le laboratoire de la Commission où sont rassemblés tous les ossements exhumés avant leur identification par un laboratoire ADN et la remise aux familles. Cette commission tripartite comprenant des représentants des deux communautés et des Nations Unies a disposé en 2006 d'un laboratoire et a commencé avec des équipes mixtes les exhumations au nord et au sud des restes des deux mille personnes disparues. La Commission a exhumé quatre cents corps et en a identifié cent.
Le coût s'élevant à 2,3 millions d'euros par an est couvert en 2008 grâce aux dons de l'Union européenne et d'autres pays mais il ne l'est pas pour 2009. La France sollicitée en 2006 avait consacré les sommes prévues à l'opération d'évacuation d'urgence du Liban, mais il conviendrait qu'elle manifeste sa solidarité envers les deux communautés par un geste fort pour les aider à faire leur deuil au moment où elles s'efforcent de construire un avenir commun. Une lettre du Président de la Délégation pour l'Union européenne à l'Exécutif sur ce sujet serait nécessaire.
Le statu quo actuel crée par ailleurs des tensions qui pourraient devenir des bombes à retardement. La République de Chypre a accordé aux Chypriotes turcs, par respect de ses obligations à leur égard, des droits tout en ne les soumettant pas à l'impôt. Mais les Chypriotes grecs commencent à éprouver un sentiment d'injustice quand ils ne bénéficient pas des mêmes soins gratuits ou quand une minorité de Chypriotes turcs résidant au sud peut revendiquer la restitution de ses propriétés, alors qu'ils ne disposent pas eux-mêmes du droit au retour au nord et à la restitution de leurs maisons.
Une autre raison de relancer la négociation est d'effacer l'impression ressentie par la Communauté internationale que l'intransigeance avait changé de camp après le rejet du plan Annan par les Chypriotes grecs en 2004. Ceux-ci ont d'ailleurs souhaité immédiatement reprendre les négociations.
Enfin la reconnaissance internationale de l'indépendance unilatérale du Kosovo par les Etats-Unis et une majorité d'Etats membres de l'Union européenne suscite l'inquiétude de la République de Chypre, même s'ils ont pris soin de déclarer que c'était un cas sui generis ne pouvant constituer un précédent.
Le Président Christofias et M. Talat se sont rencontrés le 21 mars et le 23 mai et ont décidé de mettre en place des groupes de travail sur les aspects politiques essentiels (territoire, garanties, sécurité, administration interne, économie…) et des comités techniques sur les questions de vie quotidienne.
Des progrès ont été accomplis dans plusieurs comités techniques pour des coopérations en matière d'environnement, d'incendie, de santé, ou sont escomptés en matière de gestion de crises, et dans certains groupes de travail, notamment en matière d'affaires européennes. Mais des difficultés sont apparues sur les points qui avaient abouti au rejet du plan Annan.
La définition du territoire des deux zones du futur Etat fédéral est une question délicate parce qu'elle amène à clarifier le nombre réel des Chypriotes turcs et des colons sur le territoire de la zone nord, où les Chypriotes turcs apparaissent désormais comme une minorité.
La sauvegarde du droit de propriété est une question capitale dans un pays où 200 000 Chypriotes grecs ont dû abandonner leurs habitations et leurs terres dans lesquelles se sont installés des Chypriotes turcs et des colons depuis quarante ans.
Les discussions sur le rapprochement économique des deux zones achoppent sur la volonté des Chypriotes turcs d'aborder d'emblée le règlement sur le commerce direct, considéré comme une condition du vote des Chypriotes turcs sur un accord de réunification de l'île.
La réussite de la négociation dépend essentiellement de la manière dont les deux parties parviendront à accorder leur vision du futur Etat réunifié.
Les deux leaders chypriote grec et chypriote turc, M. Demetris Christofias et M. Mehmet Ali Talat, ont fait une déclaration commune le 23 mai 2008, proclamant notamment qu'« ils réaffirmaient leur engagement pour une fédération bizonale, bicommunautaire avec une égalité politique, comme l'ont définie les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Ce partenariat aura un gouvernement fédéral avec une personnalité internationale unique, ainsi qu'un Etat constituant chypriote turc et un Etat constituant chypriote grec qui auront un statut égal ».
L'enjeu est d'organiser l'égalité politique entre les deux communautés dans un Etat fédéral selon des règles qui protègent la minorité sans paralyser l'Etat.
