Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu, lors d'une audition commune avec la commission des affaires économiques, M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Nous sommes heureux d'accueillir M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, pour cette audition, commune avec la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche adopté par le Sénat.
Monsieur le ministre, nous vous entendrons sur les principaux éléments de ce projet de loi, ainsi que sur les avancées réalisées au Sénat, afin que nous puissions faire le point sur ce qu'il nous reste à faire pour améliorer le texte.
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est saisie pour avis sur le titre III, et M. Christian Patria en est le rapporteur. Au sein de la Commission des affaires économiques, saisie au fond, M. Michel Raison est rapporteur pour l'agriculture et M. Louis Guédon pour la pêche.
Monsieur le ministre, garantir la compétitivité de nos exploitations agricoles et la pérennité de notre modèle agricole – objectif que nous poursuivons tous – et oeuvrer à l'adaptation de l'agriculture, tant dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) que face aux problèmes mondiaux, sont autant de défis que vous avez décidé de relever. De son côté, notre Assemblée a bien travaillé, notamment sur le commerce lié à l'agriculture.
Monsieur le ministre, je suis également très heureux de vous accueillir.
La Commission du développement durable a souhaité se saisir pour avis du titre III du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche – et, plus précisément, des articles 12 à 17, traitant des questions foncières, des forêts et, plus généralement, des aspects liés à l'aménagement du territoire.
Les rapporteurs des deux Commissions ont déjà travaillé ensemble et rapproché leurs positions sur de nombreux points. Comme vient de le rappeler le président Ollier, nous sommes confrontés à des défis majeurs à l'échelle internationale, avec les fluctuations des marchés et la nécessité de préparer dans les meilleures conditions la réforme de la PAC. Pour affronter tous ces défis, notre pays devra posséder une vision claire des problèmes et une agriculture en ordre de marche. Tel est précisément l'objet du projet de loi que vous nous proposez. Nous allons nous efforcer de l'enrichir en poursuivant avec vous cet excellent travail.
Je suis heureux de présenter ce soir le projet de loi portant modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui a été adopté par le Sénat samedi soir et est désormais entre vos mains pour être amélioré dans le sens que les débats voudront bien indiquer.
Je formulerai tout d'abord quelques remarques préalables afin d'expliquer le sens et les objectifs de ce texte.
Nous devons tous être conscients que le monde agricole connaît un changement qui est, pour nombre d'agriculteurs dans le monde, une véritable révolution. L'un des objectifs du projet de loi est justement de permettre aux agriculteurs de répondre à ce changement et de disposer à cet effet des outils nécessaires afin que l'agriculture française reste la première en Europe et l'une des premières dans le monde.
Le changement de monde agricole se traduit d'abord par de nouvelles pratiques agricoles, absolument indispensables. L'agriculture durable est un objectif que nul ne peut contester, ne serait-ce que pour des raisons économiques : les agriculteurs doivent pouvoir être moins dépendants des intrants et des énergies fossiles afin que les coûts de revient soient acceptables – sans parler de l'acceptabilité de l'agriculture par les citoyens d'Europe.
Il se traduit aussi par l'apparition de nouveaux acteurs, qui sont offensifs et compétitifs et nous prennent, mois après mois, des parts de marché de plus en plus importantes. Voilà encore quelques années, l'agriculture dans le monde se résumait à un face-à-face entre les États-Unis et l'Union européenne. Aujourd'hui apparaissent dans ce paysage le Brésil, la Chine, l'Inde et la Russie qui, dans toutes les filières où nous sommes présents, deviennent plus compétitifs et plus innovants que nous. Le Brésil a entamé un partenariat avec 46 pays africains pour fournir à ceux-ci tracteurs, motorisation et OGM. La Russie est capable, avec les autres pays de la mer Noire, d'être présente sur des marchés où nous étions monopolistiques voilà encore quelques années, en particulier dans les pays d'Afrique du Nord. Le Brésil, la Chine et l'Inde ont conclu des ententes sur la gestion de leurs stocks afin de mieux maîtriser les prix. Face à cette situation, l'Union européenne n'est pas suffisamment organisée et les agricultures européennes ne sont pas assez en ordre de marche.
Ces nouveaux acteurs sont aussi, au sein de l'Union européenne, des États qui, jusqu'alors peu présent dans le domaine agricole, nous prennent désormais des parts de marché. Ainsi, l'Allemagne produit aujourd'hui 2,5 fois plus de fraises que la France, alors qu'elle en produisait très peu voilà seulement quelques années, et nos importations de lait frais en provenance de ce pays ont augmenté de 70 % depuis le mois de janvier 2010.
La réalité agricole est que nous sommes confrontés à des compétiteurs qui ont parfaitement compris que l'agriculture ne relevait pas du folklore, mais qu'elle était un enjeu économique et stratégique majeur. Je ne suis malheureusement pas certain que tous nos partenaires européens l'aient compris.
Une troisième caractéristique du changement du monde agricole tient à la volatilité des prix. Voilà dix ans, les prix variaient de 5 % à 10 % voire 15 % d'une année sur l'autre. Aujourd'hui, cette variation peut-être de 30 % à 50 %, de telle sorte que les producteurs de lait, par exemple, qui avaient l'habitude de négocier les prix de gré à gré et au mois le mois, se trouvent dans des situations intenables lorsque le prix de la tonne de lait passe d'un mois sur l'autre de 400 euros à 230 ou 220 euros.
Par ailleurs, les risques sanitaires et environnementaux ont quintuplé en quinze ans. Les crises sanitaires, alors rarissimes, sont aujourd'hui omniprésentes, à raison d'une par an. Il faut donc permettre à nos agriculteurs d'y faire face dans les meilleures conditions. Les choix sont clairs : il faut s'adapter ou mourir. Soit nous sommes capables de donner à notre agriculture les moyens d'affronter cette nouvelle donne agricole, soit nous la laisserons dépérir, lentement mais sûrement, en la réduisant à un aspect sympathique, mais résiduel, de l'activité économique française. Ce choix n'est évidemment pas le nôtre.
Le Gouvernement entend défendre la place stratégique majeure de l'agriculture dans l'économie française : elle représente des centaines de milliers d'emplois, participe à l'activité sur tout le territoire, permet d'aménager nos paysages, constitue une partie essentielle de notre identité. Il n'y a, sur la place qu'elle doit occuper, aucune négociation possible.
L'objectif du Gouvernement est également de défendre un modèle agricole français très particulier – et, il faut l'avouer, très isolé en Europe, ce qui complique nos débats –, fondé sur la diversité des produits, sur leur valorisation et sur la présence d'une activité agricole sur tout le territoire. Cet objectif aussi est indispensable.
Enfin, la loi n'est pas l'alpha et l'oméga de nos efforts en faveur de l'agriculture. Elle ne suffira pas, à elle seule, à résoudre tous les problèmes de celle-ci, et ce n'est d'ailleurs pas sa fonction. Elle doit donner aux agriculteurs et aux pêcheurs de notre pays les instruments économiques qui leur permettent de se battre à armes égales avec des pays européens qui ont déjà fait les adaptations et pris les mesures nécessaires. Elle devra s'articuler autour de deux autres mesures indispensables : les plans de développement des filières, qui nous permettront de prendre, filière par filière, les mesures nécessaires pour améliorer la compétitivité de chacune de productions agricoles, et une réforme ambitieuse de la politique agricole commune, qui laisse toute sa place à l'agriculture française.
J'en viens maintenant au texte même qui vous est soumis.
Le titre Ier fait de l'alimentation le premier objectif politique de l'agriculture. C'est là un vrai changement, que nous assumons pleinement : si nous voulons que l'agriculture garde toute sa légitimité en France, il nous semble indispensable de la relier à une politique publique de l'alimentation et de faire en sorte que cette politique soit fondée sur des règles nutritionnelles plus efficaces et mieux contrôlées et s'accompagne du développement de circuits courts qui correspondent à une attente sociale forte et nous paraissent plus raisonnables en matière de développement économique. Cette politique devra également reposer sur un étiquetage beaucoup plus précis, afin de mieux renseigner le consommateur et de mieux valoriser nos produits régionaux.
En deuxième lieu, le texte fait de la contractualisation le point de départ de relations commerciales rénovées entre le producteur et les industriels. J'ai bien entendu toutes les remarques et toutes les critiques formulées à propos des contrats. Il me semble que, sur la base des observations exprimées par les parlementaires, par les organisations syndicales représentatives et par les professionnels, nous avons considérablement amélioré le texte du projet de loi. Le contrat me paraît être un instrument indispensable pour permettre aux agriculteurs de faire face à la volatilité des prix. Il serait certes plus facile pour moi de prétendre que celle-ci va disparaître, mais je n'y crois pas un instant. Il me paraît bien plus raisonnable de dire que le contrat donnera aux agriculteurs une visibilité de plusieurs années quant à leur niveau de revenu.
À elle seule, la contractualisation ne suffira pas. Elle doit donc s'accompagner d'un pouvoir de négociation renforcé des producteurs. En matière de production laitière, par exemple, les règles de la concurrence européenne interdisent, pour négocier avec un industriel, une alliance de plus de 400 producteurs, ce qui est fort peu. Nous souhaitons porter ce chiffre à plus de 4 000 en modifiant le droit de la concurrence européen, afin de permettre aux producteurs de négocier d'égal à égal avec les industriels.
Faire évoluer les règles de concurrence est un combat que nous allons poursuivre d'autant que nous aurons gain de cause sur le renforcement des organisations de producteurs – Dacian Cioloş, le commissaire européen à l'agriculture, me l'a promis hier lors d'une réunion formelle des ministres de l'agriculture en Espagne.
La France sera la première en Europe à mettre en oeuvre de tels contrats, qui prochainement – au plus tard en 2013 – seront à leur tour proposés par la Commission européenne comme nouveau mode de relation entre les producteurs et les industriels.
S'agissant des règles et de la forme des contrats, nous avons voulu tenir compte de la réalité du terrain et éviter que l'État ne les impose. Le texte propose donc que leur mise en place relève des interprofessions, à charge pour l'État de prendre le relais si ces dernières n'y parviennent pas. Les filières prioritaires sont le lait et les fruits et légumes. Si les contrats types ne sont pas proposés par les interprofessions d'ici à la fin de l'année 2010, nous les imposerons par décret.
Par ailleurs, ces contrats sont très protecteurs, car ils prévoient à la fois une durée – d'un à cinq ans –, un volume et un prix. Il est indispensable que les interprofessions aient la faculté de définir des indicateurs de tendance de marché susceptibles de servir de référence pour définir le prix fixé par contrat entre le producteur et l'industriel.
J'entends bien les critiques qui peuvent être formulées à ce propos. Au fil des consultations menées depuis un an sur ce texte, qui représentent des centaines d'auditions et d'entretiens, aucun instrument susceptible d'être une alternative au contrat n'a été proposé. Si nous en restons à la pratique existante – le gré à gré, qui laisse le producteur seul face à un industriel qui fait tel prix pour un mois et ne s'engage à rien pour le mois suivant –, les producteurs disparaîtront par centaines. Si, au contraire, nous nous dotons d'instruments modernes tels que les contrats, avec toutes les garanties dont nous les avons entourés, nous pouvons garantir un revenu stable à nos producteurs.
En troisième lieu, le projet de loi tend à permettre des relations commerciales plus équilibrées. Il faut rétablir un partage de valeur plus favorable au sein de la filière alimentaire, notamment dans le secteur des fruits et légumes, en rééquilibrant le rapport de force au profit des producteurs, qui ont été trop longtemps la variable d'ajustement de la filière alimentaire. Nous proposons de supprimer totalement la pratique des remises, rabais et ristournes, qui n'a pas produit d'effets positifs. Il en va de même du prix après-vente, qui tend à se développer de manière outrancière. Ainsi, dans le secteur des fruits et légumes, les producteurs ne savent pas combien ils seront payés au moment où ils livrent leurs produits et le négociant fixe arbitrairement les prix, a posteriori, en fonction de celui auquel il les aura lui-même vendus. C'est là pour le producteur une situation d'infériorité. Enfin, la grande distribution a accepté d'appliquer une baisse automatique de ses marges en période de crise. Si cet accord n'est pas respecté, le projet de loi propose d'appliquer aux distributeurs une taxe sur les surfaces commerciales.
Plus globalement, le pouvoir de négociation des producteurs doit être renforcé, notamment en faisant évoluer, là encore, le droit à la concurrence et en renforçant le rôle des interprofessions.
Pour revenir sur une question que m'a posée aujourd'hui M. Rochebloine lors de la séance des questions au Gouvernement, je précise que j'assume parfaitement le respect des règles européennes – ce qui n'est pas été le cas de tous les ministres de l'agriculture. Il me semble en effet préférable d'aller le plus loin possible dans le cadre des règles existantes, puis de les faire évoluer, notamment en matière de droit de la concurrence, plutôt que d'inscrire dans la loi française des dispositions qui seraient certes populaires, mais en contradiction avec le droit européen, ce qui rendrait plus difficile la négociation de la PAC.
En quatrième lieu, le texte prévoit le renforcement des pouvoirs d'enquête de l'Observatoire des prix et des marges, obligation étant faite aux industriels ou aux distributeurs de transmettre à l'INSEE les données relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, avec pour sanction la publication de la liste des établissements refusant de s'y soumettre.
Pour la première fois, l'Observatoire, qui se résume aujourd'hui à la transmission de données par Internet, aura une forme physique. Il sera doté d'un président capable de servir d'interprète aux orientations fixées. De la même façon, il étudiera tous les produits agricoles, et non pas seulement cinq comme aujourd'hui. Il rendra un rapport au Parlement et son président sera chargé de présenter l'analyse de ces données. Enfin, il s'intéressera aussi aux coûts de production des producteurs, afin de comparer les marges.
