COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 9 juin 2010
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales entend M. Jean-Louis Faure, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP).
Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la réforme des retraites, en recevant M. Jean-Louis Faure, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). Il est accompagné par M. Marcel Jamet, directeur général du groupe Agrica, et M. Bertrand Boivin-Champeaux, directeur prévoyance et retraite supplémentaire.
Vous nous direz le constat que votre organisation porte sur la situation de notre système de retraite et quelles sont les propositions qu'elle avance dans le cadre de la concertation menée par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le développement de l'épargne-retraite.
Comme le CTIP est peu connu, je vais d'abord le présenter en quelques mots. Il s'agit de la fédération des institutions de prévoyance, qui sont des sociétés d'assurance soumises au régime des directives communautaires sur les assurances. Se caractérisant par leur gestion paritaire entre employeurs et salariés, elles sont nées dans le cadre de la convention collective de 1947, qui a institué le régime complémentaire des cadres et instauré une obligation de cotisation pour les entreprises de 1,5 % au dessous du plafond de la sécurité sociale. Au fil des ans, le dispositif a été étendu aux autres catégories de salariés, mais aussi à d'autres risques, comme le décès. Les deux grandes dates de l'histoire des institutions de prévoyance sont ensuite la « loi Évin » du 31 décembre 1989, qui a créé une obligation de provisionnement, puis la loi du 8 août 1994, qui les a placées dans le secteur des assurances concurrentielles. Hormis dans une certaine mesure en Belgique, il n'existe pas d'autre exemple en Europe d'organismes concurrentiels à gestion paritaire.
La mission des institutions de prévoyance consiste à offrir des assurances complémentaires aux salariés du secteur privé par le biais de contrats collectifs de préférence obligatoires, dans les domaines de la santé (cela représente la moitié de notre activité), de la prévoyance (invalidité, décès, dépendance…) et de l'épargne retraite. Les cotisations au titre de l'ensemble de ces activités atteignent 11,3 milliards d'euros par an, et même 16 milliards d'euros si l'on compte les produits proposés avec d'autres intervenants avec lesquels nous avons mené des partenariats. Ces dispositifs bénéficient à 20 millions de personnes (12 millions de salariés et leur famille) appartenant à 2 millions d'entreprises. Les institutions de prévoyance ne gèrent des contrats individuels que s'ils sont liés à des contrats à adhésion facultative conclus dans le cadre du dialogue social. Pour ce qui est plus précisément de l'épargne retraite collective d'entreprise, les cotisations s'élèvent à 1,7 milliard d'euros par an, soit environ un cinquième de l'ensemble de l'épargne entreprise en France. L'en-cours des réserves constituées pour servir les rentes se monte à 22 milliards d'euros. 1 million de salariés et 30 000 entreprises sont concernés par ces dispositifs d'épargne d'entreprise.
Nous avons un devoir de réserve à l'égard de la retraite obligatoire, car le sujet appartient aux partenaires sociaux. En revanche, nous souhaitons vous exposer ce qu'il en est concrètement de l'épargne retraite. La problématique est, en effet, la suivante : au moment de la retraite, le changement de vie entraîne des changements dans le logement et, surtout, le salarié a besoin d'un revenu de remplacement. C'est pourquoi les institutions de prévoyance servent principalement des rentes et non des sorties en capital.
Le cadre collectif est essentiel en ce qu'il apporte un effet de levier lié à l'obligation d'adhésion et, partant, de moindres coûts d'acquisition et de gestion, alors que ceux-ci sont généralement élevés en matière d'épargne retraite. En outre, il permet la participation de l'employeur et favorise le dialogue social dans l'entreprise ou dans la branche. Favoriser le développement de cette épargne salariale est donc souhaitable et doit d'abord passer par la simplification de son cadre : il est dommage, à cet égard, que les produits continuent d'être désignés par des numéros d'articles du code général des impôts. Il faut introduire davantage de transparence pour les assurés, comme on l'a fait, en matière individuelle, pour le plan d'épargne retraite populaire (PERP). Il faut favoriser la confiance, en améliorant la transparence et l'information tout au long de la carrière du salarié et s'attacher à une sécurité optimale, sinon maximale, du dispositif, en favorisant des placements de longue durée, dont l'évolution offre le plus de garanties.
Je vais d'abord vous décrire brièvement les activités d'Agrica, groupe de protection sociale dédié au monde agricole, dont relèvent 1,4 million de cotisants et 900 000 retraités. Il comprend deux caisses complémentaires ARRCOAGIRC et trois institutions de prévoyance s'adressant aux organismes agricoles ainsi qu'au secteur de la production agricole. Il a joué un rôle précurseur en matière de retraite supplémentaire lorsqu'en 1996, les salariés agricoles sont entrés dans la compensation interrégimes et ont décidé de créer un régime supplémentaire par capitalisation, baptisé « 1,24 » en raison du taux de cotisation retenu, régime relevant de l'article 83 du code général des impôts. Cette création a recueilli les signatures de l'ensemble des organisations patronales et syndicales concernées. La gestion est assurée, de manière paritaire, par la Caisse centrale de prévoyance mutuelle agricole (CCPMA), qui définit notamment les orientations de placement. Il s'agit d'un régime en euros : chaque cotisant reçoit donc un relevé de compte annuel, mentionnant ses cotisations et les produits financiers, qui se sont montés à 3,5 % en 2009. La capitalisation progressive permet à terme le versement d'une rente, réversible ou non selon l'option choisie par le cotisant, ou, si le montant est trop faible, un versement unique en capital.
Le taux de cotisation a été fixé à 1,24 %, à parité entre employeurs et salariés. Pour une carrière complète, ce taux de cotisation assure 3 points de taux de remplacement. C'est pourquoi les entreprises sont incitées à aller au-delà, jusqu'à 3 ou 4 % de taux de cotisation, de façon à améliorer significativement ce taux de remplacement. Le dossier d'information qui vous a été remis présente les témoignages de grands groupes agricoles, qui estiment que ce régime contribue à la fidélisation de leurs salariés. Il est, en effet, de nature obligatoire pour les 277 000 cotisants, qui versent chaque année 100 millions d'euros, le total de l'en-cours atteignant aujourd'hui 1,13 milliard d'euros.
