COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 31 mars 2010
La séance est ouverte à dix heures cinq
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend une délégation de membres de la Fédération française de football (FFF) composée de M. Jean-Pierre Escalettes, président de la FFF, de M. Jean-Louis Valentin, directeur général délégué de la FFF, et de M. Fernand Duchaussoy, président de la Ligue de football amateur.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin les représentants de la Fédération française de football (FFF). Merci, messieurs, de votre présence parmi nous.
Vous savez que le sport occupe une place très importante dans les travaux de notre commission, c'est pourquoi nous tenons à développer des liens avec les intervenants de ce secteur. Le football nous concerne bien évidemment, en tant qu'élus nationaux et locaux, mais aussi, pour beaucoup d'entre nous, en tant que supporteurs.
Nous avons souhaité vous entendre pour échanger sur les grands thèmes qui concernent la Fédération. Je n'en relèverai que quelques-uns.
Tout d'abord, l'incontournable sujet de la préparation de notre équipe nationale au grand rendez-vous de la Coupe du monde en Afrique du Sud, qui est maintenant dans un peu plus de 70 jours. Vous nous direz peut-être quelques mots du sélectionneur, mais je peux vous assurer que là n'est pas notre principal centre d'intérêt… Nous préférons nous informer des leçons utiles que vous pouvez tirer de l'organisation comme de l'accompagnement de cet événement. Je suis tout particulièrement désireuse de savoir comment vous mobilisez l'ensemble du football français, celui du football amateur que nous connaissons tous au quotidien, autour de la dynamique portée par l'équipe de France.
Nous serons également très attentifs à ce que vous pourrez nous exposer de questions préoccupantes comme la violence dans les manifestations sportives ou de pratiques qui ont été récemment dénoncées comme le trafic de joueurs mineurs. En outre, nous venons d'adopter en séance publique la proposition de loi visant à encadrer la profession d'agent sportif : nous attendons beaucoup des fédérations délégataires de service public, notamment la vôtre, pour donner à ce texte toute sa portée en termes de moralisation de cette profession.
Enfin, je voudrais vous féliciter pour votre action en faveur du développement du football féminin et de la présence féminine dans l'univers footballistique. Vous avez été distingués à ce titre par Mme la secrétaire d'État chargée des sports qui vous a remis le trophée Femme et Sport. Il est en effet grandement nécessaire qu'un sport aussi populaire que le football se mette en avant pour faire passer ce message. Merci d'avance pour les précisions que vous pourrez nous apporter.
Je constate que la parité est mieux établie au sein de votre Commission que dans le milieu du football, en dépit de tous nos efforts…
J'ai à mes côtés Fernand Duchaussoy, président de la Ligue de football amateur, car, vous le savez, notre maison repose sur deux piliers : le football amateur et le football professionnel. Si l'on parle beaucoup du second et, parfois, de ses dérives, il ne faut jamais oublier que le travail de fond est effectué par nos 18 000 clubs, qui regroupent plus de 2 200 000 licenciés, au sein de la centaine de districts qui représentent pratiquement tous les départements et des 22 ligues régionales métropolitaines, auxquels s'ajoutent les ligues d'outre-mer. Tous les dirigeants bénévoles se passionnent pour le football mais aussi pour bien plus que cela car ils sont comme nous convaincus que des responsabilités sociales et citoyennes y sont étroitement liées. Nous ne renions bien sûr pas pour autant le football professionnel, qui fait l'attractivité de notre sport et qui le tire vers le haut, mais qui lui cause aussi bien des misères en raison de dérives directement liées à l'argent qui y est véhiculé. Dans les moments très difficiles que peut vivre un président, je me raccroche toujours à ces fondamentaux et je n'oublie jamais qu'au-delà de l'écume de notre sport, qui intéresse à juste titre les médias, nous sommes là pour remettre l'église au milieu du village et que le football amateur est à la fois notre racine et le socle sur lequel nous essayons de bâtir notre maison.
Je suis également accompagné par Jean-Louis Valentin, qui est chargé de piloter les aspects administratifs de l'équipe de France et qui pourra vous apporter toutes les précisions utiles à ce propos, mais qui est aussi responsable des relations parlementaires et appelé à ce titre à faire rapport devant notre Conseil fédéral, qui est en quelque sorte le parlement du football, des débats sur des textes comme ceux sur les agents sportifs ou sur les paris en ligne. Il répond également aux questions des membres de ce conseil qui sont loin d'être, comme le prétend une certaine presse, des béni-oui-oui à la botte du président, mais bien des élus responsables, qui ont un passé dans le football et qui savent de quoi ils parlent.
Outre l'avenir proche de l'équipe de France, que vous avez évoqué, Madame la présidente, nous attachons une grande importance à la candidature de notre pays à l'Euro 2016, projet magnifique que nous portons à bout de bras en espérant que le 28 mai sera une grande date pour le football et pour le sport français, mais aussi pour la France car c'est bien un défi national que nous espérons remporter.
Nous avons avant tout placé notre mandat de quatre ans sous le signe de la responsabilité sociale, sur laquelle nous avons d'ailleurs insisté avant même que l'Union of European Football Associations (UEFA) et la Fédération internationale de football association (FIFA) ne le fassent. Nous savons que le travail qui est fait dans nos clubs est irremplaçable et les élus locaux nous disent d'ailleurs fréquemment combien ils ont besoin de nos clubs pour leurs villages ou pour leurs quartiers où, à défaut, peu de choses seraient faites. L'intégration et l'apprentissage de la citoyenneté au sein de nos clubs sont notre fierté, ce à quoi nous nous raccrochons en période de turbulences.
S'agissant de l'équipe de France, nous essayons de nous préparer du mieux possible à l'événement que sera la Coupe du monde. S'il y a aujourd'hui un désamour, je suis persuadé qu'il tient uniquement à l'absence de résultats. Notre premier problème est de comprendre pourquoi cette équipe, constituée de joueurs de qualité, qui sont présents dans les grands clubs européens, même s'ils y restent bien plus fréquemment sur le banc de touche que ne le faisaient leurs grands prédécesseurs, n'obtient pas davantage de succès. Aujourd'hui, environ la moitié des joueurs évolue à l'étranger et la moitié dans le championnat de France, ce qui montre les progrès de ce dernier. Cela nous est confirmé par le quart de finale de la Ligue des champions, de qualité européenne, qu'ont disputé hier Bordeaux et Lyon. Si l'équipe de France, comme nous le rêvons tous, se lance dans une série de bons résultats, l'opinion publique – dont nul ne sait mieux que vous à quel point elle est volatile – basculera aussitôt. On attend donc, selon ces formules toutes faites que les footballeurs aiment à servir en réponse aux questions des journalistes qui semblent faites pour cela, un « déclic », un « match référence » sur lequel on pourra « s'appuyer ». Nous avons cru souvent que ce déclic s'était produit : en Serbie, lorsque, après l'exclusion de notre gardien de but de qualité Hugo Lloris, nous avons fait une belle démonstration à l'extérieur, mais la suite n'a pas été brillante ; en Irlande, quand nous avons gagné 1 à 0, dans les circonstances locales, le match aller des barrages, mais cette rencontre fut suivie de la catastrophe du stade de France et nous avons encore du mal à expliquer la baisse de tension qui a conduit à cette qualification arrachée de façon peu glorieuse.
