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Intervention de Michel Raison

Réunion du 2 juin 2010 à 21h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Raison, rapporteur de la Commission des affaires économiques, pour les titres Ier, II, III et V :

Monsieur le ministre, vous nous avez démontré dans votre introduction que le projet de loi de modernisation agricole était un levier français parmi l'ensemble de ceux dont on dispose au niveau tant de l'OMC que de la PAC et à l'égard des agriculteurs eux-mêmes. Nous avons la chance que vous soyez un brillant défenseur de la France au niveau de l'Union européenne comme au niveau international. Sans cette volonté du Gouvernement français, la loi de modernisation agricole elle-même ne servirait à rien.

L'examen de ce projet de loi au Sénat, vous l'avez dit, a permis d'enrichir le texte sur de nombreux points et d'apporter plusieurs précisions auxquelles nous ne pouvons que souscrire – je pense en particulier à la primauté des accords interprofessionnels pour la fixation des contrats types, à l'obligation pour le Gouvernement de présenter les modalités d'une réassurance publique tant attendue en réponse aux événements exceptionnels susceptibles de frapper l'agriculture, ou encore à l'affectation de la taxe sur la SAU sortant du domaine agricole, d'abord supprimée en commission par le Sénat, puis réintroduite et affectée à l'installation des jeunes agriculteurs.

Pour ce qui est de la politique publique de l'alimentation, qui constitue l'orientation essentielle pour l'agriculture, le Sénat a également très bien travaillé sur le texte. J'estime néanmoins que le lien entre le programme national de l'alimentation (PNA) et le programme national nutrition-santé (PNNS) devrait être mieux explicité dans le texte : nous pouvons donc encore l'améliorer sur ce point, ainsi que, plus généralement, sur la possibilité de développer des partenariats pour la mise en oeuvre du PNA.

D'autres dossiers, comme celui de la formation obligatoire, pourraient encore être abordés, sans pour autant alourdir le système français, qui a coutume de fixer un peu plus de règles que la moyenne européenne. Nous avons pris note de votre intention de respecter la règle européenne et nous vous surprendrons peut-être avec des propositions permettant, certes, de la respecter, mais sans plus.

Vous avez été très clair quant aux modalités de la contractualisation et aux objectifs que vous poursuivez au moyen de cet instrument. Les auditions que nous avons menées à son sujet nous ont permis d'observer des réactions très contrastées des interprofessions et des différentes filières, et il faudra vraisemblablement en faire la promotion. Par ailleurs, la totalité des acteurs souligne la nécessité d'inscrire les contrats dans une démarche plus globale de régulation et de gestion des marchés au niveau communautaire. Le texte précise d'ailleurs dans son introduction que la loi ne peut fonctionner que si le gouvernement et la Présidence de la République font leur travail dans le cadre des « bras de fer » qu'ils ont à livrer au niveau international. Des négociations sont en cours et le  groupe d'experts à haut niveau de l'Union européenne sur le lait doit rendre ses conclusions au mois de juin. Pouvez-vous déjà nous dire s'il sera concrètement possible d'avancer sur ce sujet au niveau communautaire ?

Je souhaiterais également que vous nous fournissiez des explications sur la suppression que vous annoncez du prix après vente, laquelle ne me semble pas ressortir clairement du texte adopté par le Sénat.

L'Observatoire des prix et des marges est un instrument très demandé, au niveau des producteurs comme à celui des consommateurs, et même à celui des distributeurs, mais il faut le mettre en oeuvre avec prudence. Pour être véritablement au service de la transparence, il doit être un outil reconnu, et donc irréprochable. Se posera donc inévitablement la question des moyens qui lui seront consacrés et il conviendra d'être vigilant en loi de finances sur les dotations allouées à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et aux services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d'ailleurs très sollicités, d'une manière générale, dans le cadre de l'application des dispositions de la future loi comme ils le sont pour la loi sur la modernisation de l'économie. Enfin, l'Observatoire doit éviter les amalgames et ne pas sombrer dans des querelles internes. Je suggérerais donc que l'étude de la formation des prix soit bien différenciée de celle des coûts de production. Il conviendrait également de veiller à ce que l'évaluation des marges tienne compte de tous les paramètres en jeu.

Enfin, l'objectif de modernisation poursuivi dans le projet de loi doit donner aux agriculteurs les moyens nécessaires pour être plus compétitifs collectivement et pour mieux faire face aux aléas, notamment économiques, de plus en plus fréquents avec les fluctuations actuelles des cours. À cet égard, l'incitation à la création d'une épargne de précaution doit être un objectif majeur pour notre agriculture. Dans cette perspective, la dotation pour aléas (DPA) a connu récemment plusieurs modifications importantes, dont la dernière, apportée en loi de finances rectificative pour 2009, a permis d'étendre son champ aux aléas économiques. Sans vouloir faire évoluer encore le régime de la DPA, je pense vous proposer certains aménagements fiscaux, visant aussi la déduction pour investissement (DPI), qui encourage l'investissement. Compte tenu de la situation actuelle des exploitations agricoles, il conviendrait aussi d'encourager davantage l'épargne et de disposer de provisions pour d'autres utilisations.

Enfin, des outils et des règles applicables à l'agriculture sont aujourd'hui archaïques et inadaptés au monde dans lequel les agriculteurs évoluent. La simplification, évoquée depuis des décennies, doit donc être considérée comme une priorité. Nous disposons en la matière de marges de manoeuvre pour simplifier les mécanismes et appliquer certaines directives d'une manière plus productive. Ce n'est pas ici le lieu de rouvrir le débat sur le contrôle des structures, mais nous disposons aussi de marges de manoeuvre pour simplifier la vie des agriculteurs et leur proposer des outils simples et opérationnels pour une meilleure gestion de leurs exploitations. Ainsi, il ne serait pas absurde de permettre la constitution d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) entre mari et femme, ce qui est actuellement impossible – cette impossibilité a donné lieu à des situations aberrantes, certains couples d'agriculteurs ayant séparé leurs exploitations, voire divorcé pour des raisons administratives.

Un dernier mot sur le volet du texte consacré à la forêt : j'approuve pleinement l'initiative du Sénat visant à créer un compte épargne forestière et à inciter au développement de l'assurance forestière. Les tempêtes que nous avons connues ont néanmoins démontré que l'assurance ne peut pas tout et je déplore que le Gouvernement ait souhaité traduire aussi fermement dans le texte sa volonté de désengagement, à l'avenir, des dépenses de nettoyage et de reconstitution. Il me semble qu'il faudra réexaminer très sérieusement ces dispositions.

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