Fixés de manière transparente et paritaire, les frais se montent à 1,5 % des cotisations et à 0,2 % de l'en-cours. La gestion des fonds est déléguée, en particulier au Crédit agricole et à Groupama. Nous avons 800 salariés, étant toutefois précisé que l'activité retraite dans le cadre de l'AGIRC-ARCCO représente les deux tiers des activités du groupe, qui intervient également dans le domaine de la prévoyance.
Ces coûts de gestion sont remarquablement peu élevés.
Il est vrai que nous avons l'avantage de ne pas entretenir de réseau commercial, puisque l'adhésion résulte d'un accord conclu par les partenaires sociaux. Nous n'avons donc pas de coût de distribution.
Pour les cadres de la production agricole, tels les responsables de grands vignobles du Bordelais, de grandes exploitations du centre de la France ou d'élevages porcins de Bretagne, un régime conventionnel a été mis en place dès 1952, prévoyant une cotisation minimale de 2 %, également de nature paritaire. Il s'agit ici d'un régime par points. Il compte 20 000 cotisants et son en-cours s'élève à 400 millions d'euros. Ici aussi, les adhérents ont la possibilité d'opter pour la réversion et des accords collectifs peuvent décider de taux de cotisation plus élevés.
Dans le document que vous avez mis à la disposition des commissaires, vous évoquez un autre exemple de dispositif d'épargne retraite ayant permis de porter les prévisions de taux de remplacement pour les cadres à 65 ans de 46 % en 1992 à 68 % : pourriez-vous revenir sur cet exemple ?
L'objectif de ce produit, géré par le groupe APRIONIS était d'augmenter les taux de remplacement dans un organisme de construction et de gestion de logements sociaux. Depuis 1992, existait dans cet organisme un régime à cotisations définies, relevant de l'article 83, négocié au sein de l'établissement, qui avait vocation à porter de 46 % à 60 % le taux de remplacement des retraites des personnes couvertes.
Or, la fusion d'un certain nombre d'entités, au plan départemental, a généré des différences de traitement entre les salariés qui, selon les départements, bénéficiaient ou non de ce régime.
De manière à effacer ces différences entre salariés et à rendre plus équitables ces régimes, le recours au dialogue social a permis d'instituer un processus que l'on peut dire de rattrapage : il s'agit de la création, en 2010, pour les cadres, d'un régime à prestations définies – il s'agit en fait de « retraites chapeau », dont on entend parfois parler dans la presse avec une connotation différente ! Les salariés qui n'avaient pas cotisé au régime supplémentaire, puisqu'ils n'étaient pas dans le groupe, peuvent ainsi rattraper des années de cotisations. Sont ainsi mis à égalité, au sein des organismes qui ont fusionné, les salariés qui ont ou non cotisé, mais qui tous appartiennent à une génération qui va partir en même temps à la retraite. Ces dispositifs sont dits d'« article 89 ».
Un tel système présente une véritable vertu sociale, dans la mesure où il est proposé à l'ensemble des salariés de l'entreprise considérée.
Au total, comme vous l'avez indiqué, l'adossement des deux dispositifs a conduit au résultat suivant : les prévisions du taux de remplacement en 1992 étaient pour les cadres de 46 % à 65 ans. Le contrat à cotisations définies qui avait été mis en place, pour une partie seulement des personnels aujourd'hui en emploi, en 1992, ainsi que l'augmentation du taux des cotisations effectuée en 2010, a permis de porter le taux de remplacement prévisionnel à 60 %. Le complément apporté par le régime à prestation définie portera le taux de remplacement à 68 %.
Le taux cumulé des deux cotisations atteint 8 %, applicable sur une durée d'environ vingt ans.
Dans quelle mesure peut-on considérer qu'il est plus avantageux de constituer une épargne retraite dans un tel cadre collectif, plutôt que par une démarche individuelle (par l'achat d'un logement, d'actions, …) ?
Si l'on procède à une épargne à titre personnel, les risques de placement sont assez importants. Si on diminue ces risques, ce sont les rendements qui s'avèrent faibles. Si, au moment de sa retraite, l'effort d'épargne a permis d'acquérir un bien immobilier, sa maison, il s'agit d'un élément tangible qui permet la diminution de ses charges à ce moment-là. Mais comment s'assurer de revenus au moment de la retraite ? Cela dépend de la qualité des placements effectués. Encore une fois, si ceux-ci sont extrêmement prudents, le niveau de la rente sera faible ; dans le cas contraire, l'épargnant prend un risque qui peut être important en temps de crise, comme l'ont montré la dernière crise financière ou celle que nous avons connue au moment de l'éclatement de la « bulle » Internet.
Dans les régimes supplémentaires, une partie de la cotisation est prise en charge par l'entreprise. D'où un bon niveau de rendement et de sécurité collective, que l'on ne retrouve pas forcément avec l'achat d'un bien immobilier.
Je souhaiterais, d'une part, vous interroger sur le lien qu'il est possible d'établir entre les différents outils d'épargne salariale (intéressement, participation, …) et l'épargne retraite. D'autre part, quel est selon vous le modèle d'imposition le plus adapté à l'épargne retraite ?
Vous nous présentez ce matin encore un nouveau type de retraite. Celui-ci est hybride : il est obligatoire, implique une participation de l'employeur, comporte un régime de cotisations spécifique, … Bref, cela complexifie encore la lecture que nous pouvons avoir de notre système de retraite ! Ce dispositif consacre, dans une large mesure, l'entrée dans nos entreprises des mécanismes d'assurance privée : quoi que l'on en pense, cette construction est assez particulière…
Je souhaiterais également que vous puissiez revenir sur les différences entre l'intéressement et l'épargne retraite, et sur l'étanchéité entre les deux.
Enfin, quelle serait, selon vous, l'incidence d'un report de l'âge légal de départ à la retraite sur la gestion des caisses dont vous avez la charge ?