L'une de nos difficultés tient au fait que les joueurs ne sont pas à la disposition de l'équipe nationale et que l'on ne maîtrise pas l'état de forme dans lequel ils nous arrivent. Franck Ribéry a fait hier un bon match, je m'en félicite car on l'attendait depuis le début de la saison : il a été blessé, il est mal dans sa tête et il veut aller au Real Madrid, bref, ce sont des divas que l'on a quand même un peu de mal à gérer…
Quoi qu'il en soit, nous aurons au mois de mai 23 joueurs que choisira Raymond Domenech. À ce propos, quand je lis dans les médias que cette annonce a été repoussée du 2 au 11 mai, jour de la Sainte Estelle, cela me fait sourire dans la mesure où ces deux dates ont été fixées par Sepp Blatter, président de la FIFA : simplement, notre sélectionneur a préféré ne pas donner une liste de 30 joueurs mais passer directement à 23 afin de ne pas faire 7 malheureux.
Nous allons préparer l'équipe de la façon suivante. Les joueurs seront réunis assez longtemps, en commençant par un stage en altitude, à Tignes. Outre que cela nous rappelle de bons souvenirs puisqu'en 2006, après un tel stage, nous étions allés en finale, il est fort possible qu'en Afrique du Sud, après les trois matchs de poule, nous soyons également appelés à jouer en altitude. Qui plus est, un certain nombre de médecins considèrent que la préparation en altitude rend les joueurs plus compétitifs. D'autres sont toutefois d'un avis contraire et ce n'est pas un ancien professeur d'anglais qui tranchera…
Nous aurons ensuite trois matchs de préparation et nous sommes les seuls à avoir choisi d'aller vers l'Afrique du Sud par étapes : nous partirons de Lens où nous jouerons contre le Costa Rica, avant de passer par la Tunisie, où nous rencontrerons l'équipe nationale, puis la Réunion, pour un match contre la Chine, avant de gagner le 5 juin notre camp de base, à Georges entre Le Cap et Durban, où nous attendrons l'ouverture de la coupe du monde, le 11, puisque nous jouerons dès le premier jour contre l'Uruguay, au Cap. On sait que le premier match est souvent déterminant et, contrairement à ce que l'on a pu écrire, nos adversaires – Uruguay, Mexique et Afrique du Sud – ne sont pas des « cadeaux ».
Au sein de l'équipe, trois générations se mêlent : ceux pour qui cette compétition sera la dernière, ceux qui devraient être les piliers de cette équipe pour encore plusieurs saisons – la génération Toulalan et Ribéry –, ceux que l'on peut appeler les nouveaux, comme Benzema ou Gourcuff. Il n'est pas toujours facile de faire vivre ensemble des joueurs qui ont jusqu'à douze ans d'écart : Lilian Thuram disait un jour qu'il ne comprenait ni les conversations, ni les lectures, ni la musique de ses jeunes coéquipiers… Mais faire en sorte que les choses se passent au mieux est précisément le rôle de tous ceux qui entourent l'équipe, en particulier du sélectionneur et d'Alain Boghossian. Contrairement à ce que dit mon ami Jean-Louis Triaud, cet encadrement ne forme pas une armée mexicaine mais un environnement extrêmement professionnel, tel que Gérard Houiller n'en a pas connu dans les clubs où il a officié.
Enfin, je souhaite que vos questions me permettent de parler de l'Euro, que je juge au moins aussi important que la Coupe du monde.
La préparation de la Coupe du monde ne débute pas le jour où la qualification est acquise car l'organisation qui accompagne une telle compétition doit être anticipée au moins un an auparavant. Nous y travaillons donc depuis le début 2009.
Sur le plan administratif et logistique, l'essentiel des dispositions qui concernent la préparation ne relèvent pas directement de la Fédération française mais d'un dispositif très encadré par la FIFA, qui organise la Coupe du monde. Nous devons répondre à ses prescriptions et nous n'avons ainsi aucune marge de manoeuvre par rapport à ce cahier des charges. Cela vaut aussi sur le plan financier : nous dépendons des dotations de la FIFA et des tarifs qu'elle pratique pour l'hébergement des délégations et pour le transport.
Un mot tout d'abord de l'équipe de France car le football amateur est très largement dépendant de ses performances. Ainsi, les excellents résultats obtenus lors des Coupes du monde 1998 et 2006 ont renouvelé l'appétence chez plusieurs centaines de milliers de jeunes et on a assisté à un accroissement sensible du nombre de licenciés, qui est actuellement de plus de 2 millions dont seulement environ un millier de professionnels.
Mais on ne garde pas toujours tous les enfants qui nous rejoignent, en particulier parce qu'il n'est pas aisé de les accueillir : vous le constatez tous dans vos circonscriptions, il est de plus en plus difficile non seulement d'agrandir les installations mais aussi de trouver des gens qui se dévouent et qui sacrifient leurs week-ends pour des accompagnements. En outre, la fièvre des grands événements retombe par la suite et nous attendons donc cette année la piqûre de rappel que constituerait un excellent parcours de l'équipe de France en Afrique du Sud. Nous sommes derrière elle car elle est l'équipe de France de tous, en particulier du football amateur.
Il semble en effet que l'érosion du nombre de licenciés soit importante puisque l'on en comptait 2,4 millions auparavant. Je suppose que c'est pour juguler ce phénomène que vous vous apprêtez à créer une nouvelle catégorie de jeunes et que vous cherchez à diversifier le football, en particulier avec le beach soccer, le 2x2, le 5x5, le foot-salle et, surtout, le développement du football dans les quartiers, ce qui nous renvoie à la responsabilité sociale dont a parlé le président Escalettes.
J'aimerais par ailleurs que vous reveniez sur les rapports parfois difficiles entre le football amateur et le football professionnel. On ne saurait oublier que les footballeurs professionnels ne relèvent pas exactement de votre Fédération mais plutôt de la Ligue de football professionnel, la LFP, ce qui semble compliquer les nominations en votre sein. Il est en outre parfois difficile de tracer la frontière. Ainsi, le club amateur de Besançon compte quelques joueurs professionnels.
Que pouvez-vous nous dire par ailleurs du rôle de plus en plus important que jouent les médias ? Que pensez-vous du fait que Canal+ éparpille les spectacles sportifs, notamment en imposant que le match vedette se déroule le dimanche soir ?