En cinquième lieu, le projet de loi tend – aspect essentiel à mes yeux – au renforcement de la couverture contre les aléas. Compte tenu du fait, en effet, que les aléas sanitaires, environnementaux et économiques iront croissants dans les prochaines années, il faut doter les producteurs de nouveaux instruments leur permettant d'y faire face, en complément de ceux que l'État met déjà à leur disposition.
Pour les aléas sanitaires et environnementaux, la loi crée le Fonds national de gestion des risques en agriculture. Des fonds de mutualisation professionnelle seront également créés, soutenus par le Fonds national à hauteur de 65 % des dépenses engagées. Le développement des assurances et des fonds de mutualisation n'expriment pas un désengagement de l'État, car celui-ci reste présent pour cofinancer ou subventionner ces différents mécanismes.
Pour les aléas climatiques, le Fonds de garantie des calamités agricoles est maintenu pour les secteurs qui ne sont pas couverts ou qui le sont insuffisamment. Surtout, l'assurance récolte contre les aléas climatiques est encouragée et développée. Le soutien public à cet effet passera de 32 millions d'euros à 133 millions d'euros par an et la subvention sera portée à 65 % de la prime d'assurance, ce qui sera une incitation forte à développer l'assurance dans ces secteurs.
Enfin, pour la première fois de l'histoire agricole, une réassurance publique sera mise en place qui permettra de développer des produits assurantiels dans des secteurs qui n'en disposent pas. Un exemple caractéristique est celui de l'élevage et des fourrages, pour lesquels il n'existe pas un tel dispositif, car les assureurs privés craignent que celui-ci leur coûte trop cher. Je rappelle à ce propos qu'en Allemagne, l'élevage est assuré à hauteur de 25 %, alors qu'il ne l'est pas du tout en France.
La déduction pour aléas a été élargie aux aléas économiques grâce à votre Assemblée, dans le cadre de la loi de finances. J'ajoute qu'en matière d'assurance, la forêt n'a pas été oubliée : le texte prévoit la création d'un compte d'épargne défiscalisé destiné à développer l'assurance forêt.
Si donc vous adoptez le projet de loi, ce ne seront plus, comme aujourd'hui, 15 % des agriculteurs qui posséderont une assurance, mais nous aurons mis en place un système dans lequel toutes les filières agricoles, y compris la forêt et l'élevage, disposeront de dispositifs assurantiels subventionnés à 65 % par l'État. C'est là un changement majeur dans la vie agricole française.
Un dernier élément que prévoit le texte est la préservation de l'outil de production : le foncier agricole. De fait, la France perd tous les dix ans l'équivalent d'un département en surface agricole utile (SAU), soit 200 hectares par jour. Pour ralentir cette perte, nous proposons un système calqué sur le dispositif adopté voilà plusieurs années par l'Allemagne, où il a permis de réduire considérablement la perte de terres agricoles. Il repose sur un dispositif à trois étages : un Observatoire de la consommation des terres agricoles, une commission départementale de la consommation des espaces agricoles, qui rendra un avis sur les modifications des documents d'urbanisme, et une taxe sur la mutation – qui ne portera que sur la spéculation, car elle ne s'appliquera que lorsque le prix de la terre sera multiplié par 10. À l'initiative des sénateurs, il a été proposé d'affecter cette taxe à l'installation des jeunes agriculteurs, ce qui permettra de compléter les dispositifs existants et est particulièrement bien perçu par les intéressés.
Pour conclure, je rappelle que le projet de loi est une partie de l'ensemble que représente une politique agricole plus globale, dans laquelle la politique agricole commune a une place essentielle. Par ailleurs, nous n'avons que trop tardé à mettre en place ces changements et ces outils économiques pour permettre à notre agriculture d'être aussi compétitive que celles de nos grands voisins et partenaires européens et mondiaux.
Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation très claire. Nous sommes très sensibles aux évolutions que le Sénat a imprimées à ce projet de loi et nous nous efforcerons de continuer à l'améliorer. Il ne nous a pas échappé, cependant, que le texte est passé de 24 à 65 articles.
Monsieur le ministre, vous nous avez démontré dans votre introduction que le projet de loi de modernisation agricole était un levier français parmi l'ensemble de ceux dont on dispose au niveau tant de l'OMC que de la PAC et à l'égard des agriculteurs eux-mêmes. Nous avons la chance que vous soyez un brillant défenseur de la France au niveau de l'Union européenne comme au niveau international. Sans cette volonté du Gouvernement français, la loi de modernisation agricole elle-même ne servirait à rien.
L'examen de ce projet de loi au Sénat, vous l'avez dit, a permis d'enrichir le texte sur de nombreux points et d'apporter plusieurs précisions auxquelles nous ne pouvons que souscrire – je pense en particulier à la primauté des accords interprofessionnels pour la fixation des contrats types, à l'obligation pour le Gouvernement de présenter les modalités d'une réassurance publique tant attendue en réponse aux événements exceptionnels susceptibles de frapper l'agriculture, ou encore à l'affectation de la taxe sur la SAU sortant du domaine agricole, d'abord supprimée en commission par le Sénat, puis réintroduite et affectée à l'installation des jeunes agriculteurs.
Pour ce qui est de la politique publique de l'alimentation, qui constitue l'orientation essentielle pour l'agriculture, le Sénat a également très bien travaillé sur le texte. J'estime néanmoins que le lien entre le programme national de l'alimentation (PNA) et le programme national nutrition-santé (PNNS) devrait être mieux explicité dans le texte : nous pouvons donc encore l'améliorer sur ce point, ainsi que, plus généralement, sur la possibilité de développer des partenariats pour la mise en oeuvre du PNA.
D'autres dossiers, comme celui de la formation obligatoire, pourraient encore être abordés, sans pour autant alourdir le système français, qui a coutume de fixer un peu plus de règles que la moyenne européenne. Nous avons pris note de votre intention de respecter la règle européenne et nous vous surprendrons peut-être avec des propositions permettant, certes, de la respecter, mais sans plus.
Vous avez été très clair quant aux modalités de la contractualisation et aux objectifs que vous poursuivez au moyen de cet instrument. Les auditions que nous avons menées à son sujet nous ont permis d'observer des réactions très contrastées des interprofessions et des différentes filières, et il faudra vraisemblablement en faire la promotion. Par ailleurs, la totalité des acteurs souligne la nécessité d'inscrire les contrats dans une démarche plus globale de régulation et de gestion des marchés au niveau communautaire. Le texte précise d'ailleurs dans son introduction que la loi ne peut fonctionner que si le gouvernement et la Présidence de la République font leur travail dans le cadre des « bras de fer » qu'ils ont à livrer au niveau international. Des négociations sont en cours et le groupe d'experts à haut niveau de l'Union européenne sur le lait doit rendre ses conclusions au mois de juin. Pouvez-vous déjà nous dire s'il sera concrètement possible d'avancer sur ce sujet au niveau communautaire ?
Je souhaiterais également que vous nous fournissiez des explications sur la suppression que vous annoncez du prix après vente, laquelle ne me semble pas ressortir clairement du texte adopté par le Sénat.
L'Observatoire des prix et des marges est un instrument très demandé, au niveau des producteurs comme à celui des consommateurs, et même à celui des distributeurs, mais il faut le mettre en oeuvre avec prudence. Pour être véritablement au service de la transparence, il doit être un outil reconnu, et donc irréprochable. Se posera donc inévitablement la question des moyens qui lui seront consacrés et il conviendra d'être vigilant en loi de finances sur les dotations allouées à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et aux services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d'ailleurs très sollicités, d'une manière générale, dans le cadre de l'application des dispositions de la future loi comme ils le sont pour la loi sur la modernisation de l'économie. Enfin, l'Observatoire doit éviter les amalgames et ne pas sombrer dans des querelles internes. Je suggérerais donc que l'étude de la formation des prix soit bien différenciée de celle des coûts de production. Il conviendrait également de veiller à ce que l'évaluation des marges tienne compte de tous les paramètres en jeu.
Enfin, l'objectif de modernisation poursuivi dans le projet de loi doit donner aux agriculteurs les moyens nécessaires pour être plus compétitifs collectivement et pour mieux faire face aux aléas, notamment économiques, de plus en plus fréquents avec les fluctuations actuelles des cours. À cet égard, l'incitation à la création d'une épargne de précaution doit être un objectif majeur pour notre agriculture. Dans cette perspective, la dotation pour aléas (DPA) a connu récemment plusieurs modifications importantes, dont la dernière, apportée en loi de finances rectificative pour 2009, a permis d'étendre son champ aux aléas économiques. Sans vouloir faire évoluer encore le régime de la DPA, je pense vous proposer certains aménagements fiscaux, visant aussi la déduction pour investissement (DPI), qui encourage l'investissement. Compte tenu de la situation actuelle des exploitations agricoles, il conviendrait aussi d'encourager davantage l'épargne et de disposer de provisions pour d'autres utilisations.
Enfin, des outils et des règles applicables à l'agriculture sont aujourd'hui archaïques et inadaptés au monde dans lequel les agriculteurs évoluent. La simplification, évoquée depuis des décennies, doit donc être considérée comme une priorité. Nous disposons en la matière de marges de manoeuvre pour simplifier les mécanismes et appliquer certaines directives d'une manière plus productive. Ce n'est pas ici le lieu de rouvrir le débat sur le contrôle des structures, mais nous disposons aussi de marges de manoeuvre pour simplifier la vie des agriculteurs et leur proposer des outils simples et opérationnels pour une meilleure gestion de leurs exploitations. Ainsi, il ne serait pas absurde de permettre la constitution d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) entre mari et femme, ce qui est actuellement impossible – cette impossibilité a donné lieu à des situations aberrantes, certains couples d'agriculteurs ayant séparé leurs exploitations, voire divorcé pour des raisons administratives.
Un dernier mot sur le volet du texte consacré à la forêt : j'approuve pleinement l'initiative du Sénat visant à créer un compte épargne forestière et à inciter au développement de l'assurance forestière. Les tempêtes que nous avons connues ont néanmoins démontré que l'assurance ne peut pas tout et je déplore que le Gouvernement ait souhaité traduire aussi fermement dans le texte sa volonté de désengagement, à l'avenir, des dépenses de nettoyage et de reconstitution. Il me semble qu'il faudra réexaminer très sérieusement ces dispositions.
Je tiens à préciser, avant que M. le rapporteur pour la pêche n'intervienne à son tour, que l'examen du texte au Sénat a séparé l'agriculture et la pêche. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas évoqué ici le volet consacré à la pêche. Je répondrai néanmoins aux questions de M. Guédon sur ce point.
Merci de cette précision, monsieur le ministre. Mais ceux d'entre nous qui ont une culture maritime savent que les marins se passent de dialectique – entre la mer et l'homme, c'est la mer qui gagne ou c'est l'homme. Ne pas évoquer les problèmes de la pêche dans la crise actuelle – nous avons, depuis trente ans, perdu la moitié de nos bateaux, de nos équipages et du tonnage de nos ports –, ne peut donc que les décevoir. D'autant que l'on ne saurait parler de « loi de modernisation de la pêche », les sept articles la concernant ne procédant, après les espoirs déçus de la loi de 1997, qu'à un replâtrage. Je ne suis donc pas content.
Le littoral français, qui est le plus grand d'Europe avec ses 5 000 kilomètres de côtes et qui représente une puissance économique considérable, doit être mieux traité au sein de l'Assemblée nationale. Le monde de la mer mérite plus de considération que d'être oublié dans les déclarations du ministre.
Je précise à nouveau que le débat qui s'est tenu au Sénat a séparé l'agriculture et la pêche. Pardonnez-moi d'avoir adopté ici la même démarche.
La préparation du projet de loi a donné lieu à de nombreuses auditions dans l'ensemble du monde de la pêche, dans tous les bassins – Manche, Atlantique et Méditerranée. Les marins considèrent que le texte est positif car, s'il n'est pas un texte de modernisation, il permet au moins de pallier les principales inquiétudes.
Le comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture dont la création est prévue répond à ma demande, que je formule depuis dix-sept ans, de rapprochement entre scientifiques et marins. Cependant, si les marins possèdent les indispensables expérimentations dont les scientifiques ont besoin, le comité scientifique devra aborder des domaines économiques, environnementaux et sociaux. Il n'est donc pas normal que les élus du littoral, chargés d'équiper les ports et les bassins et de prendre en charge les aspects sociaux, en soient rejetés au profit des seuls mouvements écologiques qui tendent à prendre toute la place de la société civile.
La conférence régionale qui doit être instituée est une bonne chose, mais il est prévu qu'elle ne se réunisse que tous les cinq ans pour faire des bilans, alors que les quotas qui régissent la pêche sont fixés à Bruxelles tous les ans. Les réunions devraient se tenir chaque année pour faire le point sur un secteur en crise.
En matière d'agriculture marine, la France, qui était à la pointe de la recherche mondiale, est désormais distancée par de nombreux pays tels que la Grèce, l'Espagne et la Norvège, et elle doit retrouver sa position.
Pour ce qui est des moyens des organisations de producteurs, le texte prévoit à juste titre la répartition des totaux admissibles de captures (TAC) et des quotas, c'est-à-dire des droits de pêche. Cette excellente disposition est très bien accueillie par le monde de la mer. Les organisations de pêche doivent pouvoir déterminer les droits de pêche et sanctionner ceux qui commettent des erreurs.