En détaillant, au fil de nos auditions, les régimes multiples de retraite, qu'ils soient complémentaires, supplémentaires, exceptionnels, …, il apparaît très clairement une chose : si tant de régimes spécifiques s'avèrent nécessaires, c'est bien que le niveau de retraite du régime général a tendance à s'amenuiser. Sans quoi, la création de ces différents régimes – qui correspondent à autant de contributions supplémentaires – ne serait pas indispensable !
Encore faut-il avoir les moyens de payer…
Par ailleurs, vous avez évoqué la capitalisation. Je ne suis, pour ma part, pas hostile à la notion de prévoyance, qui n'est pas nouvelle. Mais la question reste entière du dialogue social et de la concertation, au niveau de la branche ou au niveau de l'entreprise. On peut se demander ce qui reste de ce dialogue social. Pour ma part, tout en étant actionnaire d'une grande entreprise, je me suis retrouvé licencié. Moi qui me croyais propriétaire d'une part de l'entreprise, je me suis alors demandé ce que devenaient mes actions. Dans quelle mesure peut-on alors véritablement parler de dialogue social ?
Il serait intéressant que vous puissiez revenir sur le rôle important que vous jouez en matière de complémentaire santé. J'ai été, il y a quelques années, rapporteur d'un texte relatif à la mise en conformité de ces régimes avec les exigences du droit communautaire, mais je sais que ces questions ne sont pas toujours bien comprises.
En outre, concernant la situation des salariés qui, ayant cotisé dans le cadre d'un régime complémentaire, qu'il s'agisse de la santé, de la retraite, de la prévoyance, …, sont amenés à changer d'entreprise – on ne reste plus aujourd'hui toute sa vie dans la même entreprise –, que pouvez-vous dire de la portabilité de leurs droits acquis ?
Pourriez-vous, par ailleurs, revenir sur les différences des régimes que vous gérez avec les plans d'épargne pour la retraite collectifs (PERCO) ? Question complémentaire : comment parvenir à développer encore les dispositifs de sortie en rentes ?
Pour en revenir aussi au régime AGRICA, quelles sont les conditions de la réversion ? Dans quels cas celle-ci est-elle possible, automatique, complète ?
Enfin, pourriez-vous fournir des éléments sur la mise en oeuvre des impératifs de solvabilité des régimes, tels qu'ils résultent de l'application des directives communautaires ? Qu'en est-il des exigences en matière de provisionnement – rencontrez-vous les mêmes difficultés que les mutuelles en cette matière ?
S'agissant du lien entre les différents dispositifs d'épargne salariale et d'épargne retraite, ces systèmes sont indépendants les uns des autres. Comme il s'agit, dans tous les cas, de mécanismes institués par le dialogue social, il est vrai que l'entreprise procède à l'examen de l'ensemble des instruments disponibles et se décide soit pour l'épargne retraite, soit pour un plan d'épargne pour la retraite collective (PERCO). Je précise que le dispositif de sortie du PERCO prend, en principe, la forme d'une rente, sauf si l'entreprise opte pour une sortie en capital. En pratique, cette dernière solution est celle qui est le plus souvent retenue, conformément à une préférence des Français dans ce domaine.
Pour analyser un dispositif de préparation de la retraite, il est important de bien distinguer les deux phases de constitution du capital et de versement de la rente.
En effet, de nombreux dispositifs pourraient permettre la constitution d'un capital, qui assurera ensuite le service d'une rente (épargne retraite, PERCO ou autre).
Si l'on veut favoriser une convergence des dispositifs en vue de la constitution d'une rente au moment de la retraite, il importe de faire évoluer le cadre général de la gestion et donc, encore une fois, de bien séparer la question de la constitution de l'épargne et celle de la rente.
À titre personnel, il me semble très important de développer ce que l'on peut appeler un marché de la rente efficace en France ; cela assurerait une diminution des coûts. Cela est d'autant plus vrai que la rente – sous la réserve bien sûr que l'on en ait les moyens de constituer le capital qui permet de la servir – si elle ne peut pas toujours régler tous les problèmes, peut être utile pour faire face à une situation de dépendance, par exemple. À un certain niveau de revenus, je reste persuadé que les solutions ne sont pas uniques ; au delà du seul recours à la sécurité sociale.
Concernant les modalités d'imposition des régimes de retraite, je rappellerai qu'à l'entrée du dispositif, les contributions à la fois de l'entreprise et des salariés sont exonérées d'impôt sur les sociétés comme d'impôt sur le revenu. En revanche, les salariés sont assujettis à la CSG à la fois sur la part des cotisations qu'ils paient et sur la part versée par l'employeur. À la sortie du dispositif, les salariés sont assujettis au paiement de la CSG sur la rente et assujettis à l'impôt sur le revenu dans le cadre de la fiscalité de droit commun des rentes. Au total, il y a donc ce que l'on peut appeler un double paiement de la CSG par les salariés. Il en va différemment en cas de sortie du dispositif sous la forme de capital : dans ce cas, les sommes sont défiscalisées à l'entrée comme à la sortie du dispositif.
S'agissant de l'âge légal de départ à la retraite, s'il était reculé, les institutions de prévoyance adapteraient leurs contrats. D'ailleurs, aujourd'hui déjà, l'assuré liquide sa pension quand il le veut : rien ne lui interdit de ne la liquider qu'un an ou deux après son départ à la retraite.
Pour ce qui est du dialogue social, je ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre d'accords collectifs instituant un régime de retraite supplémentaire. On constate un développement de ces accords au niveau des branches comme au niveau des grandes entreprises, qu'il s'agisse de dispositifs d'épargne salariale ou d'épargne retraite. On observe également que de tels accords se développement au niveau des petites entreprises, même celles dont les salariés sont majoritairement jeunes. Une enquête récente de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) met d'ailleurs en évidence une proportion importante de jeunes parmi les bénéficiaires de contrats d'épargne retraite par capitalisation à cotisations définies, contrats dits « article 83 », notamment lorsqu'il s'agit de contrats à adhésion obligatoire. De tels dispositifs sont particulièrement intéressants pour les jeunes salariés, car leur horizon de placement est long, ce qui permet un rendement optimal.
S'agissant de la portabilité des garanties, il faudrait analyser les dispositifs actuels pour faciliter la portabilité des droits, tout en évitant des effets de frottement.