Enfin, je ne suis pas persuadé qu'il était judicieux de déclarer que Raymond Domenech ne serait plus sélectionneur au lendemain de la Coupe du monde. S'il faut saluer tout le travail que vous avez accompli pour ramener la fédération à l'équilibre financier, ne croyez-vous pas, Monsieur le président, que vous auriez pu vous abstenir d'une certaine accolade avec le sélectionneur au soir de la victoire contre l'Irlande et faire preuve de davantage de discrétion ?
Je me réjouis de la composition de votre délégation, qui symbolise bien l'importance que nous accordons tous au monde du football, à sa responsabilité sociale et à sa place dans notre pays.
Je souhaite tout d'abord revenir sur la candidature de la France à l'Euro 2016. Comment vont se dérouler les semaines qui nous séparent de la décision du 28 mai ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur les financements qui seront nécessaires si l'organisation de cette compétition nous est attribuée ? On estime à 1,6 milliard d'euros le montant nécessaire pour les rénovations et les constructions de stades. Le Gouvernement a annoncé une aide de 150 millions, ce qui signifie que l'on passerait d'un financement à hauteur de 35 % en 1998 à moins de 10 % aujourd'hui et que le reste devrait être apporté par des partenaires privés et publics. Mais, au bout du compte, c'est le contribuable qui paiera.
Je m'interroge ensuite sur l'image de votre sport. Aujourd'hui, lorsque l'on parle de football, c'est toujours l'argent-roi qui vient sur le devant de la scène. Cela s'est vu bien évidemment à travers le débat sur le droit à l'image collective des sportifs, le DIC. Ici même, après avoir traité des agents de joueurs, nous examinons actuellement le texte sur les paris en ligne, dont je crains les effets sur le football. Demain, quand l'US Quevilly battra le Paris-Saint-Germain, après avoir battu Rennes et Boulogne, ne se demandera-t-on pas inévitablement s'il n'y a pas derrière quelques paris truqués, tout comme on se demande aujourd'hui à quoi marche celui qui gagne le Tour de France ? Tout ceci ne joue-t-il pas, en dépit de nombre des actions que vous menez, par exemple en faveur des défibrillateurs, au détriment de cette fameuse responsabilité sociale ?
Enfin, les clubs amateur sont, pour tous les élus locaux, des socles indispensables et ils sont le plus souvent largement financés par les collectivités locales. Or, on peut craindre que le sport soit victime de la réforme des collectivités territoriales, en particulier si ces dernières se voient retirer la clause de compétence générale. Quel est votre sentiment à ce propos ?
Je suis président de l'association des 200 maires des Alpes-de-Haute-Provence, département rural. Il y a, dans la plupart de nos communes, même lorsqu'elles sont toutes petites – 180 d'entre elles ont moins de 200 habitants –, un terrain de football et le club est souvent la seule association du village, celle qui permet aux enfants de pratiquer ce sport qui demeure de très loin le préféré dans nos campagnes. Mais les maires constatent que cela leur revient très cher et ils regrettent qu'il n'y ait aucune relation entre la Ligue de football amateur et les petites collectivités. Ne pourrait-on envisager une relation de partenariat, par exemple par le biais de conventions ?
Une des missions du Comité directeur de la Fédération est de lutter contre les dérives du football et de l'argent qui y est véhiculé. On a en effet l'impression que c'est aujourd'hui l'une de vos occupations principales. Or, vous avez donné un avis favorable aux deux textes auxquels a fait référence Valérie Fourneyron, qui ont suscité bien plus de réserves de notre part, parce que nous avons le sentiment qu'ils ne traitent pas complètement les problèmes, en particulier celui des jeunes joueurs d'origine africaine.
De l'autre côté, il y a la grande masse des licenciés et tous les bénévoles qui s'essoufflent et qui attendent depuis des années d'être dotés d'un véritable statut. Il s'agit aujourd'hui d'une urgence pour l'ensemble du monde sportif.
Je ne reviens pas sur notre grande inquiétude quant aux effets sur le sport de la réforme territoriale.
Enfin, Jacques Lambert, directeur général de votre Fédération, nous a apporté, au sein de la mission d'information sur les grands équipements sportifs, un certain nombre d'informations quant au coût de la rénovation et de la construction des stades en vue de l'Euro 2016. N'y a-t-il pas un risque à consacrer l'argent public, de plus en plus rare, à des structures presque entièrement dédiées aux clubs professionnels et au football business ? Le ministère de l'intérieur lui-même nous a semblé préoccupé à ce propos.
La violence dans les stades m'inquiète tout particulièrement : il y a eu, ces quatre dernières années, trois décès liés à des affrontements entre supporteurs, le dernier étant intervenu tout récemment à la suite d'un match du Paris-Saint-Germain. J'aimerais donc savoir quelle politique vous mettez ou vous allez mettre en oeuvre à ce propos ? Quelles relations entretenez-vous avec la Ligue professionnelle sur ce sujet ? Quelles garanties pouvez-vous apporter à l'UEFA dans la perspective de l'organisation de l'Euro ?
Je partage les préoccupations de Valérie Fourneyron et de Pascal Deguilhem. Élu de Saint-Étienne, l'une des villes retenues dans le cadre de la candidature de la France à l'organisation de l'Euro, je suis d'autant plus inquiet du montant de l'aide apportée par l'État aux projets de construction et de rénovation des stades que la situation de nombre de collectivités locales est d'ores et déjà très précaire.
S'agissant des textes sur les agents sportifs et sur les paris en ligne, nous avons le sentiment d'être soumis à la pression d'intérêts particuliers. Je sais aussi que, dans le monde du football, un certain nombre de présidents de clubs s'agacent de la mainmise de la Ligue professionnelle. Certes, une part du produit des paris en ligne ira au Centre national pour le développement du sport, le CNDS, donc au sport amateur. Pour sa part, la publicité sur les maillots ira plutôt aux clubs et au sport professionnel. La solidarité entre le sport professionnel et amateur est pourtant au coeur du modèle français et le Fonds d'aide au football amateur, le FAFA, consacre chaque année entre 15 et 20 millions d'euros à des projets locaux. La Fédération a-t-elle l'intention d'en augmenter le montant afin de rendre cette solidarité encore plus concrète ?
Je souhaite vivement que l'Euro soit organisé en France. D'abord parce que les douze lieux qui ont été choisis, dont neuf définitivement, vont bénéficier de la construction ou de la rénovation d'un stade au bénéfice du club résident, ce qui sera, quel que soit le mode de financement, une chance exceptionnelle.
