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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 2 juin 2010 à 21h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Bruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche :

La qualité des questions permettra sans nul doute d'améliorer la qualité du texte.

Monsieur Poignant, le coût du travail est vrai sujet qui dépasse de très loin la seule question agricole et qui engage le rapport de notre modèle social aux autres modèles européens. Je réitère sur ce point mon accord avec M. Germinal Peiro : je reste convaincu que sans harmonisation fiscale et sociale dans un marché unique, notamment la zone euro, de graves difficultés, dues à des écarts de compétitivité, ne peuvent qu'apparaître à échéance plus ou moins lointaine.

En matière de recherche et développement, on peut toujours intervenir de manière législative, mais ce qui compte c'est prendre la décision. Tel a été le cas avec l'essai de vigne OGM en plein champ pour lutter contre la maladie du court-noué qui avait reçu l'accord aussi bien des scientifiques que du Haut conseil des biotechnologies et pour lequel j'ai rendu un avis positif avec le soutien de Jean-Louis Borloo. Certes, la presse a été unanimement négative, mais je n'en assume pas moins totalement cette décision. Elle était raisonnable, sauf à laisser la maladie du court-noué se répandre un peu partout.

Les représentants des groupes d'opposition doivent le comprendre : les chercheurs de l'INRA, ceux qui travaillent sur les biotechnologies et le végétal, qui sont un atout majeur de l'agriculture française car nous sommes en avance sur ces sujets, auraient été désespérés – je pèse mes mots – que le ministre de l'agriculture ne donne pas son accord après un avis positif du Haut conseil, comme ils ont été désespérés qu'à la suite de la destruction, par un groupe radical, de cet essai autorisé par les autorités publiques, il y ait eu aussi peu de réactions pour défendre leur position et pour dénoncer ce type de comportement.

Quant au développement de l'assurance, celui de la DPA votée dans le cadre de la dernière loi de finances, élargie aux aléas économiques, permet déjà de réaliser des économies substantielles grâce à un effort important de l'État.

Madame Quéré, la bataille que j'ai livrée l'a été pour maintenir le budget de la PAC. J'estime aujourd'hui qu'elle est gagnée – alors qu'elle était perdue au mois d'octobre dernier. Pour autant, tous les agriculteurs de France savent que le niveau des aides directes du premier pilier baissera, car les pays d'Europe de l'Est, notamment la Pologne, n'ont pas les mêmes références historiques que nous. C'est d'ailleurs pourquoi je me bats autant sur la régulation des marchés : faire en sorte que de l'argent soit alloué à celle-ci profitera plus à tout le marché agricole européen qu'une répartition des aides directes en défaveur de la France et au profit d'autres pays.

Le prix dans les contrats est une bataille essentielle, et il faut que les interprofessions soient libres de fixer des indicateurs de tendance de marché. Alors que le droit européen est déjà restrictif, la DGCCRF l'applique de manière très rigoureuse. Nous avons eu, le Président de la République et moi-même, un échange très vif avec Dacian Cioloş pour donner aux interprofessions la possibilité de fixer de tels indicateurs de tendance de marché. Il serait irresponsable que les agriculteurs que l'on a fait vivre pendant des décennies à côté du marché soient, du jour au lendemain, contraints de vivre dans le marché en devant se débrouiller seuls.

Quant à la Vendée et à la Charente-Maritime, dont la situation me sensibilise particulièrement – je m'y rendrai d'ailleurs vendredi pour rencontrer les agriculteurs –, nous nous battons auprès de la Commission pour obtenir le droit de verser à ces derniers les aides qui leur sont dues. Si je viens sur place – à mes risques et périls, oserais-je dire –, c'est pour marquer ma volonté absolue de verser maintenant les aides aux exploitations.

Monsieur Martin, un décret sera envoyé à Bruxelles sur la question de l'incorporation d'un ingrédient AOC car, qu'il s'agisse du champagne ou d'autres appellations, il est inacceptable que les indications en la matière ne soient pas plus précises. Une telle précision est envisageable dans la loi si vous le souhaitez, mais je m'engage à le faire par la voie réglementaire.