Le salarié qui change d'employeur a le choix : soit il laisse son capital auprès du gestionnaire de son ancien régime supplémentaire, auquel cas son capital n'est plus abondé que par les intérêts mais sera transformé en rente lorsqu'il partira à la retraite, soit il demande le transfert de son capital et des provisions techniques afférentes au gestionnaire de son nouveau régime s'il existe.
L'impact de l'âge de départ à la retraite sur le niveau des rentes est simple à calculer. En effet, lorsqu'un salarié liquide sa pension, on calcule le montant de la rente en fonction de son capital et de son espérance de vie. Ainsi, plus l'âge de liquidation est élevé, plus la rente est importante.
Lorsqu'un salarié opte pour la réversion, on calcule la rente en prenant en compte l'âge du plus jeune des conjoints. La réversion est alors totale. Ainsi, le système actuel fait une large place aux choix individuels.
S'agissant de la directive dite « Solvabilité II », elle imposera aux assureurs de disposer de capitaux, de réserves et de fonds propres importants, mais certains, comme AGRICA, disposent déjà de fonds suffisants. Néanmoins, ces nouvelles règles pourraient créer des difficultés pour les petites mutuelles qui n'ont pas une surface financière assez importante.
Jugez-vous souhaitable d'étendre les contrats du type « article 83 » à l'ensemble des salariés, et pas seulement à certaines catégories de salariés, notamment les cadres, comme c'est le plus souvent le cas actuellement ? En outre, pourquoi privilégier les contrats du type « article 83 » plutôt que ceux du type « article 82 » ou « article 39 » ? Quant aux cotisations au régime géré par APRIONIS, sont-elles assises sur la tranche A ou sur la totalité du salaire ?
Par ailleurs, lorsqu'un salarié épargne pour sa retraite à titre individuel, son conjoint hérite du capital en cas de décès, alors que s'il souscrit un contrat d'épargne retraite liquidée sous forme de rente, il renonce à la propriété du capital. Pour améliorer la situation du conjoint survivant, il faut étudier les moyens d'éviter une dégradation des droits à réversion qui frapperait surtout les femmes, compte tenu de leur écart d'âge et d'espérance de vie moyens avec leurs conjoints.
Si l'on peut penser, comme Maxime Gremetz, que les régimes supplémentaires ont été créés pour compenser la faiblesse des pensions des régimes de base, les partenaires sociaux n'ont-ils pas été incités à les développer aussi pour gérer l'épargne disponible ?
Quelle est la réaction des partenaires sociaux à votre proposition d'augmenter les taux de cotisation des régimes de base ?
Le document de synthèse que vous nous avez fait parvenir évoque la nécessité de faire converger les nombreux dispositifs existants autour de caractéristiques communes apportant plus de cohérence, de lisibilité, de garanties et de transparence, et d'harmoniser les garanties offertes par les régimes de retraite supplémentaire afin de pouvoir les étendre au plus grand nombre. Ces instruments semblent en effet très complexes. pouvez-vous nous apporter des précisions sur les garanties supplémentaires qui pourraient leur être apportées ?
Les pensions de réversion sont souvent faibles, notamment pour les femmes du secteur privé. Comment améliorer leur situation dans le cadre de vos dispositifs ? Ne pourrait-on pas envisager le versement d'une rente plus faible pour la personne qui a souscrit et qui serait augmentée pour le conjoint survivant ?
La situation des employés de la grande distribution mérite une attention particulière. Comme il s'agit souvent de femmes employées à temps partiel, leur pension de base est souvent faible. Quel accès ont-elles à la prévoyance ?
Le choix du type de contrat d'épargne retraite – article 39, article 82 ou article 83 – relève de l'entreprise ou de la branche, en fonction du taux de remplacement et du niveau des salaires. En tant que gestionnaire, nous n'avons pas d'avis sur ces questions.
Si de nombreux dispositifs sont réservés aux cadres, il n'est pas rare que des plans d'épargne retraite soient aussi proposés aux non-cadres, comme c'est le cas par exemple dans la branche des salariés des avocats.
Quant aux salariés de la grande distribution, ils sont bien entendu éligibles aux dispositifs de prévoyance collective. C'est aux partenaires sociaux de discuter ce sujet dans le cadre de la branche.
Le problème de la faiblesse des pensions de réversion des femmes dépasse le cadre de la prévoyance : c'est un problème social général.
Il est à noter qu'un salarié peut choisir de faire verser la rente directement à son conjoint. Ce sont des choses tout à fait envisageables.
La baisse du taux de remplacement dans les régimes de base dans les prochaines années, mise en évidence par les études du Conseil d'orientation des retraites, ouvre un champ nouveau pour les régimes supplémentaires et nourrit de ce fait le dialogue social. C'est ce que nous constatons dans le secteur agricole.
Pour répondre à votre question, madame Clergeau, il existe une union des institutions de prévoyance dont le rôle est de garantir le versement, en cas de décès du salarié, d'une rente d'éducation pour les enfants ou d'une rente au conjoint survivant. Son action s'avère très efficace. Vous avez raison, même si les cas de décès de salariés en activité sont moins nombreux, il s'agit d'un drame humain que nous devons prendre en compte avec la plus grande attention.
Monsieur Jeanneteau, sur la convergence des dispositifs, je vous répondrai que nous ne partons pas de zéro. Vous avez raison, les produits existants, qu'ils soient individuels ou collectifs, sont nombreux et se superposent. La question que nous devons nous poser est de savoir comment les articuler et les faire converger. Si l'objectif est d'offrir un revenu supplémentaire à l'ensemble des retraités, au moyen d'un produit unique et simple, alors nous estimons que le produit d'épargne retraite d'entreprise doit servir de modèle de convergence car il est le plus efficace.
Le plan d'épargne retraite d'entreprise (PERE) nous semble être le produit le plus abouti, car, à la différence de « l'article 83 », il autorise les versements libres du salarié. C'est ce type de dispositif qu'il faut développer, en prévoyant par exemple une garantie de capital égale à 90 % des sommes épargnées.
Contrats collectifs, Préfon retraite, PERCO, contrats Madelin : le système d'épargne retraite frappe d'abord par sa complexité. Pourriez-vous s'il vous plaît faire oeuvre de pédagogie ?
