La commission a entendu Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
En raison d'un déplacement en Inde, Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, n'avait pu être présente lors de l'examen en commission élargie des crédits pour 2010 de la mission « Économie ». La commission des affaires économiques a le grand plaisir de la recevoir aujourd'hui.
Le commerce extérieur de la France n'est guère florissant. Bien que l'on note une légère amélioration par rapport au niveau record de 2008 – 57 milliards –, le déficit de notre balance commerciale devrait encore dépasser les 40 milliards d'euros en 2009.
Je tiens à préciser que vous n'êtes pas personnellement responsable de cette situation, madame. Au contraire, je rends hommage à l'engagement total et à la compétence que vous déployez dans l'accomplissement de votre mission de promotion des entreprises françaises à l'étranger.
Le déficit de notre balance commerciale n'est pas non plus un simple effet de la crise économique mondiale. Les performances extérieures de l'économie française se dégradent depuis une dizaine d'années.
Le diagnostic est partagé par tous les acteurs : nos petites et moyennes entreprises peinent à exporter parce que leur taille est insuffisante et qu'elles ne sont pas assez innovantes. En outre, nos grandes entreprises ont vu leur compétitivité diminuer dans certains secteurs de pointe, ce qui est inquiétant car cela traduit un déclassement de notre outil industriel.
Avant de vous céder la parole pour un propos liminaire, je vous poserai quelques questions.
Où en est-on de la mise en oeuvre des outils visant à aider les exportateurs français à faire face à la crise – je pense en particulier au dispositif de garantie et de crédit interentreprises « CAP Export » ?
Quels sont les résultats de l'accompagnement à l'étranger des entreprises, notamment primo-exportatrices, par Ubifrance ?
Où en est la signature des grands contrats, par exemple pour la fourniture de TGV au Brésil et aux États-Unis ?
Que pensez-vous des performances à l'international du secteur automobile, dont la balance commerciale a été pour la première fois déficitaire en 2008, et qui semble ne s'être rétablie en 2009 que grâce aux plans de relance français et allemand ?
Enfin, s'agissant des négociations du cycle de Doha, pensez-vous aboutir à un accord en 2010, et si oui, sur quelles bases ? Les gains pour les consommateurs seront-ils réellement supérieurs aux coûts sociaux à en attendre dans certains secteurs économiques, notamment l'agriculture ? L'absence d'accord global peut-elle conduire à la signature d'accords régionaux, et quels seraient alors les risques ?
La tâche qui m'est impartie m'imposant de passer les deux tiers de mon temps à l'étranger, je me trouvais entre Bombay et Bagdad au moment de l'examen du budget en commission élargie. Je vous prie à nouveau d'excuser mon absence.
Je précise que je conçois ma mission comme une mise en relation du local et du global : quand je suis en France, je passe en effet beaucoup de temps en région à visiter des entreprises, notamment dans les pôles de compétitivité.
Je présenterai le 5 février prochain les résultats globaux du commerce extérieur français pour 2009. Je m'exprime aujourd'hui sur la base des résultats des onze premiers mois de l'année.
L'année 2009 a été marquée par une forte contraction du commerce mondial, de l'ordre de 13 %, qui s'est traduite par une diminution de la demande mondiale adressée à la France. Nos échanges, tant à l'exportation qu'à l'importation, devraient subir un recul légèrement supérieur à la moyenne mondiale, à l'instar de ceux des autres grands exportateurs européens, dont l'Allemagne.
Vous l'avez rappelé, monsieur le président, notre déficit commercial avait atteint un niveau record en 2008 ; il devrait être en 2009 d'une quarantaine de milliards. Cette évolution est due, pour l'essentiel, à la diminution de la facture énergétique. Hors énergie, je crains que notre déficit ne se soit guère réduit.
La consommation s'est maintenue ; grâce au plan de relance, l'investissement public est positif ; nous attendons une reprise de l'investissement privé. Quant au commerce extérieur, sa contribution à la croissance a été positive durant les deuxième et troisième trimestres, à hauteur respectivement de 0,9 et 0,4 point de PIB.
L'automobile fait partie des secteurs d'activité qui ont le plus souffert de la crise, avec une baisse d'environ un quart des exportations. Il faut dire que nos principaux clients sont traditionnellement les pays européens : Allemagne, Espagne. Même si les mesures de prime à la casse, prises par l'Allemagne notamment sur notre modèle, ont eu des effets positifs dès le deuxième trimestre, le déficit du secteur a continué d'augmenter, du fait notamment des délocalisations réalisées par certaines entreprises françaises.
Dans le secteur agroalimentaire, secteur d'excellence pour la France, les exportations devraient connaître un recul et l'excédent se tasser, principalement en raison de la diminution des ventes de vins et spiritueux, en volume comme en valeur. Nous avons décidé, avec Bruno Le Maire, de mener un plan d'action particulier dans ce domaine, en accompagnement de la loi de modernisation de l'agriculture. Il est assez inquiétant de voir que l'Allemagne nous rattrape, pour ce qui est des parts de marché !
En revanche, le secteur pharmaceutique tire son épingle du jeu : il est le seul à avoir traversé la crise sans dommage, avec une augmentation des exportations de quelque 7 %.
Du point de vue géographique, nos ventes vers l'Union européenne et les États-Unis ont diminué. Leur recul est moins net à destination de la Chine – de l'ordre de 11 % seulement –, du fait de la vigueur de la croissance dans ce pays, et elles ont augmenté vers le Proche et le Moyen Orient, grâce notamment aux ventes d'avions.
Les grands contrats souffrent eux aussi de la crise, ce qui n'est guère étonnant dans la mesure où 40 % d'entre eux concernent le secteur aéronautique. Cela a fortement contrarié la progression enregistrée au cours des deux dernières années, qui avaient vu un doublement du montant des contrats par rapport à la décennie précédente.