La vision des Chypriotes grecs est de créer un Etat fédéral bizonal et bicommunautaire dans lequel chaque communauté administre une partie du territoire dans le respect des droits de l'homme et des obligations permettant à un Etat membre de l'Union européenne de fonctionner. L'égalité politique dans un Etat bizonal et bicommunautaire est assurée par l'existence de deux Etats fédérés avec un statut égal et par la participation effective de la communauté chypriote turque dans l'Etat fédéral et l'administration, non pas partagés par moitié, mais avec une procédure consultative de sauvegarde des droits quand la législation de l'Etat fédéral affecte une communauté. La partie chypriote grecque demande à l'autre partie si sa vision est celle d'une société unie dans un Etat fédéral ou celle de deux sociétés, deux religions, deux Etats confédérés dans une fiction d'unité.
La partie chypriote turque exprime en effet sa méfiance à l'égard du futur Etat fédéral à travers quatre revendications :
- la création d'un nouvel Etat fédéral par les deux Etats constituants et non la transformation de l'Etat unitaire actuel de la République de Chypre en Etat fédéral ;
- l'affirmation des principes de primauté de la Constitution du nouvel Etat sur le droit européen en cas d'examen de sa compatibilité avec les principes des droits de l'homme ou de l'acquis communautaire ;
- la possibilité pour les Etats constituants d'assurer un droit de retrait de l'Etat fédéral dans certaines conditions ;
- le droit de la Turquie d'intervenir pour protéger la minorité chypriote turque au titre de puissance garante.
Autant les Chypriotes grecs ont pris leurs distances par rapport à leur puissance garante, la Grèce, autant les Chypriotes turcs semblent encore très dépendants de la Turquie.
A la question de savoir s'ils accepteraient la substitution de la garantie de l'Union européenne à celle des puissances garantes des accords de 1960, ils répondent que la majorité des Chypriotes turcs n'a actuellement pas confiance dans l'Union européenne pour sa sécurité et qu'elle préfère garder la protection de la Turquie. Une réduction de sa présence sera négociable à la fin du processus tant pour le nombre des troupes jusqu'à 650 membres comme le prévoyait le plan Annan que pour le délai de 18 ans prévu par le plan pour cette réduction. La mission les a interrogés sur la possibilité de faire un geste en acceptant une réduction de la présence militaire turque de 45 000 soldats, démesurée par rapport à leurs besoins. Ils ont répondu qu'ils avaient voté pour le plan Annan de démilitarisation de l'île, que les Chypriotes grecs l'avaient rejeté et que par conséquent, ils n'ont pas confiance.
Des gestes de réconciliation pourraient se faire à travers la vie quotidienne. Les références des communications téléphoniques ne sont pas les mêmes au nord qu'au sud et sont calquées au nord sur celles de la Turquie, le nord ne reçoit pas toutes les chaînes de télévision, une presse diversifiée n'y est pas aussi présente qu'au sud. Ces gestes sont importants pour que les deux parties ne se tournent plus le dos et ne restent pas enfermées dans leur zone.
Il faut en effet se demander si ce n'est pas la négociation de la dernière chance.
Depuis des années, les intérêts stratégiques de la Turquie par rapport à l'adhésion à l'Union européenne et à la réunification de Chypre font l'objet d'une tension permanente entre la vision kémaliste nationale et l'attitude d'ouverture du gouvernement musulman modéré du parti de la justice et du développement (AKP).
Les milieux militaires et nationalistes turcs continuent de considérer la présence dans l'île comme stratégique pour contrecarrer d'hypothétiques plans visant à encercler la Turquie. Par ailleurs l'armée a développé des intérêts économiques puissants au nord de l'île.
La crise politique intérieure qui vient d'éclater en Turquie entre les forces kémalistes laïques et le parti musulman modéré élu démocratiquement pourrait affecter l'orientation pro-européenne de la Turquie et, par conséquent, ses choix concernant la réunification de Chypre.
Les responsables chypriotes grecs se demandent comment la Turquie s'impliquerait dans la solution de la question chypriote si elle ne s'intéressait plus à son processus d'adhésion européen. Ils souhaitent que la Turquie entre dans l'Union européenne et qu'on l'accompagne pour y arriver.