Pour simplifier, disons que derrière la diversité des produits d'épargne retraite, il y a toujours un contrat d'assurance. On peut donc dire que l'ensemble de ces dispositifs obéit à des règles communes. Il est vrai cependant que la diversité des instruments existants est difficilement lisible.
Cette difficulté est plus sensible pour les petites entreprises qui auraient avantage à disposer d'un produit simple, clairement identifiable et reconnu par l'État.
Je souhaite savoir combien d'accords de branches relatifs à l'épargne retraite ont été signés en France à ce jour. Les chiffres cités du nombre de salariés couverts me font penser que ce nombre ne doit pas être très important.
Que pensez-vous de la mise en place, sur le modèle de ce qui a été créé en Allemagne, d'une sorte de Livret A « retraite » ?
Vous faites l'apologie de l'épargne retraite collective et préconisez presque sa généralisation. Que pensez-vous, dans ce cadre, d'une hausse de la taxation des revenus du capital annoncée par le Gouvernement?
Effectivement, nous prônons l'épargne collective, car cet outil permet d'avoir un effet de levier important tout en garantissant des coûts de gestion moindres. Sur la taxation des revenus du capital, je suis certain que les partenaires sociaux auront un avis précis sur la question. Cependant, c'est un choix qui relève de la représentation nationale. Je me borne à rappeler que nous parlons ici de l'épargne des salariés, qui financent d'ores et déjà la majorité des dépenses de sécurité sociale par leur salaire. Faut-il vraiment aller plus loin ?
Nous savons que les systèmes d'assurance privée peuvent être dangereux pour les futurs retraités et n'offre pas toujours toutes les garanties nécessaires. Ne faudrait-il pas créer un label, qui atteste de la solidité des produits proposés, que ce soit par les assurances ou les banques ?
Je vous rejoins tout à fait. Il faut absolument offrir des garanties aux salariés. En tant qu'acteurs des organismes ARRCO et AGIRC, nous y réfléchissons depuis des années. Il faut fournir davantage d'informations aux salariés et leur offrir des gages sur la pérennité de leur épargne. Il faut également mettre en place des produits plus faciles à comprendre. Le label que vous évoquez devrait inclure des garanties relatives à la portabilité de l'épargne et le montant de la rente.
Le livret individuel d'information que nous proposons serait un instrument efficace et innovant qui permettrait notamment de lever les doutes des salariés sur la portabilité de leur épargne retraite. Il faut appliquer aux plans de retraite professionnelle ce qui a été réalisé avec le GIP Info Retraite pour les retraites complémentaires.
Je souhaite, enfin, attirer votre attention sur la nécessité d'aménager les règles relatives à la solvabilité des instruments d'épargne retraite compte tenu des exigences des directives communautaires. Nous y travaillons en ce moment avec le ministère des finances. C'est un véritable sujet d'inquiétude qui doit trouver rapidement une solution afin de trouver des aménagements adaptés à ces dispositifs, à l'instar de ce que qui se fait dans certains États européens.
Il me semble que pour nos concitoyens le problème principal est celui de la transparence, de la lisibilité et de la simplification des dispositifs sur lesquels nous devons tous travailler.
Puis la Commission entend Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), sur la réforme des retraites.
Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la réforme des retraites, en recevant Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises. Elle est accompagnée de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME. Sans préambule, merci de nous indiquer quels sont vos motifs de satisfaction et d'insatisfaction sur le sujet des retraites.
). Parce que c'est d'actualité, j'aimerais insister d'abord sur la convergence des régimes de retraite du secteur privé et du secteur public. Nous avons toujours dit que cette convergence prendrait du temps et qu'il ne fallait pas stigmatiser telle ou telle catégorie. Nous n'allons pas changer de discours. Cependant, nous pensons que nous n'allons pas assez loin. La hausse annoncée des cotisations des fonctionnaires nous semble aller dans le bon sens, car c'est une mesure d'équité sociale. Reste que la base de calcul du montant de la retraite d'un fonctionnaire demeure les six derniers mois de carrière, alors que pour les salariés du privé, il s'agit des 25 meilleures années. Il semblerait que ce soit une piste qui ne sera pas retenue et nous pensons que c'est dommage. Même si l'administration n'est, semble-t-il, pas en mesure de reconstituer l'intégralité de la carrière des fonctionnaires, il est dommage que subsiste un tel différentiel entre les salariés du public et du privé. Nous manquons d'informations précises sur la question de la convergence, notamment sur les effets de l'incorporation des primes dans la base de calcul du montant des retraites. Des scénarios de réforme devraient être chiffrés avec précision pour que les éventuelles décisions soient prises en connaissance de cause.
Autre motif d'insatisfaction, la possibilité pour les femmes fonctionnaires ayant eu trois enfants de partir en retraite anticipée après quinze ans de service. On se souvient de la remise en cause, l'année dernière, de la majoration de la durée d'assurance pour les salariées du privé. Rien ne justifie une telle inégalité de traitement. Même s'il faut sans doute du temps pour revoir cet avantage, c'est un signal fort à donner aux Français.
Dernier point que je souhaiterais aborder, les régimes spéciaux. J'ai cru comprendre qu'ils ne seraient pas remis en cause avant 2016, au motif que leur réforme date de 2008, ce que nous regrettons. C'est un horizon bien lointain.
Non bien sûr. C'est un point important, mais la priorité doit être la pérennisation de la retraite par répartition. Nous proposons l'augmentation du nombre d'annuités à 42 ans en 2020. En revanche, nous avons peu exploré les conséquences d'une modification de l'âge légal du départ à la retraite, car elle nous semblait peu compatible avec la prise en compte de la pénibilité, même si elle peut avoir des effets positifs sur l'emploi des seniors.
Que pensez-vous de la création d'une caisse des fonctionnaires pour améliorer la transparence de la gestion de leur retraite ?
Je souhaiterais revenir sur votre remarque introductive. Nous ne savons pas si les propositions du Gouvernement seront ou non insuffisantes en termes de convergence des régimes, puisque nous ne connaissons pas le contenu du projet. Il convient de ne pas en tirer de conclusion prématurément.