En ce qui concerne la réorganisation des comités, le maintien des comités locaux, envisagé au Sénat, n'est pas possible. Ces structures avaient droit de cité lorsque les ports disposaient d'un potentiel financier qui leur permettait d'être autonomes, ce qui n'est plus le cas. La pêche souffre de la guerre fratricide qui fait rage pour la survie. Il est donc indispensable de privilégier la place des comités régionaux dans le texte et de prévoir l'installation dans les ports d'antennes chargées d'accueillir les marins qui ont passé plusieurs semaines en mer et ne peuvent se rendre, par exemple, à Nantes ou à Rennes pour déposer un dossier. Des structures départementales sont possibles dans certains départements, comme le Finistère, qui comptent de nombreux ports, mais elles s'imposent moins dans d'autres. Il importe donc de conserver une structure régionale et des antennes locales, en laissant facultative l'installation d'une structure départementale.
La conchyliculture est un secteur important et en grande souffrance. Avec une mortalité de 50 % des naissains et compte tenu du fait qu'une huître n'est commercialisable qu'au bout de trois ans, on sait déjà que l'ostréiculture sera sinistrée l'an prochain et qu'il n'y aura aucun point de vente.
Quant à la consultation du public sur les aménagements, la société civile ne saurait, je le répète, se limiter aux seuls mouvements environnementaux. Les élus de la République doivent avoir leur place dans toutes les représentations nationales.
Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons, mais les marins sont des citoyens au même titre que les agriculteurs et doivent être entendus comme eux.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour la clarté de votre exposé. Quelques interrogations demeurent cependant.
Comme l'a précisé le président Christian Jacob, la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ne s'est saisie que du titre III, consacré au foncier et à la forêt. Ce titre, qui comptait six articles lors du dépôt du projet de loi, en regroupe désormais vingt et un après l'examen du texte par le Sénat.
Les délais d'examen sont courts, car notre Commission se réunira mardi prochain pour formuler son avis sur le texte. Aussi les questions que je vous poserai se concentreront-elles sur les modifications apportées par le Sénat.
Tout d'abord, la taxe sur les changements d'usage du foncier agricole mérite quelques explications. De fait, l'exposé des motifs de votre texte observe qu'il faut limiter le rythme de consommation des terres agricoles. En 1960, 30 000 hectares quittaient l'agriculture pour un changement de destination. Ce chiffre est aujourd'hui de 75 000 et on ne peut laisser cette hémorragie se poursuivre alors que de nombreuses zones sont en friche. La création d'un Observatoire est une excellente chose et une commission départementale de la consommation des espaces agricoles est également nécessaire pour alerter en cas de besoin. Quant à la taxe sur la mutation, que la Commission des affaires économiques du Sénat avait décidé de supprimer, elle a été rétablie par un amendement du Gouvernement et il est désormais proposé de l'affecter à l'installation des jeunes agriculteurs. Quel produit en attend-on ? Est-il positif d'instaurer un nouvel impôt ? Cette taxe sera-t-elle réellement dissuasive ? Je suis quelque peu perplexe à ce sujet.
En deuxième lieu, quel regard jetez-vous sur les articles 17 bis et suivants, qui modifient l'organisation des chambres d'agriculture ?
En troisième lieu, pouvez-vous préciser quel serait le fonctionnement du compte épargne d'assurance pour la forêt (CEAF) ?
Comment, enfin, exploiter au mieux la richesse forestière française ? Permettez-moi de citer un chiffre très parlant : la France compte 3,5 millions de propriétaires de forêt, donc 2,5 millions possèdent moins d'un hectare. Il s'ensuit que la forêt n'est pas très bien exploitée. Comment lutter contre son morcellement ? L'article 15 bis A, qui institue une obligation d'information des propriétaires voisins pour la vente de parcelles de moins de quatre hectares, permettra peut-être de diminuer le nombre de propriétaires. Comment favoriser un remembrement forestier que les acteurs de la filière appellent de leurs voeux ? L'outil fiscal, qui inciterait les petits propriétaires forestiers à se séparer de leurs parcelles en cas de succession, ne serait-il pas alors le mieux adapté ?
Pour finir, je soutiens pleinement, à titre personnel, l'excellente initiative qui permettrait la constitution de GAEC entre époux.
Je commencerai par situer le contexte dans lequel se déroule l'examen de ce texte.
Sur le plan international, nous sommes dans la phase de la libéralisation des échanges que défend et organise l'OMC. Nous contestons cette forme de libéralisation et sommes persuadés que, plutôt que de livrer le monde aux marchands, nous devrions tous défendre l'intérêt général, qui est la possibilité pour chacun des peuples d'assurer sa souveraineté alimentaire. Nous prônons, en outre, la relocalisation des productions agricoles dans le monde, car les échanges inutiles de matières premières devraient être dès aujourd'hui limités si nous voulons laisser à ceux qui nous succéderont une planète en meilleur état qu'aujourd'hui.
Sur le plan européen, nous traversons également une phase de libéralisation et assistons, année après année, au démantèlement de tous les outils de régulation que l'Union européenne avait mis en place – je pense notamment aux outils de maîtrise de la production, tels les quotas, le gel des terres ou la législation sur les plantations de vigne, ou encore les stockages publics, peu à peu abandonnés. On assiste aussi, année après année, à l'abandon de la préférence communautaire, qui était l'un des fondements de la politique agricole commune. L'OMC imposant la libéralisation des échanges, il est désormais impossible d'assurer cette préférence communautaire, que promettait Nicolas Sarkozy dans sa campagne électorale.
À la veille de la renégociation de la PAC, on voit bien que celle-ci se prépare sous de mauvais auspices, car ce sont essentiellement les contingences financières qui président à cette renégociation, et l'Union européenne n'a pas la capacité de définir des objectifs clairs pour une politique de l'alimentation et l'agriculture. Là encore, nous prônons l'harmonisation sociale et fiscale en Europe et regrettons que vos amis politiques soient muets depuis des années sur ce sujet. On voit bien cependant que le manque d'harmonisation sociale et fiscale crée des distorsions de concurrence qui se retournent directement contre nos agriculteurs. Nous perdons des parts de marché importantes. La Dordogne, dont je suis élu, comptait 1 250 producteurs de fraises. Il en reste 200 aujourd'hui, à cause notamment des distorsions de concurrence en matière de main-d'oeuvre, qui font que la fraise française n'est plus concurrentielle par rapport à la fraise allemande.
Nous devons tous prôner l'harmonisation sociale et fiscale, que les libéraux que vous êtes ne cessent de combattre – nous le regrettons.
Sur le plan national, vous avez déclaré vous-même, monsieur le ministre – il faut vous reconnaître ce courage –, que l'agriculture vivait la crise la plus dure qu'elle ait connue depuis plus de trente années. Ce sont en effet des milliers d'exploitations agricoles qui disparaissent chaque mois. Le journal Les Échos publiait voici quelques semaines une enquête indiquant que 13 % des exploitants agricoles arrêteraient leur activité dans les douze mois à venir – soit, au bas mot, 40 000 à 50 000 exploitations. Deux cent mille à trois cent mille emplois sont en jeu dans les deux ans à venir dans ce secteur de l'économie.
Dans ce contexte très difficile, vous ne soutenez aucune position ou proposition politique susceptible d'inverser cette tendance sur le fond et nous proposez quelques emplâtres dans une loi qui, comme vous le reconnaissez vous-même et comme nous le confirment tous les représentants syndicaux et les professionnels que nous avons auditionnés depuis plusieurs semaines, ne changera malheureusement rien à la catastrophe annoncée.
L'un des piliers du texte est la contractualisation. Celle-ci existe déjà depuis des décennies et ne remplacera pas les outils de régulation. Jusqu'où la contractualisation sera-t-elle eurocompatible ? Nous avons le douloureux souvenir de la décision de la DGCCRF qui a été l'un des facteurs déclenchants de la crise du lait.
Quant à l'assurance récolte, n'êtes-vous pas en train de désengager les pouvoirs publics du soutien aux agriculteurs face aux aléas climatiques, pour les livrer aux assurances privées ?
En termes de démocratie, de nombreux agriculteurs réclament depuis des années la reconnaissance de la pluralité syndicale. Il paraît aujourd'hui inconcevable qu'un seul syndicat reconnu puisse siéger dans les interprofessions. Quelle est votre position ?
Par ailleurs, le texte n'évoque pas l'installation des jeunes. J'ai indiqué ce matin aux jeunes agriculteurs, que nous recevions en commission, que le groupe socialiste soutiendrait un amendement supprimant la surface minimale d'installation, qui nous semble être aujourd'hui un frein à l'installation. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, vous avez déclaré voici une dizaine de jours sur la chaîne LCI, qu'au terme de la réforme des retraites, aucun agriculteur ne percevrait une retraite inférieure au minimum vieillesse. Personne n'a compris, dans les milieux concernés et à la Mutualité sociale agricole, à qui vous vous adressiez. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Comme M. Guédon, je regrette que M. le ministre n'ait pas évoqué la pêche, car le texte que nous examinons porte sur ces deux activités. Comme l'agriculture et les agriculteurs, la pêche et les pêcheurs sont en difficulté. Le prix du poisson est en baisse, les charges sont élevées, les navires sont anciens et la ressource diminue, de telle sorte que l'avenir n'est pas très serein. En outre, les plans de sortie de flotte ont considérablement affaibli certains territoires littoraux. La visibilité n'est donc pas bonne pour cette activité économique importante et ce ne sont pas les questions qui demeurent sur la future politique commune des pêches qui rassureront les pêcheurs. Bien qu'encore imprécis, les propos de la commissaire européenne sur les droits de pêche transmissibles ou la régionalisation, entendus hier à Bruxelles, où je me trouvais avec quelques élus, n'ont rien non plus pour nous rassurer.
J'ai lu que les pêcheurs se sentaient abandonnés, ce qui est particulièrement désolant au vu de tout ce qui a été réalisé ces derniers mois, comme les Grenelle de l'environnement et de la mer, ou les Assises de la pêche. Comme dans bien des domaines, la confiance a disparu.
Le projet de loi permettra-t-il d'améliorer la situation ? Il comporte certes des points positifs, comme la création du comité de liaison scientifique, qui était très attendue par les différentes parties, les schémas régionaux de développement de l'aquaculture, ou la conférence régionale de l'utilisation de la mer et du littoral. Un point de tension demeure cependant pour ce qui est de la clarification des rôles entre les comités des pêches et les organisations de producteurs. Le texte prévoit en effet la disparition des comités locaux, ce qui suppose sans doute un affaiblissement de la représentation des syndicats et des matelots, d'autant plus inquiétant que le secteur connaît des difficultés économiques et sociales.
Plus globalement, les organisations de producteurs se trouvent renforcées. Maîtrisant les outils de gestion pour les espèces sous quota, notamment la mise en marché, ces organisations ont un réel savoir-faire, sont très dynamiques et bien reconnues par Bruxelles. Qu'en est-il cependant de ceux qui ne sont pas adhérents à une telle organisation – qui représente en Bretagne 30 % des pêcheurs ? Une adhésion obligatoire ne permettrait-elle pas une meilleure gestion de la ressource et, le cas échéant, des sanctions en cas de dépassement des quotas ?
Enfin, la place de la pêche côtière, importante sur notre littoral, est un peu floue dans le texte.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre engagement et votre pugnacité en faveur du monde agricole. La crise de l'agriculture française appelait des solutions rapides et le Gouvernement a fait preuve de réactivité.
Le plan de soutien à l'agriculture annoncée à Poligny le 27 octobre a été rendu possible aussi vite que vous le pouviez. Il prévoit, je le rappelle, un milliard d'euros de prêts bancaires et 650 millions d'euros d'aide budgétaire. Même insuffisants, ces chiffres attestent de votre détermination.
La loi de modernisation de l'agriculture est une boîte à outils. Elle compte un article phare : celui qui instaure la contractualisation. Parmi les organisations agricoles, que nous avons entendues aujourd'hui, certaines se posent des questions, tandis que d'autres sont plus favorables au texte. Pouvez-vous nous éclairer à cet égard ?
Par ailleurs, vous replacez l'alimentation au coeur de la problématique. En effet, comment valoriser le monde agricole sans faire la promotion des productions de qualité ? Comment valoriser l'excellence de nos territoires si nous laissons se développer les modes de consommation qui remette en cause nos traditions alimentaires ? Il semble que, d'un point de vue sanitaire, le projet de loi apporte des éléments importants.
Le texte est certainement perfectible et je fais confiance aux rapporteurs et à mes collègues pour l'enrichir. Je vous poserai quant à moi quelques questions.
Il me semble tout d'abord nécessaire d'éclaircir certains points relatifs aux modalités de la contractualisation. Quelles sont les clauses obligatoires qui devront figurer dans ce contrat écrit – le texte évoque les volumes, les modalités de livraison et la détermination des prix ? Le projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État dressera de la liste des produits concernés par l'obligation de contrat, ainsi que celle des clauses obligatoires. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce point ?
Par ailleurs, pouvez-vous préciser le mécanisme de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations d'assurance ? L'assurance fonctionnera-t-elle à deux niveaux, avec un premier que constituerait la contribution additionnelle et, à un deuxième niveau, une assurance facultative ?
Enfin, le texte du Sénat ne mentionne pas le statut d'agriculteur-entrepreneur. Que comptez-vous faire à ce propos ?
Député d'une circonscription très concernée par les questions d'agriculture et de pêche, je témoigne de l'engagement du ministre dans ces deux domaines. J'aurai d'ailleurs bientôt le plaisir d'accueillir M. Le Maire à Étaples-sur-Mer et à Boulogne-sur-Mer, où nous pourrons évoquer ces questions sur le terrain.