Si la décision d'attribution nous est favorable, il faudra que les instances du football, en particulier la Ligue professionnelle, prennent des décisions drastiques vis-à-vis des clubs de prétendus supporteurs, qui ne sont en fait que des hooligans. Aucun autre sport ne rencontre de tels problèmes, qui peuvent survenir à la sortie d'un match entre Rennes et Toulouse ou pendant une rencontre entre Paris et Marseille sans même que les supporteurs de l'OM ne soient présents… Nous disposerons de cinq années pour lutter résolument contre la violence, que les clubs anglais sont pour leur part parvenus à éradiquer.
On ne peut par ailleurs que regretter que la France manque de grands événements sportifs, faute de lieux pour les organiser. C'est un sujet auquel je m'intéresse tout particulièrement.
Il me semble que le texte relatif au service civique que nous venons d'adopter et qui est destiné à des jeunes qui n'ont jamais trouvé d'emploi, pourrait être mis à profit par les clubs amateurs sans qu'ils n'aient ainsi à supporter la charge financière liée à l'accueil de ces jeunes.
S'agissant enfin du texte relatif aux agents, je militais pour ma part pour que les agents soient rémunérés par les joueurs. Telle n'a pas été la solution retenue mais il faut absolument que la Ligue professionnelle de football se montre extrêmement rigoureuse dans l'attribution des licences d'agents, ce qui ne semble pas toujours être le cas.
Le football est véritablement inscrit dans la culture populaire de notre pays. Mais ne peut-on pas craindre que l'accès à la retransmission des matchs ne soit demain discriminé par l'argent quand on entend le président de la LFP, Frédéric Thiriez, déclarer qu'il travaille à « un projet de chaîne qui aura besoin de la TNT payante » ?
Quelles sont selon vous les chances que la France se voie attribuer l'organisation de l'Euro 2016 ? Pouvez-vous nous indiquer quels critères objectifs présideront à ce choix ?
Quel est par ailleurs votre sentiment quant à l'équipement de notre pays en stades de football ? Dans quel état sont aujourd'hui nos installations ?
La violence dans les stades nous préoccupe non seulement au titre du trouble à l'ordre public mais aussi parce qu'elle donne un exemple extrêmement fâcheux aux centaines de milliers de pratiquants et de spectateurs.
J'aimerais enfin avoir des précisions quant au système des aides octroyées aux communes par la Ligue de football amateur. Mon collègue Daniel Spagnou a évoqué le cas des petites communes. Pour ma part, je suis maire d'une commune importante à proximité de Paris, Maisons-Alfort, qui compte quatre stades de football et où je pratique une politique permettant à chaque jeune de faire du sport gratuitement, dans le cadre de laquelle le football a bien sûr beaucoup de succès. Je suis régulièrement confronté à la nécessité de rénover les équipements, en particulier en faisant poser des pelouses synthétiques qui permettent la pratique par tous les temps. C'est extrêmement onéreux : de 500 000 à 800 000 €, en fonction des fondations et de l'état du terrain. Les moyens des collectivités locales ne le permettent pas. Certes, il existe un mécanisme d'aide par l'intermédiaire du CNDS, ainsi qu'une possibilité de soutien de la Ligue du football amateur, mais ne vous paraît-il pas nécessaire de perfectionner ce dispositif afin de développer la pratique du football ?
Notre présidente a évoqué le football féminin, qui fête ses 40 ans, mais qui souffre encore une image très réductrice. Je ne doute pas que son ambassadrice, Adriana Karembeu, fera beaucoup pour sa popularité, mais on ne saurait négliger le rôle que peut jouer la FFF dans une meilleure appréciation du sport féminin. Vous avez, Monsieur le président, un plan d'action quadriennal 2008-2012, pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce propos ? Les moyens financiers sont-ils à la hauteur des développements souhaitables ? Ne conviendrait-il pas d'intégrer davantage de femmes dans toutes les structures et à tous les niveaux d'organisation du football, non seulement en tant que joueuses mais aussi au sein des instances dirigeantes ?
La FFF travaille-t-elle avec ses homologues européennes à l'harmonisation du statut du joueur professionnel, en ce qui concerne tant les salaires que la fiscalité et les transferts ? Quid par ailleurs du DIC, qui a fait débat parmi nous au moment du vote du projet de loi de finances et dont je pense qu'il devrait également faire l'objet d'une attitude commune des États européens ?
Je partage par ailleurs votre sentiment quant au fait que le désamour vis-à-vis de l'équipe de France vient surtout de ses mauvais résultats. Vous avez aussi insisté sur la nécessité de faire l'amalgame entre les différentes générations de joueurs. Mais le rôle du sélectionneur n'est-il pas prépondérant dans tout ceci ? Il me semble donc que vous avez quelque peu occulté la part de responsabilité de l'entraîneur, que j'évalue pour ma part à 50 %, le reste incombant aux joueurs : dans le championnat de France n'obtient-on pas souvent de meilleurs résultats avec les mêmes joueurs, en changeant subitement d'entraîneur ?
Un mot enfin du rôle des joueurs de l'ancienne génération, en particulier du capitaine. Patrick Vieira ou Thierry Henry ont un charisme certain vis-à-vis des autres joueurs, mais leurs performances ne sont plus aujourd'hui maximales dans le cadre d'un événement aussi important que la Coupe du monde. Leur maintien au sein de l'équipe ne vous paraît-il pas de nature à en affaiblir le rendement physique collectif ?
En dépit de ses résultats somme toute honorables, avec quatre qualifications consécutives pour la Coupe du monde et la présence de deux clubs en quarts de finale de la Ligue des champions, l'image du football français se dégrade avec des clubs frappés par la crise, des supporteurs violents, des procès de transferts plus ou moins douteux et la déclaration, le 22 mars dernier sur le site de la FIFA, de Raymond Domenech demandant une intervention de la Fédération au motif qu'« il y a trop de choses autour de son équipe qui la polluent ». Pensez-vous que Franck Tapiro, le publicitaire que vous avez recruté à la rentrée 2008, peut parvenir à rapprocher le public et l'équipe de France ? Comment entend-il procéder ?
La presse nous informe par ailleurs que depuis l'automne 2009 la Fédération demande aux enfants étrangers, pour leur délivrer une licence, d'apporter la preuve qu'ils sont présents en France depuis cinq ans. Ce sont ainsi près de 100 000 enfants qui seraient privés de licence…
…au détriment du rôle de lien social que joue le football et de son image. Confirmez-vous les informations qui ont été publiées à ce propos ?
Le Président Escalettes a beaucoup parlé tout à l'heure du football professionnel, mais il sait aussi rendre hommage aux dirigeants du football amateur…
…comme il l'a fait récemment dans l'Aveyron. C'est important car le football amateur est porteur des valeurs de la citoyenneté, du sport pour tous, mais aussi du bien vivre ensemble.