Je suis surpris que nous démarrions la discussion sur le thème de la convergence. Cela connote une approche particulière de la réforme des retraites. Je préférerais savoir d'abord ce que la CGPME propose pour ses mandants ?
J'assume toute la responsabilité de ce débat, puisque c'est moi qui ai interrogé la vice-présidente sur ses motifs d'insatisfaction. Nous allons reprendre le déroulement normal de cette audition.
Ce n'est pas notre priorité et j'ai évoqué cette question car elle fait aujourd'hui l'actualité.
Pour le reste, la réforme des retraites passera, selon nous, par un panel de solutions, dont l'augmentation du nombre d'annuités. Nous souhaiterions, par ailleurs, que soit créé, au-dessus du régime de base et des régimes complémentaires, un fonds, géré au niveau national par les partenaires sociaux, qui pourrait être abondé par les salariés. Il s'agirait d'un signal fort pour les jeunes actifs sur le maintien du régime par répartition, tout en autorisant une épargne personnelle qui pourrait aider à la constitution d'une meilleure retraite.
Par ailleurs, il nous semble peu pertinent de lier la question des retraites et celle de la pénibilité. Pour nous, la prise en charge de la pénibilité passe par le maintien du dispositif « carrières longues ». En général, les personnes qui ont commencé à travailler tôt sont des personnes peu qualifiées qui ont des métiers pénibles. Si le Gouvernement souhaite traiter ce dossier dans le cadre de la réforme des retraites, il faudra alors s'orienter vers des mesures individualisées. Je vous renvoie à ce titre au texte élaboré par les partenaires sociaux en 2008. Il nous semble qu'un dispositif liant pénibilité et départ anticipé entrerait en contradiction avec le discours qui justifie une hausse de la durée de l'activité.
S'agissant du troisième étage, l'idée serait de créer un mécanisme national, géré par les partenaires sociaux, alimenté par les salariés et les employeurs sur la base du volontariat, qui viserait spécifiquement les salariés des petites et moyennes entreprises, dont la grande majorité n'utilise pas les plans d'épargne retraite collective en raison de leur lourdeur. C'est un point important pour nous, pour donner une lueur d'espoir aux jeunes actifs qui travaillent majoritairement dans les PME. De ce point de vue, nous ressentons un manque dans ce que nous entendons du projet du Gouvernement.
Je souhaiterais vous interroger sur les cinq points suivants.
D'abord, pour rebondir sur la dernière intervention de M. le directeur des affaires sociales, en somme, vous avez évoqué un système que l'on peut dire « système Riester à la française » ?
On vous laisse la paternité de l'expression…
S'agissant des petites et moyennes entreprises les plus importantes, êtes-vous favorable à une réorientation d'une partie de l'épargne salariale vers les dispositifs d'épargne retraite ?
Selon vous, quel doit être le rôle du Fonds de réserve pour les retraites, à court et moyen terme ?
Estimez-vous nécessaire de faire évoluer la limite d'âge de soixante-cinq ans, dès lors que l'on modifie celle de soixante ans ?
En termes d'évolution des charges pesant sur les entreprises, quelle serait selon vous « la moins pire » des solutions à retenir ?
S'agissant tout d'abord du dispositif d'un troisième étage de capitalisation que vous proposez, les choses ne sont pas tout à fait claires. Si ce dispositif est pris en compte pour l'appréciation du niveau de retraite globale qui doit être versé aux salariés des petites et moyennes entreprises, il doit être appréhendé dans le cadre de la définition de la retraite de base. Et si tel n'est pas le cas, ce débat n'a pas sa place dans le cadre de la réforme des retraites dont nous discutons actuellement. Il y a une forme de miroitement dans la manière dont vous avez évoqué le sujet. D'ores et déjà aujourd'hui, les salariés ont, en effet, à leur disposition des instruments pour se constituer une retraite supplémentaire au moment de leur départ en retraite.
Par ailleurs, je ne comprends pas votre discours sur la pénibilité. D'un côté, vous dites que le dispositif des carrières longues permettait d'y répondre. De l'autre, comme le MEDEF, vous n'êtes pas favorable à la prise en compte de la pénibilité au moment du départ en retraite. Vous défendez, en effet, une démarche individualisée et médicalisée de la reconnaissance de la pénibilité, qui ne doit pas permettre un départ avant d'atteindre la limite d'âge.
Je suis persuadé que vous souhaitez le développement du dialogue social et que vous êtes satisfait des modalités de gestion des régimes de retraite complémentaires AGIRC-ARRCO. Êtes-vous, dès lors, favorables à l'institution d'un régime de retraite de base par points qui serait géré par les partenaires sociaux ?
En outre, le Conseil d'orientation des retraites (COR) a montré que même un accroissement de la durée des cotisations et une augmentation de l'âge légal de départ à la retraite ne permettraient de couvrir que la moitié des besoins de financement des régimes. Or l'objectif est bien de sauver les régimes de retraite. Quelles sont vos propositions pour assurer un équilibre financier à l'horizon 2020 ? Qui faudrait-il taxer ?
Pour en revenir à la question de la pénibilité, vous faites partie de ceux qui ne soutiennent pas l'intégration de la pénibilité aux paramètres de calcul des droits à la retraite, et qui se prononcent en faveur d'une conception individuelle de la pénibilité. Vous avez évoqué la constitution de commissions spéciales à cet effet, composées de médecins du travail. Or, il existe aujourd'hui des difficultés considérables de recrutement des médecins du travail : compte tenu de cette préoccupation d'ordre démographique, comment en pratique ces médecins pourront-ils être présents dans les commissions ?
Enfin, pour ce qui concerne le livret d'épargne retraite que vous pourriez proposer, les petites et moyennes entreprises disposent déjà aujourd'hui de produits très nombreux, dont l'assurance-vie. Comment simplifier ce paysage ?
Le troisième étage que vous avez évoqué ne concerne pas la retraite de base. Présente-t-il vraiment un intérêt par rapport à ce qui existe déjà ? En outre, quelle cohérence y a-t-il à prôner une gestion paritaire de ce régime, alors que vous n'êtes pas favorable à un abondement obligatoire de l'employeur ?