Le déficit de la balance commerciale n'est que la partie émergée de l'iceberg : c'est, structurellement, la compétitivité de l'économie française qui est en cause. À cet égard, mes principaux leviers d'action sont le crédit d'impôt recherche, les pôles de compétitivité, la politique en faveur de l'innovation et, à compter de cette année, la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements. Ce n'est pas un hasard si le fil rouge de la politique économique impulsée par le Président de la République est le renforcement de la compétitivité de nos entreprises.
Si notre déficit se creuse, c'est aussi en raison des mauvais résultats de l'économie allemande en 2009. En conséquence, le marché allemand, qui est notre principal marché, a été moins dynamique, et les importations ont reculé. Un déficit commercial n'apporte pas que des mauvaises nouvelles ; en l'occurrence, il traduit un différentiel de croissance avec nos voisins européens, dans la mesure où nous avons davantage consommé et importé qu'eux.
S'agissant des négociations de l'OMC, je doute que, malgré les appels réitérés du G20 et les efforts de Pascal Lamy, le cycle de Doha puisse être conclu en 2010. La dernière réunion interministérielle, qui s'est tenue à Genève en décembre dernier, l'a souligné : la balle est dans le camp des États-Unis. Or, j'ai eu l'occasion de le constater sur place, il sera sans doute très difficile au président Obama de trouver l'énergie politique et la majorité nécessaires pour aboutir à un accord.
La France et l'Union européenne souhaitent quant à elles une conclusion équilibrée du cycle de Doha. En particulier, nous ne ferons aucune concession supplémentaire sur le volet agricole, refusant d'aller au-delà de ce que nous avons accepté il y a quelques années en termes de restitutions et de protections douanières. Telle est la position que Bruno Le Maire et moi-même avons réaffirmée à la tribune de l'OMC.
En outre, conformément au souhait du Président de la République, la France milite pour que l'OMC s'attaque à de nouveaux sujets.
Il convient tout d'abord de réintroduire dans les négociations des volets qui n'auraient jamais dû sortir du cycle, comme l'investissement ou les marchés publics. On constate en effet, à l'occasion des plans de relance, qu'il existe, faute de discipline internationale, un fort risque de protectionnisme dans ce dernier domaine. Comment l'OMC peut-elle être crédible si elle ne s'empare pas de sujets si importants pour les échanges internationaux actuels ?
Il faut ensuite aborder les questions du XXIe siècle, comme le lien à établir entre négociations commerciales et négociations sociales. Le Président de la République a ainsi fait en sorte que le directeur général de l'Organisation internationale du travail soit associé aux travaux du G20 ; il convient de créer des relations, y compris juridiques, entre les règles de l'OIT et celles de l'OMC. S'agissant du climat, nous souhaitons lutter contre le dumping environnemental ; avec nos collègues européens, nous travaillons à la mise en oeuvre de mesures d'ajustement aux frontières.
Nous devons soutenir ces propositions, en premier lieu, à l'échelon de l'Union européenne, ce qui n'est pas toujours facile. Mais l'enjeu est d'importance !
Par ailleurs, la Commission européenne s'est engagée, avec notre autorisation, dans la négociation de plusieurs accords commerciaux.
Il s'agit tout d'abord de l'accord avec la Corée, qui devrait être signé au cours du premier semestre de 2010, et qui a fait l'objet d'une attention particulière en ce qui concerne l'automobile et le cinéma. Je me suis personnellement beaucoup investie dans ces négociations.
Nous sommes également en discussion avec l'Inde et le Canada. Comme il s'agit de pays fédéraux, la question des marchés publics y est cruciale.
La présidence espagnole s'intéresse en outre au développement des relations avec plusieurs pays d'Amérique latine, en particulier la Colombie.
Enfin, et c'est une nouveauté, nous entrevoyons la possibilité d'accords avec Singapour. Jusqu'à présent en effet, nous nous efforcions de négocier sur une base régionale plus large, mais il nous est apparu que les pays de l'ASEAN étaient trop divers pour cela.
S'agissant de l' « équipe de France de l'export », nous avons, sur la base d'un rapport parlementaire, voulu dynamiser l'agence pour l'internationalisation des PME, Ubifrance – qui est présidée par votre collègue Alain Cousin. Deux objectifs ont été assignés à la réforme : d'abord, renforcer les moyens en faveur des PME ; ensuite, améliorer la lisibilité et la cohérence du dispositif.
Le chantier est bien engagé. En 2008, nos efforts ont porté sur les aspects institutionnels, avec la signature de conventions entre, d'une part, Ubifrance et, d'autre part, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de commerce françaises à l'étranger et les conseillers du commerce extérieur de la France. En 2009, nous avons associé d'autres acteurs, comme OSEO ou l'Agence française de développement.
À ce jour, ce sont 45 bureaux dans 30 pays qui ont été transférés de l'État à l'agence ; l'opération a été gérée de façon remarquable et s'est accompagnée d'une professionnalisation des personnels. À la fin de 2010, Ubifrance comptera 63 bureaux dans 44 pays. Dans le même temps, ses crédits ont été considérablement renforcés, non pour couvrir des frais de structure, mais pour augmenter le montant des aides aux PME. Les taux de subvention pour la participation à des salons sont ainsi passés, en moyenne, de 35 à 50 %.
Pour 2010, j'ai présenté à l'ensemble des acteurs concernés un « Programme France » commun, qui rassemble, sous une même bannière, l'ensemble des opérations collectives d'accompagnement des entreprises à l'étranger.
Les résultats sont là : le nombre de missions d'entreprises à l'étranger a presque doublé en 2009, et nous avons totalisé près de 20 000 accompagnements, ce qui correspond à l'objectif fixé pour 2011 dans la convention d'objectifs et de moyens ! Le nombre d'entreprises bénéficiaires de l'assurance prospection a en outre augmenté de 40 %, sans doute grâce à l'amélioration et à la simplification du dispositif. En 2009, les chambres de commerce et d'industrie et les partenaires de « l'équipe France » ont recensé plus de 4 000 PME « primo-exportatrices », dont 3 000 ont fait l'objet d'un accompagnement à l'international.