Les Chypriotes turcs pourraient s'interroger sur les perspectives que leur offrirait un éventuel retour de la vision nationaliste en Turquie et décider d'accélérer les négociations directes avec l'autre communauté.
Les progrès récents accomplis par les deux parties dans leurs discussions constituent à cet égard un signe très positif.
De nouvelles mesures de confiance et de réconciliation pourraient être prises pour renforcer le nouvel état d'esprit entre les communautés.
La mission a constaté que les deux systèmes éducatifs n'enseignent plus la langue de l'autre communauté. Il pourrait être suggéré que l'Union européenne appuie des ONG chypriotes grecques et chypriotes turques pour qu'elles organisent des programmes communs d'apprentissage de la langue de l'autre communauté dans leurs zones respectives, afin que les jeunes ne restent pas enfermés dans une monoculture.
L'enjeu principal de ces négociations est de faire passer l'île d'une logique de tutelle et d'équilibre des forces à une logique d'Etat de droit et d'égalité entre tous les Chypriotes, garantie par l'appartenance de la République de Chypre à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe.
Une phase de transition entre les deux systèmes de garanties sera sans doute nécessaire afin que les Chypriotes turcs prennent confiance dans les nouvelles garanties apportées par l'Union européenne et que les Etats garants acceptent de s'effacer progressivement.
Enfin il appartiendra à la Turquie de déterminer si les intérêts de la communauté chypriote turque et ses propres intérêts sont mieux servis par une attitude de confrontation permanente ou par une approche plus constructive que l'Union européenne n'a cessé d'appeler de ses voeux.
La mission a ressenti la volonté des deux parties d'arriver à une réunification et de travailler avec la Turquie. Il ne faut pas laisser la Turquie toute seule, car sinon il y aurait un risque pour les deux parties de l'île.
Après avoir rendu hommage à l'engagement de Mme Marietta Karamanli en faveur d'une solution ainsi qu'à son objectivité pour ne pas mettre tous les torts d'un même côté, M. Gérard Voisin a souligné le rôle du Royaume-Uni, troisième puissance garante détentrice de bases souveraines sur l'île. En signant le 7 juin 2008 un memorandum of understanding avec le Président Christofias, le Royaume-Uni qui avait conclu en 2006 un accord de coopération stratégique avec la Turquie, a rééquilibré sa position et montré qu'il soutenait cette initiative de relance des négociations en faveur de la réunification. Le rôle des Etats-Unis ne doit pas non plus être négligé.
La visite de la zone tampon au centre de Nicosie, entre des maisons bombardées et un décor de théâtre sinistre qui n'a pas bougé depuis trente-quatre ans, donne l'impression qu'il pourrait être relativement facile de faire tomber cette ligne verte. Le franchissement de la ligne verte par la mission, facile la première fois, au bord de l'incident la deuxième, donne l'impression d'une situation un peu irréelle, mais qui n'est pas un blocus de même nature que le mur de Berlin.
a déclaré que le franchissement de la ligne verte peut sembler facile, mais pèse sur la vie quotidienne des gens qui doivent présenter à chaque fois leur pièce d'identité et sont soumis à des limites pour les échanges commerciaux et les transferts d'argent. Dans la zone tampon, la partie sud est habitée jusqu'à la limite du mur. De l'autre côté, il n'y a pas d'habitants mais une présence militaire qui impressionne dans un décor qui date et constitue un arrêt sur image. C'est bien une zone de séparation où les gens ne vivent pas à proximité les uns des autres.
, après avoir félicité les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, a partagé son expérience de la question chypriote, nourrie par de nombreuses rencontres et visites et par un jumelage de plus de trente ans entretenu entre la commune dont il est maire et une commune de Chypre. La France doit tirer parti de sa présidence pour faire avancer ce dossier décisif, même si force est de constater que l'Union européenne, d'abord envisagée comme un atout susceptible d'encourager la réunification grâce à la perspective de l'adhésion, est désormais à bien des égards devenue un otage. Les questions stratégiques à Chypre sont en effet d'une redoutable complexité, entremêlant des fils et des enjeux divers et parfois contradictoires. Ainsi, le refus par les Chypriotes grecs, longtemps animateurs inlassables des négociations, du plan Annan en 2004 a pu surprendre ceux qui oubliaient que les accords étaient fort éloignés des résultats effectifs des lentes négociations. Les intérêts des puissances ont joué leur rôle : il n'est pas sûr que le Royaume-Uni soit très impatient de mettre fin à la partition de l'île qui seule, du fait de la présence turque au nord, légitime sa présence. Dans le même esprit, les Etats-Unis ont souvent fait prévaloir les intérêts de l'OTAN, donc la bonne volonté turque, sur la question chypriote. La France elle-même a une position difficile. Les débats actuels sur les référendums sur les adhésions, dont l'objet est de figer, dans nos institutions, le refus politique assumé d'accepter l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, nous placent dans une posture difficile à l'égard de l'un des principaux protagonistes de la crise chypriote.