Pour ce qui concerne la pénibilité, dans la conception que vous retenez – un système individualisé reposant sur l'instauration de commissions médicalisées, sans doute sur le fondement des critères qui avaient été actés par les partenaires sociaux en 2008, sans qu'il s'agisse pour autant de retraites anticipées au cas par cas – , qu'adviendra-t-il des salariés concernés ? Seront-ils mis en invalidité ? Dans ce cas, cela engendrera-t-il une augmentation des cotisations patronales au titre de l'invalidité ?
Quelle est votre position sur la question du régime applicable aux polypensionnés, dont la situation peut soulever des difficultés au regard des modalités de calcul des vingt-cinq meilleures années ?
Enfin, quelles sont vos propositions supplémentaires pour financer les retraites, compte tenu des travaux du Conseil d'orientation des retraites, qui montrent qu'en tout état de cause, l'augmentation du niveau des cotisations et de la limite d'âge ne seront pas suffisants.
Pour nous, il ne fallait pas lier retraite et pénibilité : la réponse était les carrières longues. Si le Gouvernement veut entrer dans cette logique, alors il faut faire attention à ce que ce dispositif soit effectivement individualisé. Ce serait un piège que de faire de nouvelles exceptions en recréant des régimes spéciaux. Encore une fois, nous attendons les propositions du Gouvernement, mais pour nous, le maintien du dispositif des carrières longues restait la solution.
Mais une carrière longue n'est pas nécessairement pénible, cependant qu'une carrière courte peut l'être !
Au cours des vingt-cinq auditions que nous avons menées, nous avons recueilli le témoignage de très nombreux organismes qui se sont prononcés contre cette idée d'un traitement collectif de la pénibilité. Les représentants du secteur du bâtiment ont eux-mêmes rappelé cette exigence, de manière à éviter la stigmatisation de leur profession, qui ne pourrait qu'en éloigner les plus jeunes.
L'essentiel, pour un chef d'entreprise, en matière de pénibilité, c'est la prévention. Sans doute, la pénibilité correspond à l'exposition aux risques, le port de charges lourdes ou le travail posté. Mais au-delà du traitement de ces situations concrètes, l'objectif est que l'exposition au risque puisse être quasiment nulle, même si, à l'évidence, des situations d'inaptitude au travail, d'invalidité, existent et doivent être traitées.
Pour prendre l'exemple de la question de l'amiante, des commissions médicales ont donné la possibilité à des salariés de prendre une retraite anticipée et c'est bien normal ; cela n'en représente pas moins une charge financière considérable. En tout état de cause, il y a un vrai danger à lier directement cette question et les modalités du droit à la retraite.
Il est bon de se référer aux documents présentés par le patronat lors des négociations menées en 2008. Les conditions de reconnaissance de la pénibilité étaient les suivantes : une durée d'activité de quarante ans pour le salarié concerné ; une exposition pendant au moins trente ans à l'un des facteurs de pénibilité définis ; la présence de traces durables, identifiées et irréversibles sur la santé des salariés, résultant des travaux pénibles qu'il a effectués ; la validation de chaque cas individuel par une commission ad hoc, dont la composition serait mixte (mais ne comprendrait pas de médecin du travail, contrairement à qui a été évoqué tout à l'heure – puisque l'on connaît les difficultés auxquelles sera confrontée la médecine du travail dans les années à venir) ; un financement partagé impliquant l'employeur et l'État. Ce système conduisait au versement d'une allocation de complément au salarié concerné, et non à l'attribution de trimestres validés permettant une retraite anticipée.
Nous sommes favorables au maintien de la fonction originelle du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), à condition que ce fonds soit alimenté de manière significative – plus significativement qu'il ne l'est aujourd'hui. Néanmoins, nous sommes favorables à son utilisation plus tôt que prévu, à savoir dès 2015, et non seulement en 2020, compte tenu des circonstances exceptionnelles actuelles. Quoi qu'il en soit, son rôle est essentiel pour le lissage financier de certaines évolutions démographiques.
Pour répondre à M. Jacquat, on pourrait envisager que les petites et moyennes entreprises les plus importantes puissent orienter une partie de l'épargne retraite de leurs salariés vers le troisième étage que nous avons évoqué. Il est absolument essentiel d'avoir une vision globale de l'ensemble du système. Or, à l'évidence, il va manquer les moyens de financer un complément pour beaucoup de salariés des petites et moyennes entreprises. Par exemple, ceux-ci sont relativement peu nombreux à bénéficier de plans d'épargne pour la retraite collective. Je rappelle que les entreprises de moins de deux cents salariés sont au nombre de 1,55 million, quand les entreprises de cinq cents salariés et plus ne sont qu'environ 2 000 ! Oublier ces petites entreprises serait un véritable contre sens.
Le projet de loi que présentera le Gouvernement devra définir les principales lignes et les garde-fous permettant de mettre en route de troisième étage que nous proposons. Il est fondamental de donner une lueur d'espoir aux employeurs et à leurs salariés.
On peut comparer ce troisième étage dont nous parlons au dispositif Préfon qui existe dans la fonction publique.
Aujourd'hui, les plus petites entreprises ont très peu recours au plan d'épargne pour la retraite collective, qu'elles jugent trop complexe.
Quant à l'âge de 55 ans retenu pour informer les salariés sur le niveau attendu de leur retraite, il me semble un peu tardif : les salariés n'ont plus, à cet âge, la possibilité de trouver véritablement les moyens de l'améliorer. Il faut procéder à cette information bien plus tôt, même si l'on y perd en fiabilité de la prévision. J'ajoute que la retraite doit rester un choix personnel et qu'il ne peut être naturellement question d'incorporer l'épargne personnelle aux perspectives financières en matière de retraite : cette épargne constitue un revenu supplémentaire, qui vient, le cas échéant, s'ajouter à la retraite complémentaire.
S'agissant d'une éventuelle réforme en vue de l'adoption d'un système par points, il me semble que le moment n'est pas venu. Certaines réformes doivent se faire à froid. De telles modifications seraient aujourd'hui anxiogènes ; il est préférable d'attendre deux ou trois années, et ensuite de prendre le temps de bien expliquer les principaux enjeux.