Le football subit aujourd'hui la pression des médias, dont certains parviennent à imposer les jours et les heures des matchs. Mais il me semble qu'il pourrait aussi, à l'inverse, imposer aux médias de l'aider à porter ces valeurs, par exemple en s'astreignant à ne pas parler uniquement du football professionnel, mais aussi de mettre l'accent sur les amateurs, sur les bénévoles et sur les petits clubs. Pensez-vous disposer d'une marge de manoeuvre pour cela ?
Je suis maire de la commune où est implanté le stade où joue l'AS Nancy-Lorraine. Dans notre région, les hivers sont longs et rigoureux et nos clubs doivent supporter des frais que ne connaissent pas ceux des régions plus tempérées. En effet, lorsqu'un match ne peut se dérouler parce que la pelouse est gelée ou enneigée, le club qui reçoit est lourdement sanctionné financièrement. Afin de l'éviter, les clubs consacrent chaque année des dizaines de milliers d'euros à protéger le terrain par des bâches et à le réchauffer, ce qui entraîne en outre la consommation de milliers de litres de fioul, en contradiction avec les impératifs du développement durable. Qui plus est, organiser les matchs en hiver décourage nombre de spectateurs.
Ne conviendrait-il donc pas de faire évoluer le calendrier du championnat, afin que les matchs se déroulent pour l'essentiel de mars à novembre, comme cela se fait en Europe centrale et orientale ?
J'aimerais savoir ce que pense le président de la Fédération de l'arbitrage et de son évolution potentielle, en particulier avec le recours à la vidéo ou à des arbitres supplémentaires, cette dernière solution ayant ma préférence.
On sait par ailleurs que l'on manque cruellement d'arbitres dans le football amateur, en particulier dans les plus petites catégories. Pourquoi ne pas prendre exemple sur l'Union nationale du sport scolaire, l'UNSS, pour qui l'engagement des équipes donne systématiquement lieu à la formation d'arbitres ?
Il est vrai qu'un statut du bénévole fait aujourd'hui d'autant plus défaut que l'on constate un vieillissement des personnes qui encadrent nos footballeurs. Si l'on peut en effet envisager de recourir au service civique, ne convient-il pas également de renforcer les échanges entre les districts et les élus locaux ?
Je reviens aussi sur la question des infrastructures, en particulier des terrains synthétiques, qui permettent que les matchs se déroulent même lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Certes, leur installation est onéreuse, mais elle permet des économies et s'inscrit dans une démarche de développement durable puisqu'il n'y a plus ni tonte, ni désherbant, ni traçage. Comme d'autres, le département du Nord et la région Nord-Pas-de-Calais soutiennent les communes qui s'engagent dans cette voie. Pouvez-vous nous préciser la politique de la Fédération en ce qui concerne la labellisation de ces terrains ? Les communes peuvent-elles être assurées qu'elles pourront y organiser les compétitions ?
Vous avez dans vos questions, fort nombreuses, balayé l'ensemble des sujets qui nous occupent au quotidien. Fernand Duchaussoy répondra à celles qui ont porté sur le football féminin, sur les terrains synthétiques et sur tout ce qui relève de sa responsabilité.
Il a été fait état, dans la presse, d'informations tout à fait erronées à propos de la baisse du nombre des licenciés. Leur nombre fluctue, année après année, entre 2,1 et 2,2 millions, avec quelques pics et quelques bas, en fonction des résultats de l'équipe de France. Pour certaines tranches d'âge, le pourcentage de jeunes pratiquant le football est tout à fait exceptionnel : c'est en particulier le cas d'un quart des garçons de 11 ans ! Un bon résultat peut nous amener 200 000 licenciés de plus : nombre de fédérations sportives rêveraient de compter au total autant de pratiquants… Pour nous, le problème est surtout de les accueillir, les fidéliser et de les conserver : nous manquons pour cela de bénévoles, de cadres mais aussi de terrains. Refuser une licence à des enfants qui veulent jouer au football est pour nous un crève-coeur.
La légère diminution du nombre des licenciés que l'on observe actuellement tient pour l'essentiel aux mauvais résultats de l'équipe de France, mais aussi à l'informatisation, intervenue cette année, de la délivrance de licences, qui a mis fin au renouvellement automatique qui concernait sans doute 5 à 6 % de nos licenciés. Mais nous disposons ainsi de données plus fiables.
Vous avez été plusieurs à évoquer l'articulation, au sein de la Fédération, entre professionnels et amateurs. La Fédération française de football, ce n'est pas seulement le football amateur mais aussi le football professionnel. Nous avons donc deux piliers et j'ai à mes côtés deux vice-présidents : Fernand Duchaussoy et Frédéric Thiriez. Nous gérons tout, avec une délégation de pouvoir à chacun des deux secteurs, mais c'est bien, in fine, la Fédération qui décide. L'équipe de France, tout comme d'ailleurs la Coupe de France ou la Coupe Gambardella pour les jeunes, ne sont pas le patrimoine de la Ligue professionnelle ou de la Ligue amateur mais de la Fédération française de football. Et si certains sont parfois tentés de franchir la ligne blanche, nous nous posons en gardiens du temple et nous refusons tout ce qui n'est pas conforme à notre philosophie, à notre culture, à notre histoire.
Bien évidemment, il faut que les deux ligues travaillent ensemble et il est parfois difficile, même au nom de la solidarité, surtout dans notre société nombriliste, de concilier des intérêts opposés. Je milite pour y parvenir et j'ai en face de moi une Ligue professionnelle qui, jusqu'à présent, a bien répondu à nos attentes.
Le Fonds d'aide au football amateur, le FAFA, a succédé au Fonds d'aide à l'investissement, le FAI. Nous sommes la seule fédération en France et, peut-être, en Europe, à disposer d'un tel outil, qui dirige vers le football amateur – c'est-à-dire vers les communes et vers les clubs qui leur sont associés – une part des recettes de télévision générées par le football professionnel, à hauteur de 15 à 20 millions d'euros. Peut-être jugez-vous cet effort insignifiant, mais je puis vous assurer qu'il a permis, ces dernières années, de déclencher un grand nombre d'investissements. Nous pouvons vous donner des indications plus précises sur ce qui a été réalisé grâce aux collectivités territoriales parce que, à l'origine, nous y avons mis un peu argent en provenance du football professionnel, à qui il faut tirer notre chapeau pour cela.
Vous nous demandez si ce dispositif perdurera. Bien sûr ! Les sommes augmenteront-elles ? Je l'espère mais ce n'est pas assuré. Si nous parvenons à le maintenir à ce qu'il est actuellement, ce sera déjà très bien. Nous sommes d'ailleurs en pleine négociation du protocole à ce propos.
Vous avez beaucoup parlé de l'équipe de France, de son sélectionneur, de son capitaine, etc.