Monsieur Gaubert, j'assume l'héritage du gouvernement précédent de M. Fillon, encore que je n'ai pas pris le risque de divulguer – parce que cela n'aurait pas été bon pour l'image de notre pays – certains documents sur les aides d'État qui ont été données par mes prédécesseurs en violation totale des règles européennes. Mais, pour parler clair, que l'on ne vienne pas me chercher sur le sujet des aides ! Je veux bien faire le sale boulot qui est de récupérer ces dernières, mais je ne veux pas en plus que l'on me reproche de ne pas assumer l'héritage.

Concernant les ordonnances relatives à la gestion sanitaire, je suis d'accord pour vous fournir les conclusions des États généraux du sanitaire, notamment le point d'accord auquel nous sommes parvenus avec les vétérinaires, les exploitants agricoles et les scientifiques. C'est un sujet majeur et j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'expliquer à la nouvelle ministre britannique – qui souhaitait remettre à plat la PAC, supprimer les aides directes et simplifier les dispositifs – que c'est en simplifiant les règles administratives dans le domaine sanitaire que nous avons eu la crise de la vache folle, sachant que pour la France, corriger les erreurs de la Grande-Bretagne a coûté 1 milliard d'euros par an.

Monsieur Saint-Léger, la suppression de la référence à la demi-SMI – pour installation en GAEC du moins – est un sujet que je suis prêt à étudier, la question étant toutefois de savoir si l'on ne fait pas courir un risque aux jeunes agriculteurs en les laissant s'installer dans des exploitations qui seraient de trop petite taille.

Monsieur Chanteguet, justement, nous dépensons 330 millions d'euros pour l'installation des jeunes agriculteurs. J'étudierai, notamment avec Christian Jacob qui connaît bien le sujet, si des mesures spécifiques – rendues possibles par l'affectation des 40 à 50 millions d'euros supplémentaires que la taxe sur la mutation peut rapporter – peuvent d'ores et déjà être envisagées en la matière. Je comprends la crainte qui a été exprimée de voir Bercy récupérer la mise si la somme affectée aux agriculteurs n'est pas fléchée sur un dispositif précis. Je tiens cependant à signaler l'attitude particulièrement constructive de Mme Lagarde qui n'a pas bloqué des dispositions novatrices qui engagent les finances publiques.

Monsieur Le Nay, la réforme de l'ONF est en cours, mais, plus généralement, je reviendrai sur la forêt en répondant aux questions très précises posées à ce sujet par M. Brottes.

Madame Erhel, il est envisageable que les organisations de producteurs gèrent des contrats, en particulier dans le secteur des légumes frais. Encore faut-il qu'elles sortent impérativement de logiques trop locales pour avoir une approche plus nationale, car le marché – c'est bien d'ailleurs tout le problème de notre compétitivité – est européen. Il faut penser les choses de manière un peu plus globale si l'on veut vraiment être performant. Quand on constate que de plus en plus de porcs bretons sont abattus en Allemagne parce cela coûte moins cher que de les faire abattre à vingt kilomètres de leur lieu d'élevage, c'est bien qu'il y a une difficulté à résoudre.

Monsieur Trassy-Paillogues, s'il n'est pas écrit noir sur blanc que les élus locaux sont présents au sein de la commission départementale, il faudra l'écrire. De même, concernant l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la proposition d'y inclure des parlementaires est intéressante, même si le rôle de cet organisme sera considérablement renforcé par rapport à la situation actuelle. On passerait en effet d'un système que personne ne comprend et où seules quelques indications de prix et de marge figurent sur Internet, à un dispositif dans lequel un président aura à remettre un rapport et des conclusions, avec un droit de suite du Parlement.

Quant à savoir si la PAC est soutenue de façon homogène, je dirai clairement que la position britannique, notamment, est devenue de plus en plus raide sur le sujet. Faire basculer définitivement les Allemands de notre côté est d'ailleurs tout l'objet de la position commune sur laquelle je travaille depuis six mois et que j'espère pouvoir présenter en septembre prochain avec mon homologue Mme Aigner. Le Président de la République en a récemment parlé avec Mme Merckel, et les choses vont donc dans la bonne direction. À cet égard, tous les parlementaires qui pourraient appuyer la position française en matière de régulation au cours de leurs déplacements en Europe, notamment au Bundestag, sont les bienvenus.