À ce sujet, compte tenu de la contribution, passée et à venir, du Parlement à ce dispositif, je souhaite mettre plus particulièrement l'accent sur l'apport des volontaires internationaux en entreprise (VIE).
Ce dispositif propose aux entreprises de recruter des jeunes pour une période modulable, sans charges et dans le cadre d'un échange avantageux pour les deux parties. Le VIE permet en effet aux volontaires d'acquérir une première expérience professionnelle, qui débouche dans plus de 80 % des cas sur un emploi. Quant aux entreprises, il leur fait bénéficier, dans des conditions particulièrement favorables, de l'enthousiasme de jeunes professionnels pour créer des marchés, conclure des partenariats et développer des activités.
Il m'arrive fréquemment de remettre, à travers le monde, des prix VIE, et je dois dire que je suis impressionnée, parfois émue, par le dynamisme de ces jeunes gens et jeunes filles.
Nous avons donc souhaité renforcer ce dispositif, notamment à la faveur de la loi sur la formation professionnelle, qui a fait entrer cette forme particulière de contrat en alternance dans le décompte des formations pour le calcul de la taxe d'apprentissage ; par ailleurs, je souhaite que, dans le cadre de la proposition de loi sur le service civique, on continue à reconnaître cette forme de service civique particulière qu'est le service en entreprise.
Plusieurs simplifications et modifications sont en outre intervenues afin de rendre le volontariat en entreprise plus accessible aux PME, en particulier grâce à des formules de « partage » ou de « portage ». Résultat : en 2009, 500 nouvelles PME ont eu recours à des VIE, ce qui permet de compenser la relative diminution de leur renouvellement au sein des très grandes entreprises, en particulier dans le secteur automobile et bancaire, du fait de la crise.
S'agissant du soutien financier aux exportations et de l'assurance-crédit, nous avons souhaité, avec Christine Lagarde, mener une politique particulièrement proactive, conformément aux injonctions du G7G8 et du G20, les États ayant décidé au plus haut niveau de faire en sorte que le volume des transactions, touché par la baisse de la demande, ne soit pas de surcroît amputé pour des raisons financières. Nous avons donc adopté en janvier 2009 une politique d'assurance-crédit volontairement contracyclique ; elle a porté ses fruits, puisque les garanties accordées en assurance-crédit ont augmenté de 35 % et le nombre des dossiers traités de plus de 40 %.
L'ouverture de l'assurance-prospection aux entreprises de taille intermédiaire a été particulièrement bénéfique et les chiffres ont décollé cette année. Nous avons mené en la matière une politique très active, en accompagnant les entreprises sur des marchés nouveaux, comme l'Irak ou le Kazakhstan – pays auquel le président de la République attache, avec raison, une grande importance. Nous avons aidé, grâce à l'assurance-crédit, des entreprises qui traversent une période difficile, comme Avtovaz, partenaire de Renault en Russie, mais aussi de très grandes entreprises du secteur de l'aéronautique – nous avons pu assurer par ce moyen le financement de 200 Airbus en 2009 –, de l'aérospatiale, de l'énergie, des transports et de l'armement.
À la fin du premier trimestre de 2009, notre attention avait été appelée sur les difficultés rencontrées par les entreprises pour obtenir la couverture du risque de non-paiement par leurs clients étrangers. Au début du mois d'octobre, nous avons obtenu l'accord de la Commission européenne pour prendre des mesures calquées sur les dispositifs domestiques CAP et CAP +, dans lesquels l'État apporte sa contre-garantie afin que les entreprises bénéficient d'un système de garantie de la part de leur assureur crédit. À la fin de l'année, plus de 2 300 dossiers avaient déjà été ouverts, pour un encours de plus de 140 millions d'euros. Les autres indications dont je dispose tendent à confirmer que cet outil est parfaitement adapté aux besoins.
En 2009, grâce notamment au Parlement, des mesures ont été prises afin d'améliorer la compétitivité et la taille des entreprises françaises. Le dispositif du commerce extérieur a été remis en ordre et de nouvelles entreprises ont été poussées vers les marchés internationaux.
En 2010, l'enjeu sera de profiter de la reprise pour améliorer nos résultats, en gagnant des parts de marché, notamment dans les pays émergents, où sera la croissance. Nous devrons tirer parti des mesures prises et de l'ensemble de notre politique économique pour renforcer l'innovation, en particulier dans le secteur « vert », et pour étendre notre rayon d'action au-delà de l'Europe.
Nous sommes tous d'accord sur le diagnostic : les résultats du commerce extérieur ne sont malheureusement pas dus à des causes conjoncturelles, mais bien à des causes structurelles. Ils sont notamment à la mesure de notre appareil de production : le terme de « PME » désigne en France des entreprises d'une taille en moyenne bien inférieure à celle des PME allemandes ou italiennes. Il convient donc, en effet, de les aider à grandir et à se restructurer afin qu'elles gagnent en puissance sur les marchés internationaux.
À ce propos, je regrette que vous n'ayez pas évoqué le rôle que les grands groupes devraient jouer en matière de soutien des PME à l'exportation. Jusqu'à une date récente, on disait qu'en Allemagne, les grands groupes occupaient la fonction de « porte-avions » ; en France, ils délocalisent ! Ces délocalisations ne sont pas nécessairement condamnables lorsqu'elles visent à remporter de nouveaux marchés ; il n'en va pas de même, en revanche, lorsqu'elles servent à renforcer la position de l'entreprise sur son marché d'origine et, à cet égard, la politique de Renault ne laisse pas de nous inquiéter.
Je ne dirai que du bien de la restructuration d'Ubifrance.
Le contraire serait étonnant !
De fait, je suis coauteur, avec Alain Cousin, du rapport adopté par la commission des affaires économiques durant la précédente législature, qui proposait cette réforme. Pour une fois, un rapport parlementaire a été suivi d'effet !
J'ai rencontré récemment les responsables de l'agence : tous les problèmes n'ont pas été réglés comme par un coup de baguette magique, mais le dispositif va gagner en cohérence.