La pêche est importante pour la France, et tout particulièrement pour le littoral de notre pays. Elle est, comme l'agriculture, un enjeu stratégique. Le monde de la pêche, cela a été dit, est aujourd'hui en crise et souffre. Il a besoin qu'on s'intéresse lui. Face notamment à la politique des quotas, à l'envolée du prix du gazole et à la question du prix et de la valorisation des produits, le projet de loi apporte des réponses concrètes. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP soutiendra le texte – même s'il compte sur Louis Guédon pour le faire évoluer au cours de la discussion – qui permet, en particulier, un constat partagé de l'évolution et de l'état réel des stocks. Depuis trop longtemps, en effet, le divorce est patent entre scientifiques et marins-pêcheurs sur l'estimation de ces stocks. Or, toute la politique commune des pêches repose sur des estimations scientifiques, lesquelles sont contestées. Tant qu'il n'y aura pas de constat partagé, nous ne pourrons pas avancer.
Le projet de loi va encore dans la bonne direction en ce qu'il associe les marins-pêcheurs, notamment les organisations de producteurs, à la gestion de la ressource, en responsabilisant davantage les organisations de producteurs. Cependant, les propos entendus hier à Bruxelles par trois parlementaires français, dont j'étais, nous ont quelque peu inquiétés. En effet, si la réforme de la politique commune des pêches, en cours de préparation, applique les droits individuels transférables de pêche, comme l'envisage la commissaire européenne, le dispositif mis en place par le projet de loi que nous examinons se trouvera en contradiction avec le droit européen que voudrait mettre en place la commissaire européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?
Le texte donne aussi à l'organisation professionnelle des pêches maritimes une plus grande cohérence et une plus grande représentativité, y compris à l'égard de Bruxelles. Les professionnels posent toutefois la question du financement, car le projet de loi propose de mettre fin au paritarisme. Le statut de l'élu professionnel pose lui aussi problème, car les marins-pêcheurs sont très pris par leur activité et un statut est nécessaire pour leur permettre de s'impliquer davantage. Tel est d'ailleurs le sens du projet de loi.
Une dernière question importante est celle de la valorisation des produits, de l'encadrement de la première commercialisation et de l'organisation de la filière. De fait, si le projet de loi fait beaucoup pour l'agriculture, il fait assez peu pour la pêche, qui présente pourtant parfois des problématiques comparables. Pouvez-vous nous indiquer en quoi le texte – ou d'autres mesures en préparation – pourrait permettre une meilleure commercialisation et une meilleure valorisation des produits ?
J'appelle également votre attention sur l'impérieuse nécessité d'encourager aujourd'hui le monde de la pêche à trouver de nouveaux moyens et de nouvelles énergies pour mouvoir les bateaux et les filets, ainsi que de nouvelles techniques de pêche, afin d'économiser le carburant. De fait, il existe aujourd'hui divers projets de moteurs hybrides, dont l'un que nous devons absolument soutenir.
Il faut, enfin, défendre le modèle français de pêche artisanale, qui est original. On peut pêcher la même quantité de poisson avec beaucoup d'hommes et beaucoup de bateaux, ou très peu de bateaux et très peu d'hommes. Je préfère, pour ma part, le modèle de la pêche artisanale, qui a besoin d'être encouragé notamment par le présent projet de loi.
Vous avez terminé votre intervention, monsieur le ministre, en insistant sur les questions de compétitivité et de performance de l'agriculture dans le contexte international. Cette approche, bien qu'elle ne soit pas exclusive, apportera-t-elle des réponses aux questions les plus importantes que sont celles du revenu des agriculteurs dans un contexte toujours aussi dramatique – je ne reviendrai pas sur les prix, comme celui du lait, qui a baissé de près de 10 % en un an, ou d'autres productions – et de l'équilibre de nos territoires, avec la disparition de nombreuses exploitations agricoles ?
Le texte souffre de l'absence d'orientations agricoles fortes, en particulier en matière de gestion des marchés et pour ce qui concerne les problématiques agricoles planétaires. On pourrait citer à cet égard la réduction de la dépendance aux importations pour l'alimentation animale ou la disparition complète de certaines filières de production comme les légumes, questions très importantes qui ne trouvent pas de réponse dans le projet de loi.
Quant à la contractualisation, qui est sans doute la mesure la plus emblématique du texte, elle ne doit pas être symbolique. Il existe, même dans ce cadre, des risques très importants de dérives majeures. Ainsi, bien que le texte précise que « les produits acceptés par l'acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l'objet d'aucun retour au producteur », on sait bien que les affirmations comparables figurant dans la loi de modernisation de l'économie ont été contournées. Il arrive ainsi que le producteur se voie demander de livrer sur une plate-forme logistique et que le produit ne soit pris en compte que lorsqu'il quitte la plate-forme. Quelles seront les mesures contraignantes qui permettront de mettre en oeuvre une contractualisation équilibrée et quel sera le pouvoir réel des producteurs dans le cadre de cette contractualisation ?
Le projet n'évoque pas non plus d'orientations pour des filières de qualité – je pense en particulier aux productions de montagne. C'est là pourtant un enjeu très important. Le manque d'objectifs précis en faveur de la consommation de produits sous signe officiel de qualité se justifie d'autant moins que le Grenelle de l'environnement prévoit, quant à lui, des objectifs ambitieux et justes pour le bio.
De même, aucune précision n'est donnée sur le contenu des futurs plans régionaux d'agriculture durable. Bien qu'ils apparaissent en tant que tels dans le Grenelle environnement, il revient au ministre de l'agriculture d'apporter des éléments permettant de les définir.
Enfin, peut-on envisager de fixer, malgré les difficultés que cela supposerait vis-à-vis de l'Europe, des prix incitatifs qui pourraient émaner du champ de l'Observatoire des prix et des marges, afin que celui-ci puisse donner des orientations ? On disposerait ainsi d'une base réelle de négociation qui donnerait aux producteurs un pouvoir réel.
Pour conclure, le risque est réel que le projet qui nous est proposé ne donne lieu qu'à une loi symbolique, superficielle et peut-être pas même palliative.
Merci, monsieur le ministre, pour la clarté et l'expertise de votre exposé. Plus que pour d'autres textes, chacun de nous aborde le projet de loi sur la base de son pays et de son parcours personnel.
Venant de la Haute-Garonne, j'ai surtout en tête la violence de la crise des fruits et légumes. Deux chiffres : à Agen, on paie au producteur 0,20 euro le kilo de pommes « vrac-verger » tandis qu'au supermarché le prix de ces pommes est de 2 euros le kilo pour le consommateur. Le système, je pèse mes mots, est à bout de souffle. Il est même pourri.
Le texte proposé comporte des dispositions que j'approuve : le programme national pour l'alimentation, la promotion de la contractualisation, les incitations en direction des interprofessions, la gestion du risque climatique. Nous sommes cependant déçus par sa modestie. C'est un bateau pour beau temps alors que vous devez affronter dans certaines filières des tempêtes violentes.
La grande distribution s'en sort bien. Pour les fruits et légumes, là où le face-à-face avec le producteur est direct, sa marge nette se situe entre 30 et 40 %. Dans tous les autres rayons, les marges sont au contraire très faibles.
Pour ce qui est des coûts de production, les Allemands ont passé un accord fondé sur des contrats de service avec la Pologne, les Pays-Bas et l'Italie. Ils en sont à 7 euros de l'heure, tandis que chez nous le coût du travail reste à 9,30 euros de l'heure.
Je ne vous cache pas mon scepticisme au sujet des accords de modération des marges signés à l'Élysée. En 2005, avec le président Ollier, nous avons cru au coefficient multiplicateur mis en place dans la filière. On connaît la suite ! Existe-t-il des raisons d'espérer qu'il en soit différemment ?
Le groupe Nouveau Centre souhaite que l'aval, c'est-à-dire la grande distribution, mette la main à la poche pour les grands chantiers agricoles à mener en amont. Au nom de quoi ne participerait-elle pas, par exemple, à l'assurance contre les aléas climatiques ? Pourquoi ne pas la mettre à contribution pour accéder à la revendication d'exonération des cotisations patronales sur le travail permanent ? L'exonération sur le travail saisonnier a été un geste politique que je salue. Pourquoi ne pas aller plus loin alors qu'il existe encore une différence de 2,50 euros avec nos concurrents européens ?
Ne craignez-vous pas que l'assurance climatique reste marginale ? On sait que les régions du nord de la Loire sont moins exposées aux aléas que celles du sud. En outre, si l'on exclut tous les agriculteurs qui sont le dos au mur et qui ne pourront payer les 11 %, qui restera-t-il ?
Alors que vous avez choisi de laisser au Grenelle les dispositions relatives aux produits phytosanitaires, je souhaite attirer votre attention sur la question de l'eau. Le passage d'une gestion en débit à une gestion en volume prélevé, imposé par l'administration du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, provoque la colère des paysans. Est-il possible de revenir sur ce changement ? L'eau est un facteur de productivité majeur chez nous.
Permettez-moi de vous réitérer mes excuses, monsieur Guédon. Je consacre autant d'attention à la pêche qu'à l'agriculture et je ne voudrais pas que cet oubli soit mal interprété.
Je tiens à ce que la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche soit une loi responsable. Elle établit des dispositifs très nouveaux qui feront prendre à l'agriculture française un tournant important. Comme je l'ai déjà indiqué au Sénat, je ne souhaite pas qu'elle soit assortie de déclarations de principe plus généreuses les unes que les autres mais sans aucun effet sur le terrain. Dans la mesure où elle met en place des instruments économiques indispensables, elle pourra paraître un peu sèche. Mais déclarer, par exemple, que tous les prix doivent couvrir le coût de revient et le coût de production, c'est, d'une certaine manière, tromper les agriculteurs. Sans doute ai-je commis des erreurs depuis un an, mais je ne crois pas avoir trompé une seule fois les agriculteurs ni sur mes intentions ni sur mes actes.
Nous accueillons de façon très ouverte les propositions du rapporteur Michel Raison, pour ce qui est du renforcement des liens entre l'agriculture et le PNNS, par exemple
Pour ce qui est de l'inclusion des contrats dans une régulation plus globale, je répète que la contractualisation va de pair avec une régulation des marchés européens de façon à stabiliser les prix, donc les revenus des agriculteurs. Si nous n'avons pas mis en place ces contrats à la fin de 2010, lorsque la Commission européenne autorisera les producteurs à négocier le prix du lait avec les industriels à 2 000, 3 000 ou 4 000, la possibilité offerte nous échappera alors que nos partenaires européens en bénéficieront. J'insiste sur la nécessité de nous préparer aux évolutions que la Commission proposera en matière de politique agricole commune.
Je souscris à l'idée de mieux distinguer l'étude de la formation des prix et l'étude des coûts de production.
La simplification fait partie des propositions que nous soutiendrons avec l'Allemagne dans le cadre de la réforme de la PAC.
Les propositions du rapporteur concernant les GAEC sont utiles et méritent examen.
En ce qui concerne la forêt, nous créons un fonds d'assurance qui sera le premier dispositif assurantiel dans ce domaine en France. Je trouve plus lisible et plus clair que ce dispositif soit pleinement consacré à l'assurance, et non à l'investissement ou au nettoyage.
Monsieur Guédon, j'attache une grande importance au maintien et au développement de la pêche artisanale. Greenpeace affiche mon visage dans les rues de Paris et dans toute la Haute-Normandie en m'accusant de tuer trop de poissons. Si, maintenant, j'ai le défenseur des pêcheurs contre moi, cela fait beaucoup pour un seul homme !
Je crois que le texte répond aux attentes des comités de pêche et du comité national, qui ont d'ailleurs voté à une large majorité en faveur des mesures proposées.
Pour ce qui est des modalités du rapprochement entre les scientifiques et les marins, les choses sont également ouvertes.
Bien entendu, le développement de l'aquaculture est prioritaire. Nous ne pouvons continuer à importer 80 % de notre consommation de poisson et à laisser entrer sur notre marché sans réagir des produits d'aquaculture asiatique ne répondant à aucune des normes d'hygiène ou sanitaires que nous exigeons en France.
Le débat au Sénat a déjà fait apparaître un affrontement entre ceux qui souhaitent maintenir les comités locaux et ceux qui ne le souhaitent pas. Même si je préfère maintenir au moins des antennes locales, je suis ouvert aux solutions que nous pourrons trouver au cours de la discussion.
Je comprends, monsieur Patria, que la taxe sur le changement d'usage puisse soulever quelques réticences. Mais un tigre qui n'a pas de dents ne fait peur à personne ! Disposer d'un Observatoire, recueillir l'avis d'un comité départemental, tout en ne pouvant dissuader financièrement la spéculation sur les terres agricoles, cela pose un problème. Nos voisins allemands, qui perdaient des terres agricoles à un rythme plus élevé que le nôtre, ont réussi à freiner le mouvement grâce à une taxe dont le montant maximal est de 20 %. Le projet de loi qui vous est soumis reste bien en deçà.
En outre, la mesure ne s'appliquera qu'aux terres dont le prix est multiplié par 10 par rapport à la valeur de référence. Elle concernera donc principalement les terres situées à proximité des grandes agglomérations, ce qui est, je crois, une bonne chose.
Enfin la taxe est progressive. Les jeunes agriculteurs tiennent beaucoup à ce nouveau produit, dont le montant est estimé entre 40 et 50 millions d'euros par an, soit affecté à leur installation.