Monsieur Bouillon, le projet de loi propose, s'agissant des circuits courts, une modification des règles d'appels d'offre de façon que les organisations de producteurs y participent, ce qui est un vrai changement. J'aurais même souhaité que l'on aille plus loin en instaurant une notion de distance, mais si les Américains ont, en matière de restauration collective, notamment scolaire, l'obligation de se fournir en produits agricoles cultivés à moins de cinquante kilomètres du lieu de consommation, un tel dispositif serait contraire aux règles communautaires. Le système du marché unique veut en effet que l'on s'approvisionne en produits espagnols, italiens ou encore allemands sur la base de règles de concurrence identiques – le défaut de la cuirasse étant que l'on ne s'approvisionne pas forcément en produits allemands, italiens ou autres, mais en produits d'Amérique du sud ! Cependant, la modification des règles d'appels d'offre change déjà la donne, et s'il existe d'autres possibilités pour aller plus loin en conformité avec le droit communautaire, j'y serai favorable, étant un farouche partisan des circuits courts.

Monsieur Boënnec, le renouvellement de la ressource naturelle est un vrai sujet. Cela fait partie des investissements absolument nécessaires à réaliser.

Quant au reversement en partie de la taxe éolienne off shore aux professionnels, j'y suis favorable, mais ce n'est malheureusement pas uniquement moi qui décide en la matière, d'autant que d'autres ministres ne sont pas de cet avis. En tout cas, donner de l'argent aux pêcheurs dans ce cadre ne me poserait aucune difficulté.

Monsieur Deguilhem, je ne souhaite pas, s'agissant de la réorganisation du territoire, que l'on rouvre le dossier des SAFER dans le cadre du projet de loi, car cela nous entraînerait trop loin.

Monsieur Auclair, je constate que vous êtes toujours aussi généreux avec les agriculteurs ! Vous avez en tout cas été entendu concernant les organisations de producteurs commerciales, notamment pour la filière de l'élevage. Nous n'allons pas en effet trancher tout de suite entre les différentes options possibles – dont celle, volontariste, retenue par certains pays européens qui oblige les producteurs à entrer dans de telles organisations –, mais nous donner un peu de temps.

Quant à vos autres propositions, qui ne sont pas du domaine législatif, elles ont un unique défaut, mais qui n'est pas négligeable, celui d'être extraordinairement coûteuses. Ainsi, la suppression de la limite d'âge à soixante ans pour l'attribution de la PHAE et de l'ICHN risquerait de nous entraîner très loin, le coût pour la prime herbagère, par exemple, se chiffrant en centaines de millions d'euros. Je suis cependant prêt à examiner les différents points que vous avez soulevés.

Monsieur Manscour, l'outre-mer est un sujet essentiel et là aussi notre volonté est d'agir. Nous avons mis sur la table 40 millions d'euros, et si je défends un projet de diversification de l'agriculture en outre-mer, c'est parce que c'est la seule façon d'éviter qu'elle soit en difficulté, car la monoculture ne sera plus rentable d'ici quelques années.

Concernant le chlordécone, je ne vous cache pas que l'on n'a pas la solution. Le plan chlordécone devrait être présenté au début de l'année 2011 et je souhaite que l'on avance en la matière pour avoir des réponses plus rapides, mais c'est un sujet difficile notamment parce que la santé publique est en jeu.

Monsieur Herth, je vous remercie d'avoir souligné la nécessité de prendre en considération les exigences du marché. Mais l'équilibre est difficile à trouver entre l'accompagnement des agriculteurs vers le marché et l'impossibilité dans le même temps de se dispenser des règles de ce dernier.

Quant à la formation, je suis très favorable à faire davantage pour l'enseignement agricole dans le domaine du bois, et tout amendement sur ce sujet sera considéré.