Il est vrai que les joueurs et l'entraîneur ont tous une part de responsabilité dans les résultats, mais il est bien difficile de l'évaluer précisément. L'entraîneur a pour rôle de tirer le meilleur parti des éléments dont il dispose. Je suis bien incapable de dire si tel n'est pas le cas aujourd'hui : nous le mesurerons aux résultats. Si M. Domenech a été maintenu, c'est par une décision mûrement réfléchie de la Fédération française de football, au nom d'un certain nombre de principes et de l'idée que nous ne sommes pas là pour donner l'exemple à ceux qui ne vont pas au bout des contrats qu'ils ont signés. Le contrat de notre sélectionneur courait jusqu'en 2010 et nous avons voulu le respecter. Qui peut dire que les résultats auraient été meilleurs si on l'avait remplacé ? J'ajoute que le déclic ne se produit pas toujours quand on change d'entraîneur.
S'agissant des dates, ce n'est pas notre faute si les médias n'entendent pas ce que nous leur disons – et il ne nous est certes pas possible de leur imposer quoi que ce soit, ce qui n'est en outre pas souhaitable d'un point de vue déontologique. Voilà deux ans que nous répétons sans relâche que Raymond Domenech terminera son contrat en 2010 et on nous a d'ailleurs souvent reproché de le maintenir jusque-là… Mais nous n'avons jamais dit qu'il serait maintenu après cette date ! Nous souhaitons bien évidemment que son contrat s'achève le plus tard possible en juillet 2010… Mais le football ne s'arrête jamais et les matchs du cycle suivant débuteront le 11 août. S'imagine-t-on que c'est à ce moment que l'on pourra aller chercher un nouvel entraîneur dans un club dont l'entraînement aura déjà repris ? Qu'aurait été par ailleurs la réaction des médias si nous avions tenu cela secret, d'autant que tout se sait dans le milieu du football ? Il fallait donc s'y prendre le plus tôt possible et non au moment précis où l'on réunira les 23 joueurs. Tout ceci est maintenant derrière nous et les joueurs peuvent se tourner vers leur Coupe du monde. Je ne puis croire un seul instant qu'ils soient perturbés à l'idée d'avoir un nouvel entraîneur l'année prochaine !
Au total, que l'on soit d'accord ou pas avec les décisions de la Fédération, je souhaite que l'on cesse de nous traiter d'imbéciles ou d' « amateurs », ce que je ne puis prendre pour une insulte car cela vient avant tout pour moi du verbe « aimer » et car cela n'a rien de péjoratif par rapport à « professionnel » !
La question du capitaine est très difficile. Doit-il être le meilleur joueur ? Zidane était le meilleur mais ce n'était pas un leader… Chamakh était capitaine hier pour Bordeaux alors qu'il ne l'avait jamais été précédemment. Il appartient sans doute au sélectionneur et aux joueurs de décider.
S'agissant de l'Euro, nous nous sommes lancés dans une tournée de 13 visites auprès des 13 votants, afin de leur présenter le projet de la France. Il ne s'agit pas d'une campagne de lobbying comme pour les Jeux olympiques car chacun ne vote pas au nom de sa fédération mais lui-même, en son âme et conscience. Il nous faut donc lui présenter le dossier et mettre en avant les atouts de la France. Nous avons déjà tenu cinq réunions, mais personne ne nous a dit à la sortie si son vote était acquis à notre pays. Nous essayons de discerner dans leurs réactions s'ils nous seront ou non favorables, mais tout se décidera le 28 mai. D'ici là, les votants passeront 48 heures à Paris afin d'évaluer notre dossier. Nous avons d'indéniables atouts : nos infrastructures hôtelières et de transport ; notre patrimoine incomparable qui fait rêver dans les autres pays ; notre responsabilité sociale car nous voulons un Euro social, un Euro ouvert, un Euro de la fête populaire ; notre engagement d'organiser un Euro du développement durable, en construisant des stades pour les 50 ans à venir, qui fait que l'inconvénient de ne pas déjà disposer d'infrastructures sportives peut en fait se révéler un avantage. Pour autant, je ne vous dirai certes pas que nous sommes favoris. Les Turcs se présentent pour la troisième fois, les Italiens pour la deuxième et nous pour la première seulement. Par affinités, le délégué allemand a dit qu'il voterait pour nous, mais pour le reste rien n'est sûr. Nous espérons être au deuxième tour et obtenir les sept voix nécessaires.
En effet, 1,7 milliard d'euros est prévu, soit un investissement sans précédent en France en faveur des installations sportives. Nous sommes bien évidemment obligés de prévoir des investissements croisés, voire uniquement privés, comme à Lyon. Nous espérons que, par la suite, la gestion sera la plus ouverte possible qu'elle permettra non seulement de faire gagner de l'argent à des clubs professionnels mais aussi, comme l'Allemagne y est parvenue pendant la Coupe du monde 2006 et surtout après, à faire des stades des lieux de vie, où l'on peut accueillir femmes et enfants, où l'on vient pour faire la fête. En Allemagne, le nombre de spectateurs a depuis lors augmenté de 25 %, c'est ce que nous voulons pour notre pays. Pour les 51 rencontres, la capacité moyenne de nos stades sera de 50 000 places, soit un potentiel total d'1,5 million de spectateurs. Comme l'a dit Jacques Lambert, il faudra instituer un comité de valorisation destiné à préparer l'après 2016 en vue de l'utilisation la plus judicieuse, la plus sociale et la plus humaine de nos installations, dont nous avons en effet bien besoin si nous voulons être une nation leader dans l'organisation des événements mondiaux.
J'ai souligné dès mon introduction que l'argent-roi était l'un de nos problèmes. S'agissant des agents, fallait-il qu'ils soient rémunérés par les joueurs ou par les clubs ? Ma philosophie n'est pas vraiment faite, mais je souhaitais qu'une loi soit adoptée afin que ce ne soit plus la jungle. C'est désormais chose faite et il faudra l'appliquer, en faisant preuve de rigueur et de vigilance car les agents sont, comme les joueurs sur un terrain, habiles à exploiter les intervalles.
Les choses sont un peu différentes pour les paris en ligne car, avec Internet et la mondialisation, nous n'avons plus aucune maîtrise en la matière. Le football français a été jusqu'à présent préservé : on n'a jamais parlé de tricherie chez nos arbitres ni de corruption, comme en a pu en voir chez certains de nos concurrents à l'organisation de l'Euro… Avec le texte que vous examinez, il s'agit simplement de nous doter des moyens d'encadrer ce phénomène, mais il nous faudra, là aussi, nous montrer vigilants.