Les dispositions relatives aux chambres d'agriculture visent à rendre celles-ci plus efficaces au niveau régional, notamment en matière de conseil aux agriculteurs.
S'agissant du compte épargne d'assurance forêt, la défiscalisation n'a été obtenue qu'après une difficile bataille en interministériel. Nous partons du principe que la forêt est de plus en plus exposée aux risques climatiques. Après la « tempête du siècle » de 1999, il a été affirmé qu'un tel phénomène ne pouvait se reproduire avant longtemps et qu'il était inutile de mettre en place une assurance forêt. Or, dix ans plus tard, la tempête Klaus a eu des effets encore plus ravageurs, notamment sur la forêt des Landes. Il est temps de tirer les leçons de l'expérience.
Le Gouvernement souhaite que le dispositif ne concerne que l'assurance : il s'agit, moyennant une facilité fiscale, d'encourager les forestiers à mettre de l'argent de côté, jusqu'à hauteur de 50 000 euros, pour faire face au risque climatique. Le Sénat souhaitait que le compte bénéficiant de cet avantage fiscal puisse également servir à financer des travaux d'investissement. Je sais que les positions sont partagées. Pour ma part, je ne trouve pas cela raisonnable. Je crains que l'on ne crée un effet d'aubaine et que l'on ne détourne le dispositif de son objectif premier.
Monsieur Peiro, j'ai retrouvé dans votre intervention le sens de la mesure dont vous aviez déjà fait preuve lors de ma précédente audition !
Nous contestons comme vous la libéralisation totale des échanges, qui met en concurrence frontale deux modèles agricoles.
Le premier modèle tend à tirer les prix vers le niveau le plus bas possible. Nos adversaires le défendent en faisant valoir un argument dont la pertinence ne saurait être sous-estimée : si les prix agricoles doivent être les plus bas possibles, disent-ils, c'est pour que les gens puissent se nourrir au prix le moins cher possible. Je n'en suis pas moins totalement opposé à ce modèle, qui mettra fin à la diversité des produits agricoles – on n'élèvera plus qu'une seule race de cochon, la plus rentable, une seule race de vache laitière, la Holstein, etc. – et qui se traduira également par une concentration de la production agricole dans certains points du territoire.
Le deuxième modèle, dont j'ai déjà parlé, se fonde sur des normes sociales, sanitaires et environnementales, sur la diversité des produits et sur une présence agricole dans tout le territoire. Pour qu'il l'emporte sur le premier, il faut que nous montrions aussi que nous sommes prêts à l'adapter et à prendre les mesures de modernisation nécessaires.
Vous dénoncez un démantèlement des outils de régulation de l'Union européenne. Or, s'il y a bien un ministre qui a inversé cette tendance, c'est celui que vous avez en face de vous ! Nous nous dirigions en effet vers une dérégulation totale et la suppression de tous les instruments d'intervention. J'aurais pu, pour me faire bien voir de la population agricole, défendre les outils anciens. Il me serait arrivé la même chose qu'à un ministre socialiste de l'agriculture en 1999 : après avoir vaillamment défendu les quotas, il avait été sèchement battu par les autres pays européens. La réalité européenne existe, on ne peut la nier. J'assume le fait de présenter des propositions modernes et nouvelles au lieu de soutenir d'anciennes solutions, de toute façon catégoriquement refusées par nos partenaires.
Ensuite, je confirme que je suis totalement opposé à la libéralisation des droits de plantation, qui aboutirait à la production de champagne dans le sud-ouest de la France !
Je rappelle aussi que, sur proposition de la France, la Commission européenne prévoit le maintien des outils d'intervention, dont le stockage. Vous ne pouvez nous faire le procès de faire disparaître des instruments que nous avons au contraire réussi à rétablir !
Je suis également favorable à la préférence communautaire.
Vous déplorez qu'aucune proposition politique n'inverse les choses. Je tiens à dire que, précisément, le Gouvernement a totalement inversé le cours de la politique européenne en matière agricole. En octobre dernier, la Commission proposait de ramener le budget de la PAC de 55 à 30 milliards d'euros. Un ministre a alors fait le tour des vingt-six autres États européens, a lancé un « appel de Paris », et aujourd'hui plus personne ne parle de la division par deux du budget de la PAC. Votre analyse est fausse, elle ne résiste pas à l'épreuve des faits.
Vous ne pouvez reprocher au texte d'aller trop loin d'un côté et pas assez loin de l'autre. Actuellement, seulement 20 % des agriculteurs français bénéficient de contrats. Le texte permettra d'augmenter cette proportion. De même, certaines filières ne disposent pas d'assurance ; dans d'autres, le taux d'assurance est très faible. Notre dispositif permettra de développer les assurances dans l'agriculture. Le renforcement de l'Observatoire des prix et des marges, le développement des circuits courts, la modification des règles d'appel d'offres, celle des relations commerciales dans les filières : on peut ne pas être d'accord avec ces mesures, mais on ne peut pas dire qu'elles ne changent pas la donne.
Pour ce qui est de l'eurocompatibilité, il n'est jamais trop tard pour faire amende honorable. Je rattrape certaines erreurs de mes prédécesseurs, de gauche comme de droite. En déversant des aides d'État à ne savoir qu'en faire, ceux-ci nous ont attiré des condamnations systématiques de la Commission et m'ont placé dans l'obligation de récupérer des sommes non négligeables auprès des producteurs et des pêcheurs. Bref, s'il est un point sur lequel nous ne sommes pas critiquables, c'est bien le caractère rigoureusement eurocompatible de notre action. Du reste, à la veille de la renégociation de la PAC, il ne serait guère habile d'enfreindre les règles européennes alors que nous demandons le maintien des crédits européens pour les agriculteurs français !
S'agissant des assurances et d'un hypothétique désengagement de l'État, je souligne que, pour la première fois, nous portons le taux de la subvention de l'État à 65 % du montant de la prime. Est-ce un désengagement ? De plus, tous les gouvernements précédents qui ont voulu mettre en place une réassurance publique se sont vus opposer un veto de Bercy. La décision personnelle du Président de la République permettra aux assureurs privés de s'engager en matière d'assurance agricole.
Pour éviter le risque d'effet d'aubaine, que vous relevez à juste titre, nous proposons un dispositif à trois étages. Premièrement l'assurance privée, à laquelle il revient de mettre sur pied les contrats nécessaires, sachant que la subvention de l'État permettra que le coût ne pèse pas trop sur les épaules des agriculteurs. Deuxièmement la réassurance privée, dont nous estimons la capacité à 700 millions d'euros. Troisièmement la réassurance publique, uniquement au cas où le coût d'une catastrophe dépasserait cette capacité – je pense par exemple à la sécheresse de 1976, lorsque les fourrages ont séché sur pied sur l'ensemble du territoire.
J'en viens aux interprofessions. J'ai toujours dit que le temps était venu que les organisations syndicales se montrent plus ouvertes. Cela étant, les interprofessions restent des organismes de droit privé. C'est à elles de décider de leur mode de fonctionnement. Pour ma part, je travaille avec toutes les organisations syndicales représentatives et je considère que le sens de l'histoire veut qu'elles travaillent davantage ensemble. Si elles en décident autrement, cela relève de leur responsabilité.
Enfin, si beaucoup d'agriculteurs ne bénéficient pas du minimum vieillesse – c'est-à-dire un peu plus de 700 euros – et touchent seulement 505 ou 510 euros, c'est par crainte du risque de reprise sur propriété au moment de l'héritage. Avec Éric Woerth, nous espérons trouver une solution.
Cela reste à discuter.
Les agriculteurs hésitent à solliciter le fonds social vieillesse, qui fournit le complément permettant d'atteindre le minimum vieillesse, par peur d'un retour au moment de la succession.
En effet.
Madame Le Loch, je suis ouvert au débat en ce qui concerne les comités locaux. Le sujet est très sensible : il faut trouver le bon équilibre entre la réorganisation, gage d'efficacité, que souhaitent les professionnels de la pêche, et le respect des attentes de certains petits ports de pêche qui veulent maintenir une présence locale.
L'obligation d'adhésion à une organisation de producteurs n'est pas compatible avec le droit communautaire et elle ne correspond pas à un souhait des producteurs.
Les comités régionaux ont des structures paritaires. Les matelots peuvent donc s'y exprimer.
Le contrat, monsieur Cosyns, précisera la durée, le volume et le prix. Bien entendu, la durée sera variable d'un secteur à l'autre. Dans la filière des fruits et légumes, un contrat d'un an est plus avantageux pour le producteur. Dans la filière du lait, en revanche, la durée de production est plus longue et l'on peut prévoir des contrats de 3, 4 ou 5 ans.
Si le texte renvoie à un décret en Conseil d'État, c'est que, après de nombreux débats, les professionnels ont préféré garder la main en première instance. Les interprofessions veulent négocier les contrats entre elles. Dont acte, sous réserve que le processus aboutisse avant la fin de 2010. Si tel n'est pas le cas, l'État reprendra la main et procédera par décret, tout en restant en liaison avec les interprofessions.
Quant à l'assurance, je vous confirme qu'elle reste facultative et que le dispositif ne comporte qu'un seul socle.
Monsieur Fasquelle, vous m'interrogez sur le lien entre la réforme proposée dans ce texte est la réforme de la politique commune de pêche (PCP). Nous sommes opposés aux quotas individuels transférables obligatoires que proposait initialement la Commission. Après que nous en avons discuté, la commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, Mme Damanaki, a annoncé que le choix des quotas individuels transférables serait en définitive facultatif pour les États membres. C'est une décision sage car ces quotas se traduisent systématiquement par une concentration de la pêche dans deux ou trois grands ports.
Je le répète, la philosophie politique qui sous-tend ce texte est le maintien de l'activité agricole et de la pêche sur tout le territoire.
Par ailleurs, il est à mes yeux indispensable de réduire la part du coût de l'énergie dans le prix du poisson. Aujourd'hui, le gazole représente la moitié de ce prix. Je suis favorable à ce qu'une partie du grand emprunt soit affectée à la recherche sur les moteurs électriques et les moteurs hybrides. Mais, de l'avis même des pêcheurs, l'utilisation de tels moteurs sur des chalutiers n'est pas pour demain. En attendant, il faut permettre le financement d'alternateurs permettant de débrayer le moteur lorsque le chalut est à la mer. Le coût de ces dispositifs est de 40 000 à 50 000 euros pour chaque unité de pêche.
J'en viens à la question de la compétitivité, monsieur Chassaigne.
Pendant des années, le discours tenu aux agriculteurs était : produisez, nous vous apportons des subventions, et vous êtes totalement en dehors du marché. Le monde ayant changé, on leur dit maintenant : vous êtes désormais dans le marché et vous devez offrir des produits qui correspondent à la demande. Si je me bats pour la régulation, c'est parce que l'on ne peut pas jeter sans accompagnement les agriculteurs dans le grand bain du marché. Ce serait une folie de laisser la détermination des prix agricoles à la seule loi de l'offre et la demande : il faut réguler, mais en même temps il faut de la compétitivité, sans quoi nous risquons d'être perdants par rapport à nos voisins européens dans le cadre du marché unique.
Pour ce qui est d'une orientation agricole forte, je partage ce que vous avez dit sur la réduction de la dépendance aux importations, sur la préférence communautaire, sur les négociations à l'OMC – j'ai été le premier à lutter contre la reprise des négociations entre l'Union européenne et le MERCOSUR –, mais ce n'est pas l'objet de la loi. Je ne crois pas que ce soit un bon signal à donner aux agriculteurs que de faire croire qu'une loi française va changer la donne des négociations commerciales européennes ou mondiales.
Certains agriculteurs craignent que la contractualisation ne dérive vers une intégration. Je pense que le texte contient tous les garde-fous pour éviter cela. Premièrement, nous avons créé une autorité publique, le médiateur du contrat, conformément à ce que demandaient toutes les organisations professionnelles agricoles. Le Sénat a bien précisé qu'il s'agit d'un représentant des pouvoirs publics. Deuxièmement, c'est l'interprofession qui négocie les contrats à titre premier, avant l'État. Troisièmement, nous avons prévu un renforcement des pouvoirs des producteurs en lien avec la modification du droit européen de la concurrence.
Nous avons donc mis tous les atouts de notre côté pour que les contrats se fassent au bénéfice des producteurs et nous poursuivrons notre action au niveau européen. Par exemple, j'ai bon espoir qu'une des conclusions concrètes du groupe de haut niveau sur le lait soit de permettre aux producteurs de s'organiser différemment. Je l'ai répété au commissaire européen à l'agriculture, Dacian Ciolos, il y a quelques jours, et je l'ai également dit à M. Barroso : ce n'est pas à 400 que les producteurs de lait pourront s'organiser, il faut changer la donne en matière de droits de la concurrence.
Je suis bien entendu favorable aux filières de qualité, dont beaucoup d'aspects, notamment en ce qui concerne le « bio », relèvent du Grenelle.
Pour ce qui est des prix, il y a un grand débat à l'échelle européenne. Je souhaite que les interprofessions puissent fixer des indicateurs de tendance de marché, car c'est la condition pour que le contrat soit équitable. Je ne cache pas que la réponse de la Commission est pour l'instant négative. J'ai néanmoins bon espoir de parvenir à l'infléchir sur ce sujet. Il faut sortir de cette situation où le ministre de l'agriculture réunit chaque trimestre tous les acteurs dans son bureau pour obtenir un accord sur le prix. C'est totalement contraire au droit européen et ce n'est pas raisonnable.