Vous avez raison : le commerce extérieur est une affaire de compétitivité. Or, si la parité euro-dollar actuelle nous favorise pour l'achat de pétrole, elle a un effet négatif sur nos exportations. C'est d'ailleurs l'une des causes des difficultés du secteur agroalimentaire : sur le marché russe, la viande américaine est moins chère que la viande européenne. L'euro fort n'est donc pas qu'une source de satisfaction.
Le niveau de compétitivité dépend de plusieurs autres éléments, parmi lesquels les coûts salariaux et le temps de travail. Or de récentes statistiques montrent que, par rapport au reste de l'Europe, la France n'est pas à la traîne à ce dernier égard. Rapportée à l'heure de travail, la productivité de l'industrie française est même l'une des plus fortes. C'est dans un autre domaine, qui relève à la fois de la politique nationale et de la politique européenne, que les problèmes sont les plus criants.
La France et l'Europe possèdent en effet des entreprises grosses consommatrices d'énergie qui rejettent relativement peu de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, mais qui sont pénalisées par des prix de l'énergie sans commune mesure avec ceux pratiqués dans d'autres régions, comme la Chine, l'Afrique du Sud, l'Australie ou le Canada. Si les coûts des producteurs d'aluminium sont si bas au Canada, c'est parce que le gouvernement canadien ne fait pas d'angélisme et qu'il a quasiment donné pour quarante ans à Alcan des droits sur l'eau, alors que l'Europe considère que l'énergie est une valeur spéculative et qu'elle refuse de conclure des contrats pour plus de cinq ans. J'espère que la situation s'améliorera après le départ de Mme Kroes, mais ce point relève de notre responsabilité et de celle de l'Union européenne. Si l'on souhaite conserver certaines entreprises dans nos régions, il faut se demander pourquoi et comment on a installé Pechiney à Dunkerque – ce qui ne serait plus possible aujourd'hui. Quels moyens de compétitivité offrons-nous à nos entreprises quand des éléments constitutifs du prix de revient sont aussi onéreux ?
Par ailleurs, il convient d'articuler Copenhague et Doha, le développement durable et le commerce extérieur. Nous ne pourrons adopter des règles contraignantes en matière d'émission de gaz à effet de serre si nous acceptons des produits en provenance de pays qui ne respectent pas ces mêmes règles. Ce ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau – mais un coup qui aura détruit l'activité économique dans nos régions.
Enfin, vous avez raison de rappeler que nous avons déjà fait beaucoup d'efforts en matière agricole. Il faut le dire haut et fort : si les discussions du cycle de Doha sont bloquées, c'est à cause de l'attitude des États-Unis et d'autres grands pays. Nous n'avons aucune raison d'être en permanence dans la position de l'accusé. Dans cette négociation, l'Europe a largement payé sa part.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie, au nom du groupe UMP, pour la clarté de vos propos.
Pourquoi l'Allemagne semble-t-elle moins pénalisée que nous par le cours actuel de l'euro face au dollar ?
S'agissant du parrainage des PME ou des TPE par de grandes entreprises, des groupes comme Veolia possèdent des filiales dans le monde entier, avec des personnels connaissant parfaitement le terrain, qui pourraient être des points d'appui pour l'implantation de nouvelles entreprises.
Plus largement, quel rôle les banques jouent-elles dans l'accompagnement des entreprises, notamment des PME et des TPE ? Les ambassades, les postes d'expansion économique et les fonctionnaires chargés de cette tâche remplissent-ils bien leur mission ? Au cours de mes déplacements, il m'est arrivé d'en douter.
À quels pays pensez-vous ?
Je vous le préciserai.
Les grandes écoles et les universités sont-elles susceptibles de créer des sections formant de véritables « mercenaires » de l'exportation ?
La suppression de la taxe professionnelle sera certainement bénéfique, notamment pour le secteur automobile. Des simulations ont-elles été réalisées afin de calculer, par secteur d'activité, l'effet qu'elle aura sur les prix de revient, ainsi que les parts de marché susceptibles d'être gagnées ?
A-t-on analysé les besoins qui se font jour dans les pays émergents et identifié les entreprises susceptibles d'y répondre ?
Bref, comment tous ces outils vont-ils être utilisés au mieux ?
Madame la secrétaire d'État, votre secteur de compétence est tributaire de la situation de notre appareil de production ; en même temps, il est étroitement lié à l'évolution de notre économie. On pourrait ainsi très bien imaginer une réduction de nos importations, donc une balance extérieure améliorée, mais qui correspondrait à une situation économique encore plus dégradée. Le commerce extérieur n'est donc pas un bon baromètre de l'économie : il n'est qu'un élément d'appréciation parmi d'autres.
Vous avez évoqué le crédit d'impôt recherche (CIR). J'ai le souvenir d'une rencontre avec la direction d'Alcatel, qui en parlait comme d'un revenu, d'une recette de fonctionnement. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le budget de la recherche industrielle, je suis très critique à l'égard de ce dispositif. Toutefois, je ne demande qu'à être convaincu de son efficacité : disposez-vous d'éléments probants montrant que le CIR a favorisé le retour sur le territoire national de laboratoires de qualité ?
Les PME et les PMI ont émis de fortes récriminations à l'encontre du système bancaire, durant ces dernières semaines en particulier. Qu'en est-il ?
Il y a une trentaine d'années, nous avons créé au Havre une faculté des affaires internationales où, à côté de cours de civilisation, l'on enseignait le droit international et deux langues obligatoires, dont l'anglais. Cet établissement, qui existe toujours, a compté parmi ses étudiants des gens qui sont actuellement ministres dans leur pays. Continue-t-on à recevoir ainsi les futurs cadres étrangers ? J'ai le sentiment que l'on a abandonné ce qui constituait autrefois une force pour notre pays : la France savait accueillir des étudiants étrangers destinés à devenir, dans leur pays d'origine, des personnalités du monde économique ou politique – ce qui permettait de nouer de fructueux contacts.