Pourtant, de nombreux éléments incitent à l'optimisme. Les efforts déployés sur le terrain par de nombreux acteurs pour résoudre l'amère question des « disparus » mériteraient d'être enfin relayés par le respect de nos engagements financiers. De même, il faut prendre la mesure du besoin de reconnaissance de M. Talat, qui semble parfaitement conscient de la nécessité pour les Chypriotes turcs de s'affranchir de la pesante domination du grand pays voisin. En face de lui, la victoire de M. Christofias, homme remarquable, sur M. Papadopoulos est révélatrice de la profonde volonté des Chypriotes grecs de renouer les fils du dialogue. Car l'enjeu n'est pas mince : c'est bien de la paix dont il s'agit, et au coeur même de l'Union européenne.
a rappelé que de nombreux obstacles demeurent néanmoins, le moindre n'étant pas le développement, des deux côtés de la « ligne verte », de classes politiques autonomes pour lesquelles la réunification de l'île pourrait signifier aussi la perte de leurs prérogatives.
a regretté la précipitation mise par la France, à travers les débats prématurés relatifs aux référendums sur l'adhésion turque, à se priver d'un atout maître dans la négociation d'un accord à Chypre. Elle ne doit pas fermer la porte ni répondre aujourd'hui à une question sur l'adhésion qui n'est pas posée, mais simplement poursuivre une négociation. Par ailleurs, le progrès dépend de la capacité des deux parties à s'émanciper de leur garant et il faut aider M. Talat à cet égard. La présidence française pourrait jouer un rôle important d'abord en apportant un soutien financier à la commission des personnes disparues . La voie du compromis passe sans doute par le traitement des questions de la vie quotidienne, apte à créer, progressivement, l'habitude du consensus et les solidarités de fait qui permettront, dans un second temps, de s'attaquer aux vraies pierres d'achoppement que sont l'enjeu politique ou la question des propriétés. Une approche subtile, compréhensive, patiente et modérée est seule de nature à respecter les très fragiles et complexes équilibres d'une région qui, de la mer Egée au Kosovo, engage dans sa vulnérabilité l'avenir de l'Europe.
a fait remarquer que parler « des communautés » n'était pas de nature à faciliter les retrouvailles après trois décennies de séparation. Le risque est de s'installer dans une situation où les acteurs jouent des interventions de l'ONU ou de l'Union européenne pour gagner du temps et rendre ainsi certaines situations irréversibles, comme une récente mission au Haut Karabakh, en Azerbaïdjan, a pu le montrer.
Le Président Pierre Lequiller a remercié les rapporteurs pour leur communication qui a apporté un éclairage passionnant sur un problème grave au sein de l'Union européenne. Il s'est déclaré partisan de réfléchir à une recommandation sur le sujet.
a répondu que le premier problème était celui des disparus et qu'il avait déjà fait l'objet de nombreuses questions écrites.
a estimé que, sur ce sujet, une lettre du Président de la Délégation pour l'Union européenne au Président de la République serait opportune.
Le Président Pierre Lequiller a insisté sur la nécessité d'augmenter l'aide accordée par l'Union européenne à la partie chypriote turque qui n'est actuellement que de 259 millions d'euros sur trois ans, notamment pour favoriser son émancipation par rapport à la Turquie qui verse une subvention annuelle de 300 millions d'euros.
La Délégation a décidé d'intervenir auprès de l'Exécutif pour que la France verse une contribution à la commission des personnes disparues, et pour que la présidence française invite l'Union européenne, d'une part, à aider les ONG chypriotes grecques et chypriotes turques à organiser des programmes d'apprentissage de la langue de l'autre communauté dans leurs zones respectives, d'autre part, à augmenter son aide financière à la communauté chypriote turque.
Puis elle a autorisé la publication du rapport d'information.