Monsieur Dionis du Séjour, le problème que vous soulevez au sujet des fruits et légumes est un problème de compétitivité. Il faut vivre avec la réalité : il y a un marché unique, vingt-sept pays producteurs de fruits et légumes, un concurrent allemand qui produisait très peu il y a quinze ou vingt ans et qui, aujourd'hui, nous taille des croupières dans toutes les filières.
Nous devons améliorer les choses sur trois points.
Premièrement, les organisations de producteurs. Certains points du territoire sont mieux organisés que d'autres et la production est bénéficiaire, y compris dans le secteur des fruits et légumes. Certaines régions doivent donc faire des efforts pour mieux s'organiser. Lorsque, sur le même territoire, seize organisations de producteurs font la même chose, se marchent sur les pieds et mettent mal en marché leurs produits, il y a forcément des difficultés. En matière de fruits et légumes, les Bretons se sont montrés offensifs et organisés ; ils en tirent aujourd'hui le profit.
Deuxièmement, l'énergie et la cogénération. Des améliorations dans ce domaine peuvent constituer une source de revenus pour les producteurs. Nous y travaillons.
Troisièmement, le coût du travail. Le travail occasionnel représente 40 % de l'ensemble du coût du travail dans la vie agricole française. Je ne crois pas que l'on puisse aller plus loin en la matière : l'exonération de charges patronales sur le travail occasionnel dans l'agriculture représente un coût annuel de 450 millions d'euros. La mesure ramène le coût horaire à un peu plus de 9 euros et nous permet d'être relativement compétitifs par rapport à nos voisins. Pour ce qui est du travail permanent, je ne vois que des avantages à ce que vous fassiez des propositions dans le cadre de ce texte.
Il est cependant un sujet sur lequel je rejoins Germinal Peiro. Les contrats de service que l'Allemagne passe avec la Pologne permettent de s'exonérer de toutes les obligations du droit du travail et de payer les Polonais 6 euros de l'heure. On pourrait imaginer la même chose en France et faire venir de la main-d'oeuvre marocaine dans les mêmes conditions. J'y suis totalement opposé : ce serait une erreur politique majeure.
Mettons les choses sur la table. Soit on réalise une harmonisation sociale et fiscale en Europe...
Je suis convaincu qu'il faudra un jour réduire les écarts de compétitivité entre les pays européens si nous voulons conserver une Union qui tienne la route. Malheureusement, ce n'est pas pour demain et nous devons trouver des solutions alternatives. Je suis très ouvert aux travaux que vous voudrez bien mener sur ces sujets.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous soucier de l'applicabilité de cette loi, qui nous permettra de défendre nos positions et notre vision de l'agriculture au niveau européen.
En matière de coût du travail, nous devons aller plus loin que les seules mesures en faveur du travail saisonnier.
La compétitivité et l'innovation passent par la recherche-développement, via l'INRA, les centres techniques, etc. Comment comptez-vous affirmer votre soutien aux activités de recherche et développement ?
Parallèlement au régime assurantiel, nous ne pourrions-nous soutenir aussi le développement de l'épargne, qui permet en cas de sinistre une intervention rapide, sans qu'il y ait multiplication des expertises ? Le code général des impôts permet déjà à l'exploitant de constituer une dotation pour aléas, mais il serait souhaitable de disposer d'un système complet, proposant l'épargne d'un côté, l'assurance de l'autre.
Les agriculteurs français ne gagnent plus leur vie de façon décente. Leur rémunération moyenne est inférieure de moitié à la rémunération moyenne européenne.
Pensez-vous que les quelques pistes que vous proposez éviteront les difficultés au moment de la suppression des quotas, en 2013, et au moment de la libéralisation des droits de plantation, en 2015 ? Sans doute ne produira-t-on pas de champagne dans le midi de la France, mais les zones délimitées laissent encore de larges marges pour la plantation.
Le commissaire européen à l'agriculture, que nous avons rencontré à Strasbourg avec le président Jacob, a indiqué qu'il se battrait pour que le budget de la PAC ne baisse pas : cela étant, il sera partagé entre un plus grand nombre de pays et cela se traduira forcément par une baisse à l'arrivée.
En matière de contractualisation, la viticulture charentaise a une longue expérience, notamment depuis la crise de 1975. Nous connaissons les avantages des contrats, mais aussi leurs inconvénients : souvent, ils n'engagent les producteurs que sur des volumes, et ils n'engagent jamais les acheteurs sur des prix. L'interprofession du cognac, qui a plusieurs dizaines d'années d'existence, refuse absolument de fixer des prix. Elle ne peut, à la rigueur, que proposer des tendances.
Il est important de savoir qui siège dans les interprofessions et de mettre en place des dispositifs de renouvellement. En 1999, le gouvernement de gauche avait obtenu l'organisation d'élections qui n'avaient pas eu lieu depuis 25 ans. Mais il n'y a pas eu d'autres élections après cette date, si bien que ce sont toujours les mêmes personnes qui siègent et que l'on peut parfois nourrir quelques doutes en ce qui concerne d'éventuelles ententes entre négociants et producteurs. En outre, l'absence de pluralité est très dommageable.
Après la grave tempête qui a touché la Charente-Maritime et la Vendée, vous avez déployé de nombreux efforts pour soutenir les conchyliculteurs mais quid de l'agriculture ? L'État, contrairement aux départements et aux régions, n'a pas versé un euro. Des exploitations vont disparaître. Certains agriculteurs sont désespérés : ils ne peuvent plus cultiver, il n'y a plus de fourrage, les animaux meurent... Ne les oubliez pas.
La filière viticole est toujours en crise, en raison notamment de la concurrence déloyale des pays tiers et des nouveaux pays exportateurs. L'organisation commune de marché (OCM) s'est révélée une catastrophe. On s'achemine vers la libéralisation totale des droits de plantation. Or, pour les produits de qualité, la régulation est un outil essentiel.
Il convient également d'encadrer l'utilisation des appellations d'origine contrôlée. La pratique consistant à incorporer un ingrédient AOC dans un produit se développe sans aucun contrôle. Alors que la réglementation française ne comporte aucune restriction sur la mention d'un produit AOC dans l'étiquetage – on a vu dernièrement apparaître un shampooing au champagne, un spray au champagne, des bonbons au champagne... –, certains pays comme l'Italie et l'Espagne ont mis en place des dispositifs dont il faut nous inspirer.
Pour être autorisé à inscrire le nom « champagne » sur l'étiquette de la bouteille, le producteur est tenu de respecter un cahier des charges très rigoureux. Le phénomène insidieux de dilution et de banalisation que j'ai évoqué porte atteinte au caractère attractif de l'appellation. Un décret est nécessaire pour mettre fin à ces pratiques, mais je crois qu'il faut aussi lui donner une base législative.
Nous constatons les efforts que vous avez déployés, monsieur le ministre. Cela étant, vous ne pouvez pas toujours vous défausser ! Si M. Gaymard pouvait affirmer, lorsqu'il occupait vos fonctions, qu'il n'assumait pas l'héritage du ministre précédent, il est plus difficile pour vous de ne pas assumer l'héritage du gouvernement Fillon I.
On aurait aimé que le projet comporte quelque chose de plus musclé en faveur de la recherche appliquée et de l'innovation qui sont des conditions essentielles au développement de l'agriculture. Il y a là un véritable manque.
Par principe, nous voterons contre l'article 2, qui prévoit d'autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous souhaitons toutefois, monsieur le ministre, que vous nous disiez – à l'occasion de la discussion générale, par exemple – ce que vous comptez mettre dans ces ordonnances. N'oublions pas que c'est une trop grande simplification et le transfert de certains contrôles au privé qui ont conduit à la crise de la vache folle en Grande-Bretagne. On ne peut demander à certaines personnes d'être juge et partie. Lorsque l'on parle de déléguer des contrôles à des tiers, il convient de savoir qui sont ces tiers et quels sont leurs liens avec la production. Votre intention n'est certainement pas de démanteler les services vétérinaires comme l'ont fait les Britanniques, mais il vaut mieux bien préciser les choses.
Je salue la clarté de vos propos et la vigueur de votre action pour convaincre les pays européens de la nécessité de la régulation.
Pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs, de nombreuses organisations professionnelles préconisent depuis longtemps la suppression de la demi-part de surface minimale d'installation pour l'association en GAEC, demi-part nécessaire à l'obtention des aides. Cette mesure est-elle à l'ordre du jour ? Se heurte-t-elle vraiment, comme vos prédécesseurs l'ont toujours fait valoir, à une contrainte européenne ?
Les représentants des organisations professionnelles nous ont également fait part de leur inquiétude quant à l'instauration de la taxe sur les mutations foncières. N'est-ce pas un coup pour rien ? Est-il bien nécessaire de créer une nouvelle taxe dont le seul effet de court terme serait de se substituer aux lignes budgétaires actuelles ?
L'exposé des motifs du projet de loi rappelle qu'il y avait 1,6 million d'exploitations agricoles en 1970 et qu'aujourd'hui il n'y en a plus que 326 000, soit une division par 5 en quarante ans. À ce rythme, il ne restera plus que 60 000 exploitations en 2050, soit, en moyenne, 600 par département. Il s'ensuivra une désertification et un enfrichement, et il ne pourra plus être question d'exploitations à taille humaine et familiale.
De ce point de vue, je regrette que le texte, en dépit de la taxe sur la mutation qui rapportera 40 à 50 millions, ne traite pas le problème de l'installation des jeunes agriculteurs.
Par ailleurs, pourquoi n'avez-vous pas fait mention des plans régionaux d'agriculture durable ?
En dix ans, le recul des surfaces agricoles au profit de l'urbanisme et des infrastructures publiques correspond à la disparition d'un département français. Ce constat conduit à une prise de conscience générale : il faut économiser l'espace agricole.
Cela dit, les plans d'occupation des sols permettaient jusqu'à présent aux jeunes agriculteurs de faire construire à proximité de l'exploitation. Ce principe sera-t-il remis en cause ? La décision dépendra-t-elle des plans régionaux d'agriculture durable ? Si rien n'est inscrit dans la loi, il y a un risque de contentieux.
On sait aussi que la forêt, qui couvre 14 millions d'hectares, grignote l'espace agricole. Est-ce, selon vous, une bonne chose ?
Enfin, ce texte n'offre-t-il pas l'occasion de moderniser l'Office national des forêts, qui gère de façon quelque peu « colbertiste » 4,5 millions d'hectares de forêt ?
Le texte prévoit un accord de modération des marges en cas de crise dans le secteur des fruits et légumes. On peut cependant s'interroger – comme l'ont fait ce matin les organisations syndicales – quant à l'impact réel de cette mesure sur les revenus des producteurs.
Vous avez vanté l'organisation des producteurs légumiers bretons. Êtes-vous favorable, dans le secteur des légumes frais, à une contractualisation gérée à un niveau collectif par une association d'organisations professionnelles ?
Monsieur le ministre vous avez la pêche ! Nous sommes heureux que vous vous refusiez à toute phraséologie et à toute pétition de principe et que vous privilégiez l'action et le pragmatisme en matière législative.
En matière foncière, comment appréciez-vous le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) et des autres commissions et structures évoquées par Michel Raison ?
S'agissant de la réforme de la PAC, considérez-vous que la France forme, avec l'Allemagne, la Pologne et quelques autres pays, un bloc suffisamment solide et homogène pour défendre la régulation ?
Dans les nouvelles commissions départementales de consommation des espaces agricoles siégeront le préfet, les représentants des collectivités territoriales et de l'État, les sempiternelles associations de protection de l'environnement, mais je ne vois nulle part les élus de la République. Ces mêmes élus seront-ils mentionnés par le décret qui fixera la composition de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ?
Vous donnez souvent l'impression de rester au milieu du gué, monsieur le ministre.
Le développement des circuits courts privilégiant les produits locaux est une exigence du Grenelle 1. Cependant, les collectivités qui souhaitent y recourir pour approvisionner leurs cantines ou leurs maisons de retraite se heurtent au code des marchés publics, qui interdit toute mention de l'origine géographique des produits. Vous auriez pu vous intéresser à cette question dans le projet de loi.
Deuxième exemple, l'Observatoire des prix et des marges, dont la mention revêt un peu un caractère de rattrapage après la loi de modernisation de l'économie. Alors que la LME visait à une relance de la consommation par une baisse généralisée des prix, on n'a constaté aucun effet sur les prix ; en revanche, la grande distribution a pu imposer aux exploitants des prix de moins en moins rémunérateurs. Il faut donc, pour analyser les coûts de production, de transformation et de distribution, un outil performant et efficace, mobilisant des moyens tant humains que financier et dont les recommandations puissent revêtir un caractère contraignant.
Ce texte, dites-vous, est essentiellement économique. Il lui manque en effet un volet social. Dans le département de la Seine-Maritime, le nombre d'exploitants relevant du RSA a doublé en deux ans.
Vous avez comparé votre projet à la pointe d'une flèche qui devait transpercer les retards de l'agriculture française. J'ai le sentiment que la corde n'est pas assez tendue et que le bras est faible et tremblant. Bref, j'ai bien peur que vous ne ratiez votre cible !
En matière de pêche et d'aquaculture, la France possède un savoir-faire historique qu'il est indispensable de maintenir. Je considère moi aussi que l'avenir des terriens est en mer. Notre grand pays maritime ne doit pas l'oublier.
Je puis témoigner, monsieur le ministre, de votre implication personnelle en faveur de la pêche et des métiers de la mer. J'ai assisté à presque toutes les réunions des Assises de la pêche, où l'on a accompli un excellent travail et où tous les acteurs, ONG environnementalistes comprises, ont manifesté un grand esprit de concertation pour préparer les propositions françaises en matière de politique commune de la pêche.