La question des recettes est d'autant plus complexe que, le taux des prélèvements obligatoires étant déjà considérable en France, il est délicat d'augmenter le niveau des cotisations à la charge des entreprises. Dans un contexte économique de concurrence lourde, il en va de la compétitivité des petites et moyennes entreprises. Nous ne souhaitons pas toucher à cela.
En revanche, les propositions qui visent à promouvoir l'emploi des seniors doivent être examinées avec attention. Nous devons être vigilants et adopter une attitude plus citoyenne sur ce sujet. Nous-mêmes envisageons certaines pistes : le développement du tutorat ; l'accompagnement des chefs d'entreprise non seulement au maintien en emploi, mais aussi à l'embauche des seniors : cela passe notamment par l'apprentissage de nouvelles modalités de recrutement, voire la mise en oeuvre de ce qui pourrait être une forme de contrat initiative-embauche pour les seniors ; l'encouragement aux sorties progressives du marché du travail, dites « en sifflet ».
Il faut naturellement aussi favoriser l'emploi des jeunes, et je dirais même l'emploi tout court, tant il est vrai qu'on ne peut segmenter tel ou tel public.
S'agissant du financement, compte tenu du caractère exceptionnel de la situation, il faut mobiliser le plus de moyens possible. Nous faisons trois propositions en ce sens. La première consiste à aligner le taux de la CSG payée par les retraités imposables, à savoir 6,6 %, sur celui des actifs, qui s'élève à 7,5 %, et à envisager une augmentation du taux applicable aux retraités non imposables mais assujettis à la taxe d'habitation, ce taux s'élevant aujourd'hui à 3,8 %. Notre deuxième proposition tend à sortir la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) du bouclier fiscal. Enfin, nous proposons de faire intervenir le Fonds de réserve pour les retraites dès 2015.
La prise en compte de la pénibilité au travail reste une préoccupation importante, compte tenu des difficultés que les partenaires sociaux rencontrent depuis 2003 dans la définition de critères de pénibilité.
Vous avez abordé le traitement de la pénibilité au travail sous un angle exclusivement curatif : quid de la prévention de la pénibilité ?
Par ailleurs, quel serait l'impact des propositions que vous faîtes sur le financement de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles ?
Enfin, que pensez-vous des comptes épargne temps ?
Quelles propositions faîtes vous pour favoriser l'emploi des seniors, notamment sur le coût du travail de ceux-ci ?
L'Union professionnelle artisanale a déclaré devant la commission que le maintien des seniors dans leur emploi ne soulevait pas de difficulté dans l'artisanat. Le MEDEF et la CGPME sont-ils du même avis ?
Soutenez-vous, par ailleurs, la proposition assez « culottée » du MEDEF tendant à instaurer de nouvelles exonérations de charges pour l'emploi de salariés âgés ?
Enfin, dans l'hypothèse où la prise en compte de la pénibilité au travail reposerait sur les pensions d'invalidité, comment couvrir le besoin de financement qui en résulterait pour la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles ? Quel niveau de ressources faudrait-il garantir au salarié ?
Les employeurs sont d'ores et déjà engagés dans la prévention de la pénibilité au travail. L'obligation de résultat qui pèse sur eux en matière de sécurité, à travers la notion pénale de faute inexcusable, les y incite. Le message que nous leur adressons est qu'ils disposent, pour leurs actions de prévention d'outils efficaces, dans le cadre d'accords de prévoyance ou de complémentaire santé, comme c'est le cas par exemple pour la prévention de l'asthme et des caries dentaires, qui sont deux maladies professionnelles dans le secteur de la boulangerie. On observe déjà des résultats.
Dans l'hypothèse où la prise en compte de la pénibilité reposerait sur un dispositif d'allocation supplémentaire comme envisagé dans le cadre des discussions de 2008, nous ne nous plaçons pas dans le cadre de l'invalidité, donc les charges de la branche n'en seraient pas accrues.
Quant aux comptes épargne temps, il n'en existe ni dans les TPE, ni dans les PME.
S'agissant de l'emploi des seniors, les TPE et les PME n'ont pas l'habitude de recourir à la retraite anticipée, contrairement aux grands groupes, car le départ d'un salarié âgé représente, pour elles, une perte de savoir-faire, voire de clientèle. Le problème n'est donc pas le maintien des seniors dans l'emploi, mais plutôt réfléchir aux moyens encourageant leur recrutement.
Il faut favoriser la sortie « en sifflet », en incitant les salariés âgés à transmettre leurs compétences à des jeunes. Nous n'avons pas de difficulté à recruter des apprentis, mais il est parfois plus compliqué de mobiliser des salariés proches de la retraite. Il est de notre devoir de faire changer les mentalités en la matière, autant chez les salariés que les chefs d'entreprise. Quand on a 55 ans, on n'est pas un vieux salarié.
Le problème réside donc moins dans le maintien des seniors dans l'emploi que dans leur embauche. C'est pourquoi nous proposons des incitations financières dans le cadre de contrats initiative emploi (CIE). Il faut d'ailleurs rappeler qu'en 1989, c'est un gouvernement de gauche qui a instauré une exonération totale de charges sociales pour les employeurs qui embauchaient un salarié de plus de cinquante ans. Il serait utile de rétablir un dispositif analogue, ciblé sur les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Nous sommes certains qu'une telle mesure serait très efficace.
On parle de mettre à contribution les hauts revenus. Mais à partir de quel seuil estimez-vous qu'un revenu puisse être qualifié de haut ?
Il faut surtout prendre garde à ne pas pénaliser les classes moyennes. Les très riches contribuables ayant pour beaucoup déjà quitté la France, les classes moyennes sont déjà de plus en plus imposées, alors que c'est sur elle que repose le dynamisme de notre économie et qu'elles ne bénéficient que peu des transferts sociaux.
On pourrait vous objecter que les classes moyennes sont celles qui ont le plus bénéficié des allègements d'impôt sur le revenu intervenues depuis huit ou dix ans, et qu'elles sont les principales bénéficiaires des niches fiscales. L'effort doit être réparti entre tous.
La séance est levée à douze heures.