S'agissant de notre image, notre secrétaire d'État nous a reproché, en privé, de ne pas communiquer assez. Même si ce n'est guère dans leurs habitudes, la Ligue amateur et la Fédération se forcent à le faire, c'est pourquoi nous avons eu recours à une agence de communication. Mais force est de constater que les journaux ne font pas leur une sur le travail accompli dans les 18 000 clubs amateurs par tous ces bénévoles qui assurent du soutien scolaire, qui utilisent leur propre véhicule pour permettre aux enfants de pratiquer, quelle que soit leur origine, leur race ou leur confession. Croyez-moi, si vous avez la solution pour imposer aux médias de parler de tout cela, je suis preneur ! Peut-être sommes-nous plus compétents en matière de savoir-faire que de faire savoir…
Vous avez évoqué par ailleurs nos clubs de base. Nous savons bien que c'est là que se trouve le tissu de notre sport et que ces clubs ne vivraient pas s'ils n'étaient pas aidés par les collectivités. On est là dans une relation gagnant-gagnant. Même s'il ne nous appartient en rien de porter un jugement sur ce que fait le Parlement, il est bien évident que la réforme des collectivités territoriales nous inquiète.
J'ai lu comme vous, madame Langlade, que 100 000 jeunes pourraient être privés de licence. Il est incontestable qu'il existe aujourd'hui, dans les pays de l'Est, des filières permettant à de jeunes Africains d'entrer chez nous. Nous avons de trop nombreux exemples de gamins qui, parce qu'ils ne sont pas assez bons sur un terrain, sont largués par les clubs et en sont réduits à vivre d'expédients dans de petits clubs amateurs. La FIFA a enfin décidé de mettre fin à ce véritable trafic d'êtres humains, en interdisant les transferts de mineurs de moins de 18 ans d'un autre continent vers l'Europe. Un certain nombre de consignes nous ont ainsi été données, que nous avons transmises aux ligues, qui ont compétence pour établir les licences. Certaines les ont appliquées avec trop de rigueur. Une ligue a de la sorte interdit à une enfant de 13 ans de jouer au football parce qu'elle ne pouvait pas justifier de cinq années de résidence en France. Il n'était pourtant guère plausible que ce cas relève d'une filière, d'autant que le professionnalisme n'a pas cours dans le football féminin… La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) a écrit à la FIFA, qui lui a répondu ; nous avons rencontré les représentants de la Ligue des droits de l'homme et nous avons immédiatement débloqué un petit millier de licences en souffrance. Nous comprenons que tout ceci ait pu être perçu comme une discrimination, mais l'idée de base était généreuse : il s'agissait simplement de mettre un terme au trafic, en partant du constat que les jeunes joueurs étrangers ne vont que rarement directement vers un club professionnel et qu'ils transitent fréquemment par un club amateur, on l'a encore constaté récemment avec de jeunes Malgaches. Bien évidemment, nous donnerons aux ligues la consigne de faire preuve de souplesse.
Si l'on a pu dire que 100 000 jeunes étaient concernés, c'est parce que les ligues ont estimé par extrapolation que l'on pourrait en arriver là en année pleine, si la nouvelle règle était appliquée de façon rigoureuse au moment de l'établissement des licences.
S'agissant du statut du bénévolat, je ne puis que vous renvoyer la balle… Je milite pour depuis des années en faveur d'un tel statut. On a d'abord parlé d'un statut du bénévole, puis du bénévolat, mais c'est en fait le statut de l'Arlésienne… Il faudra bien un jour que l'on se rende compte que la vie associative repose sur ceux qui s'engagent dans tous les domaines et pour qui il faudrait bâtir non pas un statut mais une statue…
La violence est un sujet important mais, je vous rassure, elle ne plombe pas la candidature de la France. Elle est hélas également présente chez nos concurrents, en Turquie ainsi qu'en Italie, où récemment encore un joueur à été frappé au motif qu'il est noir.
C'est, chez nous, un phénomène limité à certains clubs et même, à l'intérieur des clubs, à certaines bandes que l'on doit bannir des stades car elles n'ont rien à y faire : elles ne sont composées ni de sportifs ni de supporteurs ! Les affrontements entre supporteurs du même club pourraient d'ailleurs nous poser problème pour la finale de la Coupe de France : habituellement, on sépare les supporteurs des deux clubs, faudra-t-il demain créer un espace isolé supplémentaire ? Mais il faut raison garder car, pour angoissant qu'il soit, le phénomène est quand même limité : je me rends au stade à Bordeaux, à Auxerre, un peu partout, et les choses se passent très bien.
Que faire ? Voilà des années que l'on dit qu'il faut agir et l'on a besoin pour cela des pouvoirs publics. L'Angleterre a trouvé deux solutions. La première a consisté en une forte augmentation du prix des places : aujourd'hui, un abonnement à l'Emirates Stadium pour Arsenal coûte vingt fois plus cher que pour n'importe quel club en L1 française. Mais cette ségrégation par l'argent fonctionne : les nantis n'ont guère de raisons de se battre, ils viennent au stade uniquement pour se divertir. Mais les Anglais se sont aussi engagés dans la répression et dans l'interdiction de stade : les fauteurs de troubles sont jugés immédiatement et mis en prison dans l'enceinte même de Wembley ! Ensuite, ils sont obligés, au moment des matchs, de pointer dans un commissariat très éloigné. Si les clubs doivent commencer par balayer devant leur porte – et il me semble qu'ils ont enfin pris conscience de la nécessité de combattre ce cancer qui ronge notre football d'élite – à l'évidence, seul l'État peut mettre en oeuvre des dispositifs aussi lourds.
Michel Platini est un président de grande qualité. Il est arrivé avec difficulté à la tête de l'UEFA, il est maintenant reconnu, il a un grand charisme et il fait avancer les choses dans le sens qu'il a voulu, en conformité avec les valeurs qu'il porte. Son action en faveur du fair-play financier, le simple fait de parler de cela aux clubs anglais et espagnols, qui ne savent même pas jusqu'à quel point ils se sont endettés pour acquérir les plus grands joueurs, est une véritable révolution ! C'est une oeuvre de longue haleine : on ne peut pas changer les habitudes de nos voisins du jour au lendemain. Mais nous, Français, qui sommes tenus de respecter un droit social et fiscal national pleinement légitime, avons tout à y gagner : faute d'une telle harmonisation, nous continuerons à ne pas pouvoir lutter à armes égales avec nos rivaux. Il nous semble normal de faire en sorte que l'on ne puisse pas dépenser plus que ce que l'on gagne.