S'agissant de la gouvernance, le Grenelle 2 prévoit la création de conseils de façade dans le cadre du Conseil national de la mer et des littoraux. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet.
Qu'en est-il du renouvellement de la flotte française ?
Enfin, le produit des taxes sur les éoliennes offshore sera-t-il dirigé vers les seules collectivités ou servira-t-il aussi à aider les professions de la mer ?
Dans mon département, un agriculteur sur cinq est au RSA. C'est dire quelle est la réalité du revenu agricole aujourd'hui ! De nombreuses exploitations disparaissent dans tous les secteurs.
Face à cette réalité, vous évoquez le contexte mondial. Vous citez le Brésil, qui passe des contrats avec l'Afrique pour inonder ce continent de céréales génétiquement modifiées. Par rapport à un tel système, nous pensons qu'il faut privilégier la diversité des pratiques et des cultures et maintenir les emplois agricoles. Il n'est pas certain que l'on n'y parvienne par la contractualisation, qui risque de provoquer une tendance à la baisse des prix et de favoriser la spécialisation des territoires.
Comme le souligne M. Patria, il faut absolument trouver le moyen de simplifier les procédures de réorganisation foncière. Dans la filière bois, c'est une priorité.
En prévision de la discussion de ce projet de loi, j'ai réuni les agriculteurs de ma circonscription. Ceux-ci m'ont demandé de porter à votre connaissance une série de problèmes que le texte ne traite pas :
Le montant de l'aide de minimis devrait être assujetti au chiffre d'affaires de l'exploitation, et non être réglementé comme il est aujourd'hui ;
Il faut supprimer la condition de reprise à l'identique pour bénéficier de la totalité de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA). Ces droits à produire doivent aller aux futurs exploitants en fonction de la surface reprise et du cheptel ;
Si la PMTVA n'est pas activée pendant trois ans, il conviendrait de prévoir une possibilité de transfert temporaire avant une éventuelle suppression ;
Il faut supprimer la possibilité d'avoir 40 % de génisses dans le périmètre de la PMTVA, en passant à 20 % en année n, à 10 % en année n+1 et à 0 en année n+2 ;
Il faut également supprimer la limite d'âge de 60 ans pour bénéficier des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE). Si l'on recule l'âge de la retraite, il faut laisser à ceux qui choisissent de continuer à travailler la possibilité de bénéficier de ces aides ;
Il faut changer le règlement qui régit le transport de chevaux lourds, car il engendre de grandes difficultés pour exporter des poulains en Italie et en Espagne ;
Alors que les éleveurs sont en difficulté, ils sont obligés de payer une redevance élevage dans le bassin allaitant, ce qui est insupportable ;
La suppression de la demi-part de surface minimale d'installation pour bénéficier des aides est indispensable ;
Le comportement de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est insupportable. Ses responsables se comportent comme des shérifs et empêchent toute restructuration d'exploitation ;
Les contrôles conditionnalité nous font perdre des parts de marché ;
On a déjà parlé des SAFER, mais les agriculteurs en ont aussi assez des commissions départementales d'orientation agricole (CDOA) et des comités départementaux de protection de la nature et de l'environnement (CDPNE).
Ils dénoncent enfin le racket organisé par les gardes de l'ONF sur les petites communes rurales.
Je souhaite que vous entendiez parler au moins une fois de l'outre-mer ce soir, monsieur le ministre.
Cette énième loi sur l'agriculture et la pêche ne peut, dites-vous, tout régler : son objectif premier est de donner des instruments économiques aux agriculteurs et aux pêcheurs. Mais, quel que soit le texte, on se contente d'une vague allusion aux outre-mer en dernière page.
Qui plus est, vous proposez de traiter les problématiques relatives aux outre-mer par voie d'ordonnances.
L'agriculture antillaise mérite mieux. Elle a prospéré jadis mais souffre maintenant de nombreux handicaps : sécheresses répétées, cyclones fréquents, pollution au chlordécone... Nos agriculteurs sont interdits de plantations, 400 d'entre eux se trouvent aujourd'hui ruinés.
Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche répond-il aux préoccupations des agriculteurs et des marins pêcheurs ? Permet-il l'émergence d'une agriculture durable ? Je ne le pense pas. Un de vos prédécesseurs, M. Dominique Bussereau, s'était engagé à élaborer une loi d'orientation spécifique à l'outre-mer. Quelle est votre position à ce sujet ? Lors des états généraux qui ont suivi les événements de février 2009, le Président de la République s'était engagé à ce que l'agriculture antillaise retrouve toute sa place.
Vous avez appelé l'attention sur la nécessité – soulignée en son temps par Franz Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture – de « coller » au marché, car l'industrie agroalimentaire française paye très cher en termes de pertes de marché les insuffisances en la matière. Comment comptez-vous mener cette action que d'autres pays européens ont déjà intégrée dans leur politique ?
Concernant l'Observatoire des prix et des marges, ne serait-il pas pertinent qu'au-delà de l'étude des coûts de production au stade de la production agricole, il élargisse son intervention à l'ensemble de la filière ?
Quant à la politique forestière, si le texte répond à cet égard à une vraie attente, envisagez-vous de donner, dans le cadre des établissements d'enseignement agricole, une impulsion à la formation aux métiers du bois, voire de donner la possibilité aux agriculteurs de développer à titre accessoire, dans le cadre de la diversification des revenus, une activité touchant à la récolte du bois ?
Enfin, peut-on savoir si Bercy vous laisse quelques marges de manoeuvre pour accepter des amendements impliquant des dépenses de l'État ?
Vous avez confirmé devant notre Commission au mois de septembre dernier la nécessité d'un dispositif assurantiel pour la forêt sachant que les deux tempêtes de 1999 et de 2009 avaient permis de s'apercevoir que seulement 5 % de la forêt était assurée. Aussi ai-je été surprise de ne trouver aucune trace d'un tel dispositif dans le texte initial. Certes, le sénat a rattrapé cette lacune en mettant en place un compte d'épargne d'assurance qui, s'il se révèle discutable sur plusieurs points, a au moins le mérite d'exister Or, vous avez fait adopter par amendement des restrictions qui rendront ce système assurantiel inopérant. Non seulement l'interdiction d'utiliser une partie du compte pour l'investissement est une erreur, car les deux précédentes tempêtes nécessitent des investissements nouveaux et ambitieux pour l'avenir même de la forêt, mais le refus de toute aide de l'État après 2017 pour les propriétaires non assurés n'est pas réaliste. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la profession qui rejette à juste titre ce texte.
Allez-vous continuer à cautionner cette approche réductrice – due non pas à votre volonté, mais à celle de Bercy –, au détriment d'un soutien à l'investissement dans un secteur d'activité qui représente 400 000 emplois ?
Le texte présente le mérite d'organiser la profession à la fois sur le moyen et le long terme, mais reste le problème angoissant de la compétitivité de notre agriculture du fait de la différence de coût de main-d'oeuvre entre la France et les autres pays européens, notamment dans le secteur des fruits et légumes. Pourquoi le texte ne prend-il pas en compte la réflexion menée en la matière ?
S'agissant de la contractualisation – pierre angulaire du texte –, l'article L. 631-4 du code rural dispose que l'accord interprofessionnel à long terme, qui prévoit pour son exécution une convention de campagne et un contrat type, « a pour but, simultanément : 1° de développer les débouchés intérieurs et extérieurs [...] ; 2° d'améliorer la qualité des produits ; 3° de régulariser les prix ; 4° de fixer les conditions générales de l'équilibre du marché et du déroulement des transactions ». Qu'apporte de nouveau le dispositif proposé aujourd'hui ?
Par ailleurs, selon la rédaction proposée pour l'article L. 631-24 du même code, les contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs « comportent des clauses relatives [...] aux critères et modalités de détermination du prix ». Qu'est-ce qui empêchera demain qu'un contrat prévoie que les prix suivront les cours mondiaux – critère de détermination parmi d'autres ?
La question de la pluralité syndicale est un sujet qui nous préoccupe sur tous les bancs. Aligner les critères de la représentativité agricole sur ceux appliqués pour les syndicats salariés ne permettrait-il pas de créer les conditions d'un débat serein et de décisions partagées ?
Concernant la pêche, la question de la reconversion d'une profession confrontée à une diminution de ressources drastiques n'est pas évoquée dans le texte. Pouvez-vous, au-delà du problème des aides et des restructurations, nous donner des éclaircissements sur ce point, sachant que l'on a besoin de moins de pêcheurs et de plus de réserves ?
Quant aux forêts, si l'on doit se féliciter des systèmes d'assurance mis en place, rien n'est prévu concernant la mobilisation de la ressource. Sachant que 40 % de la forêt n'est pas utilisée faute de procédures de regroupement de parcelles efficaces, vos services traitent-ils par ailleurs du problème des indivisions et des remembrements ?
Enfin, favorable à ce que le budget de la PAC soit maintenu, je ne peux que me réjouir de lire dans la presse de ce matin que la Commission européenne travaille enfin sur une vraie fiscalité européenne.
Non seulement le texte manque d'une approche régionalisée et territorialisée – qu'y a-t-il de commun entre un céréalier de la Beauce et un producteur laitier de l'Aveyron ? –, mais il est trop marqué par des logiques productivistes. Plutôt qu'une vision quantitative, c'est une logique plus qualitative qui aurait dû prévaloir, privilégiant l'animation de l'espace rural dans les zones où la productivité est faible.
La problématique de la pluralité syndicale ayant déjà été abordée, je reviendrai sur celle de la formation. En effet, alors que tous soulignent que l'enseignement agricole est de grande qualité, je ne trouve rien sur les moyens qui lui sont alloués.
Ayant été dans le passé rapporteur de la loi de 2001 d'orientation sur la forêt, je ne vois pas bien ce qu'apporte ce nouveau texte sinon, ce qui m'inquiète, un recul par rapport au rôle de l'ONF et au régime forestier – sans parler du recours à une ordonnance pour traiter du débroussaillement alors que devant les risques d'incendie de forêt de plus en plus importants dans nos régions, c'est le Parlement qui devrait être saisi de la question. Il en va de même pour le remembrement : tout existe dans les textes pour régler le problème des 4 millions de petites parcelles ; seule manque la volonté locale. En tout cas, ce n'est certainement pas en supprimant des postes, notamment au Centre national de la propriété forestière que l'on y arrivera !
L'agriculture de montagne, pour sa part, va connaître un effet de ciseaux entre, d'une part, la contractualisation – qui va aboutir à la détermination d'un prix moyen par les gros producteurs alors que les coûts de production du lait par exemple sont plus élevés dans les petites exploitations de montagne – et, d'autre part, les interprofessions dans lesquelles les petits agriculteurs seront marginalisés. Le texte permettra-t-il à l'agriculture de montagne de continuer à vivre et à fournir des produits de qualité ?
La qualité des questions permettra sans nul doute d'améliorer la qualité du texte.
Monsieur Poignant, le coût du travail est vrai sujet qui dépasse de très loin la seule question agricole et qui engage le rapport de notre modèle social aux autres modèles européens. Je réitère sur ce point mon accord avec M. Germinal Peiro : je reste convaincu que sans harmonisation fiscale et sociale dans un marché unique, notamment la zone euro, de graves difficultés, dues à des écarts de compétitivité, ne peuvent qu'apparaître à échéance plus ou moins lointaine.
En matière de recherche et développement, on peut toujours intervenir de manière législative, mais ce qui compte c'est prendre la décision. Tel a été le cas avec l'essai de vigne OGM en plein champ pour lutter contre la maladie du court-noué qui avait reçu l'accord aussi bien des scientifiques que du Haut conseil des biotechnologies et pour lequel j'ai rendu un avis positif avec le soutien de Jean-Louis Borloo. Certes, la presse a été unanimement négative, mais je n'en assume pas moins totalement cette décision. Elle était raisonnable, sauf à laisser la maladie du court-noué se répandre un peu partout.
Les représentants des groupes d'opposition doivent le comprendre : les chercheurs de l'INRA, ceux qui travaillent sur les biotechnologies et le végétal, qui sont un atout majeur de l'agriculture française car nous sommes en avance sur ces sujets, auraient été désespérés – je pèse mes mots – que le ministre de l'agriculture ne donne pas son accord après un avis positif du Haut conseil, comme ils ont été désespérés qu'à la suite de la destruction, par un groupe radical, de cet essai autorisé par les autorités publiques, il y ait eu aussi peu de réactions pour défendre leur position et pour dénoncer ce type de comportement.
Quant au développement de l'assurance, celui de la DPA votée dans le cadre de la dernière loi de finances, élargie aux aléas économiques, permet déjà de réaliser des économies substantielles grâce à un effort important de l'État.
Madame Quéré, la bataille que j'ai livrée l'a été pour maintenir le budget de la PAC. J'estime aujourd'hui qu'elle est gagnée – alors qu'elle était perdue au mois d'octobre dernier. Pour autant, tous les agriculteurs de France savent que le niveau des aides directes du premier pilier baissera, car les pays d'Europe de l'Est, notamment la Pologne, n'ont pas les mêmes références historiques que nous. C'est d'ailleurs pourquoi je me bats autant sur la régulation des marchés : faire en sorte que de l'argent soit alloué à celle-ci profitera plus à tout le marché agricole européen qu'une répartition des aides directes en défaveur de la France et au profit d'autres pays.