Quelles seront, selon vous, les conséquences de la crise et des problèmes liés à l'environnement ? Je pense, notamment, au prix des carburants, qui risque de peser très lourdement sur celui des transports, et donc sur l'évolution de nos importations et exportations.
Le trafic « conteneurisé » s'est beaucoup rétracté ces derniers mois : de 10 à 20 % selon les ports. Certains considèrent qu'une fois la crise passée, il retrouvera un taux de croissance de 5 à 10 % par an. D'autres pensent au contraire qu'il nous faudra des années pour compenser les pertes actuelles. Quel est votre sentiment ?
Enfin, ne pensez-vous pas que la façon dont les groupes s'organisent au niveau international et répartissent leurs filiales à travers tous les pays de la planète a une influence importante sur l'évolution de notre balance commerciale ?
La semaine dernière, un article du Nouvel Observateur opposait la capacité d'expertise de notre pays, son potentiel de recherche et son aptitude à mener à bien de grands projets, à son inefficacité en matière d'exportation. L'analyse m'a semblé assez juste : les patrons de nos grands groupes, formés dans nos grandes écoles, fabriquent d'excellents produits, mais qui ne sont pas toujours adaptés à la demande des pays dans lesquels on exporte. En outre, comme j'ai pu le constater dans certains pays de l'Est, leurs représentants peuvent faire preuve d'arrogance vis-à-vis de leurs interlocuteurs, ce qui n'est pas le meilleur moyen de vendre. Surtout, alors que les Allemands pratiquent le « tir groupé », Siemens par exemple tirant profit de ses positions pour vendre aussi des voitures, les Français donnent plutôt l'impression de se nuire mutuellement. Ce défaut d'entente, la cacophonie que l'on observe dans le domaine du nucléaire ne donnent pas confiance aux opérateurs ou aux grands équipementiers étrangers, qui n'ont pas envie d'acheter français.
On a parlé, avec raison, de la taille critique des entreprises, s'agissant de nos PME-PMI. On a fait remarquer aussi que ces dernières ne bénéficiaient pas suffisamment de l'effet d'entraînement des grands groupes, à la différence de l'Allemagne, où ces entreprises sont en outre plus grandes et mieux à même d'innover, grâce notamment à l'action de l'Institut Fraunhofer. Chez nous, un seul pôle de compétitivité, Minalogic à Grenoble, a signé un Small Business Act avec Oseo et Schneider Electric : ces derniers ont conclu un pacte aux termes duquel tous les sous-traitants de Schneider Electric et toutes les PMI-PME adhérant au pôle bénéficient du réseau à l'export de ce grand groupe. Il serait intéressant de généraliser cette pratique vertueuse, dont Ubifrance pourrait s'inspirer. Certains groupes de la microélectronique, comme STMicroelectronics, recevant le soutien des pouvoirs publics et des collectivités territoriales pour leurs projets de recherche, pourquoi ne pas en faire une contrepartie à l'aide ainsi accordée ?
L'attitude de l'Union européenne à l'égard de la filière de la microélectronique pose également problème : non seulement elle ne considère pas ce secteur comme stratégiquement intéressant, mais il faut lui demander la permission pour aider un projet de développement, ce qui est une aberration. La DG Concurrence prime totalement sur la DG Industrie. Il n'y a pas de stratégie industrielle européenne. Or, pour ce qui est de la compétition internationale, l'Europe est le bon niveau. Nous manquons de volontarisme. Il ne s'agit pas d'être protectionniste, mais simplement d'exister vis-à-vis du reste du monde. En l'occurrence, la microélectronique contribue à l'innovation dans tous les secteurs industriels et représente 12 % de la recherche et développement d'un pays.
Enfin, la France très en retard dans l'apprentissage des langues, y compris dans les grandes écoles d'ingénieurs. Or ne pas pratiquer une langue signifie ne pas s'intéresser à la culture d'un pays et ne peut que conduire à de mauvais résultats dans le commerce extérieur.
Les échanges extérieurs de la France ont accumulé au cours des douze derniers mois un déficit de plus de 41 milliards d'euros, alors que l'Allemagne affiche un excédent de 122,9 milliards. Est-ce l'effet d'une mauvaise spécialisation sectorielle et géographique et, si oui, que faire pour réorienter nos efforts ?
Pour la seule branche automobile, ce déficit atteint 6,7 milliards d'euros sur les onze premiers mois de 2009. C'est la conséquence de la prime à la casse et du système de bonus-malus, qui favorisent les petites voitures, en majorité fabriquées à l'étranger – ainsi PSA et Renault, en 2009, ont fabriqué 833 000 véhicules à l'étranger contre 364 000 en France. On peut donc légitimement s'interroger quant à l'efficacité de ces mesures pour l'emploi en France, et sur les retombées économiques réelles de dispositifs qui grèvent lourdement les finances de l'État. A-t-on les moyens de modifier l'aide accordée à ces grands groupes et aux particuliers ?
Les réflexions de M. Paul m'amènent à aborder deux questions, peut-être un peu marginales, mais qui me semblent avoir tout de même leur importance.
Nous avons l'un des plus grands réseaux de lycées à l'étranger. Après le bac, nous recevons pourtant peu d'étudiants étrangers sortant de ces lycées français. Alors que les États-Unis viennent parfois chercher ces jeunes, en leur proposant des « packs » complets, pour les attirer dans leurs universités, nos établissements d'enseignement supérieur ont une politique extrêmement restrictive, à leur égard comme à celui des chercheurs : il leur est très difficile d'obtenir des papiers, de s'installer, de faire venir éventuellement leur conjoint.
Cette année, à Poitiers, lors de la rentrée, l'université avait invité six présidents d'universités étrangères, qui tous y avaient étudié. Il y a là le moyen de tisser des liens forts et de créer, puis de développer des réseaux. Or une circulaire, envoyée dans les préfectures, permet aux secrétaires généraux de vérifier la rapidité avec laquelle les étudiants étrangers mènent leurs études : en cas de redoublement, ce qui n'est pas inhabituel mais n'empêche pas ces étudiants d'être brillants par la suite, ils sont renvoyés chez eux !