Un mot du calendrier, qui est tout simplement impossible : prenez un championnat de France de L1 à 20 clubs, ajoutez-y la Coupe de la Ligue, la Coupe de France, les matchs internationaux, les dates réservées par l'UEFA et dites-moi comment faire ! Comme par hasard, les seules dates que la FIFA et l'UEFA laissent libres se situent en janvier et en février ; nous sommes donc contraints de les utiliser ce qui conduit à la catastrophe que vous avez décrite, en termes d'organisation mais aussi de public ! Il faudra bien un jour se pencher sur le nombre de clubs en L1 et sur la Coupe de la Ligue…
J'en viens à l'arbitrage : je trouve que l'on est méchant et injuste vis-à-vis de nos arbitres, qui ne sont pas plus mauvais qu'ailleurs. En Coupe d'Europe aussi, il y a des erreurs grossières, dont on parle bien moins. Ainsi, hier soir, un joueur de Lyon a reçu un carton jaune qui l'empêchera de disputer le match retour, alors qu'il n'avait pas touché son adversaire, qui est tombé tout seul. Que n'aurait-on dit si cela s'était produit lors du championnat de France ! Là, on n'en entend pas parler et c'est bien normal car l'arbitrage est humain et l'homme se trompe… Je l'avoue, je comprends difficilement l'attitude de certains présidents de clubs vis-à-vis de l'arbitrage.
Je soutiens totalement la position de Michel Platini : oui à l'arbitrage à cinq, avec des pouvoirs renforcés pour les arbitres de surface ; non à la vidéo, si ce n'est pour apprécier le franchissement de la ligne. Mais le véritable problème n'est pas là mais plutôt du côté du hors-jeu, pour lequel on n'a pas trouvé jusqu'ici de solution technique. Il faut que l'arbitre reste décideur. J'observe en outre que la comparaison avec le rugby n'est pas recevable dans la mesure où, une fois que le ballon est entré dans l'en-but, le jeu est arrêté dans presque tous les cas. Le football est un sport beaucoup plus fluide. S'il est possible d'annuler un but si on s'aperçoit rétrospectivement que le joueur était hors-jeu, à l'inverse, si l'action a été interrompue à tort, comment remettre le joueur dans la position favorable qui était la sienne ?
Nombre de vos questions ont porté sur le rôle des collectivités et vous avez aussi beaucoup parlé d'argent.
Le football est un tout qui englobe footballs professionnel et amateur, ce dernier étant un sport pauvre et vous connaissez bien les difficultés que rencontrent les dirigeants pour faire survivre les petits clubs. Si j'ai dit en introduction que le football amateur était dépendant de l'équipe de France, il l'est bien plus encore des collectivités locales auxquelles je veux ici rendre hommage car, non contentes de soutenir les clubs, elles mettent aussi leurs installations à notre disposition pour des opérations de sélection ou de détection.
Il est vrai que c'est pour elles très onéreux. C'est pour cela que Jean-Pierre Escalettes, lorsqu'il était à la tête du football amateur, a créé le Fonds d'aide à l'investissement. Ainsi, si les collectivités nous apportent beaucoup, si elles doivent aussi répondre à certaines exigences de notre part, en particulier en matière de labellisation des terrains, nous pouvons, en retour, leur apporter une aide financière, certes modeste mais néanmoins supérieure à ce qu'elles peuvent obtenir du CNDS. Depuis quelques années, nous y consacrons environ 15 millions d'euros par an et nous avons participé de la sorte à plus de 6 000 projets de rénovation. Nous faisons, dans ce cadre, un effort tout particulier pour soutenir l'installation de pelouses synthétiques, chaque opération bénéficiant d'une aide de 100 000 €. Nous recevons d'ailleurs un très grand nombre de lettres de remerciements d'élus locaux. Certes, cette aide est modeste puisqu'elle représente entre 7 et 8 % du coût d'une opération, mais il suffit parfois d'installations qui n'ont rien de pharaoniques, comme celle d'un ballon d'eau chaude, d'une main courante ou, en milieu urbain, d'un pare-ballon, pour changer la vie d'un petit club. On est très loin de l'arbitrage vidéo, mais ce sont aussi de petites choses comme cela qui permettent de vivre à un tissu associatif très dense, le football amateur organisant un million de matchs chaque année.
Vous nous avez aussi interrogés sur le développement des différentes disciplines. Je crois que l'on est en train de passer d'un football de l'offre, dans lequel on venait quasi systématiquement vers nous, à un football de la demande, dans lequel les licenciés veulent beaucoup plus de liberté dans le choix de leur pratique. Cela nous oblige à nous ouvrir et je suis persuadé que le club de demain, s'il devra bien évidemment continuer à s'intéresser beaucoup à la compétition, qui est un moteur du sport, devra aussi proposer des disciplines très diverses. C'est pour répondre à cette demande que nous venons de créer un championnat de France de foot-salle – que l'on devrait plutôt appeler football à effectif réduit – et que nous soutenons le beach-soccer.
Le football au féminin est aussi pour nous un axe de développement très important. J'étais la semaine dernière à Boulogne-sur-Mer où l'équipe de France disputait d'une rencontre de qualification pour la Coupe du monde 2011, qui se déroulera en Allemagne. Notre équipe féminine, qui a battu l'Irlande du Nord 6 à 0, est extrêmement compétitive et les 6 500 spectateurs ont été stupéfaits par la qualité technique, par l'engagement, par la motivation mais aussi par la beauté de ses joueuses, qui n'ont absolument rien de garçons manqués…
Mais nous avons un peu mis la charrue avant les boeufs, en commençant par l'élite, et il nous faut maintenant inverser la tendance. C'est ce que nous faisons en nous efforçant d'implanter le football féminin dans nos ligues et dans nos districts, avec de véritables championnats reposant désormais sur l'accès au niveau supérieur et sur la relégation. Nous sommes aussi en train de créer un championnat pour les moins de 19 ans. Enfin, une grande manifestation est prévue à l'occasion des 40 ans du football féminin et vous avez évoqué le soutien que nous apporte dans ce cadre Adriana Karembeu.
L'objectif du président de la Fédération et de passer de 26 500 à 30 000 arbitres. Il nous faut en particulier fidéliser nos arbitres car l'importance du turn-over accroît les besoins en recrutement et en formation. La situation n'est toutefois pas dramatique, grâce à l'obligation qui est faite aux clubs de compter un certain nombre d'arbitres, en fonction du niveau où ils évoluent. Certes, nous préférerions que l'arbitrage se développe par vocation, mais il faut reconnaître le travail qui est fait et le niveau tout à fait satisfaisant de nos arbitres. Comme l'a souligné Jean-Pierre Escalettes, si le match d'hier s'était déroulé dans le cadre du championnat de France et non de la Champions League, les réactions contre l'arbitrage auraient été bien plus virulentes…
Je veux enfin souligner que nous sommes une source importante de création d'emplois : grâce à notre relation avec le football professionnel, nous avons créé récemment dans chaque département un poste de conseiller en football d'animation.
Messieurs, nous vous remercions. Nous manquons hélas de temps pour poursuivre cette conversation, mais soyez assurés que nous renouvellerons cette expérience, qui a été tout à fait intéressante.
La séance est levée à douze heures dix