Le prix dans les contrats est une bataille essentielle, et il faut que les interprofessions soient libres de fixer des indicateurs de tendance de marché. Alors que le droit européen est déjà restrictif, la DGCCRF l'applique de manière très rigoureuse. Nous avons eu, le Président de la République et moi-même, un échange très vif avec Dacian Cioloş pour donner aux interprofessions la possibilité de fixer de tels indicateurs de tendance de marché. Il serait irresponsable que les agriculteurs que l'on a fait vivre pendant des décennies à côté du marché soient, du jour au lendemain, contraints de vivre dans le marché en devant se débrouiller seuls.
Quant à la Vendée et à la Charente-Maritime, dont la situation me sensibilise particulièrement – je m'y rendrai d'ailleurs vendredi pour rencontrer les agriculteurs –, nous nous battons auprès de la Commission pour obtenir le droit de verser à ces derniers les aides qui leur sont dues. Si je viens sur place – à mes risques et périls, oserais-je dire –, c'est pour marquer ma volonté absolue de verser maintenant les aides aux exploitations.
Monsieur Martin, un décret sera envoyé à Bruxelles sur la question de l'incorporation d'un ingrédient AOC car, qu'il s'agisse du champagne ou d'autres appellations, il est inacceptable que les indications en la matière ne soient pas plus précises. Une telle précision est envisageable dans la loi si vous le souhaitez, mais je m'engage à le faire par la voie réglementaire.
Monsieur Gaubert, j'assume l'héritage du gouvernement précédent de M. Fillon, encore que je n'ai pas pris le risque de divulguer – parce que cela n'aurait pas été bon pour l'image de notre pays – certains documents sur les aides d'État qui ont été données par mes prédécesseurs en violation totale des règles européennes. Mais, pour parler clair, que l'on ne vienne pas me chercher sur le sujet des aides ! Je veux bien faire le sale boulot qui est de récupérer ces dernières, mais je ne veux pas en plus que l'on me reproche de ne pas assumer l'héritage.
Concernant les ordonnances relatives à la gestion sanitaire, je suis d'accord pour vous fournir les conclusions des États généraux du sanitaire, notamment le point d'accord auquel nous sommes parvenus avec les vétérinaires, les exploitants agricoles et les scientifiques. C'est un sujet majeur et j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'expliquer à la nouvelle ministre britannique – qui souhaitait remettre à plat la PAC, supprimer les aides directes et simplifier les dispositifs – que c'est en simplifiant les règles administratives dans le domaine sanitaire que nous avons eu la crise de la vache folle, sachant que pour la France, corriger les erreurs de la Grande-Bretagne a coûté 1 milliard d'euros par an.
Monsieur Saint-Léger, la suppression de la référence à la demi-SMI – pour installation en GAEC du moins – est un sujet que je suis prêt à étudier, la question étant toutefois de savoir si l'on ne fait pas courir un risque aux jeunes agriculteurs en les laissant s'installer dans des exploitations qui seraient de trop petite taille.
Monsieur Chanteguet, justement, nous dépensons 330 millions d'euros pour l'installation des jeunes agriculteurs. J'étudierai, notamment avec Christian Jacob qui connaît bien le sujet, si des mesures spécifiques – rendues possibles par l'affectation des 40 à 50 millions d'euros supplémentaires que la taxe sur la mutation peut rapporter – peuvent d'ores et déjà être envisagées en la matière. Je comprends la crainte qui a été exprimée de voir Bercy récupérer la mise si la somme affectée aux agriculteurs n'est pas fléchée sur un dispositif précis. Je tiens cependant à signaler l'attitude particulièrement constructive de Mme Lagarde qui n'a pas bloqué des dispositions novatrices qui engagent les finances publiques.
Monsieur Le Nay, la réforme de l'ONF est en cours, mais, plus généralement, je reviendrai sur la forêt en répondant aux questions très précises posées à ce sujet par M. Brottes.
Madame Erhel, il est envisageable que les organisations de producteurs gèrent des contrats, en particulier dans le secteur des légumes frais. Encore faut-il qu'elles sortent impérativement de logiques trop locales pour avoir une approche plus nationale, car le marché – c'est bien d'ailleurs tout le problème de notre compétitivité – est européen. Il faut penser les choses de manière un peu plus globale si l'on veut vraiment être performant. Quand on constate que de plus en plus de porcs bretons sont abattus en Allemagne parce cela coûte moins cher que de les faire abattre à vingt kilomètres de leur lieu d'élevage, c'est bien qu'il y a une difficulté à résoudre.
Monsieur Trassy-Paillogues, s'il n'est pas écrit noir sur blanc que les élus locaux sont présents au sein de la commission départementale, il faudra l'écrire. De même, concernant l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la proposition d'y inclure des parlementaires est intéressante, même si le rôle de cet organisme sera considérablement renforcé par rapport à la situation actuelle. On passerait en effet d'un système que personne ne comprend et où seules quelques indications de prix et de marge figurent sur Internet, à un dispositif dans lequel un président aura à remettre un rapport et des conclusions, avec un droit de suite du Parlement.
Quant à savoir si la PAC est soutenue de façon homogène, je dirai clairement que la position britannique, notamment, est devenue de plus en plus raide sur le sujet. Faire basculer définitivement les Allemands de notre côté est d'ailleurs tout l'objet de la position commune sur laquelle je travaille depuis six mois et que j'espère pouvoir présenter en septembre prochain avec mon homologue Mme Aigner. Le Président de la République en a récemment parlé avec Mme Merckel, et les choses vont donc dans la bonne direction. À cet égard, tous les parlementaires qui pourraient appuyer la position française en matière de régulation au cours de leurs déplacements en Europe, notamment au Bundestag, sont les bienvenus.
Monsieur Bouillon, le projet de loi propose, s'agissant des circuits courts, une modification des règles d'appels d'offre de façon que les organisations de producteurs y participent, ce qui est un vrai changement. J'aurais même souhaité que l'on aille plus loin en instaurant une notion de distance, mais si les Américains ont, en matière de restauration collective, notamment scolaire, l'obligation de se fournir en produits agricoles cultivés à moins de cinquante kilomètres du lieu de consommation, un tel dispositif serait contraire aux règles communautaires. Le système du marché unique veut en effet que l'on s'approvisionne en produits espagnols, italiens ou encore allemands sur la base de règles de concurrence identiques – le défaut de la cuirasse étant que l'on ne s'approvisionne pas forcément en produits allemands, italiens ou autres, mais en produits d'Amérique du sud ! Cependant, la modification des règles d'appels d'offre change déjà la donne, et s'il existe d'autres possibilités pour aller plus loin en conformité avec le droit communautaire, j'y serai favorable, étant un farouche partisan des circuits courts.
Monsieur Boënnec, le renouvellement de la ressource naturelle est un vrai sujet. Cela fait partie des investissements absolument nécessaires à réaliser.
Quant au reversement en partie de la taxe éolienne off shore aux professionnels, j'y suis favorable, mais ce n'est malheureusement pas uniquement moi qui décide en la matière, d'autant que d'autres ministres ne sont pas de cet avis. En tout cas, donner de l'argent aux pêcheurs dans ce cadre ne me poserait aucune difficulté.
Monsieur Deguilhem, je ne souhaite pas, s'agissant de la réorganisation du territoire, que l'on rouvre le dossier des SAFER dans le cadre du projet de loi, car cela nous entraînerait trop loin.
Monsieur Auclair, je constate que vous êtes toujours aussi généreux avec les agriculteurs ! Vous avez en tout cas été entendu concernant les organisations de producteurs commerciales, notamment pour la filière de l'élevage. Nous n'allons pas en effet trancher tout de suite entre les différentes options possibles – dont celle, volontariste, retenue par certains pays européens qui oblige les producteurs à entrer dans de telles organisations –, mais nous donner un peu de temps.
Quant à vos autres propositions, qui ne sont pas du domaine législatif, elles ont un unique défaut, mais qui n'est pas négligeable, celui d'être extraordinairement coûteuses. Ainsi, la suppression de la limite d'âge à soixante ans pour l'attribution de la PHAE et de l'ICHN risquerait de nous entraîner très loin, le coût pour la prime herbagère, par exemple, se chiffrant en centaines de millions d'euros. Je suis cependant prêt à examiner les différents points que vous avez soulevés.
Monsieur Manscour, l'outre-mer est un sujet essentiel et là aussi notre volonté est d'agir. Nous avons mis sur la table 40 millions d'euros, et si je défends un projet de diversification de l'agriculture en outre-mer, c'est parce que c'est la seule façon d'éviter qu'elle soit en difficulté, car la monoculture ne sera plus rentable d'ici quelques années.
Concernant le chlordécone, je ne vous cache pas que l'on n'a pas la solution. Le plan chlordécone devrait être présenté au début de l'année 2011 et je souhaite que l'on avance en la matière pour avoir des réponses plus rapides, mais c'est un sujet difficile notamment parce que la santé publique est en jeu.
Monsieur Herth, je vous remercie d'avoir souligné la nécessité de prendre en considération les exigences du marché. Mais l'équilibre est difficile à trouver entre l'accompagnement des agriculteurs vers le marché et l'impossibilité dans le même temps de se dispenser des règles de ce dernier.
Quant à la formation, je suis très favorable à faire davantage pour l'enseignement agricole dans le domaine du bois, et tout amendement sur ce sujet sera considéré.
Madame Got, reconnaissons, s'agissant du dispositif assurantiel, que si, avant la loi, il n'y avait pas d'assurance pour la forêt, il y en aura une après. Qu'on le veuille ou non c'est un changement, lequel est d'ailleurs coûteux pour les finances publiques puisque le fonds d'assurance forêt bénéficie d'une défiscalisation.
Par ailleurs, s'il faut soutenir l'investissement en forêt, je ne crois pas que la bonne réponse soit d'intégrer le dispositif en la matière dans celui sur l'assurance forêt.
Monsieur Bouchet, je suis prêt à accepter des amendements qui relanceraient des études sur le coût de la main-d'oeuvre permanente, notamment dans le secteur des fruits et légumes.
Monsieur Clément, les contrats types que vous citez – qui datent de 1964 et qui sont peu appliqués – ne comportent pas autant de dispositions que ceux qui figurent dans le texte. Le vrai changement provient surtout du caractère obligatoire de ces derniers, les clauses types y figurant étant laissées dans un premier temps à l'appréciation de l'interprofession, l'État intervenant ensuite si la négociation n'aboutit pas.
Monsieur Pancher, j'ai eu l'occasion de m'expliquer avec tous les représentants syndicaux concernant les interprofessions. Il est, me semble-t-il, de l'intérêt des organisations syndicales de travailler davantage ensemble et d'être pluralistes. Simplement, ces interprofessions étant de droit privé, c'est à elles de juger de leur évolution. Je crains qu'en précipitant les choses par la voie législative, le remède soit pire que le mal, d'autant que les interprofessions elles-mêmes évoluent. Ainsi, dans la filière lait, le responsable de la Fédération nationale des producteurs de lait, Henri Brichart, a ouvert la discussion aux autres organisations syndicales représentatives. Les choses bougent lentement, et tous mes prédécesseurs – gauche et droite confondues – m'ont dit combien le sujet était hautement sensible et que le mieux était d'accompagner les choses plutôt que de les forcer.
Madame Marcel, il faut en effet défendre la diversité des types d'agriculture. Quant à la régionalisation, elle sera prise en compte dans les plans de développement des filières. Les bassins de production à l'échelle d'une région deviendront la référence agricole en France d'ici quelques mois parce que c'est la taille critique si l'on veut une bonne organisation des filières et garantir la présence de l'agriculture sur tout le territoire.
Je n'entrerai pas dans le détail parce qu'il est tard, mais concernant notamment les quotas laitiers, leur gestion à l'échelon départemental n'est plus une bonne solution.
Monsieur Brottes, vous êtes un vrai spécialiste de la forêt et je n'ai donc pas grand-chose à ajouter à toutes vos remarques, sinon pour faire remarquer que l'assurance forêt constitue tout de même un point nouveau. Quant au rôle de l'ONF, je suis très à l'aise : alors que je souhaitais un renforcement de ses capacités d'intervention, je me suis heurté à une opposition unanime des sénateurs à tel point que j'ai dû retirer l'amendement du Gouvernement en la matière. Si jamais vous voulez un tel renforcement, nous pourrons toujours en rediscuter en séance publique.
Enfin s'agissant de l'agriculture de montagne, deux éléments permettront de la soutenir.
Le premier a trait au maintien des aides européennes et de celles de l'État. Nous avons eu gain de cause auprès de la Commission : il n'y aura pas de remise en cause des aides, notamment du deuxième pilier, pour les territoires en difficulté.
Le second élément est relatif à la valorisation. Dans les territoires de montagne qui produisent du Beaufort, de la Tome de Savoie ou du Reblochon, le lait est à 400 ou 420 euros la tonne contre 300 euros en moyenne – ce qui me permet d'ailleurs de rappeler que si le prix du lait est remonté sur les marchés européens de 230 euros à environ 300 euros la tonne, c'est grâce à notre intervention. D'une manière générale, la valorisation des produits est la ligne à suivre : ainsi avec le lait, si on fait plus de fromage valorisé et moins de beurre poudre, on se portera beaucoup mieux qu'aujourd'hui.
La qualité et la diversité des questions n'ont eu d'égal, monsieur le ministre, que la qualité de vos réponses.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 2 juin 2010 à 21 h 30
Présents. - M. Philippe Boënnec, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Serge Grouard, M. Jacques Houssin, M. Christian Jacob, M. Jacques Le Nay, M. Bertrand Pancher, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, Mme Catherine Quéré, Mme Françoise de Salvador
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Michel Havard, M. Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, M. Christophe Priou
Assistaient également à la réunion. - M. Pascal Deguilhem, M. Jean Mallot, Mme Isabelle Vasseur