Madame Got, reconnaissons, s'agissant du dispositif assurantiel, que si, avant la loi, il n'y avait pas d'assurance pour la forêt, il y en aura une après. Qu'on le veuille ou non c'est un changement, lequel est d'ailleurs coûteux pour les finances publiques puisque le fonds d'assurance forêt bénéficie d'une défiscalisation.

Par ailleurs, s'il faut soutenir l'investissement en forêt, je ne crois pas que la bonne réponse soit d'intégrer le dispositif en la matière dans celui sur l'assurance forêt.

Monsieur Bouchet, je suis prêt à accepter des amendements qui relanceraient des études sur le coût de la main-d'oeuvre permanente, notamment dans le secteur des fruits et légumes.

Monsieur Clément, les contrats types que vous citez – qui datent de 1964 et qui sont peu appliqués – ne comportent pas autant de dispositions que ceux qui figurent dans le texte. Le vrai changement provient surtout du caractère obligatoire de ces derniers, les clauses types y figurant étant laissées dans un premier temps à l'appréciation de l'interprofession, l'État intervenant ensuite si la négociation n'aboutit pas.

Monsieur Pancher, j'ai eu l'occasion de m'expliquer avec tous les représentants syndicaux concernant les interprofessions. Il est, me semble-t-il, de l'intérêt des organisations syndicales de travailler davantage ensemble et d'être pluralistes. Simplement, ces interprofessions étant de droit privé, c'est à elles de juger de leur évolution. Je crains qu'en précipitant les choses par la voie législative, le remède soit pire que le mal, d'autant que les interprofessions elles-mêmes évoluent. Ainsi, dans la filière lait, le responsable de la Fédération nationale des producteurs de lait, Henri Brichart, a ouvert la discussion aux autres organisations syndicales représentatives. Les choses bougent lentement, et tous mes prédécesseurs – gauche et droite confondues – m'ont dit combien le sujet était hautement sensible et que le mieux était d'accompagner les choses plutôt que de les forcer.

Madame Marcel, il faut en effet défendre la diversité des types d'agriculture. Quant à la régionalisation, elle sera prise en compte dans les plans de développement des filières. Les bassins de production à l'échelle d'une région deviendront la référence agricole en France d'ici quelques mois parce que c'est la taille critique si l'on veut une bonne organisation des filières et garantir la présence de l'agriculture sur tout le territoire.

Je n'entrerai pas dans le détail parce qu'il est tard, mais concernant notamment les quotas laitiers, leur gestion à l'échelon départemental n'est plus une bonne solution.

Monsieur Brottes, vous êtes un vrai spécialiste de la forêt et je n'ai donc pas grand-chose à ajouter à toutes vos remarques, sinon pour faire remarquer que l'assurance forêt constitue tout de même un point nouveau. Quant au rôle de l'ONF, je suis très à l'aise : alors que je souhaitais un renforcement de ses capacités d'intervention, je me suis heurté à une opposition unanime des sénateurs à tel point que j'ai dû retirer l'amendement du Gouvernement en la matière. Si jamais vous voulez un tel renforcement, nous pourrons toujours en rediscuter en séance publique.

Enfin s'agissant de l'agriculture de montagne, deux éléments permettront de la soutenir.

Le premier a trait au maintien des aides européennes et de celles de l'État. Nous avons eu gain de cause auprès de la Commission : il n'y aura pas de remise en cause des aides, notamment du deuxième pilier, pour les territoires en difficulté.

Le second élément est relatif à la valorisation. Dans les territoires de montagne qui produisent du Beaufort, de la Tome de Savoie ou du Reblochon, le lait est à 400 ou 420 euros la tonne contre 300 euros en moyenne – ce qui me permet d'ailleurs de rappeler que si le prix du lait est remonté sur les marchés européens de 230 euros à environ 300 euros la tonne, c'est grâce à notre intervention. D'une manière générale, la valorisation des produits est la ligne à suivre : ainsi avec le lait, si on fait plus de fromage valorisé et moins de beurre poudre, on se portera beaucoup mieux qu'aujourd'hui.

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