Ces difficultés et ce mauvais accueil rendent nos universités peu attractives et peuvent nous pénaliser dans nos efforts pour nouer des relations commerciales, ou tisser des réseaux entre entreprises ou entre chercheurs.
Monsieur Gaubert, 85 % des exportateurs français sont des PME, qui ne réalisent cependant que 15 % du chiffre d'affaires à l'exportation. Le nombre des PME qui exportent continue à diminuer, mais le chiffre moyen à l'exportation de ces entreprises augmente un petit peu. On peut s'en féliciter : n'avoir, pour exporter, que de petites entreprises qui se limitent à une opération ne serait pas très bénéfique.
Tout comme M. Trassy-Paillogues, vous avez soulevé le problème de la parité euro-dollar. Bien sûr, la situation est variable selon les secteurs – les entreprises qui « produisent en euros » mais doivent vendre en dollars, comme celles de l'aéronautique, sont évidemment plus pénalisées que celles qui ne sont pas dans ce cas. Mais le Président de la République a été très clair à ce sujet : l'action sur ce thème est à mener au niveau international, notamment dans le cadre du G20, que nous présiderons en 2011.
Il convient d'abord de comprendre pourquoi le taux de change actuel – autour de 1,40 dollar pour un euro – semble convenir aux Allemands. Sans doute sont-ils moins concernés par ce problème de fabrication en euros et de vente en dollars et leurs entreprises ont-elles une meilleure capacité à résister aux phénomènes de compétitivité par les coûts. Par rapport à eux, depuis le début des années 2000, nous avons été pénalisés à cet égard, pour un certain nombre de raisons sur lesquelles il n'y a pas à polémiquer. En revanche, la différence de compétitivité sur les prix a été moins forte, nos entreprises ayant mené une politique de prix « agressive ». Mais cela se traduit par une réduction de leurs marges et par une plus grande difficulté que les Allemands à grandir et à investir dans la recherche-développement, au détriment des exportations…
Vous avez aussi évoqué, ainsi que Mme Fioraso et M. Trassy-Paillogues, la question du portage à l'international. L'idée est de faire bénéficier nos petites entreprises de la puissance des grandes. J'ai relancé, sous la présidence d'Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, et sous l'impulsion du comité Richelieu, le « Pacte PME international », le PPI. Les résultats sont restés minces en 2009, mais les moyens ont été renforcés pour 2010.
Je crois beaucoup à une application particulière de ce pacte dans les pôles de compétitivité. Dans les prochains jours, je mobiliserai ceux-ci en ce sens. Ils sont en effet à la confluence des efforts d'innovation et d'exportation, et des relations entre grandes et petites entreprises. Tout ce que l'on peut faire pour que les PME bénéficient d'une sorte d'écosystème est bienvenu. La notion de Small Business Act interne aux pôles de compétitivité m'a d'ailleurs semblé tout à fait intéressante à cet égard.
Certains secteurs comme l'aéronautique et le nucléaire sont relativement organisés. Les entreprises de Bourgogne ou de Normandie, quand je les emmène en Afrique du Sud, en Chine ou en Inde, travaillent avec les grands donneurs d'ordre. En Chine, l'aéronautique française travaille de plus en plus pour les constructeurs d'avions de ce pays.
Pour les banques, il y a eu deux périodes en 2009 : avant et après la médiation du crédit. Ce mécanisme éminemment facilitateur les a en effet amenées à davantage de raison dans l'approche des dossiers. Mais il n'est pas impossible que les PME aient maintenant un besoin en trésorerie particulièrement important, ce qui risque de se traduire par un dialogue un peu difficile avec les établissements financiers.
Sur les sujets spécifiquement internationaux, j'ai tenu à ce que la COFACE et OSEO démultiplient leur action en faisant distribuer leurs produits par les banques. Ainsi le « prêt pour l'exportation » d'OSEO est-il proposé aux entreprises en même temps que les produits « soutien aux fonds propres » ou « OSEO innovation » ; de la même façon, le développement considérable de l'assurance prospection de la COFACE est dû non seulement à l'amélioration du produit, mais aussi au fait qu'à ma demande, des conventions ont été passées avec pratiquement tous les établissements bancaires pour que le produit soit diffusé et proposé aux guichets.
Les postes économiques ont été supprimés depuis de nombreuses années déjà. Aujourd'hui, les missions économiques sont en charge de l'activité régalienne : analyse des marchés, amélioration des normes, tarifs douaniers, participation au travail multilatéral, préparation des grands contrats, etc. L'assistance aux entreprises est confiée à Ubifrance-missions économiques, dont le travail a été jugé relativement efficace – mais il est vrai qu'il avait été préparé par un très bon rapport parlementaire…
Je suis toujours très intéressée par les retours que l'on peut me faire. De mon côté, pour être allée dans soixante pays l'année dernière, j'ai noté une évolution de notre diplomatie dans le sens d'une meilleure défense des intérêts économiques de nos entreprises.
Je me préoccupe tout particulièrement de la façon dont nos universités et nos écoles travaillent pour former les jeunes, et c'est tout le sens de mon action en faveur des VIE. A l'inverse, je suis consciente de l'importance de l'accueil des stagiaires, dans le cadre des accords bilatéraux signés par notre pays. Selon une idée reçue, on n'accueillerait pas suffisamment d'étudiants étrangers, ou moins qu'on ne le faisait auparavant. Or, avec 250 000 étudiants étrangers accueillis en 2007, la France est quatrième derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Nous pouvons certes mieux faire, mais nous ne sommes pas les derniers de la classe ! Les étudiants étrangers représentent chez nous environ 11 % de l'ensemble des étudiants, soit à peu près la même proportion qu'en Allemagne, mais moins qu'au Royaume-Uni, qui a une tradition d'accueil remontant à la création du Commonwealth.
Cela dit, vous avez raison d'insister sur l'importance de ces échanges humains. Il faut d'ailleurs savoir que de plus en plus de négociations commerciales concernent les services, ce qui suppose d'accueillir, non plus seulement des étudiants ou des stagiaires, mais aussi des ingénieurs et d'autres personnes pour pouvoir développer dans les deux sens les activités.
Je me félicite que le ministre de l'éducation et la ministre de l'enseignement supérieur reprennent le dossier des langues, car il est important. C'est aussi un travail de longue haleine. A titre personnel, je déplore que trop de membres des délégations que j'emmène à l'étranger ne parlent pas anglais.
Comment articuler Copenhague et Doha ? Nous pourrions travailler avec les partis politiques et avec le Parlement européens. Par exemple, j'ai indiqué au président socialiste portugais de la commission INTA que notre priorité absolue était de lutter contre le dumping environnemental – qu'il appelle le dumping carbone. Le sujet est difficile, dans la mesure où assez peu de pays sont intéressés. Des négociations se nouent au plus haut niveau, comme celles qui ont déjà eu lieu entre Angela Merkel et le président Sarkozy. Mais il y a un travail politique à mener et l'on ne peut que s'encourager mutuellement à aller en ce sens, que ce soit au PSE ou au PPE.
À quel moment les Européens devront-ils s'engager à réduire leurs émissions de carbone, non plus seulement de 20 %, comme ils l'ont déjà fait, mais de 30 %, comme ils l'avaient envisagé ? Personnellement, je pense qu'il est urgent de ne pas se hâter. C'est un point de vue personnel et je reconnais que c'est au ministre d'État chargé de l'environnement et au Président de la République d'en décider. Mais il me semble qu'il faut veiller à ne pas aller plus vite que la musique en ces matières de compétitivité environnementale, si cela risque de nuire à la compétitivité « tout court ».
M. Trassy-Paillogues a souhaité des simulations relatives à la suppression de la taxe professionnelle. Christine Lagarde en a mis en ligne, s'agissant des collectivités locales. Elle envisage de faire de même pour les entreprises. Mais je vous livre une de ces simulations, qui m'a été fournie la semaine dernière, lorsque j'ai visité l'usine de chocolat Cémoi à Perpignan. L'année dernière, elle payait 475 000 euros de taxe professionnelle. Son président m'a spontanément précisé qu'il allait verser cette année 405 000 euros, ce qui, a-t-il ajouté, le placerait juste au niveau des Allemands qui sont ses principaux concurrents.
Vous avez parlé des pays émergents. La part de notre marché centrée sur l'Europe, qui était des deux tiers il y a quelques années, est maintenant plus proche de 60 %. Nous devons nous réorienter vers le Moyen Orient. L'Italie le fait très bien et nous devons faire attention qu'elle ne passe pas devant nous. Il nous faut aussi tirer profit de l'Union pour la Méditerranée pour continuer à commercer avec les pays du Maghreb, où nous détenons 20 % du marché.
Parmi les priorités d'Ubifrance, de la COFACE, de l'assurance-prospection, j'ai insisté l'année dernière sur le Brésil, cette année sur la Russie, la Chine et l'Inde. Dans quelques années, aurons-nous réussi, comme les Allemands et les Italiens, à accélérer notre mutation ? Cela demande plus d'efforts que de travailler en direction de l'Europe, surtout pour des PME.
Monsieur Paul, je ne dispose pas d'évaluation globale sur le crédit d'impôt recherche. Mais, parmi les entreprises que je rencontre dans les salons, il n'y en a pratiquement pas une qui n'ait utilisé le CIR pour augmenter ses ventes à l'international. OSEO a montré qu'une entreprise innovante a dix fois plus de chances d'exporter qu'une entreprise qui ne l'est pas. Toutes les entreprises innovantes ne font sans doute pas appel au CIR – encore que …–, mais ce crédit d'impôt constitue l'outil le plus puissant en faveur de la recherche qui existe dans tous les pays de l'OCDE, d'après celle-ci. Il contribue donc à l'attractivité de notre territoire : j'en veux pour preuve l'exemple de Solar, entreprise américaine spécialisée dans le photovoltaïque, qui vient de s'implanter à Bordeaux, sur le site d'où l'usine Ford avait dû malheureusement déménager. L'Agence pour les investissements internationaux, dans ses analyses et dans ses enquêtes d'opinion, constate elle aussi l'efficacité du dispositif.
Pour l'instant, monsieur Paul, on ne connaît pas l'impact des problèmes d'énergie ou des questions de traçabilité et de bilan carbone sur les flux internationaux. Il faut dire aussi que, même s'il a remonté un tout petit peu depuis septembre-octobre, le prix du fret maritime a énormément baissé avec la crise et qu'il ne représente plus rien du tout au regard du prix de la production, et surtout du prix de tout ce qui tourne autour de celle-ci : design, marketing, etc.
On verra l'année prochaine comment les consommateurs réagissent à l'étiquetage informatif sur le bilan carbone des produits. Que feront-ils lorsqu'ils auront à choisir entre un jean ordinaire et un jean étiqueté « vert » sur le fondement de son bilan carbone, de sa traçabilité, de ses facteurs de production, etc. ? Peut-être leur attitude évoluera-t-elle alors, mais, pour le moment, d'après les enquêtes dont on dispose, la nationalité et l'origine géographique d'un produit n'influent que très peu sur leurs motivations d'achat. Ces questions de bilan carbone sont d'ailleurs très compliquées. Comme l'explique l'OMC, le fait qu'un produit soit transporté sur une très longue distance ne signifie pas que ce bilan soit plus mauvais que celui d'un produit fabriqué sur place, compte tenu des moyens de production dont il faudrait se doter…
Cet impact n'est donc pas encore sensible, et ne le sera probablement pas de sitôt.
Monsieur Paul, la chute du commerce international mondial sera d'à peu près 12 ou 13 %, et l'évolution sera du même ordre pour notre pays. En valeur absolue, bon an mal an, nous exportions grosso modo pour 400 milliards. En 2009, nous pouvons tabler sur 350 à 360 milliards. Personnellement, je pense que nous allons mettre un peu plus de temps à récupérer que certains ne le pensent. Bien sûr, cela dépendra du rythme de la croissance, en particulier chez nos premiers partenaires que sont nos clients européens, mais c'est une raison de plus pour prendre position là où le commerce international est dynamique : dans les pays émergents ou sur des marchés sectoriels intéressants – par exemple tout ce qui est « vert ». En effet, les questions d'efficacité énergétique, d'énergies renouvelables, de gestion de l'eau, des déchets et des transports urbains occupent de plus en plus de place dans les préoccupations des milieux économiques et des opinions du monde entier – y compris en Chine.
Le commerce intra-groupes a joué un rôle considérable dans la mondialisation. C'est notamment grâce à lui que les chiffres du commerce mondial ont augmenté plus vite que la croissance mondiale. Aujourd'hui, on observe l'évolution inverse, à savoir que la dégradation du commerce international sera sans doute encore plus forte que celle du PIB.
Les groupes, notamment français, s'interrogent sur les meilleures stratégies à adopter, en matière de localisations, de coûts de production, de proximité des marchés, de plateformes industrielles, etc. Y aura-t-il des phénomènes de relocalisation ? On commence à en voir, mais de façon très limitée, dans des secteurs comme l'habillement ou la porcelaine. Cependant, comme les très grands marchés se trouvent hors d'Europe, la considération des facteurs de production comme le souci de s'installer près du client vont pousser dans ce sens. Ainsi, dans le secteur énergétique, Alstom, General Electric France et d'autres vont-ils s'installer en Chine, pour fournir ce pays ou même, à partir de là, l'ensemble de l'Asie du Sud-Est.
Le Gouvernement attend le rapport du Conseil d'analyse économique sur les investissements français à l'étranger, rapport dont j'ai suscité la commande l'an dernier. Nous sommes le deuxième investisseur mondial. Le chiffre d'affaires que réalisent nos entreprises hors de France était, avant la crise, en 2007-2008, le double du chiffre d'affaires « exporté ». Ce rapport devrait nous éclairer sur l'impact qu'ont ces stratégies sur nos territoires : retours financiers, retour d'expériences, amélioration de la productivité, etc.
Sur l'affaire des Émirats arabes unis, j'ai lu beaucoup de choses, mais j'ai trouvé dommage, madame Fioraso, que l'article du Nouvel Observateur que vous avez cité fasse d'un échec une généralité. Actuellement, s'agissant de l'EPR, les signatures de contrats et les commandes se succèdent : le Premier ministre était en Chine le 21 décembre ; le Président de la République se rendra dans les prochains mois en Inde, qui nous en a commandé deux, en attendant quatre autres probablement ; en Afrique du Sud, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Etats-Unis, le nucléaire « repart » fortement…
Certes, si les Français étaient les meilleurs commerçants du monde, cela se saurait. Mais nous sommes tout de même le quatrième ou le cinquième exportateur mondial, selon que l'on parle des biens ou des services, et j'ai plutôt envie de rendre hommage à ces entreprises qui osent aller si loin.
Notre commerce extérieur souffre-t-il d'une mauvaise spécialisation géographique ou sectorielle ?
Sur le plan géographique, j'ai déjà souligné la nécessité de nous tourner vers les pays émergents. Par ailleurs, la spécificité française nous assure une présence dans l'Union pour la Méditerranée et, dans une certaine mesure, en Afrique.
On sait que les Allemands produisent beaucoup de machines-outils et que les pays qui sont en train de s'industrialiser en achètent. Mais les Italiens renforcent aussi leurs positions en ce domaine. De toute façon, même si l'Allemagne est plus compétitive sur les machines-outils tandis que la France l'emporte dans le domaine agroalimentaire et pour les produits de luxe, je ne suis pas sûre que l'approche sectorielle soit la meilleure. Cela étant, j'ai été très satisfaite que, dans les décisions qu'il a prises à propos du grand emprunt, sur la base du rapport Juppé-Rocard, le Président de la République ait insisté sur plusieurs secteurs, dont certains que vous avez cités les uns et les autres.
Je crois avoir parlé du solde du secteur automobile. Mais je remarquerai encore que, si la prime à la casse française a soutenu la construction de véhicules en France, par des entreprises françaises, mais aussi par des entreprises étrangères – Toyota dans le Nord, par exemple –, la prime à la casse allemande a soutenu fortement la fabrication de petits véhicules, lesquels sont très souvent français même si certains sont fabriqués dans d'autres pays de l'Union européenne, voire en dehors de celle-ci. Enfin, le solde des équipementiers automobiles va s'améliorer un peu, davantage que celui des constructeurs, ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle.
Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour la pertinence de vos questions. Vous avez compris que nous sommes face à des questions de compétitivité générale – structurelle, comme l'a dit M. Gaubert. Dans bien des pays, ces questions commerciales sont suivies avec davantage d'attention que chez nous. Je vous remercie d'autant plus de l'intérêt que vous avez bien voulu manifester.
Merci beaucoup, madame la secrétaire d'État, du temps que vous nous avez consacré. Nous vous encourageons à poursuivre votre action, qui est importante pour notre économie.
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La commission a ensuite procédé à la nomination de rapporteurs.
● Création d'une mission de contrôle de l'application de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.
La commission a nommé Mme Laure de La Raudière rapporteur et M. Jean Grellier co-rapporteur.
● Nomination de rapporteur de la mission d'information sur les simplifications administratives dans le domaine agricole.
Mme Catherine Coutelle est nommée co-rapporteur pour l'opposition (M. Jean-Paul Anciaux a été nommé rapporteur le 16 décembre 2009.)
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 19 janvier 2010 à 17 h 15
Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Gabriel Biancheri, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Annick Le Loch, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Francis Saint-Léger, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Jacques Le Guen, M. Philippe Armand Martin, M. Patrick Ollier, M. Jean-Charles Taugourdeau